Chapitre 11: Le message
Le cylindre tournait de plus en plus vite sur lui-même et les images qu'il diffusait gagnèrent en netteté. Elles recouvrirent toutes les parois de la géode, plantant un décor extrêmement réaliste.
Tout autour d'eux, des champs à perte de vue, une herbe verte, bien grasse, parsemée de graminées et de fleurs. Au centre, juste au niveau du cylindre, un petit abri circulaire, construit uniquement de pierres empilées, des murs jusqu'au toit conique. Un savant assemblage qui conférait à cette cabane une sérénité d'un autre temps.
Les spectateurs étaient en attente. Briac et Nadine, encouragés par l'audace de Mélia, s'étaient rapprochés. Ils assistaient tous les trois à une séance hors norme.
Une brise semblait souffler puisque les hautes herbes frémissaient à intervalle régulier. Tout était calme et paisible. Un mouvement prit naissance sur la droite de Mélia, elle se retourna pour découvrir les silhouettes d'une dizaine d'hommes, de femmes et d'enfants. Leur image prenait de l'épaisseur et de la consistance au fur et à mesure qu'ils se rapprochaient du cylindre. D'autres silhouettes émergèrent tout autour de la géode.
- Ils sont vraiment là ? chuchota Nadine.
- Non, non, rassure-toi, lui répondit Mélia. Ce n'est qu'une projection holographique émise par le cylindre. Sois bien attentive, il doit y avoir une raison pour qu'il nous montre cela.
Les visages projetés s'affinèrent et s'illuminèrent davantage. Tous contemplaient la cabane de pierre avec bienveillance. Certains s'agenouillèrent autour, d'autres s'alignèrent en demi-cercle face à l'entrée.
Mélia retint son souffle. Quelque chose allait se passer ici ! Qu'attendaient-ils ? L'instant était à la fois merveilleux et affolant. Ressentant la tension ambiante, Briac s'approcha de la jeune Éther et lui prit la main en gardant son regard rivé sur la scène que leur offrait le cylindre. Le cœur de Mélia s'emballa davantage. Pourtant tout resta figé, rien ne se passa. Ils patientèrent ainsi de longues minutes, avides de découvrir la suite, mais le cylindre se contenta de leur accorder ces quelques instants d'images holographiques sans émettre le dénouement.
- Ils sont comme pétrifiés maintenant, constata Briac. Plus personne ne bouge. C'est tout ? Je pensais qu'on allait avoir une information pour la Faille ou alors pour notre Oritis.
Il était visiblement très déçu, mais n'avait pas lâché la main de Mélia. La jeune fille, toujours troublée, essayait néanmoins de comprendre ce qu'ils avaient loupé.
- On a posé le cylindre sur son socle, il s'est automatiquement mis en route, commenta-t-elle à voix haute. Il fonctionnait bien, puisqu'on a reçu les images. C'est vrai qu'il n'y avait pas de son. Il manque peut-être quelque chose. Pour les autres cylindres, on a dû servir d'antenne, mais il y avait tout un mécanisme qui s'était activé dès son enclenchement. Ce n'est pas le cas pour celui-là. On peut quand même essayer de se déplacer pour voir si cela le remet en marche.
- D'accord ! obtempéra immédiatement Nadine, enivrée par ce qu'ils étaient en train de de vivre. Esteban, viens vers maman, on va tourner autour de cet objet de pierre.
Une nouvelle fois le petit l'ignora totalement. Depuis le début, il se tenait à côté de la dalle de granite qui servait de socle au cylindre, et ne paraissait pas disposé à bouger. Pourtant, Nadine voulait reprendre son rôle de mère. Elle désirait que son enfant, même s'il n'était qu'une projection mentale, lui obéisse et ait besoin d'elle. Elle rejoignit alors le petit garçon en traversant les silhouettes immobiles devant elle. Cela sembla la troubler, comme un manque de respect à ses aïeux. Étaient-ils les ancêtres des Ostendes, tous ces gens figés dans le temps ?
- Viens là, mon chéri, reste près de moi. On va écouter ta cousine Mélia. Elle veut que l'on se déplace dans la salle.
Nadine attrapa la main de son fils qui refusa de bouger. Il avoir l'air englué dans le sol, car la jeune femme ne parvint même pas à le soulever pour le porter dans ses bras.
- Mais pourquoi, me fais-tu ça, sanglota-t-elle. C'est maman, tu ne veux pas venir avec maman ?
