Chapitre17 au cœur de l'Ethérie
Des pompons duveteux s'enroulaient dans une écharpe de laine effilochée tandis que des bandes rosées traçaient un chemin vallonné au milieu d'une prairie cotonneuse. La première envie était de sauter dans cet ensemble doux et moelleux puis de se rouler dans la mousse épaisse, en croquant de-ci de-là un filet de barbe à papa fraise qui se détachait du reste avec légèreté. Difficile d'imaginer que ces nuages à peine réveillés par un soleil rosissant n'avaient pas la consistance duveteuse de leur apparence. Difficile de se croire à 12 000 mètres d'altitude, dans un engin qui défie les lois de l'apesanteur.
Mélia avait le nez collé au hublot depuis le début du voyage. Émerveillée par son premier vol, elle ne se lassait pas de la contemplation du plancher nuageux. Elle n'aurait jamais imaginé pouvoir faire un voyage aussi fabuleux. Habituée depuis toute petite à voyager grâce aux livres sans quitter sa chambre de malade, elle avait, depuis peu, pu se réjouir de quelques escapades dans la ville voisine ou au cœur de l'Ethérie.
Là, elle était en partance pour la Bolivie, elle traversait un océan, elle changeait de continent. Événement complètement inimaginable quelques mois plus tôt. Rinata lui tapota gentiment sur l'épaule :
— Ma colombe en praline, veux-tu boire quelque chose ?
Une charmante hôtesse poussait dans l'allée son gros chariot métallique encombré de canettes et souriait à Mélia.
— Juste un peu d'eau, s'il vous plaît !
— Si ten, buen viaje chica !
L'hôtesse était un avant-goût du peuple bolivien que Mélia était pressée de rencontrer : pommettes saillantes, sourire franc, yeux bruns en amandes, teint cuivré.
Rinata choisit un jus de tomate qu'elle dégusta par petites lampées, les yeux mi-clos. Son chignon n'avait pas survécu à quelques heures d'assoupissement en position assise et un grand nombre de mèches mi-blondes, mi-grisonnantes s'échappaient follement des liens desserrés. Elle avait le même air rêveur et euphorique que Mélia arborait depuis le début du voyage. Ses yeux verts bordés d'or couvaient sa petite fille d'un amour plein d'espérance. Si seulement Mélia pouvait la conduire au cylindre des Ethers Originels !
La jeune fille était déjà repartie dans sa contemplation du duvet de nuages. Elle aurait tellement aimé partager ses émotions avec son frère. Mais il n'avait pas pu faire partie du voyage. Elle revoyait sa mine défaite lorsqu'il les avait accompagnées à l'aéroport. La déception se lisait dans son regard, mais se décelait aussi à l'arrondi de ses épaules et aux traits durs de son visage. Elle avait compris qu'il retenait des larmes de tristesse et plus certainement de rage.
Lorsque Rinata était revenue au Jécorum, trois jours plus tôt, en brandissant des billets d'avion, Mélia et Thys étaient tous les deux dans l'alcôve de la jeune fille. Ils profitaient d'une pause pour écrire quelques remarques sur leur carnet de sensations. Thys avait tout de suite compris qu'il ne ferait pas partie du voyage quand il avait vu les deux seuls billets que tenait sa grand-mère. D'ailleurs, Rinata l'avait pris immédiatement dans ses bras.
— Mon grand, ne sois pas déçu ! Tu as besoin d'apprendre avec Téodor ! On te racontera tout en rentrant !
— Mais, Mélia aussi a besoin d'apprendre, pourtant elle part, elle !
— Ce n'est pas négociable ! Maintenant, laisse-nous quelques instants, s'il te plaît, j'ai besoin d'organiser le séjour avec ta sœur.
