Chapitre 27. Les Chinkanas secrètes
Un léger rai de lumière s'installa sur les paupières de Mélia dès l'aurore. Elle s'éveilla en douceur avant d'être rattrapée par l'horreur de sa situation.
Alvaro mort, Rinata prisonnière, Briac la jetant dans un trou, Dux Deprador sur sa trace, autant de flashs puissants qui s'inscrivirent simultanément dans son esprit. Un seul point positif, sa cheville avait désenflé et était moins douloureuse. Elle se mit debout sans trop de difficultés.
Son estomac grogna et réclama son dû signifiant qu'il n'avait ni reçu de déjeuner ni de dîner la veille. Elle tenta de l'apaiser en avalant sa salive, mais il ne se laissa pas tromper et poussa un borborygme à faire fuir les rats. Elle avait surtout soif, très soif. Avec sa langue, elle humecta ses lèvres sèches, mais elle n'osa pas laper l'eau qui suintait sur l'une des parois rocheuses de peur d'avaler l'un des petits vers blancs qui s'y trémoussait. Juste de l'imaginer se dandinant dans son estomac ou rampant dans ses intestins lui chatouilla le ventre et lui donna un haut-le-cœur.
Il faisait sombre. Comme la veille, un pâle filet de lumière filtrait. Mais la douleur en moins, elle se sentait maintenant prête à affronter la difficulté. Alors, elle étudia la paroi et chercha les meilleures prises pour sortir de son trou. Ce qu'elle vit n'était pas très encourageant. Les murs étaient en majorité constitués de terre sèche dans laquelle de grosses pierres et des débris de rocailles étaient incrustés. De nombreuses prises pour les mains et les pieds, mais un ensemble friable, instable.
Pourtant, elle se lança. Elle agrippa une pierre à hauteur de tête et prit appui avec son pied dans un creux de terre. Elle tira fortement sur ses bras pour se hisser et ne pas laisser peser trop de poids sur sa cheville droite. Elle réussit ainsi à atteindre un mètre, un mètre cinquante, mais au-delà la terre était trop sèche et se décrochait dès que la jeune fille risquait une nouvelle prise.
Au bout de deux heures de tentatives infructueuses, elle dut se rendre à l'évidence : elle ne sortirait pas par où elle était entrée.
Elle décida donc à contrecœur de s'aventurer dans le tunnel sombre qui s'ouvrait devant elle. Elle avança de quelques pas en clopinant et déjà l'obscurité l'enveloppait. Il ne faisait pas totalement noir, elle devinait encore les contours des roches. Mais plus loin, plus aucune lumière de l'extérieur ne filtrait. C'était terriblement angoissant et elle dut se faire violence pour s'engager dans ces ténèbres. Elle marcha ainsi une dizaine de minutes dans l'opacité totale, les bras en avant pour la guider. C'était tellement oppressant que plus d'une fois elle aurait voulu rebrousser chemin, mais elle tint bon et persévéra. Son cerveau en ébullition analysait sa situation.
« Il est bien possible que je sois dans l'une de ces Chinkanas construites par les Incas ou un peuple encore plus ancien. »
Elle avait lu quelque chose là-dessus avant de partir en Bolivie. C'était Rinata qui lui avait offert un livre sur les mystères de Tiahuanaco. L'auteur avait consacré tout un chapitre sur un étrange temple relié à d'autres sites par un labyrinthe de tunnels qui traverserait les plaines désertiques. Ces souterrains n'avaient jamais été mis à jour et beaucoup croyaient qu'il s'agissait juste d'une légende. Pourtant certains affirmaient avoir vu ces tunnels.
Mélia avait particulièrement été impressionnée par l'histoire d'un curé qui s'était perdu sur l'Altiplano ! Elle s'était bien demandé ce qu'il était venu faire là, tout seul ! Lors d'une de ses excursions, il avait cru entendre couler un cours d'eau sous ses pieds. Il s'était penché et avait basculé sous une dalle descellée, comme elle, finalement ! Lui, il avait perdu connaissance. À son réveil, il s'était trouvé pris au piège à trois mètres sous terre. Pour s'en sortir, il avait suivi un cours d'eau souterrain et trouvé une sortie après plusieurs heures de calvaire.
Le problème, c'est qu'une n'y avait pas de ruisseau où se trouvait Mélia. Quelques gouttes suintaient bien d'une des parois de terre, mais elles se contentaient d'humidifier le sol et d'abreuver les minuscules vers blancs qui répugnaient tant la jeune fille.