Briac et Mélia s'étaient rapprochés de Nadine et d'Esteban pour aider la jeune femme dépassée par ses émotions. Mélia s'aperçut alors que le cylindre lévitait maintenant à quelques millimètres de son socle.
- Regardez quand on est tous les trois à côté de sa base, il réagit !
Esteban posa alors son index sur une fine rainure gravée dans le granite et défia du regard ses trois compagnons d'aventure.
Mélia avait beau savoir que le petit garçon n'était qu'une illusion, un prolongement de sa tante, elle trouvait son attitude troublante et dérangeante.
- Je crois qu'il nous montre la voie, commenta-t-elle inutilement, car les deux autres avaient déjà imité l'enfant.
Quand elle apposa à son tour son doigt sur un des sillons de la pierre, le cylindre émit un vrombissement comparable au réveil d'un petit moteur et la scène reprit vie devant eux.
Cette fois, l'image était accompagnée d'une bande sonore : quelques murmures insaisissables de la foule en attente, le gazouillis d'un cours d'eau proche et le souffle léger du vent. Ils étaient de plus en plus nombreux à patienter, massés en un groupe compact, sereins et attentifs. Mélia et ses compagnons positionnés autour du cylindre se trouvaient au pied de la cabane de pierres sèches, juste face à cette foule.
- C'est gênant, fit remarquer Briac. On dirait qu'ils attendent que l'on parle. Ils nous regardent tous.
De ce fait, le garçon mal à l'aise essayait quelques contorsions vaines pour se camoufler derrière Nadine tout en gardant son index sur le sillon de granite.
- Ne t'en fais pas, s'amusa Mélia. Ils ne te voient pas. Ce sont seulement des hologrammes. Ils appartiennent au passé.
- Quand même, ils font sacrément vrais ! C'est impressionnant.
Et Nadine acquiesça d'un hochement de tête, elle ne semblait pas plus rassurée que le jeune Péragore. Une clameur monta quand une silhouette sortit de l'abri de roche avec légèreté. Les spectateurs s'agitèrent et les visages s'illuminèrent.
- Il est là ! entendit distinctement Mélia.
C'était une fillette aux belles joues rebondies qui avait été la première à réagir. Maintenant d'autres exclamations fusaient.
- Je le vois aussi, claironna un homme au premier rang, aussitôt relayé par ses voisins.
- Ah ! Il n'a pas changé, depuis la dernière fois. Il a toujours la même grâce ! s'extasia une femme d'une cinquantaine d'années en pressant ses deux mains l'une contre l'autre.
Briac, Mélia et Nadine s'étiraient le cou pour prendre un peu de distance et essayer de contempler l'individu que tous admiraient. Il portait une longue tunique blanche ciselée d'une pièce dans un tissu épais, resserrée à la taille par une large ceinture de soie rouge et or. Son visage, en partie camouflé par une capuche au liseré carmin, était grave, mais avenant. Il devait avoir une quarantaine d'années, pourtant son regard profond traduisait une sagesse et une grande connaissance de la vie et des hommes.
Il avança de quelques pas encore pour bien se positionner face à ses disciples si bien qu'il se trouvait maintenant aux côtés de Mélia. Il joignit ses mains, les frotta pensivement en contemplant la foule. Un sourire s'esquissa sur son visage aux traits marqués.
- Oh ! C'est Alexander ! chuchota Mélia, gênée par la proximité de l'hologramme.
- Qui ? demanda Briac alors que Nadine l'interrogeait elle aussi du regard sans oser parler.
- Alexander, c'est un Sciens. C'est-à-dire un érudit qui gardait en mémoire toutes les connaissances de toutes les générations, si j'ai bien compris. Je l'ai déjà rencontré lors de voyages spatio-temporels et il est apparu à chaque fois qu'un cylindre a été ouvert. Mais je ne l'avais pas reconnu tout de suite, il est bien plus jeune là !
- Comment ça, plus jeune ?
- Et bien, les autres fois, c'était un vieillard avec une barbe blanche. Là, il n'a même pas de barbe et ses cheveux n'ont pas un poil de blanc. Je dirais qu'il a bien trente, non quarante ans de moins que lors de ses précédentes apparitions.
- Chut ! Il parle, la houspilla Nadine qui tenait toujours Esteban serré contre elle.