Thys était parti sans un mot. Mélia avait ressenti une grosse boule grossir au fond de sa gorge et ses yeux piquaient. Elle aurait aimé courir après son frère pour le réconforter ou supplier sa grand-mère d'emmener Thys ! Mais bizarrement, elle s'était contentée de hausser un sourcil et de soupirer puis elle avait écouté le programme du séjour que Rinata lui détaillait avec délice. D'abord, elles atterriraient à La Paz, la capitale et y passeraient deux jours pour acheter du matériel, s'accommoder au pays et régler les derniers détails. Puis elles partiraient en quête du cylindre dans le site de Tiahuanaco qui n'était qu'à une heure de route de la capitale. Rinata avait même promis à Mélia que si elles trouvaient les écrits des Ethers Originels avant la fin de la semaine, elle l'emmènerait sur les bords du lac Titicaca.
Tout euphorique, la jeune fille n'avait pas deviné la jalousie des autres Prudens quand elle avait réintégré le groupe en fin de matinée. C'est tout juste si elle n'avait pas remballé Thys à cause son air bougon de chien battu. Le garçon ne lui avait plus adressé la parole du reste de la journée. Pourtant, le soir tous deux auraient bien eu besoin d'échanger leurs émotions quand Téodor avait convié l'ensemble des occupants du Jécorum à se rendre dans la salle hydrophile. L'ambiance y avait été aussi solennelle que la première fois.
Le Maître Arcan s'était dressé sur son piédestal de granite noir pour s'imprégner des lieux en attendant que les retardataires aient pris place. Très vite, ses mèches blanches, gavées des ondes énergétiques du lieu, avaient pris vie et ondulé librement au-dessus de sa chevelure sombre. L'eau coulait joyeuse le long des parois d'aventurine. L'intensité verte du mur irradiait sa force pure. Chaque participant avait semblé se recueillir dès le palier de la salle franchi. Anthony et Sylvie Ano étaient arrivés les derniers. Ils avaient effleuré le front de leurs enfants d'un baiser préoccupé. Puis ils s'étaient assis à leurs côtés sur leur siège de bois. La luminosité naturelle s'était tamisée et un ronronnement était sorti de toutes les gorges.
Comme la première fois, Thys et Mélia avaient mêlé sans honte leur voix à la mélopée montante. Le rythme lent et profond avait galvanisé les esprits et soulagé les cœurs. Chaque âme avait conscience de faire partie d'un tout et puisait dans la force commune une volupté infinie. Petit à petit, ce chant d'un autre monde s'était éteint pour laisser place à un silence constructeur qui s'était éternisé pour le bonheur de tous les Ostendes présents. Téodor était resté immobile, mais ses petits yeux veillaient. Par des mouvements lents, il avait salué le cercle des Maîtres Arcans sortis ensemble de leur torpeur hypnotique. Alors le visage de Téodor Lux s'était reflété sur tous les rideaux d'eau qui ceignaient la salle.
— Mes amis, une nouvelle fois, toutes les lignées des Ostendes sont réunies pour une circonstance exceptionnelle.
Mélia avait pensé aussitôt que l'on allait parler de sa vision et de son voyage en Bolivie. Une bouffée de fierté l'avait submergée faisant rougir ses joues instantanément. Elle s'était préparée mentalement au discours qu'elle livrerait à ses compagnons. Mais elle avait vite déchanté quand elle avait perçu le ton alarmant du Maître.
— L'heure est grave, la Terre vit des événements dramatiques. Les catastrophes naturelles se succèdent à un rythme inquiétant. La semaine dernière, un nouvel ouragan a dévasté la côte Est des États-Unis : bilan 6 morts et des milliers d'habitations sinistrées. Peu de temps auparavant, c'était un séisme en Indonésie qui avait fait l'actualité : 532 morts et de nombreux dégâts matériels. Il y a trois jours, un typhon a secoué les Philippines en laissant derrière lui la désolation. Parallèlement à ces événements dramatiques, des actes de violence se multiplient : une nouvelle tuerie dans une école aux États-Unis, plusieurs attentats à Damas, des guerres incessantes dans de nombreux pays...