Dans le livre, l'auteur prétendait que Tiahuanaco pourrait être reliée au lac Titicaca et à la prestigieuse cité de Cuzco au Pérou par un ensemble de labyrinthes souterrains !
Mélia frissonna à cette idée. Tiahuanaco devait être à une dizaine, voire une vingtaine de kilomètres d'ici, mais Cuzco était loin, le site était peut-être à plus de quatre cents kilomètres !
« Si je suis dans l'un de ces tunnels, j'espère que je suis partie dans le bon sens ! »
La jeune Ether avançait maintenant à tâtons. Elle tendait les bras devant elle comme une aveugle et s'enfonçait dans la nuit froide et malodorante. Plus d'une fois, elle trébucha sur un éboulis de terre et se retrouva à quatre pattes, les genoux dans la boue, les mains écorchées sur les pierres saillantes. Pourtant, elle poursuivit son chemin dans les entrailles de la Terre. Sa progression était lente. En plus de la soif et de la faim, elle eut soudainement l'impression de manquer d'air. Elle se mit à haleter nerveusement comme un petit chien après une course.
« Je vais mourir asphyxiée dans ces profondeurs ! L'air ne circule plus assez ! Par les âmes des Ethers ancestraux, qu'est-ce que je fais là ? Comment je vais m'en sortir ? »
Heureusement, une centaine de mètres plus loin, un filet d'air lui chatouilla les narines et lui redonna de l'énergie. Elle se mit à le suivre en humant bruyamment, comme Thys aurait suivi le fumet d'une viande mijotée aux petits oignons. Et bientôt, elle aperçut une vague note de lumière. Cela lui donna des ailes et c'est à petits pas pressés qu'elle finit par se déplacer pour rejoindre la sortie tant espérée. Mais point de sortie, juste une bouche d'aération comme celle par laquelle elle était tombée, elle aussi à moitié obstruée par la végétation.
Elle se laissa tomber à genoux, anéantie, vidée de l'espoir qui l'animait encore quelques secondes plus tôt. Elle offrit alors son visage au rayon de lumière qui perçait et pleura silencieusement. Elle avait dû marcher plus de trois heures pour arriver jusqu'ici et sa cheville la tiraillait. Elle s'assit et se mit à réfléchir. Fallait-il continuer dans ce sens ? Devait-elle rester ici et hurler en espérant que quelqu'un l'entende ? Est-ce que Briac la cherchait ? Viendrait-il pour l'aider ou l'achever ?
L'évocation de Briac l'emporta dans un profond questionnement et fit diversion quelques instants à son désespoir. Le garçon lui avait dit qu'il était le fils de cette Fanny Clivier. Et celle-ci avait été enlevée, il y a presque vingt ans ! Pourquoi Briac tenait-il tant à ce que Mélia soit au courant de cela ? Fanny était-elle bien la jolie femme endormie dans la chambre de la villa des Le Tallec ? Est-ce qu'elle était prisonnière ou droguée ? Briac cherchait-il de l'aide ou tout cela faisait-il tout simplement partie d'un plan des Indésiratas pour attirer les Ostendes dans un piège ? Insensée ! Cette histoire était complètement folle ! Mélia ne savait vraiment pas quoi penser du jeune Péragore.
Un petit frôlement sur son mollet fit sortir la jeune fille de son imbroglio de questions. Rapidement, elle se releva avec un petit cri effarouché. Elle avait cru voir un rat ! En effet, un petit animal couvert de poils quitta ses jambes pour fuir comme un dératé. Ce n'était pas un rat. Il était bien plus petit et possédait une queue touffue. Il couina sa peur en cavalant sur ses pattes courtaudes et se faufila dans un trou gros comme un poing.
Remise de sa surprise, Mélia chercha à apercevoir la curieuse boule de poils. Mais l'animal resta bien tassé au fond de son trou.
— Allez, montre-toi ! Tu n'as rien à craindre, je suis toute seule, j'ai besoin de compagnie, viens !
Mais la bestiole ne réapparut pas et la jeune Ether décida de poursuivre son périple. Elle avait une faim de loup et sentait ses forces diminuer, mais il n'était pas question de lâcher. Elle quitta à regret, le petit espace de pénombre pour s'enfoncer une nouvelle fois dans l'obscurité totale. Elle se mit à chanter pour se donner du courage et briser le silence oppressant qui l'enveloppait. Mais bientôt la salive vint à lui manquer. La soif était terrible et elle préféra se taire. Le trajet lui parut interminable.
