Chapitre 5: Un retour difficile
À leur arrivée dans la demeure Ano, un fumet de viande mijotée s'échappait de la casserole qui gloussait seule sur le feu de la gazinière. Personne dans la cuisine, pas de vie dans le salon, pas un bruit à l'étage. Les jumeaux déçus partirent en quête de caresses maternelles.
Sylvie apparut alors dans l'entrée, ses chaussures de jardin boueuses aux pieds, un bouquet de carottes sorti du sol gelé, en main. Thys et Mélia se jetèrent dans ses bras. Le temps s'étirant différemment sur les deux plans, cela faisait deux mois qu'ils n'avaient pas reniflé son odeur salé-sucré, cela faisait un mois qu'elle n'avait pas embrassé ses enfants. Bien sûr, chacun avait eu des nouvelles grâces aux messages transmis par Téodor ou Térence Plomb, mais deux mots sur un papier n'ont pas d'odeur, ni la douceur d'une caresse, surtout pour des Ethers liés aux sensations.
— Oh ! Mais ce n'est pas vrai, vous avez encore grandi ! Thys, tu vas bientôt me rattraper ! Et toi, Mélia, tu n'es pas trop fatiguée ? Tu n'as pas refait de malaise ? Ta respiration est-elle restée légère ?
Elle les tâtait, les dévorait des yeux, effleurant des doigts les nouveaux détails de leur physionomie, par-ci les nouvelles taches de rousseur sur le nez de sa fille, de là les muscles naissant sur le torse de son fils. Eux la trouvèrent douce, belle et grande, mais aussi fatiguée, ses traits s'étaient un peu émaciés et le dessous de ses yeux se tachait d'une ombre bleue.
— Mamadoré, ça va, toi ?
— Oui, oui, s'empressa-t-elle de dire, asseyez-vous, je vais chercher les autres !
Et les autres arrivèrent tout sourire. Tantine avait sans doute renoncé à sa folie des coiffures flash et top mode, elle avait retrouvé la tonalité brune cuivrée de sa chevelure qui avait souffert de ses excès de couleurs et avait perdu de sa brillance. Ses baisers claquèrent sur les joues de ses neveux, elle avait les larmes aux yeux. Anthony, qui attendait derrière Nadine, repoussa gentiment sa sœur pour pouvoir serrer ses enfants dans ses bras. Le chef de famille avait le visage crispé et lui aussi avait maigri ce qui chagrina Mélia. Grand-père Ano arriva alors que tout le monde était à table. Lui n'avait pas changé, il bougonna tout seul puis il donna une tape virile sur l'épaule de son petit-fils qui faillit se retrouver le nez dans sa soupe et embrassa affectueusement le front de sa petite fille avant de s'asseoir en bout de table.
— Alors les jeunes, comment ça se passe en Ethérie ?
L'océan de ses yeux attendait une réponse détaillée.
— C'est magnifique, surnaturel et si réel. On respire mieux, on dort mieux... On est dans le groupe de Téodor Lux avec Mélanie et deux Aguerris assez discrets. On a appris à méditer, à relâcher notre esprit. Nous sommes ici en mission, on doit sonder les esprits pour trouver de nouveaux Ostendes à former.
Mélia avait résumé deux mois de vie ce qui contenta grand-père qui se mit à rêvasser.
— Cela remonte à vieux, mon premier cycle des transformations, mais j'ai encore en moi toutes les nouvelles sensations.
La conversation prit diverses routes avant d'aborder le sujet de la famille Le Tallec, mais Anthony étouffa vite le sujet en félicitant Sylvie pour sa recette de veau si légère et parfumée. Félicitations auxquelles se joignirent celles de tous les autres membres de la famille.
Plix, le matou apparut au moment du débarrassage de table pour quémander les restes du festin, mais il avait été devancé par Electric, le chien fougueux. Celui-ci léchait soigneusement une assiette qui se déplaçait au gré des coups de langue, en glissant sur le carrelage coloré de la cuisine. Le chat partit bouder derrière le meuble à pain. Très leste, Mélia l'intercepta et le força à s'asseoir sur ses genoux. L'animal récalcitrant voulut fuir, mais les caresses de sa jeune maîtresse finirent par l'amadouer et il se mit à ronronner. Sylvie servait le café quand Mélia relança le sujet des Péragores ennemis :
— Comment ça se passe avec la famille Le Tallec ?
Cette fois Anthony ne trouva pas d'échappatoires. Il baissa les yeux et attendit qu'un autre réponde. Mais Mélia comme à son habitude ne lâcha pas l'affaire, il fallait toujours qu'elle aille jusqu'au bout des choses et là, elle avait vite compris qu'il y avait quelque chose à apprendre.
— Qu'est-ce qu'il y a ? Ils ont attaqué une nouvelle fois ?
