Chapitre 6: Secret partagé
Triomphant, Thys observa l'heureuse âme élue ! Par les âmes sensibles des Ano, il s'agissait de Briac ! Ce traître, cet infâme monstre se tenait seulement à une dizaine de mètres de Thys.
Le jeune Ether sortit immédiatement de sa méditation et se redressa comme un animal effarouché. Briac n'était pas seul. Comme à son habitude, il était entouré d'une nuée d'amis parmi lesquels Thys reconnut Diana, Célia et les deux garçons qui traînaient toujours avec Briac : Yvan, un petit boutonneux et Claude un grand costaud qui roulait des muscles devant les filles.
Le regard de Briac, comme alerté par la peur de Thys, se fixa sur le jeune Ether et le Péragore se mit en mouvement dans sa direction.
Le garçon au regard vairon perdait tous ses moyens, la proximité de Briac le tétanisait. Il suait et avait une soudaine envie de faire pipi. Il ne savait pas s'il allait pouvoir se retenir ! Téodor lui avait assuré qu'il serait en sécurité au collège ! Pourquoi Briac était-il encore là ? N'y avait-il aucun Ostende à proximité en train de veiller sur lui ? Briac n'oserait tout de même pas s'attaquer à lui, là dans la cour devant tous les autres ? Il y avait Célia, il ne devait pas perdre la face devant elle ! Mais il avait si peur, le souvenir des souffrances endurées à l'anniversaire de Briac était toujours inscrit dans sa chair !
À quelques pas maintenant, Briac s'arrêta et se tourna vers ses camarades auxquels il adressa quelques mots. Aussitôt, ils hochèrent la tête avec un sourire entendu et s'éclipsèrent rapidement. Thys regarda les cheveux doux de Célia danser jusqu'au hall dans lequel elle s'engouffra. Plus de Célia, sa déesse salvatrice. Juste lui et Briac. Le démon s'avançait, sûr de lui.
— Salut, Thys, il faut qu'on parle !
La gorge sèche, les jambes flageolantes, Thys ne put qu'écarquiller davantage les yeux.
— On doit parler, viens ! répéta Briac.
Et ça y est, ça commençait ! Les sensations se déclenchaient ! Le jeune Ether serra les mâchoires pour bloquer la nausée qui remontait lentement dans son cou, prête à noyer sa bouche. Sa langue durcissait et les fourmis lui envahirent le palais. La sensation d'étouffement était une nouvelle fois là !
Briac se tenait face à lui, son éternel sourire narquois au coin des lèvres. Ses yeux étaient durs et une ombre de braise dansait dans sa pupille. Il tendit la main vers Thys et ses doigts comme des serres accrochèrent l'épaule du garçon qui recula prestement, mais se trouva bloqué par le mur du bâtiment ! Pas d'échappatoire ! Thys sentit frémir son Ingéni comme un soupir avant la mort. Il ferma les yeux et vit sa vie défiler à une vitesse incroyable. Puis une voix ferme éclata.
— Dégage Briac, va voir ailleurs si j'y suis !
— Mais qu'est-ce qui te prend Cid ?
— Je t'ai dit de te tirer ! T'es pas le bienvenu !
— Tu vois mal ! Tu ne comprends pas, j'ai besoin d'être seul avec Thys !
— Fiche le camp, tête de snob !
— Mais, je... et puis zut !
— C'est ça !
Cid faisait deux têtes de moins que Briac, il était moins athlétique et même légèrement rondouillard. Mais le ton de sa voix sans appel et sa posture torse bombé, poings serrés furent plus que convaincants. Briac haussa les épaules et tourna les talons. Cid le regarda s'éloigner et attendit de le voir prendre l'angle du réfectoire pour se tourner vers Thys, en sueur et encore sous le choc. Toujours adossé au mur, le jeune Ether, haletant, reprenait ses esprits.
