EPILOGUE
- FINNEAS > Heaven -
L'air frais du matin vient chatouiller son corps à travers les draps, il fait gonfler les longs rideaux en lin et en coton de la petite fenêtre de la chambre. Un frisson court sur sa peau, hérissant ses poils.
Son nez remue, gêné par le pollen soulevé par le vent. Quelques oiseaux entament leurs chants matinaux, se réjouissant d'un nouveau jour ensoleillé.
Ses yeux s'ouvrent brutalement, elle reprend son souffle, comme si elle n'avait pas respiré depuis des lustres. Son corps se redresse, son regard balaie la pièce, ses mains accrochent les rebords de son lit.
La fille de la foudre n'a jamais vu cette chambre. Elle n'est jamais venue dans cette bâtisse. La pièce noyée sous les rayons du soleil irradie de douce chaleur.
Son lit est placé en face de la fenêtre, une table de chevet est plantée à ses côtés. Un petit tapis en coton à été posé soigneusement contre cette dernière. Une bibliothèque pas plus haute que la jeune femme est encombrée de dizaines de livres. Un fauteuil en tissu beige lui tient compagnie. Les murs en pierre sont ornés de plantes et de quelques bougies posées sur des étagères aussi fines que du papier.
Une porte en bois donne accès à l'extérieur. Un velux laisse entrer davantage de lumière. D'ailleurs, la précieuse énergie d'Asal semble excitée par ce nouvel endroit, excitée à l'idée de faire de nouvelles découvertes.
Son flux la pousse à se jeter hors de son couchage, laissant les draps se froisser en tombant sur le sol. Elle examine ses vêtements. Elle porte une tunique en lin, une ceinture en corde vient resserrer sa taille. Ses pieds trouvent alors les sandales en cuir posées aux pieds de la porte qu'elle s'empresse de franchir.
La luminosité abondante l'aveugle et, pendant un instant, elle doit se protéger le visage. Son énergie s'agite, ses lumières glissent lentement sous sa peau. Elle avait oublié cette sensation, celle d'un flux apaisé. Maintenant acclimatés à l'extérieur, ses yeux lui offrent la plus belle des vues.
Elle est au milieu d'une prairie verdoyante, noyée sous des milliers de fleurs, parsemée de nombreux hêtres, chênes et bouleaux. La rosée vient humidifier ses chaussures, chatouiller ses pieds. Des pieds de vignes bordent un chemin en terre battue. Instinctivement, elle le suit.
Après quelques minutes de marche, des éclats de rire viennent titiller ses oreilles. Elle ne peut s'empêcher de sourire. Un immense chêne se dresse plusieurs mètres devant elle. Une balançoire est accrochée à l'une de ses plus grandes branches, la plus résistante.
Son flux lui fait accélérer le pas mais après quelques foulées elle est arrêtée net par ce qu'elle aperçoit. Une silhouette porte sur ses épaules un être plus petit qui rit aux éclats. Une autre est assise sur la balançoire et se balance doucement.
- Encore papa ! Encore ! s'écrit une petite voix.
Le plus grand quitte alors la protection de l'ombre du chêne et, quand les rayons du soleil s'écrase sur sa peau, elle peut enfin voir son visage.
Athos.
Le grand frère d'Asal pose ses mains sur les cuisses du petit garçon niché sur ses épaules. Athos se met alors à sauter dans tous les sens, à courir, imitant un cheval fougueux. Les deux individus se dirigent vers Asal mais ne semblent pas l'avoir remarquée.
Elle n'arrive pas à comprendre ce qu'il lui arrive. Elle le revoit enfin, et plus heureux que jamais.
- Athos ! s'époumone-t-elle.
Le frère se fige, manquant de faire basculer le petit. Son regard trouve immédiatement la fille de la foudre. Il pose le garçon à terre et s'élance à toute vitesse vers sa sœur. Asal se lance vers lui, poussée par son flux.
Leur deux corps s'entrechoquent, ils se retiennent mutuellement pour ne pas tomber. Ils s'étreignent, se serrent aussi fort qu'ils le peuvent, ne cessent de se regarder pour être certains qu'ils ne sont pas en train de rêver. Le frère et la sœur fondent en larmes.