— Ah ! Ça non ! Là, au moins nous aurions pu riposter, s'énerva Anthony.
Il baissa la tête en soupirant et Thys, en contemplant le crâne du paternel, se surprit à se demander si son père ne commençait pas à se dégarnir. Sa chevelure paraissait moins dense et son front plus large, quelques filets blancs rayaient ses tempes.
— Papa, raconte ! Que s'est-il passé ? le pressa Mélia.
Mais Anthony était incapable de poursuivre, il serrait les poings et ses épaules tombaient. Ce fut Sylvie qui se décida à éclairer ses enfants.
— Jason Le Tallec a bien tenu sa promesse. Avec l'aide de ses richissimes amis, il parvient à nous « pourrir » la vie !
Sylvie n'avait pas l'habitude d'utiliser un vocabulaire familier et cela choqua ses enfants. Elle poursuivit néanmoins comme si de rien n'était.
— Non seulement, votre père a perdu son travail et ne parvient à se faire embaucher nulle part, mais nous avons reçu deux lettres recommandées : une de la banque et l'autre des collectivités territoriales. La première nous réclame une somme exorbitante prétextant une erreur de remboursement dans notre emprunt immobilier, la seconde nous informe que nous allons être expropriés pour cause de sécurité publique. La maison serait trop proche de la Vreste qui risquerait à tout moment d'entrer en crue et de nous mettre en danger.
— Expropriés ? Mélia en perdit le souffle.
— Expropriés, ça veut dire que l'on va devoir quitter la demeure ? C'est ça Mamadoré ? demanda Thys atterré.
— Oui, mais nous allons nous battre, nous trouverons un avocat pour défendre nos droits et prouver qu'il n'y a pas de danger à vivre ici ! Que tout ceci n'est que magouille pour nous nuire !
— Pour l'instant, personne ne veut défendre notre cause ! Apparemment, la famille Le Tallec fait aussi pression sur toute la magistrature, clama Anthony qui faisait enfin éclater sa rage.
— Un monde insensé ! Balivernes, foutaises que tout ça, s'énervait le vieux Charles. Cela fait des décennies que la maison est dans la famille et jamais une crue n'a provoqué le moindre dégât à la propriété !
Une tempête terrible éclatait dans sa pupille, ses membres fatigués tremblaient, et le rouge de la fureur montait le long de son cou.
— Mais ils ne peuvent pas nous mettre dehors comme ça, chevrotait la voix de Mélia au bord des larmes.
— Quand tu es riche et que tu as le pouvoir, tu peux tout faire, éructa Anthony, amer.
— Ils nous proposent une petite indemnisation qui ne nous permettra jamais d'acheter une autre maison si bien située au cœur de la nature. Nous devrons vivre en appartement, en ville et encore, j'ai bien peur que si Anthony ne retrouve pas d'emploi, les banques ne veuillent nous laisser emprunter !
Cette nouvelle avait assommé les jumeaux ! À la joie de retrouver leur famille se mêlait aussi l'horrible tristesse de devoir quitter ce lieu tant chéri ! Ils comprenaient mieux maintenant pourquoi leurs parents avaient les traits aussi défaits !
— Et quand devrions-nous partir, osa demander la jeune Ether tandis que son frère se murait dans un silence de digestion d'informations.
— Ils nous laissent un mois, mais nous n'allons pas nous laisser faire ! Nous trouverons une faille pour nous défendre !
Il fallait se raccrocher à l'idée d'une erreur juridique, il fallait espérer l'aide d'un avocat doué pour lutter contre la caste de ces vils Indesiratas.
Dans la chambre de Mélia, les jumeaux échafaudèrent plan sur plan pour garder la maison, mais comme ils ne connaissaient rien aux lois d'expropriation, ils exposaient plutôt tour à tour leur colère et proposaient des solutions qu'ils savaient ridicules comme de se cadenasser aux volets de la maison pour ne pas la quitter ou de détourner le lit de la Vreste pour l'éloigner de la demeure.
Au petit matin, les yeux tout embués de fatigue, ils durent penser à leur retour au collège. L'affaire avait bien entendu été arrangée par Jean Tangon auprès des professeurs pour justifier les absences des enfants Ano. Mais comment expliquer cela à leurs camarades ? Cela faisait quinze jours que les cours avaient repris depuis la fin des vacances de Noël !
Ils prirent un bain de foule dès leur arrivée dans la cour. Presque toute la 4eA les encercla et les pressa de questions auxquelles ils répondirent selon le petit scénario élaboré en connivence avec leurs parents et Téodor Lux : cette année scolaire, ils avaient eu la chance d'être sélectionnés par l'Éducation nationale pour un projet tout à fait novateur d'apprentissage en alternance. Ils suivraient les cours qu'ils agrémenteraient de stages sur le terrain. Ils avaient fait le choix d'un thème traitant la géographie et l'histoire afin de profiter de l'expérience de leur grand-mère archéologue qui les emmènerait parfois avec elle lors de ses missions sur les sites historiques du monde.