Cid l'observa longuement. Il semblait encore fâché et n'adressa aucun sourire à son ami, bien au contraire, son attitude était hostile. Il s'approcha de Thys et le plaqua durement contre le mur.
— Bon maintenant, tu m'expliques parce qu'il y en a marre de ces cachotteries ? Je risque gros là moi ! Si Briac revient avec ses potes, je vais me faire rouler-compresser, tu piges !
— Laisse-moi deux minutes ! J'ai failli faire dans mon froc !
— Quoi ?
Cid ne relâcha pas la pression de sa main sur la poitrine de son ami. Ses yeux bruns étaient plus sombres qu'à l'ordinaire, ils sondaient le regard clair de Thys. Soudain, Cid aperçut un reflet brillant sous la mèche rebelle du jeune Ether. Prestement, il dégagea les cheveux et découvrit le bout de cristal qui semblait outré de l'intrusion et crépitait fortement.
Cid recula comme s'il avait été brûlé et fixa son ami avec horreur.
— Bon sang, qu'est-ce que c'est que ça ? Ça, là, sur le côté de ta tête ! Tu as un truc enfoncé ! Ce n'est pas possible !
— Calme-toi !
— Non, t'es qui ?
— Mais fais pas l'idiot ! C'est moi Thys ! Et ce truc-là qui fait du bruit en ce moment, c'est mon Ingéni ! annonça Thys en montant le cristal scellé à sa tempe.
— Bon sang, t'es un extraterrestre ?
La question de Cid était sérieuse ! Deux minutes plus tôt, il était provocateur et vindicatif, mais à l'instant, il était tout blanc et rabougri. Il ne savait plus quoi penser ! Il avait compris depuis longtemps que Thys lui faisait des cachotteries, mais jamais il n'aurait imaginé que son meilleur ami était un extraterrestre.
— Tu es un alien ? répéta-t-il machinalement comme pour intégrer l'information, alors que Thys réfléchissait à toute vitesse pour trouver une issue de secours à cette situation accablante.
— Non, non, Cid ! Ne panique pas, s'il te plaît laisse-moi t'expliquer !
Cid avait encore reculé de quelques pas, il regardait Thys en fixant l'Ingéni toujours actif.
— Alors ?
Le jeune Ether cacha prestement son cristal sous sa mèche claire. Il n'arrivait pas à trouver un début d'explication et il bégaya un ensemble de syllabes inintelligibles.
— C'est le langage de ta planète, se méprit Cid prêt maintenant à tout croire.
Thys laissa éclater un fou rire nerveux. Il hoqueta et s'étouffa, larmoyant et reniflant, comme jamais il ne l'avait fait ! La situation était si cocasse et stressante à la fois. Cid ne riait pas du tout, il grimaçait en observant son pseudo-ami exécuter ce qui devait être la danse de bienvenue sur sa planète.
Et le destin fut cruel pour Cid, car à l'instant où Thys se décidait à passer aux aveux, un surveillant vint houspiller les garçons en leur faisant remarquer que le début des cours avait sonné depuis un moment et que chacun avait regagné sa salle de classe. Les deux garçons cavalèrent pour rejoindre le cours d'histoire-géo. Monsieur Gobert jeta un regard sévère à leur entrée, mais devant l'air misérable de Cid, il ne rajouta aucun commentaire. Durant tout le cours de géo, Cid fixa Thys.
Les cheveux bruns du garçon étaient complètement en bataille comme si une lutte terrible se livrait dans son cerveau. Il garda cet air ahuri en anglais sans que la douce Mademoiselle Dubois ne s'en formalise. En Arts plastiques, par contre Monsieur Blanc s'énerva vainement sur l'état larvaire de Cid, mais rien n'y fit. Le jeune homme, sans doute en état de choc, restait inactif le regard fixé sur Thys.
— Qu'est-ce qu'il a ? demanda Mélia qui avait remarqué dès le début l'attitude inappropriée de Cid.
— Il sait tout ! Thys se déchargeait.