- Je suis tellement heureux de te revoir petite sœur, dit Athos, un large sourire accroché aux lèvres.
Asal veut répondre mais son œil est attiré par une silhouette féminine derrière son frère. Elle n'avait jamais oublié ses cheveux plus blonds que n'importe qui, ses beaux yeux bleus, ses lèvres charnues, son nez en trompette et son air rieur.
- Akaï, murmure Asal.
Sans réfléchir, elle lâche son frère pour se jeter dans les bras de sa belle-sœur. Son parfum fleuri lui rappelle tellement de souvenirs. Akaï voudrait dire quelque chose mais les sanglots sont trop puissants.
Une petite main vient tirer la tunique de la fille de la foudre. Athos prend alors le garçon dans ses bras. Il est impressionné par Asal et semble trop timide pour dire ne serait-ce qu'un seul mot mais son petit sourire réchauffe le cœur de la Kerausienne.
- Nous devions te présenter quelqu'un, poursuit Athos. Nous avons eu la joie de l'accueillir il y a un et demi maintenant.
- Quel est son nom ? articule Asal sous les larmes.
- Tobias, répond Akaï.
Les petites joues du garçon s'empourprent et il enfouie son visage dans le cou de son père.
- Il est timide mais je suis certain que vous aller bien vous entendre... assure Athos.
Asal voit alors de toutes petites lumières logées dans les mains du petit. Son flux s'excite davantage, comme s'il célébrait la venue d'un nouvel être dans la famille, comme s'il fêtait l'arrivée d'une nouvelle énergie.
- Tu devrais continuer ta balade sur le chemin, dit doucement Akaï. Je suis persuadée que les environs vont te plaire.
Le sourire d'Akaï s'élargit et elle encourage d'un geste de la main sa belle-sœur à continuer sa route. Avant qu'Asal ne reprenne sa marche, son frère vient déposer un baiser sur son front.
- Bienvenue chez toi, souffle-t-il.
**
La fille de la foudre suit le sentier depuis deux ou trois kilomètres. Des pieds de vignes s'étendent à perte de vue. Des allées de pêchers, d'abricotiers et de pommiers sont plantées aux abords de la route.
Elle aperçoit, plus loin, un groupe attablé. Les individus sont en grande discussion. D'autres éclats de rire résonnent dans ses oreilles. Son flux s'agite, ses lumières l'empresse d'accélérer. Elle obéit.
Les visages se font alors plus clair, les rayons du soleil font briller leur peau. Plusieurs paires d'yeux se tournent au même moment vers elle. Asal doit lutter pour ne pas tomber à la renverse mais un vertige lui cloue les genoux au sol. Le choc fait vibrer tout son corps, son énergie la tire vers le haut mais elle ne parvient pas à se relever.
Son père se lève brusquement, manquant de renverser la table et tout son contenu. Sa mère lui prend la main et ils se dépêchent de rejoindre leur fille. Une tignasse blonde les accompagne.
- Asal, s'écrient-ils en cœur.
Ils la prennent dans leurs bras, l'aident à se relever, la couvre de baisers, de mots d'amour. La fille de la foudre sent ses jambes trembler. Elle croirait rêver.
- Vous êtes tous là ? s'étonne-t-elle.
- Oui, répond son père, nous sommes tous là. Tous ensemble.
Ils échangent encore quelques mots, s'étreignent plus fort. Une chevelure rousse s'approche alors accompagnée d'un homme bien plus grand que toutes les personnes présentes ici. Il a de grands yeux marrons, des cheveux roux coiffée en une petite queue de cheval, une longue barbe touchant presque sa poitrine et air sérieux fige son visage.
- Quel bonheur de te retrouver ma grande, murmure Skepsi.
Asal la prend dans ses bras et à sa grande surprise, son corps est envahit par une chaleur qu'elle n'avait jamais connue avec l'androïde.
- Tu es humaine ! se réjouit Asal. Tu es humaine !
- C'est ma récompense...