— Oui, l'homme devient fou, c'est un animal. Mais où veux-tu en venir ? avait lancé sans préambule, Jonas, l'oncle de Mélanie Donnador.
Interrompu dans son discours, Téodor avait instinctivement retroussé les babines et remué sa moustache. Il avait eu l'air ainsi de flairer une proie. Tous avaient pu observer son visage tendu, projeté sur les parois d'eau. La netteté de ses yeux inquisiteurs avait foudroyé l'inopportun. Pourtant, il avait répondu calmement en esquissant même un sourire.
— J'y viens, Jonas, j'y viens ! Il semblerait que le dérèglement qui touche notre planète atteigne aussi les hommes. En fait, certains scientifiques font le rapprochement entre les vibrations de la Terre et les battements des cœurs humains. Ainsi, si le rythme planétaire s'accélère et se détraque, c'est toute l'espèce humaine qui est en danger et notamment les Ostendes qui sont encore plus sensibles à tout changement de fréquence des ondes terrestres.
— D'accord, mais tout ceci n'est pas nouveau pour nous ! Nous savons mieux que quiconque que notre vie dépend des énergies terrestres ! Alors que cherches-tu encore à démontrer là ?
Cette fois, des têtes avaient acquiescé et un murmure s'était élevé. Un vent de révolte ? Un agacement généralisé face à la sempiternelle constatation de crise humaine ? Téodor ne s'était pas braqué, mais il avait simplement ignoré l'agitation naissante d'un geste de main posé et définitif.
— Aujourd'hui, le constat est plus dramatique. Nous avons pu faire le lien entre les zones terrestres ravagées par des conditions climatiques déréglées et la faille détectée en Ethérie.
— Que veux-tu dire ? avait demandé Jonas qui s'était levé afin d'apostropher le Maître sur un pied d'égalité.
Pourtant l'effet produit n'avait pas été celui escompté ; l'oncle de Mélanie était un homme malingre, pâle au regard noir. Il avait tout du rat de bibliothèque ou de l'informaticien asocial. Sa voix tranchante se voulait assurée, mais ses fins de phrases montaient dans l'aiguë. Il paraissait à bout de souffle, à peine quelques mots prononcés. Alors face au charisme posé et à la prestance du Maître Arcan qui rayonnait sur son pilier de granite, Jonas faisait bien pâle figure.
Néanmoins, Téodor Lux n'avait pas tiré pas parti de sa supériorité et n'avait pas enfoncé son interlocuteur d'une petite phrase assassine dont il avait le secret. Il semblait avoir de l'affection pour le jeune homme, peut-être était-ce la mémoire de Solène Donnador qui l'adoucissait ainsi. Il avait pris une inspiration profonde, croisé les doigts et porté les mains sur son ventre.
— La Faille, Jonas, semble directement liée aux catastrophes climatiques ou aux actions destructrices des Hommes. Chaque fois qu'un cataclysme ébranle un point du globe, sa zone sœur en Ethérie en est affectée. Ce n'est pas un séisme ou un volcan qui se manifeste en Ethérie, mais l'énergie meurt et laisse place au néant.
— Parlons-en de cette faille ! Tu nous fais peur depuis des mois avec cette soi-disant zone noire, mais ce que nous avons pu voir, ce n'est à la rigueur, que la multiplication de places neutres sans conséquence pour notre évolution en Ethérie.