— Trop de la chance !
— Les veinards, pourquoi j'ai pas été sélectionné moi, clamait haut et fort Romain, qui en tant que délégué se sentait lésé.
— C'est toujours les mêmes qui profitent des avantages ! Et d'abord comment avez-vous été au courant d'un tel projet ?
— Heu ! C'est Grand-mère Tournelle qui nous l'a proposé, elle avait été contactée par l'Inspecteur d'académie de l'Éducation nationale pour savoir si elle se porterait volontaire pour encadrer deux jeunes dans cette aventure, raconta Mélia rosissant, gênée par son mensonge.
— Vous nous raconterez ? osa demander la discrète Clarisse.
— Oh ! Bien sûr ! Nous ferons même des exposés sur les pays que nous visiterons.
Thys foudroya sa sœur du regard. Non, mais, qu'est-ce qu'elle racontait là ! Il n'avait aucune envie de se surcharger de travail en préparant des exposés sur des visites fictives qu'ils auraient effectuées dans telle ou telle partie du globe. Il fallait qu'elle réfléchisse un peu avant de parler ! Dans quoi elle les embarquait là ! Pourvu que leurs camarades de classe oublient vite cette promesse !
— Thys, tu aurais pu me prévenir quand même, je croyais que j'étais ton pote !
C'était Cid qui envoyait cette remarque acide.
— Heu ! Ben, je... Désolé, mec, ça s'est passé vite...
Le jeune Ether avait soudain la gorge très sèche, il était tellement mal à l'aise face à son ami d'enfance qu'il n'osait pas le regarder dans les yeux. Tout en tripotant la fermeture éclair de son blouson, Thys creusait un trou dans la terre du bout de sa basket blanche qui se maculait petit à petit de boue.
Cid prit ses distances et parla très peu avec lui durant toute la semaine, à peine un bonjour grogné le matin et trois mots échangés pour un travail de groupe le jeudi en SVT. Théo était un peu désorienté de ne pas retrouver l'entente de leur trio et jonglait avec ses deux potes sans comprendre ce qui se passait. Par contre, Mélia, trop heureuse de retrouver Célia et Laura, les trois nanas en A comme les appelait le reste de la classe, pépiait sans arrêt pour rattraper le temps perdu si bien que même la bavarde Madame Berthier y trouva de la concurrence et l'isola l'heure de son cours au fond de la classe.
Ainsi, la première semaine de cours passa comme une flèche. Vendredi soir, les jumeaux s'aperçurent qu'ils n'avaient ni essayé de sonder les esprits ni pris le temps de méditer quatre heures par jour. Tout juste avaient-ils essayé de se reposer l'esprit une demi-heure le matin et quelques minutes le soir avant de se coucher pour se donner bonne conscience.
— Si Téodor apprend ça, nous sommes repartis pour des semaines de méditation en Ethérie, commenta Mélia avachie sur le lit de son frère.
— Mais, c'est mission impossible ce qu'il nous demande, grommela Thys en triturant sa DS pour lancer un missile, on a le temps de ne rien faire avec les cours et les devoirs !
— Vous avez bien le temps de jouer les larves dans votre chambre, tempêta une voix à hérisser tous les poils du corps.
Un petit homme qu'ils connaissaient bien se dressait au pied de leur lit. Sa moustache blanche broussailleuse semblait prête à leur envoyer des piques et ses quatre mèches blanches s'élevaient comme des cobras au-dessus du reste de sa chevelure. Maître Lux semblait furieux, pourtant on pouvait lire comme un amusement dans ses petits yeux fouineurs.
Instinctivement, Thys et Mélia s'étaient tassés sur eux-mêmes, cherchant maladroitement à se faire oublier. Peine perdue, le grand Lux était là et ne semblait pas prêt à les lâcher. Il prit les choses en main. Et mena trois heures durant une séance de méditation et d'introspection au cours de laquelle Thys n'osa même pas renifler. Curieusement à la suite de ces heures de patience, le garçon se sentit régénéré et il remercia le Maître qui ne se laissa pas attendrir.
— Où en êtes-vous dans votre mission ?
— Ben, on cherche...
— Combien d'esprits avez-vous sondés ?
— Ben...
— Combien ?
Les petits yeux de Téodor s'excitaient, scannant les jumeaux l'un après l'autre.
— En fait, on n'a pas encore...
— Oh ! Âmes paresseuses ! C'est bien de famille ça ! Il va falloir un peu vous activer. Il vous reste trois semaines sur le plan terrestre et je veux des résultats. C'est nécessaire pour votre évolution dans le premier cycle et aussi pour la survie des Ethers et de l'espèce humaine.