- Elle nous a beaucoup parlé de toi, déclare le père d'Asal.
- J'avais beaucoup de choses à leur raconter, renchérit Skepsi. Mais tu devrais continuer ton chemin jusqu'au lac. On aura le temps de tous profiter ce soir de nos retrouvailles. Tu pourras rencontrer mes garçons ! Pardonne-les, ils voulaient absolument rester dans la forêt pour observer des cerfs.
- Alors je vous rejoindrai, répond Asal. J'ai juste l'impression que je ne vous retrouverai jamais...
- Nous ne partirons pas d'ici, nous sommes chez nous maintenant, s'empresse de dire sa mère pour la rassurer.
- Je serai de retour avant que le soleil ne commence à descendre dans le ciel, leur assure Asal.
- Prends ton temps, souffle Iremia. Prends le temps de savourer tes premiers instants ici.
Asal donne une accolade à son amie et envoie un baiser à l'ensemble du groupe avant de reprendre son chemin.
**
Son flux semble se délecter de ce nouvel endroit. Ses lumières continuer de glisser lentement, la dirigeant avec douceur. La brise chargée de différents parfums de fleurs, de fruits lui donne les larmes aux yeux. Cela fait un moment qu'elle n'avait pas apprécié ces petites choses de la vie, ces petits détails qui la rendent plus belle.
Le chemin s'arrête brusquement et donne sur un immense champ. L'herbe est plus haute. Les rayons du soleil se sont chargés de plus de chaleur. Quelques gouttes de sueur perlent sur le front d'Asal, du revers de la main elle s'en débarrasse.
Elle continue sa marche à travers champ. Quelques fleurs viennent se glisser dans les sandales de ses chaussures, le bourdonnement des abeilles bercent ses oreilles, le vent fait siffler les épis de blé. Elle voit les eaux bleues turquoise du lac se dessiner devant elle, à quelques dizaines de mètres.
Il est cerné par des centaines d'arbres. Leur feuillage forment une barrière végétale presque infinie contre la lumière du soleil.
Un hennissement puissant déchire alors le silence. Asal se fige. Son flux s'agite davantage. Son corps tout entier se met à trembler. Ses lumières s'impatientent, la suppliant de bouger.
Le martèlement des sabots du cheval secoue tout le champ, faisant vibrer les pieds d'Asal et toute la végétation aux alentours. Elle l'aperçoit au loin. Il est chevauché par un homme assez grand. Il porte une tenue noire. Sa selle est équipée de deux grandes sacoches et sa monture est d'un noir profond, plus profond que l'univers. Sa longue crinière est tressée, sa queue flotte dans le vent, ballottée par la puissance du galop.
La tête du cavalier se tourne vers elle et malgré la distance, il préfère arrêter son cheval. Il observe la fille de la foudre un long moment avant de se diriger au trot vers la Kerausienne. Il ne lui faut franchir que quelques mètres de plus avant de se jeter par-dessus sa monture.
Le cheval s'arrête, préférant brouter l'herbe fraîche mais sa quiétude est perturbée par un cri, celui de son maître.
- Asal ! crie-t-il.
Elle n'a pas besoin de réfléchir, son flux le fait à sa place. Sa voix, elle l'aurait reconnue entre des milliers.
- Thane ! s'époumone Asal.
Ils courent alors à un rythme effréné pour se rejoindre. Les chardons, les épis de blés viennent griffer les chevilles nues de la jeune femme mais rien ne pourra l'arrêter. Elle ne peut retenir ses larmes. Le cheval suit son cavalier en galopant, il hennit une nouvelle fois, déchirant la plaine.
Les deux amants se jettent dans les bras de l'autre, essoufflés, sous le choc, désorientés. Il tombent sur le parterre de fleurs tant leur étreinte est brutale. Le flux d'Asal enveloppe Thane dans une onde de chaleur puissante. Il se met à rire, à pleurer, à crier de joie. Il saisit le visage d'Asal entre ses mains et il regarde son visage, pour être certain qu'elle est bien là, avec lui.
- J'étais seulement parti pêché, dit-il euphorique. Je partais vers le lac et voilà que je te retrouve !