— Lève ta visière Jonas, ouvre les yeux ! Le phénomène destructeur de la Faille est terrible et c'est la survie de l'humanité qui est en jeu ! Tout se produit comme 12 000 ans en arrière ! L'Ethérie s'affaiblit, l'énergie fuit dans l'univers et déserte la Terre. Les Indésiratas sont sur le pied de guerre, prêts à profiter de la moindre faiblesse pour s'infiltrer ici et détruire l'équilibre que nous essayons de créer. Ils vont asservir la matière et maîtriser chaque atome grâce à nos Ingénis qu'ils convoitent. Il y a 12 000 ans, notre planète s'est révoltée et a balayé son parasite humain à grands coups d'eau ou de feu. Elle a fait peau neuve. Les rares survivants de cette colère des éléments ont dû réapprendre à vivre sans rien, sans connaissance.
— C'est une légende qui se raconte de père en fils depuis des centaines d'années. Tu ne devrais pas tant y apporter de crédit. Oui, il faut anéantir les Indésiratas, ces vers répugnants qui nous rongent. On devrait passer du temps à élaborer des projets d'attaque contre ces monstres plutôt que de réfléchir à comment raccommoder ce voile qui se déchire en Ethérie.
— Cela fait des milliers d'années que l'on se transmet la débâcle des Ethers Originels et leur enseignement ne doit pas se perdre. Ils n'ont pas su réagir assez vite face aux signes et aux appels de notre planète, mais ils nous ont transmis une solution sous la forme de huit cylindres.
— Oui, oui, on connaît l'histoire, huit cylindres dans huit Cités pour mieux préserver leur secret et patati et patata. Non, je n'ai pas envie de te suivre. Tu nous occupes l'esprit avec des chimères ! Ma sœur est morte et je n'ai qu'un désir, c'est de la venger, de faire souffrir les coupables. Je veux déclarer la guerre aux Indésiratas ! Qui me suit ?
Il avait levé le poing avec la fougue de celui qui croit en lui. Ses yeux noirs avaient brillé d'une intensité mortifère tandis que ses lèvres s'étaient crispées d'un air revanchard. L'assemblée s'était agitée. Deux jeunes Aéquors s'étaient levés pour rejoindre Jonas et d'autres avaient hésité. La salle hydrophile avait perdu sa quiétude. Le chuintement de l'eau avait été couvert par les voix qui commentaient l'attitude de Jonas. Des épaules s'étaient soulevées, des sourcils s'étaient froncés d'incertitude et de peur.
— Cela suffit, avait sifflé la voix de Téodor comme un couperet tranchant qui annonce son verdict de mort. Jonas, assieds-toi et écoute donc ce témoignage.
Le Maître avait fait signe à deux hommes massifs qui attendaient apparemment cet instant depuis un moment, car ils s'étaient levés d'un bloc et hissés lourdement sur la stèle de granite que Téodor leur avait cédée. Intrigué, Jonas, qui avait d'abord réagi d'une grimace agacée à l'intervention de Téodor, était resté en suspens tendu à l'extrême pour écouter les propos des nouveaux orateurs.
Il s'agissait de Sylvain et Marcel Targent. Thys les avait rencontrés dans son salon quelques semaines avant de passer son Oritis. Téodor lui avait présenté les deux frères comme les régulateurs de l'Ethérie. A l'époque, le jeune Ether n'avait pas compris leur rôle et depuis il n'avait pas eu l'occasion de les rencontrer et de discuter avec eux.
Les deux hommes attiraient toujours l'attention avec leur accoutrement d'un autre âge ou d'un autre monde. Des guêtres d'un rouge vif moulaient leurs mollets musclés et s'arrêtaient à mi-cuisse. Une toge droite gris ardoise couvrait le reste du corps sans cacher la musculature impressionnante de ces athlètes.
Sylvain Targent, le plus jeune, avait été le premier à prendre la parole. Une nuée de taches de rousseur encadrait sa bouche et remontait sur les pommettes où elles formaient des constellations dignes du ciel d'Ethérie.
— Bon, ben voilà... Heu ! Nous... Bon, vous savez que nous avons été désignés comme régulateurs pour gérer l'uniformité du fluide énergique sur ce plan. Et jusqu'à présent, nous avons toujours pu sécuriser les zones neutres ou les nœuds de surchauffe. Mais nous avons vécu hier une expérience complètement folle. Et nous avons compris que le danger était bien plus proche et plus inquiétant que nous le pensions.