Il ne fallait quand même pas exagérer, pensait Thys, ils n'allaient pas sauver l'humanité en sondant les esprits ! Et puis, de qui parlait Téodor quand il affirmait que leur paresse était de famille ? Leur père ? Rinata, leur grand-mère ? Charles ?
Téodor décida de s'installer dans la demeure Ano pour encourager ses Prudens. En guise d'encouragement, il traînait dans leurs pattes à la première occasion, surgissant toujours en silence d'un coin sombre. Mélia n'avait jamais autant sursauté en poussant des petits cris aigus que durant cette semaine de cohabitation. Le Maître Arcan les réveillait à cinq heures chaque matin avec un sourire exaspérant et pendant deux heures, en tailleur sur le sol froid de leur chambre, les jeunes Ethers cherchaient à vider leur esprit. Souvent, la tête de Thys dodelinait dangereusement et le corps suivait en vacillant, mais le garçon se rattrapait avant l'endormissement. Téodor avait promis quatre heures supplémentaires de méditation pour celui qui oserait s'assoupir ! Le soir, rebelote : les jumeaux, face à face, devaient se concentrer sur leur Moi intérieur sans se sourire, ni grimacer pendant encore deux bonnes heures.
Au collège, nos Prudens avaient décidé d'essayer de sonder les esprits. Ne sachant comment s'y prendre, Thys se plaçait face à sa proie avec un sourire niais, et d'un regard appuyé s'imaginait lui pénétrer le crâne pour lire sa face cachée. Mais cette technique n'avait pour résultat que d'agacer ses camarades qui le trouvaient de plus en plus bizarre et commençaient même à l'éviter.
Le jeudi de la deuxième semaine, après la récré, Mélia rejoignit son frère en salle de classe, tout excitée.
— J'en ai trouvé un !
— Un quoi ? s'étonna Thys en baillant.
— Un esprit qui s'ouvre aux sensations !
— Qui ? s'empressa de la questionner Thys.
— Géraldine ! La fille de 4e qui plaît à Cid !
— Ah ! Et t'as fait comment ?
— C'est difficile à dire, j'étais seule dans un coin de la cour, assise près de la haie, à l'abri du vent. Tu sais dans le coin des tables de ping-pong.
— Oui, bon ! Abrège !
Mélia serra les lèvres et plissa le nez, vexée, mais poursuivit :
— Sans m'en rendre compte, comme par automatisme, j'ai fait le vide en moi ! J'étais légère et reposée quand soudain j'ai senti l''atmosphère changer. Les élèves autour de moi n'étaient que des silhouettes floues et sombres qui partaient en fumée. Et au milieu de tout ça, j'ai vu une forme plus affirmée aux contours plus nets, toute colorée, c'était Géraldine ! Elle m'a souri sans comprendre pourquoi je la fixais et là plus de doute, j'ai su que c'était un être prêt à s'ouvrir aux sensations ! C'est chouette, hein ?
— C'est bizarre ! Faut que j'essaie !
— Silence, les Ano ! vitupéra Monsieur Levasseur qui venait d'entrer dans la salle, le teint déjà rouge et la colère prête à jaillir.
— On dirait que ça ne s'est pas bien passé en 5e C, chuchota Théo.
— Ils avaient prévu de faire sonner leur téléphone tous à onze heures sur l'air de « boire un petit coup, c'est agréable », on dirait qu'il n'a pas apprécié ! leur expliqua Christophe, assis une rangée devant.
Dès la fin du repas de la cantine, Thys se précipita dans la cour pour essayer la technique de sa sœur, il ne voulait pas être en reste. Il lui fallait à tout prix dégoter un esprit ouvert, lui aussi, aujourd'hui ! Mélia avait rejoint ses amies, car elle avait décidé d'intégrer le club nature du collège et l'activité avait lieu tout de suite après le déjeuner. Ainsi Thys serait tranquille ! Il avait semé Théo qui s'était rabattu sur Cid. Cid qui lui faisait toujours la tête ! Ça, c'était dur, Thys avait du mal à l'accepter ! D'un autre côté, il ne savait pas comment faire pour récupérer son copain sans lui dévoiler son secret.
Ça serait extra si Cid, Théo et Célia étaient prêts à s'ouvrir aux sensations. C'est avec cette pensée qu'il décida d'entrer en méditation et bien entendu, il eut beaucoup de mal à faire le vide dans son esprit, tant la perspective de partager ses sensations et les voyages en Ethérie avec ses potes le faisait rêver. Malgré tout, il parvint au bout de longues minutes, à entrer dans le monde des sensations. Et alors que l'ensemble des élèves peuplant la cour s'évapora en amas globuleux sombre, Thys perçut immédiatement une présence nette et toujours réactive à proximité. Qui allait être l'heureux élu?
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