En effet, la voix chaude et pénétrante d'Alexander s'éleva, accueillie par un silence fervent.
- Mes amis Ostendes, je suis heureux de partager quelques instants avec vous. Je circule entre les sphères, comme vous le savez, pour transmettre les messages que le cœur de l'Ethérie émet. Mes frères Sciens et moi-même avons perçu des changements lors de ces derniers cycles.
Aucun spectateur ne se permit un commentaire, mais tous avaient l'expression grave. Ils buvaient les paroles d'Alexander. Celui-ci marqua une courte pause pour observer tendrement les visages qui l'entouraient. Il passa une main pensive de sa bouche à son menton avant de poursuivre.
- L'énergie Mère mute. Oui, vous avez bien entendu. Des transformations s'opèrent qui nous atteignent tous puisque nos Ingénis se nourrissent de cette essence. Nous n'avons pas encore compris la signification de ce changement. Mais chaque Sciens en a été avisé et nous y travaillons. Je vous demande donc d'être vigilant dans votre pratique des énergies. Cette modification peut être profitable à notre évolution, mais nous devons nous en assurer.
Alexander marqua une nouvelle pause et sourit largement. Il leva ses mains vers son auditoire.
- Il se pourrait bien qu'un quatrième cycle des transformations prenne naissance en ce moment même au cœur de l'Ethérie. Nous serons peut-être les bienheureux bénéficiaires de cette nouvelle mutation.
Cette fois, la foule timide laissa place à un public exalté. Des cris de joie éclatèrent, tous les visages rayonnaient et les Ingénis vrombirent à l'unisson. Celui de Mélia se mit lui aussi au diapason et libéra un jet de lumière argentée qui se mêla à la liesse générale. La jeune fille communiait avec les mémoires passées comme si elle était une part de chacune de ces âmes défuntes. Briac et Nadine, interloqués, assistaient à un spectacle bien étrange. L'instant dura. Une mélopée douce ronronna dans chaque gorge, chaque poitrine. De cette vibration commune émanèrent des ondes d'une telle sérénité que même Briac et Nadine se sentirent happés par l'atmosphère.
Lorsque la foule eut épuisé les réserves des Ingénis, le son cessa progressivement et chacun émergea de son long recueillement. Alexander salua les Ostendes d'un geste de main et se retira dans son abri. Mélia perçut un chuintement suivi du « plop » caractéristique du bouchon de champagne qui saute.
- Il est parti, traduisit-elle à ses compagnons. Cette cabane de pierres doit cacher un nœud tellurique, c'est une ouverture sur l'Ethérie.
- Je n'ai rien compris de ce qui s'est passé, s'inquiéta Nadine tandis que les silhouettes holographiques s'effaçaient lentement. Mais je le trouve génial cet Alexander. Il est bel homme et il a un charisme incroyable !
- Oh ! là ! Tantine ! se moqua Mélia. Alexander a plusieurs millénaires. Il est devenu un vieillard grisonnant avant de disparaître de la Terre. Mais je suis d'accord avec toi, il était impressionnant, c'était sans doute un personnage très important. Il était bien écouté, presque vénéré.
- Mais toi, Mélia, tu as compris le sens de son message ? demanda Briac. C'est quoi cette histoire de quatrième cycle des transformations ?
La jeune fille parut gênée par la question. Elle regarda tour à tour sa tante et l'ancien Péragore avant de se décider à répondre.
- Je ne sais pas si je suis censé vous en parler, car finalement vous n'avez pas encore vraiment passé votre Oritis... Mais d'un autre côté, je ne comprends pas pourquoi, c'est un tabou, alors...
- Vas-y, dis-nous ! l'encouragea Nadine.
- Et bien, en fait vous êtes au courant qu'après avoir vécu l'Oritis, vous pouvez être admis en Ethérie pour suivre une formation avec un Maître Arcan. Il y a trois cycles et non quatre comme avait l'air de l'espérer Alexander. Chaque cycle dure 3 ans et au bout de ces trois années, quelque chose dans votre corps se transforme, annonça Mélia, gênée tout de même de révéler si facilement un secret que Téodor avait si férocement gardé.
- Quoi ? s'étouffa à moitié Briac. Qu'est-ce que c'est qui se transforme ?
Il scrutait Mélia, cherchant l'anomalie qu'elle dissimulait. Il savait qu'elle venait de finir son premier cycle en Ethérie. L'attitude de l'ancien Péragore fit glousser la jeune fille, elle se rappela aussi qu'elle avait eu une réaction similaire quelques années auparavant.
