CHAPITRE CINQUANTE-SIX
Deux mois après la mort d'Hippias...
La voilà de retour sur l'une des planètes qui l'a marquée à tout jamais. Ses pieds foulent le sol d'Obihas une nouvelle fois. Elle est submergée par l'angoisse, l'amertume mais l'impression d'être bercée par la brise surpasse son chagrin. Une inspiration profonde, elle veut chasser toutes ces mauvaises pensées de sa tête. Cela est plus difficile que prévu, revenir ici est presque une torture mais elle le souhaitait plus que tout. Pour lui.
Le désir de revenir ici était trop puissant. Elle voulait revoir la beauté des lieux, le charme des villages, des bâtiments, des habitants mais tout a changé. On ne la regarde plus comme la première fois, tout le monde semble trop impressionné pour s'approcher. Son cœur se serre, déchirant sa poitrine, entravant sa respiration.
- Hàgia... murmurent-ils.
Sainte. Son flux lui donne le courage de s'avancer et de se frayer un chemin au milieu du marché dont elle se souvenait parfaitement. Les mêmes vendeurs, les mêmes bergers menant leurs animaux, tant de visages familiers que la jeune femme prend plaisir à retrouver. Les enfants courent en bousculant les adultes, un chien les accompagne dans leur jeu. Ils se faufilent à une vitesse folle dans les rues pavées. Des messes basses lui font serrer les dents. Son énergie s'affole. Pourquoi tout le monde se méfie ? Après tout, elle a réussi. Oui, elle a réussi à tous les sauver. Sauf celui qui comptait le plus à ses yeux.
- Basìleia... chuchotent-ils.
Reine. Asal se met alors à pleurer. Elle sent ses joues rougir de honte, son corps trembler, son cœur se serrer un peu plus. C'est un sacrifice que jamais elle n'avait imaginé faire. La jeune femme avait déjà perdu sa famille. Mais cette fois, tout était différent. Elle avait perdu son roi.
Les répercussions de la mort d'Hippias ont été terribles. Tous les loyalistes ont été exécutés par les rebelles. Les demeures respectives du tyran et de son fils ont été démolies, réduites en cendre. Tous les Thumosiens ont voulu nommer Asal en tant que preÿa, en tant que reine. Elle a fui, ne supportant pas de rester sur une planète qui lui rappelle chaque seconde celui qu'elle a perdu.
Elle arrive rapidement aux alentours de la demeure de Qorah. D'ailleurs rien n'a changé et cela l'effraie presque. Tout est à sa place, les mêmes fleurs, les mêmes paons gardant farouchement l'entrée. Asal s'arrête brusquement quand elle a l'impression de revoir une silhouette familière derrière l'une des colonnes qui soutiennent l'avancée du toit. Elle se souvient alors de cette soirée qui aurait pu être la plus belle de son existence mais le destin en avait décidé sûrement. Elle frémit. Pourquoi cela est-il si difficile ? Le sentiment de l'apercevoir dans tous les recoins de la ville la paralyse.
Qorah l'attend sous le porche de l'entrée, les bras croisés. Il lui sourit chaleureusement mais Asal n'est pas vraiment à l'aise. Elle aura du mal à oublier ce que Qorah a provoqué. Sans un mot, elle le salue d'un hochement de tête et il la mène jusqu'à l'un de ses salons. Asal apprécie ce geste. Il a peut être compris que revenir dans son bureau aurait été trop douloureux. Ce n'était peut être que le hasard mais elle voulait se consoler, lui donner de bons mobiles comme sa mère le faisait toujours et pour tout le monde.
Le jeune blond lui intime de s'asseoir en face de lui dans un fauteuil en cuir. La pièce est très bien décorée. Un poêle trône au milieu de la salle, de grandes baies vitrées donnent sur le domaine et ses nombreuses fontaines. Deux fauteuils en cuir sont placés juste à côté. Une peau de bête vient encore réchauffer l'atmosphère. Quelques tableaux de paysages et d'animaux sont accrochés aux murs. Un grand buffet vitré renferme de nombreuses bouteilles de différents alcools, des verres y sont également exposés. Des bougies et une musique de fond viennent adoucir l'ambiance.
