CHAPITRE TRENTE-SEPT




ASAL


Ce n'est seulement qu'une heure plus tard que les deux hommes arrivent à la « salle de test »comme je l'appelle. Une heure de retard c'est inadmissible pour des personnes de cette envergure. Ma mâchoire se contracte quand je les vois apparaître derrière leur vitre de protection.

Tout est si simple pour eux. Ils ne risquent pas leur vie et laisse leurs sales machines faire le reste. Je croise les bras, mon mouchard me brûle puis sa chaleur se dissipe très rapidement dans ma nuque. Signe qu'il est désactivé. Enfin, cela fait trop de temps qu'on retient cette énergie en moi. Je regarde Thane dans les yeux et il soutient mon regard.

Je souris, totalement méprisante. J'explose soudain en me jetant contre leur vitre blindée. Tout mon flux se propage dans la pièce et d'immenses éclairs l'illuminent. La tension monte en moi et je laisse toute cette énergie être expulsée.

Le choc contre cette frontière qui me sépare d'eux me fait davantage enrager. De l'électricité d'un haut voltage s'échappe de tous mes membres. Les lumières explosent. Je me concentre et rassemble mon flux dans l'une de mes mains et je le renvois tout droit sur la vitre. Je veux qu'ils sachent que je n'abandonnerai pas. Je vais peut-être les suivre mais je les tuerai un jour ou l'autre. La vitre disperse mon flux dans toute la pièce. Je crie :

- Venez si vous en avez le cran ! Vous ne valez rien, vous n'êtes pas capable d'affronter quelqu'un de plus puissant que vous. Vous vous réfugiez et c'est ce que font les lâches !

Je suis alors bouche bée quand je vois Thane quitter la protection de la petite salle annexe pour entrer avec moi. Je cesse alors d'évacuer mon flux et je fais quelques pas en arrière. Ce n'est pas normal. Ils ont dû encore modifier quelque chose sinon il ne serait pas venu. Le fils d'Hippias me regarde, il a une attitude désinvolte, j'ai bien l'impression qu'il me méprise à présent.

Je laisse tomber mes bras le long de mon corps, les poings serrés, les petites lames se déploient. Qu'ont-ils préparé ? Je crains le pire et je me mets à trembler. Je n'en reviens pas de l'effet que ce prince me fait, je suis totalement terrifiée et perturbée. Tous ces rêves me font confondre la réalité et la fiction. Thane s'approche de moi. L'énergie électrique monte en moi, elle se rassemble et prend de la puissance dans mes poings.

- Je suis là, dit-il, tu voulais donc me défier ?

- Je...

Un sourire plus large étire ses lèvres. Il remarque que je suis faible à présent. Thane est face à moi. J'ai l'impression de ne plus pouvoir bouger. Je veux partir mais je ne sais quelle force m'en empêche.

- Je t'en prie, à toi l'honneur. Tu veux m'affronter ? Alors allons-y, déclare-t-il.

Je ne sais quoi répondre et même si j'avais encore de la répartie, elle ne me servirait pas. Je suis piégée et maintenant face à lui. Suis-je encore en train de vivre un nouveau rêve ? Je frissonne. La douleur que me provoque mon flux s'intensifie. Ne pas me montrer déstabilisée. J'ouvre l'un de mes poings et laisse échapper mon flux en direction de Thane.

Je lâche soudainement toute la pression, je n'arrive plus à le contrôler. Quand le faisceau lumineux vient s'écraser sur le jeune homme qui me fait face, je suis propulsée contre le mur derrière moi. Je l'entends rire. Je tombe et je sens le choc se répandre dans tout mon corps. Alors je suis encore en pleine rêverie ? Je revis le même scénario que sur l'autre planète.

Je relève la tête vers le soldat, il va très bien visiblement.

Il se tient droit, les bras à présent croisés. Son sourire fixé à ses lèvres et ses sourcils légèrement froncés. Il est insupportable. Comment se fait-il qu'il n'ait rien ? Je comprends que dans mes rêves, chaque chose soit irréelle mais j'ai bien le sentiment d'être éveillée en ce moment même. Impossible que je revive la scène de cette nuit. Je me relève difficilement et me jette sur lui en bondissant. Je le percute et l'entraîne dans ma chute.

Nous basculons tous les deux. Je sens mes lumières le réclamer. Je ne comprends plus rien, je suis totalement perdue. Je hurle dans un langage incompréhensible. Thane me repousse. Mon flux s'agglutine vers mes bras. Il m'entraîne vers lui, je n'ai plus les commandes. Le soldat ne cesse de sourire. Je dois essayer de comprendre.