Plus aucun de puits de lumière pour filtrer la nuit et lui offrir quelques lueurs d'espoir. Pourtant, elle continua à avancer. Enfin la clarté réapparut. Cette fois, elle en était sûre, la sortie était toute proche ! Mais une nouvelle déception l'attendait. Il ne s'agissait pas d'une ouverture sur l'extérieur, mais d'un élargissement du tunnel qui formait une salle souterraine aérée par une dizaine de brèches creusées dans la croûte de terre qui servait de plafond.
Dans un premier temps, Mélia cria de rage et s'affaissa de désespoir. Mais très vite, un cliquetis régulier attira son attention. Ce bruit ! De l'eau, c'était de l'eau, elle en était sûre !
Elle la trouva très vite. Une goutte se formait délicatement au bout d'un conduit en pierre polie qui sortait de la roche. À peine gonflée de son élément liquide, la goutte scintillante s'échappait pour atterrir dans un petit bassin taillé dans la pierre. Là, l'eau croupissait avant de fuir par une évacuation bouchée et d'infiltrer la terre qui se couvrait de mousse. Mélia se précipita vers ce robinet d'un autre âge et lapa goutte après goutte inlassablement. Il lui fallut bien plusieurs centaines de perles d'eau fraîche pour apaiser un peu sa soif.
Alors seulement, elle s'intéressa au lieu dans lequel, elle se trouvait. La salle sans être lumineuse était tout de même poudrée de rais de clarté qui mettaient en valeur différents éléments. Une impressionnante statue de Pachamama aussi grande que Mélia se trouvait auréolée d'un halo diffus de lumière. Une gravure circulaire au sol recevait, elle aussi, un pâle éclairage. Malgré sa situation désespérée, la jeune fille était consciente de se trouver face à une formidable découverte archéologique. Elle prit donc le temps d'inspecter ces lieux, témoin du faste d'un passé oublié.
Elle s'arrêta devant une rangée de statues, finement ciselées dans la roche. Leurs yeux de pierre la dévisageaient, leur bouche sérieuse était à peine entrouverte. Chaque personnage était casqué d'une tête de condor, des ailes gigantesques poussaient dans leur dos et se terminaient sur la paroi rocheuse.
En face de cette impressionnante cohorte, un cube de grès rose, parfaitement taillé jaillissait du sol et se présentait comme siège ou un autel. C'est ce cube qui attira tout particulièrement la jeune Ether. Il lui rappelait le socle de granite sur lequel Téodor Lux se hissait en Ethérie pour parler à l'assemblée d'Ostendes. Elle imagina les regroupements qui avaient dû avoir lieu ici. Inconsciemment, elle caressa la pierre polie et frissonna sous la douceur transmise.
Mue d'une intuition soudaine, elle se hissa sur le piédestal. Là, son Ingéni s'illumina et émit un chuintement inhabituel. Elle tressaillit quand le son résonna en elle. Son corps se raidit, son sang se figea sans douleur. Sa respiration ralentit et tout se mit à tournoyer. Elle se sentit aspirer et laissa derrière elle son écorce de pierre. Seul, son souffle léger s'évapora de son corps devenu statue. Et dans un tourbillon de sensations, elle vagabonda à travers les âges.
Elle perçut alors, elle en était sûre, la présence des entités qui avaient bâti et habité le souterrain. Elle comprit qu'ils étaient puissants, intelligents et aussi inquiets. Peut-être des Ethers Originels ? Elle se mêla à leur trace et absorba les résidus d'énergie qu'ils avaient laissés.
Ainsi, elle conversa en pensée avec des mémoires passées et elle apprit qu'elle était attendue, qu'elle devait se dépêcher, qu'elle avait un rôle important. Mais, elle n'obtint aucune réponse aux questions qu'elle essayait de transmettre. Les formes nébuleuses qui l'entouraient étaient éphémères et s'évaporaient très vite. À peine leur message transmis, leurs contours s'évanouissaient pour laisser place à d'autres formes envieuses de communiquer les mêmes pensées.
Mélia finit par paniquer devant cette insistance qui lui donnait le tournis et inconsciemment déconnecta son esprit. L'atterrissage fut brutal. Elle réinvestit son corps froid et affamé et s'écroula à genoux sur le cube rose.