- Bien, Asal. C'est un plaisir de te revoir, annonce-t-il en souriant. Écoute, si je t'ai demandé de revenir ici ce n'est pas pour rien.
- Je n'ai pas envie d'aborder le sujet, le coupe-t-elle.
- Je t'en prie. Je souhaitais m'excuser sincèrement et te remercier de m'avoir nommé à la charge des élections du futur dirigeant de Thumos et toutes les planètes qui avaient été conquises par Hippias...
- J'essaye d'oublier, ce sera long, mais j'y arriverais sans doute. Je ne veux seulement plus en entendre parler, déclare-t-elle un peu sèchement.
Asal tente de retenir quelques larmes. Après tout, il les avait vendus à Hippias... Il ne s'était pas battu avec eux comme il l'avait promis. Mais Hippias avait réussi à détruire chaque être humain de cette galaxie même celui qu'elle aimait alors Qorah ne pouvait pas y échapper après tout.
- Asal. Je ne veux te forcer à rien du tout. Je voulais seulement t'offrir l'hospitalité et te redonner quelque chose...
La jeune femme soupire mais pas par mépris, juste de soulagement. C'est un poids en moins sur ses épaules. Juste de savoir qu'elle peut rester ici quelques jours ou plus la rassure. Elle se sent tellement bien sur cette planète qu'elle souhaite retrouver ces sensations même si cela doit prendre un certain temps.
- Merci Qorah. Quelle est cette chose ?
Qorah se penche alors vers elle et lui tend une cassette noire qu'elle reconnaît immédiatement. Asal est refroidie à la vue de cet enregistrement.
- J'avais entendu tout ce que j'avais à entendre. Tu peux la détruire, déclare-t-elle en la repoussant.
- Non Asal. J'écouterais la deuxième face si j'étais toi.., insiste Qorah.
- Parce qu'il y avait une deuxième face ?! s'étonne-t-elle.
Sans pouvoir se contrôler elle saisit rapidement la cassette et Qorah se contente d'acquiescer. Il lui fait signe de la main qu'elle peut sortir. Mais avant qu'elle ne se précipite à l'extérieur, il lui indique le Walkman posé sur une table basse dans l'un des coins de la pièce, au milieu de vieux journaux poussiéreux.
Asal ne parvient pas à réprimer son sourire et s'empresse alors de sortir avec la cassette et le Walkman. Alors qu'elle passe le portail de la demeure, elle se dirige instinctivement vers la côte et ses grandes falaises. Elle vient s'asseoir au bord de l'une d'elle. Face à la mer.
Mais alors qu'elle s'apprête à lancer l'enregistrement, l'angoisse monte en elle. Veut-elle réellement écouter ce que cette cassette contient ? Elle se met à trembler mais prend son courage à deux mains et appuie sur le bouton de lecture. La curiosité est trop forte.
• Face numéro 2 •
Comme lors de l'écoute de la première face, de longues minutes s'écoulent avant d'entendre leurs voix.
- J'espère que vous comprenez que vous me mettez dans une situation délicate...annonce Qorah.
- J'en suis totalement conscient et en ayant pris cette décision je risque aussi gros que vous.
En entendant son timbre plus grave que la normal son flux s'agite et la jeune femme ne peut retenir ses larmes. La tête baissée, elle sert un peu plus le walkman contre elle. Asal a presque envie d'hurler, d'exploser de rage... Elle sait que ce sera à chaque fois trop dur de se remémorer tous les moments passés ensemble, sa voix, son visage mais elle ne pourrait pourtant pas s'en empêcher.
- J'ai encore beaucoup de difficultés à concevoir le fait que vous ayez eu le désir de sauver cette jeune femme. C'est un comportement plutôt inhabituel pour les individus de votre lignée. Sans vouloir vous offenser.
Un nouveau silence, plus long, ou elle perçoit le son du talon de la botte de Thane frapper régulièrement le parquet. Il était très nerveux, la même angoisse que le jour où ils s'étaient présentés tous les deux devant Qorah.
- Je ne pensais pas non plus un jour prendre une telle décision. Enfin, surtout aller de mon plein gré à l'encontre des recommandations de mon père pour la sauver. Jamais, au premier jour, je n'aurais pu imaginer qu'elle prendrait une telle ampleur même si je savais qu'elle était spéciale ...