Je m'arrête à quelques centimètres du jeune homme. Je l'observe mais impossible de trouver une quelconque anomalie. Mon énergie me supplie, elle veut un contact avec Thane. Mes nerfs sont à vifs, je suis épuisée, détruite, mal menée depuis le début, je suis tout simplement à bout. Je n'ai plus la force de lutter.

Mon flux veut vraiment rejoindre le fils d'Hippias ? Nos regards s'accrochent. Je lève mon poing et lui envoie dans la mâchoire. Il n'a rien vu venir, il n'esquive même pas le coup. Notre contact est bref mais je sens qu'une décharge est partie. Perturbée, j'écarquille les yeux quand je vois que l'une de mes lumières est passée sous la peau de Thane. Quoi ? Mais ça ne peut pas arriver ! Qu'est ce qu'ils ont fait ? Pourquoi ?! Les larmes dans mes yeux brouillent ma vue. Je vois la silhouette de Thane reculer de quelques pas.

Il frotte le bas de sa joue. Je ferme les yeux un instant et quand je les rouvre, je vois Hippias qui a l'air aussi étonné que moi mais il finit par un geste bref de la tête, par approuver la situation. Il parle à quelques androïdes. Je tourne la tête vers Thane. La faible petite lumière se ballade lentement dans son corps. Il semble tout à fait satisfait.

Ce n'est pas vrai. Il ne peut pas voler mon énergie, mon don... ce n'est pas possible.

Je vous en supplie, dites-moi que je rêve. Sans cela, sans cette chose qui me rend unique et plus forte, je ne pourrai pas survivre. Mon mouchard diffuse de nouveau beaucoup de chaleur, il est enclenché comme à chaque fin de test.

**

Harry vient frapper à la porte. Je suis plantée devant la baie vitrée de ma suite. Je suis prête depuis plusieurs heures, impossible de fermer l'œil. J'arbore comme d'habitude une combinaison, celle-ci est orange et noire. Cela change des couleurs de Thumos et j'en suis ravie. L'androïde est juste venu chercher mes valises pour les embarquer dans le vaisseau et me prévenir que nous décollons dans une vingtaine de minutes.

Tout est allé trop vite depuis cette horrible séance. Je n'arrive toujours pas à y croire et je n'ai eu droit à aucune explication. Je suis certaine que Skepsi m'aurait informé des changements chez Thane... Il doit bien y avoir une raison à ces perturbations. Je n'avais jamais vu cela. Je me demande encore comment il a fait pour me voler cette lumière et pourquoi je ne peux plus l'attaquer.

Le premier jour où je suis arrivée ici, je l'avais grièvement blessé et aujourd'hui, je suis devenue impuissante. Je soupire. Pourquoi tout est si compliqué ? Ne pourrais-je pas tout simplement retourner chez moi ? Remonter le temps et revivre ces bons moments avec ma famille. Mon père, ma mère, mon frère, Iremia et tout les autres... Si rien de tout cela n'était arrivé, Skepsi serait encore en vie, accompagnée de ces fils et de son mari.

Tout le monde serait heureux.

Je contemple une dernière fois la vue avant de me retourner, de regarder ma chambre, de revoir Skepsi entrer. Des larmes roulent à présent sur mes joues.

- Adieu, chuchoté-je.

C'est certain, je ne reviendrai jamais ici. Je franchis la porte et je la referme lentement derrière moi. Je ne reverrai plus jamais cette planète ni aucune autre d'ailleurs. Je sais que je vais mourir pendant ce voyage. Je laisse échapper un long soupir. Je n'aurais pas pu imaginer une seule seconde que quitter cet endroit allait être si difficile.

Je ne peux pas dire que j'ai passé d'agréables moments mais disons que j'y ai connu la plus belle androïde et que je ne l'oublierai jamais. Elle aura, à jamais, une place toute particulière dans mon cœur. Je me mets en marche dans le couloir et deux grands soldats viennent m'escorter jusqu'au vaisseau. Ils ont pris le soin de me mettre les menottes.

Nous sortons de la demeure et j'aperçois le vaisseau qui nous attend. Je ne sais pas vers quelle planète nous irons. J'espère ne pas subir, ne pas vivre un nouveau massacre. Je redoute cette épreuve, je ne veux pas devenir un monstre abominable comme Hippias et son fils.

Je fronce les sourcils quand une allée de soldats se forme jusqu'à l'entrée de l'hovercraft.

Les hommes restent droits, certains me fixent, d'autres regardent face à eux sans grande expression. Je ralentis le rythme de ma marche et l'on me pousse pour continuer jusqu'à entrer dans le vaisseau. Un dernier regard en arrière, une dernière inspiration avant l'enfer.

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