CHAPITRE TRENTE-DEUX




ASAL


J'ai tout fait pour les éviter. J'ai réussi à prendre mes repas seule et paisiblement. La dernière chose que je souhaitais était de les voir autant l'un que l'autre. J'ai eu le temps de bien réfléchir pendant toutes ces insomnies, après tous ces cauchemars. Je dois les tuer, tous les deux. Aucun ne mérite de vivre. Ils ont dévasté, torture, tué, massacré... Je ne veux plus éprouver de pitié pour Thane, il n'en vaut peut être pas la peine finalement.

Ce serait comme vouloir ramener un mort à la vie. Impossible. Je ne peux pas le raisonner. La corruption est ancrée dans son cœur, ses racines sont trop puissantes... Je ne dois pas regretter le fait de ne pas pouvoir l'aider, il ne voudra jamais changer.

On ne peut pas sauver tout le monde. Oui, les assassiner est la meilleure des solutions. La galaxie sera soulagée et elle aura perdu ses deux ennemis les plus puissants. Est-ce que je vais y laisser la vie ? Je pense que c'est la seule issue de cette mission mais je serais morte en ayant fais la plus belle action de mon existence.

Après être entrée dans la salle d'entraînement, je prends le temps d'observer les nombreuses armes qui y sont exposées.

J'étais convoquée devant Hippias ce matin mais je ne me suis pas présentée comme il l'espérait. Je veux avoir le temps d'élaborer un plan, n'importe lequel, avant de le revoir.

Je saisis une immense épée. Elle est aussi stupéfiante qu'effrayante. Mes doigts effleurent sa lame.

Je rêve d'un monde meilleur, un monde sans guerre, une galaxie sans peur et sans conflit, un univers parfait, un monde formidable pour tous. Quelque chose d'incroyable, sans faiblesse, sans défaillance, sans crainte. Un monde juste. Mes doigts se referment lentement autour du manche de l'arme.

Un idéal à atteindre. Une espérance qui je l'espère, deviendra réalité après mon sacrifice. Je veux sauver l'univers. Il est encore temps et je le sais. Avant de décoller pour les planètes rebelles, ils seront déjà morts. En tout cas, je l'espère au plus profond de moi. 

Quelqu'un frappe à la porte. Je sursaute mais je garde l'arme en main. Un garde habillé d'une tenue entièrement blanche entre avec précaution.

- Mademoiselle, le preÿi vous attend depuis ce matin pour votre entrevu. Cela semble important.

- Je ne viendrai pas, qu'il attende.

- Si je peux vous donner un conseil, allez y et vite... annonce-t-il plus sèchement.

Je repose l'épée sur son présentoir. De toute façon, je peux toujours me défendre avec les petites lames tranchantes sous mes poignets. Je souffle, j'ai tout sauf envie de le retrouver. Son visage répugnant ne m'a pas manqué et je crains de perdre tous mes moyens en sa présence. Après tout, la volonté seule ne suffit pas, il me faudra beaucoup de courage pour accomplir ma mission.

Je sors de la salle et suis l'officier jusqu'à une salle qui m'était encore inconnue. Je prends soin de regarder chaque détails. Le plafond est extrêmement haut, sur le sol est posé un parquet clair. De grandes fenêtres laissent passer les rayons du soleil se couchant à l'horizon et quelques peintures ornent les murs. Mais cet endroit est étrangement vide... Il n'y a personne.

Mes poings se serrent et les petites lames se déploient. Mes lumières arrivent par centaines et s'agglutinent sous ma peau. Elles me font souffrir mais je pense qu'elles sentent simplement le danger. Il y a quelque chose d'étrange. Je m'attendais à le voir mais je ne trouve que des chaînes accrochées au sol et une chaise, placée beaucoup plus loin. Un sentiment d'insécurité plane dans la pièce et je redoute le pire.

Mon mouchard chauffe dans ma nuque. Il est activé. Je me retourne brusquement, persuadée de trouver quelqu'un derrière moi, mais personne. Le grand silence. Je pensais que le seul boîtier qui contrôlait mon mouchard avait été détruit par Thane.

Enfin, ce sont les professionnels des technologies alors c'était une chose à laquelle je devais m'attendre. Je fronce les sourcils quand je remarque que la porte est à présent fermée. Mon énergie prend de la puissance et elle me brûle dans tout le corps.