- Nous risquons la mort tous les deux mais je suis prêt à prendre ce risque si elle en vaut la peine et qu'elle a le cran de garder la tête haute pour nous aider à sortir de cette guerre. Mais qu'a-t-elle de si spécial pour autant vous toucher ?
Un autre silence. Asal ne parvient pas à comprendre s'il se méfie, s'il cherche simplement ses mots ou si les émotions étaient particulièrement puissantes à cet instant et que la discussion était insoutenable pour lui. Thane avait sûrement l'impression de baisser les armes et de se livrer, qu'il était devenu faible, que l'inconnu en face de lui se servirait de tout cela pour le détruire, le discréditer.
- Je suis allé la chercher sur Keraunos sur ordre d'Hippias. Je ne l'ai vu que quelques secondes mais je revois son visage dévasté par la perte de sa mère et alors je me suis vu à sa place.
- Pourquoi ?
- Parce que j'ai vécu la même situation. J'ai perdu ma mère très jeune et je sais la douleur que cela nous inflige. J'étais devenu réticent à l'idée de la ramener sur Thumos.
- Mais avez- vous tout de même obéi à votre père ?
- Oui.
Elle l'entend soupirer, son cœur se serre. Il reprend après quelques secondes de pause :
- Mon père avait besoin d'elle pour terminer sa mission et j'avais en face de moi la promesse d'un bel avenir à la tête d'un empire immense. L'idée de devenir leader a surmonté le peu d'empathie que j'avais ressenti pour elle.
- Et vous étiez chargé de son entraînement. Beaucoup de rumeurs disent que vous la torturez. Cela vous a-t-il affecté ? Pourquoi lui infliger tout ceci ?
Son rythme cardiaque s'accélère, son flux se déchaîne et ses lumières s'affolent. Repenser à cette époque lui noue l'estomac et la fait encore terriblement souffrir.
- J'étais chargé de son entraînement oui. Elle était affable, révoltée et là encore toutes ces choses m'empêchaient de réaliser l'ampleur de la situation. J'étais aussi en colère contre elle. Elle me considérait et me considère toujours comme un vulgaire chien. Je voulais qu'elle sache que j'étais bien plus puissant qu'on ne pouvait le penser.
- Vous ne répondez pas à ma question, lâche Qorah.
Thane veut éviter le sujet de torture et Asal le comprend. Elle préfèrerait ne plus avoir à l'aborder. Elle l'entend se replacer sur sa chaise.
- Oui. Oui pour tout. Nous avons eu recours à la torture pour la faire céder. Mon père voulait aller vite et j'étais excédé par son comportement, elle ne nous respectait pas. J'ai été touché la première fois à sa réaction quand elle a appris la mort de Skepsi. Je ne m'attendais pas à ça et j'ai été totalement déstabilisé.
- Vous ne lui avez rien dit ?
- Non. Je ne savais pas comment réagir face à ça. Mon père voyait bien que je commençais à m'inquiéter alors il me redressait immédiatement.
- Il vous redressait ? Qorah semble surpris.
- Je ne préfère pas aborder ce sujet.
Elle pourrait presque entendre les dents de Thane grincer.
- Mais cela m'a empêché pendant des mois d'essayer de la comprendre. C'est quand nous nous sommes retrouvés seuls que j'ai pu m'affranchir de mon père et penser librement.
- Vous vous êtes retrouvés seuls ?
Thane rit alors nerveusement, comme s'il avait honte puis se racle la gorge. Asal le voit rougir.
- Oui, plusieurs fois. Un bal a été organisé et d'ailleurs ça été le moment le plus agréable depuis son arrivée. Je savais qu'elle était en train de préparer son évasion, qu'elle me volait le boîtier qui contrôlait son mouchard pendant que nous dansions mais je ne voulais pas intervenir. Pour lui montrer qu'elle avait le choix avec moi et que je n'étais pas comme mon père. Je me disais qu'elle avait peut-être une chance de s'en sortir.