La pièce était silencieuse maintenant, tout emplie d'une atmosphère mystérieuse. L'expérience vécue par Mélia était incroyable et la jeune fille resta un moment, prostrée dans ses pensées. Un petit couinement finit par rompre son recueillement. Deux larges oreilles, collées sur une petite tête poilue au museau frémissant, faisaient le radar pour saisir les mouvements de la jeune fille. Une sorte de petit rongeur attendrissant observait avec attention le moindre geste de Mélia.
— Tiens, te revoilà toi ! C'était bien toi tout à l'heure, hein ? Mais oui, je te reconnais à ta petite tache noire au-dessus de l'œil. Qu'est-ce que tu veux ? Je n'ai rien à manger ! Non, rien, ce n'est pas la peine de trémousser du museau comme ça !
Le petit animal semblait écouter les propos de la jeune fille tout en lorgnant le mur pour s'assurer une solution de repli rapide.
— Tu les as vus toi aussi tous ces spectres ? C'est fou ! Ils parlaient tous en même temps ! Ils ont vécu ici avant ! En tout cas, c'est ce qu'ils m'ont dit ! Ils étaient paniqués !
Le pied de Mélia glissa sur la roche lisse et surprit la bestiole qui fila vite se réfugier dans un trou. La jeune Ether descendit alors de son socle de grès et soupira. Elle se sentait bien seule. Mais le rongeur était téméraire, car il pointait déjà son museau hors du trou sous les encouragements de Mélia qui resta immobile. Il osa même promener le panache de sa queue jusqu'aux pieds de la jeune fille.
— Tu es un chinchilla, c'est ça ? murmura Mélia. Oui, je pense que c'est ça, j'ai déjà vu deux ou trois spécimens de tes frères dans des livres, mais ils étaient un peu plus costauds que toi, ne te vexe pas !
L'animal paraissait intéressé. La voix enjôleuse de Mélia lui plaisait. Il se dressa sur ses pattes arrière et se pavana ainsi quelques secondes en remuant ses fines moustaches.
— Mais oui, tu es beau ! Alors, dis-moi, tu les as vus les fantômes du passé ? Ils m'ont dit de me dépêcher. Il paraît que c'est grave, urgent ! Il faut que j'agisse ! Ils auraient au moins pu me dire comment sortir de ce trou ! Tu sais toi comment sortir de là ?
À cet instant, le ventre de Mélia grogna une nouvelle fois et une contraction douloureuse lui vrilla l'estomac.
— Hé ! Ho ! Ne te sauve pas, c'est juste la faim qui hurle ! Oui, moi aussi je mangerai bien quelque chose ! Tu n'as rien de comestible dans ton trou, là ? Un petit bout de gruyère ? Un fruit ? Non, rien ?
L'évocation de ces aliments, la fit saliver et son estomac geignit une multitude de gargouillis.
— Bon, ben, il faut que je me sauve là, j'aime bien faire causette avec toi, mais il faut absolument que je trouve la sortie, j'ai trop faim ! Bye, bye, le chinchilla !
Elle plongea une dernière fois son regard dans les yeux de pierre des statues, salua Pachamama, caressa le cube de grès et reprit en traînant les pieds son chemin vers l'obscurité. Sa cheville trop sollicitée recommençait à la faire souffrir. Cette nouvelle étape fut encore plus éprouvante que les autres. À bout de force, complètement affamée, déshydratée et découragée, elle boita encore des heures dans le noir en tâtant les murs pour se réconforter. Elle finit par avancer comme une somnambule sans âme. Chaque pas encourageait l'autre. Une errance sans but, sans réflexion. Seul, l'automatisme de la marche la faisait avancer.
Un bourdonnement permanent emplissait sa tête et perturbait ses sens. Une fois encore, elle était au bord de l'asphyxie. Le sursaut du désespoir lui permit d'accomplir la centaine de mètres supplémentaire pour atteindre la bouche d'aération suivante. Elle avala comme un gâteau onctueux chaque bouffée d'air frais. Quand ses poumons furent rassasiés, ce fut son cœur qui s'emballa.
« Par les âmes folles, il faut aussi sombre ici que dans les tréfonds de l'enfer ! Où est la lumière ! Je sens l'air, où est la lumière ! »
Elle comprit alors qu'une nouvelle journée avait dû s'écouler et que la nuit était bien entamée. Dans un sanglot, elle décida de se reposer sans savoir si elle aurait la force de se réveiller le lendemain. Son existence prenait peut-être fin ici !