Mes lumières s'impatientent et bougent dans tous les sens. Je me tourne une nouvelle fois. La chaise a reculé. Une personne est assise dessus. Sa tête est couverte d'un sac en tissu assez épais. Toujours aucun bruit. Je perçois alors une présence derrière moi. Je sens un souffle brûlant contre ma peau. Je me fige et mes poings restent scellés.

Je sais très bien qu'il s'agit d'Hippias et ce serait tout à fait logique. Je ne bouge pas. Je ne peux pas. Il dégage quelque chose de mortel, de fatal et cela me paralyse. Je n'arrive pas à lutter contre lui. Des cliquetis se font entendre et j'ai l'impression que mes bras pèsent des tonnes. Je baisse la tête vers mes mains. Elles sont attachées aux chaînes fixées au sol.

Non. Je redoute vraiment ce qu'il va se passer. Je ne dis pas un mot en relevant la tête vers la personne placée sur la chaise. Je n'ai pas l'impression de la connaître. J'entends les pas lourds du tyran et il entre dans mon champ de vision. Je ricane.

- Quels progrès vous faites. Plus de rapidité et de discrétion. Votre voyage vous a apporté beaucoup de nouvelles qualités, dis-je avec insolence.

- Tu as raison. On m'a appris beaucoup de choses pendant cette escapade. Beaucoup de choses te concernant d'ailleurs. C'est pour cela que j'ai voulu absolument te voir après mon arrivée, déclare-t-il.

- Et que vous a-t-on dit à mon sujet ? demandé-je.

- J'ai été tenu au courant pour ton évasion, pour la soirée qu'avait organisé Thane mais aussi de ta progression sur les entraînements, le soldat que tu as tué et tout ce que tu sais déjà.

- J'étais certaine que votre fils rapporterait comme un chien tout ce qu'il s'est passé en votre absence.

L'inconnu bouge légèrement, la chaise grince, le sac se froisse davantage. Quelques plaintes, très faibles, s'en échappent. Je redoute de revivre mon rêve, je crains de trouver Thane sous ce sac en toile... Je refuse de revivre cette scène, je n'ai pas le cran pour être une « réelle » spectatrice de ce massacre.

- Mais j'ai découvert des choses bien plus intéressantes, dit-il en ricanant, et je pense sincèrement que tout sera plus intéressant à partir de maintenant.

Sa main saisit le sac placé sur le visage de l'individu en face de moi. Il ou elle est habillé.e d'une blouse bleue trop grande pour sa taille et sa corpulence. Ses bras sont étrangement maigres et ses jambes manquent cruellement d'épaisseur. L'otage porte de petits chaussons en tissu gris. Quelle douce attention.

Je soupire mais quand il soulève le sac... Je n'en reviens pas. Je mets à trembler comme une feuille. Dites-moi que c'est un cauchemars. Je ne veux pas que ce soit réel. Pitié, sortez la d'ici... Iremia. Mes yeux sont embués de larmes. Je n'aurais jamais pu imaginer un tel scénario, il est le pire auquel j'aurais pu songer ne serait-ce qu'un instant...

J'ai l'impression de faire face à un cadavre. Elle est attachée à la chaise. Des cernes affreuses accompagnent ses yeux. Des bleus ravagent son si beau visage. On lui a rasé la tête, sa tignasse blonde est réduite au néant. Sa peau est aussi blanche que la tenue du soldat qui est venu me chercher. Je ne veux pas y croire. Pourquoi elle ?! Je me jette vers elle pour la rejoindre mais les chaînes me retiennent. Je manque de tomber. Je hurle alors :

- Qu'est ce que vous avez fait ?!!! Laissez la ! Pourquoi vous la torturez ? Libérez la !

Les yeux de mon amie sont vides, elle me fixe d'un air livide. Son regard est éteint comme si on avait extrait de son corps toute la personne qu'elle était, tout ce qui faisait son identité, tout ce qui l'a rendait fabuleuse à mes yeux.

- Et bien Asal. Il faut que je t'explique une chose...

- Il n'y a rien à expliquer !!! Laissez-lui la vie sauve. Elle n'a rien à voir dans toute cette histoire ! crié-je de toutes mes forces.

- Si justement. Ton manque de coopération m'ennuie profondément. Il a fallu que je trouve des solutions pour y remédier. Je pensais sincèrement que le fait de tuer ton oncle te ferait taire et que pour sauver ceux que tu chéris, tu me suivrais mais ça n'a visiblement pas fonctionné. Alors, j'ai voulu cette fois te montrer la seule personne qu'il te reste dans cette galaxie. Si tu ne veux pas qu'elle souffre davantage, rends les armes et je la laisserai en paix.