Elle en a le souffle coupé. Il savait alors ? Il avait tout remarqué mais il l'a laissé faire ? Des larmes roulent sur ses joues rougies par la fraîcheur de l'air chargé d'embruns. Thane reprend la parole :
- J'ai été la chercher après quelques jours dans le désert. Je voulais m'assurer qu'elle était vivante. J'étais tiraillé entre la ramener ou la laisser s'enfuir et prendre le risque d'être tué pour l'avoir laissé filer mais au vu de son état je l'ai ramené. Je refusais de la laisser mourir. Elle m'a traité comme un moins que rien ce soir-là, elle était en colère alors que je faisais l'effort de faire attention à elle.
Asal pleure davantage face à ces aveux. Elle s'en veut d'être restée méfiante alors qu'il était venu la voir, avait été sincère et avait fait l'effort d'éprouver de l'empathie à son égard. Son regard était différent cette nuit-là et elle en était convaincue.
- Je savais que je pouvais être plus clément quand j'ai vu la réaction de son énergie quand je m'approchais. Son flux me réclamait, il m'apaisait alors je me disais au fond de moi qu'elle ne me haïssait peut-être pas autant qu'elle le prétendait.
- Pourquoi n'avoir rien fait alors ? Pourquoi ne pas vous être enfui avec elle plus tôt ?
- Parce qu'elle ne m'aurait jamais suivi à cette période. Et je prenais le risque de la perdre pour toujours si j'agissais ainsi. Mon père est revenu et a repris le pas sur mon esprit. Tout a été mis sur pause.
- Qu'est ce qui vous a fait enfin réaliser ?
- Le jour où on lui a présenté Iremia pour la faire chanter. Mon père voulait qu'elle cède. J'ai été perturbé par sa réaction et c'était la première fois que le comportement de mon père me dérangeait. J'étais très en colère.
Alors il était là ? Il a tout vu et tout entendu... Elle revoit le visage de son amie, défigurée et amaigrie... Son corps décharné... Elle n'a jamais su si elle était toujours vivante, si elle s'en était sorti.
- Mais je ne devais rien montrer devant mon père. Tout est allé trop vite ensuite. Nous sommes partis, avant cela durant l'entraînement, l'une de ses lumières s'est logée sous ma peau. Nous sommes ici au final mais elle ne sait rien de tout cela. Je suis à son chevet jour et nuit.
Elle regrette de ne pas l'avoir remercié pour tout ce qu'il avait fait.
- Je vais poser encore une fois cette question mais qu'est-ce qu'il la rend si spéciale à vos yeux ? demande Qorah.
À entendre sa voix, il semble choqué de la tournure de ces événements.
Un immense silence. Même s'il ne s'agit que d'un enregistrement, Asal s'imagine avec eux, assise à côté de Thane. L'ambiance est pesante et les confessions du jeune homme lui arrachent le cœur. Elle l'imagine les yeux rivés dans ceux de Qorah pour se rassurer, pour ne pas avoir l'impression de tout lâcher, de devenir plus faible, d'être sans défense.
Elle aurait voulu être avec eux, tenir la main de Thane avec douceur, pour le rassurer. Puis, prendre la parole à sa place pour lui promettre qu'elle ne lui en veut plus et qu'ils pourront surmonter cette épreuve ensemble avec l'aide de Qorah.
D'ailleurs, lui n'aborde pas son sourire habituel. L'air grave, il prend cette discussion très au sérieux. Ses yeux scrutent le regard de Thane pour y déceler le moindre mensonge mais il se trouve presque désemparé face à la sincérité sans faille de son interlocuteur.
Le fil de ses pensées est brutalement interrompu quand Thane finit enfin par donner sa réponse :
- Elle m'a appris la sagesse, la loyauté, l'empathie, la volonté, la force, le courage, le dévouement, la persévérance, à avoir foi. Elle m'a montré ce qu'était profiter, apprécier. Elle m'a appris à vivre tout simplement, à me sentir valorisé, aimé...
Asal est désemparée face à ces révélations. Tous ces non dits les ont au final séparés... S'ils avaient eu le courage de s'avouer toutes ces choses, elle ne serait pas seule aujourd'hui.
Le soupir de Thane vient faire crépiter le son. Il n'a pas fini de parler, il réfléchit, il hésite. Son talon tape plus rapidement le sol. Il souffle avant de reprendre :
- Je n'avais jamais ressenti de telles choses avant de la rencontrer. Elle m'a montré qu'aimer n'était pas une faiblesse mais qu'au contraire il s'agissait du plus formidable des sentiments. Elle m'a enseigné l'amour profond et sincère.