Il la prend contre lui, ne cesse de passer une main dans ses cheveux, sur son corps pour s'assurer qu'elle soit bien réelle. Le museau duveteux du cheval vient pousser les deux jeunes. Ils se mettent à rire.
Thane aide Asal à se relever.
- J'ai toujours rêvé de te montrer cet endroit...
Il garde la main de la Kerausienne dans la sienne. Son corps est plus léger, moins douloureux depuis qu'il est ici mais il a tout de même l'impression que sa fille de la foudre l'apaise un peu plus.
Thane mène Asal jusqu'au lac, ils sont escortés par son fidèle compagnon qui, aux abords de l'eau, s'arrête à l'ombre d'un chêne pour grignoter quelques brins d'herbe encore humide.
- Tu me fais confiance ? demande le prince.
- Je te fais entièrement confiance.
- Alors ne te mets pas à rougir. Laisse-moi faire. Ça fait des années que je rêve de faire ça avec toi, de vivre ce moment avec toi.
Thane retire la blouse d'Asal. Elle l'aide à retirer ses vêtements. Ils se retrouvent face à face en sous-vêtements et, comme deux adolescents, se mettent à rire aux éclats. Le prince entraîne sa fille de la foudre en haut d'un rocher planté plus loin.
- Tu vas voir, je suis certain que ça va te plaire, lui assure Thane.
Asal le suit sans poser de question et une fois au sommet de l'énorme cailloux, elle se tourne vers Thane.
- Je suppose que l'on saute ensemble ? dit-elle.
- Je peux te montrer si tu veux... tu as sûrement peur, répond Thane avec une pointe de moquerie.
Le sourcil du prince se soulève, renforçant sa plaisanterie.
- Alors ça...
Sans prévenir, Asal pousse Thane mais ce dernier parvient à attraper le bras de la Kerausienne avant de tomber. Ils s'enfoncent tous les deux dans l'eau fraîche. Ils sont pris d'un nouveau fou rire lorsqu'ils remontent à la surface.
Le Thumosien la fait tournoyer dans l'eau, la fait dancer. Il ne peut effacer le sourire qui étire ses lèvres depuis qu'il l'a retrouvée. Il la ramène contre lui. Il sent le cœur d'Asal contre sa poitrine. Il bat la chamade. Le flux de la jeune femme envahit la surface de sa peau sans le faire souffrir.
Thane soulève délicatement le menton d'Asal pour qu'elle le regarde dans les yeux. Son visage lui avait manqué. Son air malicieux, sa fougue lui avait manqué. Ses cheveux bouclés, ses yeux perçants, son nez, sa bouche...
Il pose ses lèvres contre celle de la Kerausienne.
Asal sent son énergie prendre encore plus de puissance. Elle irradie son corps, fait bouillir son sang, vibrer tout ses muscles, toutes ses cellules. Elle s'empare de Thane, traversant ses vaisseaux sanguins, se frayant un chemin dans tous les recoins de son corps. Le prince lui appartient.
**
La fille de la foudre et le prince sont allongés côte à côte sur une épaisse couverture au bord du lac. La douce brise vient jouer dans leurs cheveux. Tournés l'un vers l'autre, ils s'observent depuis plusieurs minutes, en silence. Quelques oiseaux viennent briser cette quiétude avec leurs chants puissants. Le regard de Thane est adoucit par les rayons légers du soleil. Son pouce vient caresser délicatement la joue d'Asal.
- Est-ce vraiment réel ? demande-t-elle d'une voix tremblante.
- Rien n'a jamais été plus réel que cet instant, souffle-t-il.
- C'était tellement dur sans toi, tout a été tellement difficile... lâche Asal, des larmes roulant le long de son visage.
Thane vient essuyer les joues d'Asal.
- Chut... Tout va mieux maintenant. Tout sera mieux.
Il se rapproche d'elle, leurs visages ne sont qu'à quelques centimètres l'un de l'autre.
- Cela fait un moment que je t'attends ici... Je rêve depuis tellement de temps de passer l'éternité avec toi.
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