- Ne panique pas, Briac ! se moqua-t-elle. Je n'ai pas de queue de souris ou d'oreille d'elfe. Quoique ce sont peut-être les transformations des cycles suivants. Non, les changements apparaissent uniquement en Ethérie et servent à communier davantage avec les énergies. Je n'en dirais pas plus de peur de voir surgir Téodor Lux ici pour me foudroyer d'avoir trop parlé.
- J'aimerais bien qu'il vienne nous sortir de ce trou, moi ! nota Nadine.
Ces paroles eurent tôt fait de ramener Mélia et Briac à la réalité de leur situation. Le cylindre tournoyait encore sur son socle, mais il n'émettait plus d'images et la géode de pierre paraissait soudain bien vide.
- Qu'est-ce que l'on fait maintenant ? demanda Tantine.
Elle serrait contre elle Esteban, toujours passif. Mélia haussa les épaules. Elle n'avait aucune idée pour leur permettre de quitter les lieux, pourtant elle restait confiante. Tout s'était enchainé avec logique jusqu'à présent. Esteban les avait guidés. Il suffisait d'attendre un signe du petit garçon. Mais celui-ci ne bougeait pas.
- Alors ? insista Nadine. Comment on sort ?
Personne ne lui répondit, mais le cylindre qui tournoyait en silence se mit à vrombir et à accélérer son mouvement circulaire. Les petites topazes incrustées chacune dans ses bases, clignotaient une alarme bleutée.
- Oh ! Là ! qu'est-ce qui se passe ? s'inquiéta Briac en s'éloignant de l'artéfact. On dirait qu'il va exploser. Planquez-vous !
Et il se jeta à terre, les mains protégeant sa tête. Mélia resta figée de stupeur et Nadine agrippa Esteban pour le forcer à gagner un l'abri. Mais une fois encore, le petit garçon demeura ancré dans le sol.
- Laisse-le, laisse-le ! finit par crier Mélia. Pousse-toi de là ! Ce truc devient fou !
En effet le vrombissement du cylindre était monté dans les octaves diffusant un son ultra aigu à percer les tympans et sa rotation atteignait une allure incroyable. Impossible maintenant d'en discerner la couleur, le gris anthracite se fondait avec les taches bleutées miroitantes, tout était rayonnement.
- Nadine ! s'époumona la jeune Éther quand l'artéfact prit de la hauteur. Nadine, éloigne-toi !
Mais la tante de Mélia s'acharnait sur son fils qu'elle voulait protéger. Elle vit le cylindre s'éloigner de plus en plus de son socle et encore accélérer sa vitesse de rotation, puis il fusa vers elle. Elle hurla et couvrit la figure de ses mains.
Le choc fut violent, l'objet de pierre frappa la paume droite de Nadine et tournoya en forant la chair comme une perceuse. Le visage de Nadine se décomposa sous la douleur, elle cria jusqu'à l'extinction de voix, les yeux exorbités.
Mélia voulait secourir sa tante, mais l'artéfact générait une sorte de champ de force qui la repoussait.
- Briac, hurla-t-elle ! Fais quelque chose ! Il va transpercer sa main ! Aide-la !
Le jeune homme n'avait pas attendu les suppliques de la Clairvoyante pour agir. Il luttait contre les rouleaux d'air expulsés par le cylindre pour essayer de l'atteindre et il parvenait petit à petit à s'en rapprocher. Il n'avait aucune idée de la manière dont il allait s'y prendre pour aider Nadine. L'objet tournoyait tellement vite qu'il paraissait impossible de l'arrêter. Pourtant quand, il fut à portée de main, il vit Esteban sourire et hocher la tête. Alors il tenta l'impensable et saisit la base de l'artéfact. Celui-ci ne cessa pas son mouvement et entama aussitôt la main de Briac.
Le jeune homme, confiant une seconde auparavant, perdit toutes ses couleurs tant la morsure du cylindre dans sa chair était vive. Le spectacle qui s'offrait aux yeux de Mélia était hallucinant. Sa tante et Briac, chacun d'un côté du cylindre, une paume percée et sanguinolente, luttaient pour se dégager. Au centre, un petit garçon observait la scène, tout sourire.