- Jamais ! Je ne veux pas vous suivre, dis-je froidement.

- Alors tu choisis de martyriser l'un des être les plus chers à tes yeux ? Tu veux la voir mourir ? Je pense qu'il y a une autre solution... Même si ça ne me gêne pas vraiment de mettre fin à ses jours, après tout elle n'est personne dans cet univers.

Mon dieu mais que m'arrive-t-il ? Pourquoi s'acharne-t-il ? Je ne veux pas qu'elle souffre à cause de moi... Trop de gens ont déjà perdu la vie. Je ne veux pas, je ne peux pas la laisser mourir juste pour le plaisir de résister à Hippias. Je n'ai pas le choix, je dois la laisser vivre. Je l'aime tellement.

- Je vous suivrai. Laissez-la. Je ne veux pas qu'elle en subisse davantage, répondé-je finalement, dégoutée.

Hippias paraît satisfait. Il sourit et s'éclipse, nous laissant toutes les deux attachées à l'opposé. J'inspire profondément pour calmer mes sanglots. Je regarde Iremia qui garde les yeux rivés sur moi. J'aimerais la serrer contre moi. Je veux l'appeler quand elle me dit, sans ton particulier :

- Tout est de ta faute Asal. Tous ces gens qui souffrent. Laisse-les vivre. Tu vas détruire l'univers entier. Tu es dangereuse, un monstre cherchant à faire le plus de victimes. Comment j'ai pu imaginer un seul instant que tu pourrais être mon amie ? Tous ces souvenirs à tes côtés me dégoûtent, tu me répugnes. Tu es immonde. Tu devrais avoir honte de que tu es.

Je veux me défendre mais je n'en ai pas la force. Ses paroles me transpercent. Mes lumières faiblissent et mon énergie disparaît presque. Ses mots ont l'effet d'un poignard. Ce n'est pas Iremia... Je pleure davantage. Est-ce que tout serait réellement de ma faute ? Est-ce que tout pourrait être plus simple ?

Je me remémore alors nos plus grands moments, nos plus beaux souvenirs. Ce jour où nous avions fait le mur pour aller voir la pluie d'étoiles filantes. Nous avions décidé de passer la nuit au bord du lac et de profiter de l'une de nos dernières soirées de vacances pendant le solstice chaud. Nous avions tout préparé des jours à l'avance pour être certaines de ne pas éveiller les soupçons.

Cela peut paraître anodin : deux gamines qui désobéissent pour aller profiter d'une nuit étoilée. Pourtant, après la guerre, un couvre-feu avait été instauré pour réduire les violences nocturnes. Cette méthode avait porté ses fruits mais sortir dehors après le coucher du soleil pouvait devenir source de problèmes. Une patrouille rodait chaque nuit dans les rues, dans les campagnes pour faire respecter cette loi.

Nous nous étions senties comme deux filles libres ce soir là, libres de toutes leurs responsabilités, libres d'un monde marqué à jamais par la guerre, déchiqueté, divisé.

Iremia et moi avions passé la soirée à raconter des histoires invraisemblables, des blagues mais aussi à s'avouer nos plus grands rêves. Elle, rêvait de partir voyager dans toute la galaxie, de faire de nombreuses rencontres, de s'enrichir d'autres cultures, de tomber sur un charmant jeune homme solitaire qui l'aimerait pour la vie et qui lui apprendrait à vivre comme elle l'avait toujours voulu : avec passion.

Moi, j'avais dis ce soir là que je rêvais de pouvoir rendre le monde meilleur, d'avoir le pouvoir de régler toutes ces injustices pour que nous puissions vivre, nous et les générations futures, dans le meilleur des mondes.

Elle avait ri en entendant ma réponse et m'avait assuré que c'était le genre de phrase bateau que l'on sortait pour se la jouer altruiste pour plaire à quelqu'un. Je l'ai poussée dans l'eau et elle avait manqué de boire la tasse. Nous avions ri et encore ri cette nuit là. Le genre de fou rire dont vous vous souvenez pour toujours. Ceux qui restent gravés à jamais dans votre mémoire.

J'ai le temps de jeter un dernier regard vers ma plus chère amie avant que des soldats ne viennent me chercher. Je n'ai pas la force de lui dire quoique ce soit, savoir qu'elle me hait m'anéantit.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top