Pourtant elle s'éveilla reposée. Son estomac gargouillait encore plus et se contractait toujours autant. Sa tête était embuée et sa bouche sèche. Mais ses jambes reposées, encore raides de douleur, étaient prêtes à arpenter le tunnel pour trouver la sortie. Elle profita quelques minutes de la pénombre réconfortante des lieux et osa même appeler à l'aide. Mais ses cris résonnèrent sans provoquer de réaction à l'extérieur. Toujours assise, elle tendait son cou pour percevoir la clarté sur son visage quand elle ressentit un frôlement sur sa cuisse. Quelque chose gesticulait entre son pull et son pantalon et la chatouillait. Tétanisée, elle ne parvint ni à crier ni à se sauver. Et elle poussa un énorme soupir de soulagement quand elle vit sortir de sa poche, un petit museau surmonté de grands yeux noirs coiffés d'une tâche en croissant de lune.
— Ben, il ne faut pas te gêner p'tit Chinchou ! Que fais-tu là toi ? Tu as décidé de me suivre ?
La petite bête parut surprise d'entendre parler et s'éloigna de trois bons mètres, histoire de préserver une distance de sécurité. Là, elle observa la jeune Ether, tout en grignotant une sorte de graine.
— Qu'est-ce que tu manges ? Où as-tu trouvé ça ? demanda Mélia envieuse.
La bestiole, comme une réponse, s'avança audacieusement vers la poche du pantalon de Mélia et y enfouit son museau.
— Arrête ! Ça chatouille ! Qu'est-ce que tu cherches, là ? Je n'ai rien !
Pourtant le chinchilla s'enfuit avec une nouvelle graine qu'il alla déguster à son aise à bonne distance de Mélia et de ses cris.
La jeune fille prise d'un doute soudain tâta ses poches et en sortit le petit sac laissé par la sorcière de La Paz. Il contenait l'amulette de Pachamama et trois grosses poignées de quinoa. Les graines oubliées avaient commencé à germer avec l'humidité souterraine.
La main de Mélia tremblait en exhibant ce trésor. Aussitôt elle engloutit une dizaine de petits grains. Bien maigre pitance ! Mais le goût piquant et poivré ravit ses papilles. Et elle se jeta sur d'autres minuscules graines qu'elle extirpa du sac. Elle n'avait jamais mangé avec autant d'avidité et sans le savoir elle consommait la céréale idéale à sa survie. Le quinoa a d'immenses qualités nutritionnelles et ça, le petit chinchilla le savait bien puisqu'il couina son mécontentement en voyant la jeune humaine dévorer la réserve qu'il avait découverte.
— Qu'est-ce qu'il y a ? Tu en veux ? Tu ne peux pas te trouver autre chose ? J'ai faim moi ! Je n'ai rien mangé depuis trois jours ! Allez va-t'en !
Mais devant l'insistance de la bestiole et de ses couinements déchirants, Mélia capitula.
— Tiens, tiens ! Mastique bien surtout ! Il faut que ça dure un moment !
Le repas en tête à tête ne dura que de trop brèves secondes. La jeune Ether parvint à se raisonner et ne consomma pas toutes ses maigres provisions en une fois.
— Stop, ça suffit, on en garde pour plus tard ! Arrête de pleurnicher ! Je sais, c'est dur !
Et la randonnée souterraine se poursuivit. Le petit chinchilla suivait Mélia en laissant toujours quelques mètres entre eux. Pourtant dès qu'il ne l'apercevait plus, il poussait de longs cris aigus semblables à des pleurs de nourrissons. Alors, Mélia, amusée par le comportement de son nouvel ami, ralentissait le pas et attendait d'apercevoir son museau frétillant ou sa queue en panache pour reprendre le chemin de la sortie. Les boyaux souterrains n'en finissaient plus, parfois larges et suintant d'humidité, d'autres fois étroits et rocheux ou tortueux et malodorants, ils guidaient la Prudens vers une issue incertaine.
Elle buta soudain sur un mur qui se dressait devant elle. Heureusement qu'elle progressait lentement les mains dirigées vers l'avant pour parer à tout obstacle sinon son front aurait heurté violemment le bloc granitique qui lui barrait le passage. Elle le tâta avec angoisse, chercha la faille par laquelle, elle pourrait se faufiler. Mais ne trouva nulle ouverture.
— Non, non, non ! Ce n'est pas possible ! Non, non, tout, mais pas ça ! Ça ne peut pas s'arrêter là ! Je n'ai pas fait tout ce chemin pour rien !
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