— Tout quoi ?
— Tout, tout !
— Tout... tout ?
— Oui, puisque je te le dis ! Enfin non, il croit que je suis un extraterrestre, mais c'est presque ça finalement, non ?
— Mais comment ça se fait !
— Il a vu mon Ingéni !
— Tu pouvais lui dire que c'était un piercing !
Mélia avait haussé le ton et quelques élèves se retournèrent intéressés, prêts à entrer dans une conversation plutôt que d'écouter le cours d'histoire de l'Art de Monsieur Blanc. Mais celui-ci les rappela vite à l'ordre en lançant trois ou quatre craies dans leur direction, dont une frôla le front d'Adèle.
— Tu ne pouvais pas lui dire que c'était un piercing ! reprit Mélia dans un souffle, dès que le prof eut le dos tourné.
— Non, il grésillait à tout va et brillait même !
— Oh ! Qu'est-ce que l'on fait alors ?
— On lui dit tout à la fin des cours !
— Tu crois ? Tu ne veux pas attendre les conseils de Téodor Lux ?
— Non, regarde Cid ! Regarde comme il est ! Je ne peux pas lui laisser croire que je suis un monstre venu de l'espace plus longtemps !
Mélia jeta un coup d'œil en direction de Cid. Théo essayait d'engager la conversation avec lui et lui tendait une paire de ciseaux crantés, mais Cid poussa un unique soupir sans regarder son copain et continua à fixer Thys avec un air horrifié comme si des tentacules jaillissaient de sa bouche.
— Tu as raison, frérot ! Il faut qu'on lui parle à la sortie des cours ! Aïe !
Mélia venait de recevoir une craie verte en plein front.
— Touché ! s'écria Monsieur Blanc tout sourire en notant une nouvelle barre sur son registre des victoires !
À la première seconde de la sonnerie annonçant la fin de journée, les jumeaux prirent Cid chacun par un bras et l'emmenèrent dans un coin tranquille. Là, ils lui racontèrent tout, dans le moindre détail, de l'Oritis de Thys, aux diverses attaques des Indesiratas et à la vie sur le plan Ethérique. Puis, ils laissèrent quelques secondes de répit à leur ami, le temps de digérer le flot d'informations. Cid avait les yeux écarquillés, la bouche ouverte qu'il tentait vainement de camoufler en y posant sa main aux doigts écartés.
— Alors ? demanda Mélia impatiente de connaître les impressions du premier être humain au courant de leur particularité.
— Donc, vous n'êtes pas des extraterrestres ?
Thys et Mélia se regardèrent, circonspects. Le choc aurait-il été plus violent qu'ils ne le pensaient ?
Mais Cid perdit sa tête d'ahuri et se moqua d'eux :
— Ben ça alors ? Ben ça alors ? Je vous trouvais Zarbis ! J'avais tout imaginé ! Du témoin protégé par le FBI à la secte des feux follets... Bon, le coup de l'extraterrestre, ça m'a un peu laissé sans voix, il faut dire ! Enfin, jamais, je n'ai supposé que vous étiez si bizarres ! Bon, je suis bien obligé de le croire après tout ce que j'ai vu ! Il y a eu l'envol de la clairière, la figure qui gonfle, les gens originaux qui peuplent votre salon, l'attitude étrange des Le Tallec, et ce bout de truc qui crie dans la tête de Thys ! La vache ! Personne ne voudra me croire !
— Ben justement ! Ça serait pas mal que personne ne te croit ou mieux que tu n'en parles à personne, hein !
— Bien sûr, où ai-je la tête ! This is top secret ! Oh, les gars, quelle aventure !
Maintenant, Cid paraissait euphorique et intarissable ! Il posa une multitude de questions en s'extasiant des réponses. Les jumeaux eurent beaucoup de mal à lui suggérer qu'il était l'heure de rentrer et ils rejoignirent la demeure, un peu inquiets des conséquences de leur révélation.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top