- Je comprends à présent. J'espère que vous aurez l'occasion de lui en parler, d'abandonner les armes face à elle, de vous montrer tel que vous êtes. Parce qu'elle ne manquera pas de voir un homme remarquable.
Elle imagine Qorah hocher la tête. Thane, baisser les yeux et jouer avec ses mains pour éviter de laisser sa nervosité l'envahir.
- Elle était destinée à me rendre meilleur.
Clac ! La cassette est repoussée hors du lecteur. Asal retire le casque de sa tête et le pose délicatement avec le walkman à ses côtés. Les pieds dans le vide, la jeune femme admire l'horizon. Un flot de larmes dévalent ses joues. Son flux s'agite et ses lumières ondulent sous sa peau.
Tout était si compliqué. Ils n'ont jamais eu le cran de parler sincèrement. Elle a, à présent, tellement de regrets. Son cœur s'alourdit et elle revoit sa silhouette dans la foule sur cette planète, la dernière soirée où ils étaient encore libres. Cette ombre qu'elle cherchait sans arrêt parce qu'au plus profond d'elle même, Asal espérait qu'il lui dise tout. Elle aurait aimé se confier, lui avouer tout ce qu'elle ressentait, qu'il la console.
Asal le revoit étendu au sol, sans vie. Il l'a sauvée, comme elle aurait voulu les siens. Des spasmes agitent son corps, le vent glacial la saisit. Que faire à présent ? Ses yeux glissent vers l'océan en contrebas. Des sanglots plus violents s'emparent d'elle. Asal tremble de peur et d'angoisse. Elle inspire profondément puis ferme les yeux.
- Merci. Tu m'as appris à aimer comme jamais je n'avais osé aimer quelqu'un. Un amour vrai, murmure-t-elle.
Son énergie prend en puissance et les lumières s'agglutinent dans son dos comme pour la réchauffer, la consoler comme l'aurait fait Thane.
- Je suis désolée, désolée d'être entrée dans ta vie. Désolée. Je m'en veux d'être la cause de ta disparition. J'aurai dû lâcher prise il y a longtemps, j'aurai dû me confier à toi. Tout aurait été si différent, plus évident, plus sincère.
Les vagues déchaînées martèlent la roche de la côte. Quelques embruns fouettent son visage. L'eau salée se confond avec ses larmes.
- Merci Thane. Tu m'as rendu...
- ... meilleure.
Un hoquet de surprise et elle se retourne immédiatement. Il est là, face à elle, tout chancelant. Il lutte pour ne pas se faire balayer par le vent. Sa voix était tout ce qu'elle voulait entendre. Il est le seul qu'elle voulait voir. Asal fond davantage en larmes. Elle se relève et se précipite dans ses bras en criant :
- Tu es vivant !
Elle n'arrive pas à y croire. Leurs deux corps s'entrechoquent et son flux s'empare de lui sans pour autant le martyriser. Ils manquent de chuter tous les deux. Thane la serre doucement contre lui. Asal ne cesse de répéter son nom, de l'étreindre autant qu'elle le peut. Elle ne veut pas le revoir disparaître.
Son énergie devient alors plus puissante et elle peut ressentir une étrange sensation. Celle d'un flux inconnu, une énergie différente de la sienne. Quand elle voit des centaines de lumières parcourir la peau de celui qu'elle aime, elle crie d'excitation. Il semble tout aussi surpris qu'elle.
Leurs deux énergies s'entremêlent, se renforcent, se complètent et ils pleurent ensemble. Elle n'aurait jamais pu imaginer qu'elle pourrait partager son énergie avec lui, qu'elle pourrait ne pas le faire souffrir. Thane la sert un peu plus contre lui. Entre deux sanglots, ils réussissent à se murmurer à l'oreille :
- Je t'aime.
Et pour la première fois de sa vie, Asal se sent complète. Pour la première fois depuis des mois, elle ne se sent plus seule et elle a la certitude qu'elle ne le sera plus jamais.
Asal ouvre les yeux dans un violent sursaut. Le cœur vide et l'esprit déchiré.
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