Il avait toussoté. Ce grand gaillard au cou de taureau et aux muscles exorbitants avait même paru ému. Il avait affiché un sourire crispé comme la mimique d'un enfant au bord des larmes. Il avait serré les poings et jeté un regard de détresse à son frère. Marcel avait passé une main protectrice dans le dos de son cadet et pris le relais.
— Nous sommes partis en régulation aux abords du plateau des Vachers sur la demande de Maître Lux.
La voix aiguë et claire qui émanait d'un tel colosse avait surpris et quelques sourires s'étaient affichés le temps d'une seconde. Marcel, en habitué, ne s'en était pas formalisé et avait poursuivi.
— La routine, quoi ! Quelques trous d'énergie vite ciblés et une zone trop dense régulée en un temps record. En avance sur notre travail, nous avons décidé de pousser le zèle jusqu'à la vallée du Triorne. C'est une zone peu visitée, mais on avait perçu, il y a quelques mois, des perturbations énergétiques importantes. Quand nous nous sommes engagés dans le goulet qui s'ouvrait sur la vallée, nous avons été surpris par un courant d'air froid. Et quelques pas plus loin, l'atmosphère était carrément glaciale, au point où notre souffle se figeait à quelques centimètres de notre visage. En plus, Il faisait étrangement sombre, la voûte céleste n'était plus visible. Il n'y avait quasiment plus de végétation, juste de grands espaces de terre nue devant nous. C'était terriblement oppressant.
Sylvain avait acquiescé avec des hochements de têtes appuyés. Il avait aussitôt croisé ses bras sur sa poitrine comme s'il souffrait encore du froid.
— Nous n'avions jamais ressenti une telle atmosphère en Ethérie. Aucune énergie vitale ne semblait habiter la zone. Pourtant cela ne ressemblait à aucune zone neutre que nous avions l'habitude de gérer. Par curiosité, nous avons décidé de poursuivre notre chemin pour comprendre ce qui se passait par ici. Bien mal nous en a pris. À peine avons-nous atteint la gorge de la vallée que des arcs électriques sortis de nulle part nous ont lézardé le corps. Nous n'avons pas eu le temps de réagir, aucun champ magnétique ne nous a préservés. Nous sommes restés à terre quelques minutes, complètement hébétés avec une douleur incroyable dans tous les membres.
Il avait dégrafé alors sa chemise d'un geste théâtral et son torse musculeux avait exhibé trois grosses plaies. La chair rosée était à vif, les bords noircis formaient des boursouflures disgracieuses, prémices des cicatrices à venir. Mélia avait détourné les yeux comme la plupart des filles présentes et Thys avait serré les dents alors qu'une clameur de dégoût avait parcouru dans la salle. Sylvain Targent à son tour avait ôté son pull, son dos n'était que zébrures sombres et cloques éclatées, un vrai champ de mines. Marcel avait caché une grimace et repris son récit :
— Nous avons eu de la chance malgré tout, car les arcs qui nous ont foudroyés n'étaient que les précurseurs d'une nuée d'éclairs évoluant parallèlement au sol ! Aveuglés, collés à la terre gelée, nous avons cru notre dernière heure arrivée. Finalement, le défilé des jets électriques s'est tari et nous avons osé nous relever. On avait mal partout, on avait froid, mais surtout on voulait comprendre ce qui venait de se passer.
— Ouais, avait poursuivi Sylvain, on n'avait jamais vu ça en Ethérie et on commençait à deviner que, là-bas au cœur de la vallée, quelque chose d'inconnu attirait tous les fluides énergétiques comme un gigantesque aspirateur affamé. Alors, malgré notre trouille et notre état, nous avons poursuivi notre route pour découvrir ce qui se passait.
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