La jeune Éther se força à garder son calme et glissa rapidement dans un état de semi-transe afin d'utiliser les énergies environnantes pour venir en aide à ses compagnons. Mais que pouvait-elle faire ? C'est quand elle vit Esteban s'élever, luminescent, au-dessus du cylindre qu'elle comprit. Nadine et Briac étaient en train de vivre leur Oritis comme l'avait fait Thys quand il avait touché l'énorme cristal de quartz. Elle devait leur transmettre le dernier élément dont ils avaient besoin pour achever le rituel et léviter.
L'eau ! Instinctivement, elle effleura les parois de la géode. Elle fit appel aux molécules contenues dans les petites gouttes qui tapissaient la totalité des murs. Elle obtint un filet liquide qu'elle dirigea sur le cylindre. L'effet fut immédiat, l'artéfact cessa tout mouvement et libéra un rayonnement puissant qui électrisa Nadine et Briac. Leur corps s'illumina de l'intérieur, un sourire extatique éveilla leur visage et ils s'élevèrent lentement à quelques centimètres du sol. Ils prenaient de plus en plus de hauteur et irradiaient une clarté bleutée vigoureuse qui empêchait Mélia de les fixer. Ils atteignirent le dôme de la géode dans un état de béatitude extrême, tous leurs sens nageaient dans le bonheur. Esteban les rejoignit. L'enfant ressemblait à un angelot luminescent, il leur tendit à chacun une petite main potelée pleine d'amour. Briac et Nadine la saisirent et le charme se rompit instantanément.
Esteban éclata en brins de lumières tandis que les deux autres chutèrent. L'atterrissage fut moins douloureux que l'arrêt de l'état extatique. Le retour à la réalité leur parut bien rude, ils ressentaient le froid, la souffrance et la faim aussi. Toutes les parties de leur corps criaient leur manque. Nadine rechercha aussitôt Esteban.
- Où est-il ? Ne me dites pas qu'il est parti ! Mon tout petit.
Des particules lumineuses voltaient au-dessus d'elle et se déposèrent délicatement sur son corps. Nadine frissonna, la sensation était douce et triste à la fois. Son enfant lui échappait pour la deuxième fois.
- Il est là, répondit Mélia tendrement en désignant les poussières de lumière. Il revient en toi. Accepte le Tantine. Esteban reprend sa place.
Nadine hocha la tête et laissa ses larmes couler en silence. Tout son corps scintillait maintenant de paillettes éclatantes, certaines se posèrent aussi sur Briac qui frémit et lança un regard interrogateur à Mélia. Quelques secondes plus tard, les restes d'Estéban s'éteignirent, leur essence avait regagné la mémoire de Tantine.
Les trois amis demeurèrent muets, le temps de digérer la force des événements qui avaient précédé. Puis simultanément, Briac et Nadine observèrent leur main mutilée
- Qu'est-ce que c'est que ça ! s'exclama Briac, paniqué.
Il essayait déjà d'enlever le corps étranger de sa main, malgré la douleur qui irradiait dans tout son bras.
- Arrête ! Ne fais surtout pas ça ! lui expliqua Mélia. C'est ton Ingéni. Cette pierre était incrustée dans une des bases du cylindre, maintenant elle est à toi ! Ça y est, vous avez passé votre Oritis !
Nadine contemplait la topaze au creux de sa paume. À travers ses larmes, un sourire se dessinait. Elle qui avait attendu tellement longtemps son Oritis, elle venait de le vivre de la plus étrange des manières qui soit.
Toute cette histoire avait fait remonter ses plus douloureux, mais aussi plus beaux souvenirs. Elle ne regrettait pas les moments passés avec son petit garçon de lumière et maintenant, elle sentait qu'il avait regagné sa mémoire. Elle était de nouveau complète.
- Je n'imagine même pas la tête de Téodor quand on va apparaître tous les trois par l'ouverture de l'Oritis, dit Mélia avec un sourire ravi.
- Et bien, on va vite voir sa réaction. Regardez, ceci ressemble à un passage, non ? demanda Briac.
Il désignait un mur de la géode, sombre quelques minutes plus tôt, qui vibrait à présent. La vision se déformait dans une zone d'un mètre carré et les contours prenaient des courbes différentes. La luminosité, bien que faible, renvoyait en écho des éclats de couleurs frétillants.
Le jeune homme agrippa cette improbable tenture temporelle et se faufila dans l'ouverture, suivi par Nadine et Mélia.
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