Chapitre 51
Lorsque Blake m'aide à sortir de la chambre, je suis d'une humeur de chien. Mes mains, et maintenant mon orteil me font mal. Mais c'est sans compter, sur « Monsieur, je sais tout » qui ne se gêne pas pour me rappeler que j'aurais dû l'appeler. Une fois installée sur une chaise, je reste droite et immobile. Je boude, pire qu'une gosse ! Mais mettez-vous ne serait-ce que cinq minutes à ma place. En fait, je me rends dingue toute seule.
Ne sachant pas trop quoi faire de ma carcasse, j'attends que Super Connard revienne. Je n'ai pas à attendre longtemps avant qu'il ne dépose des trucs sur la table devant moi. Une odeur de bacon grillé et de café arrive à mes narines. C'est alléchant, mais je ne ressens rien vis-à-vis de ça. Ce n'est pas que je n'aie pas faim, c'est juste que ça me laisse à présent indifférente. Je n'y prends aucun plaisir. Tout me laisse un gout amer.
-Bon, voilà le programme, m'annonce Blake sur un ton qui ne me laisse aucune autre possibilité que d'acquiescer. D'abord, je vais vérifier ta glycémie, puis on déjeunera et après on s'occupera de tes plaies, une fois que tu auras pris une douche.
-C'est tout ?
-Non, ensuite on parlera.
-Ça, c'est nouveau dis-je ironiquement.
-Sibylle, ne commence pas, gronde-t-il.
Je ne rétorque pas, même si j'en meurs d'envie . La colère, les mots durs, je connais bien. Ce sont même les seules choses qui me maintiennent debout en ce moment. En fait, j'oscille entre la peur, l'envie d'en finir et la colère.
-Donne-moi ta main s'il te plait, me demande mon compagnon.
Machinalement, jobéis à son ordre. Comme la veille, il se montre tout aussi doux, voire plus. Ses gestes sont moins hésitants et plus rapides. Si bien, que c'est à peine si je sens la piqure de mon lecteur de glycémie. Blake ne me donne pas les chiffres et je lutte contre l'envie de m'en mêler. Je devine juste que ça ne doit pas être terrible, à son soupir.
-Bon, je revérifierai ta glycémie tout à l'heure . On va déjeuner avant.
-Comme tu veux, lui dis-je machinalement.
Mon esprit est focalisé sur la suite de son programme. Pas celle où il change mes pansements, mais celle de la douche, et surtout la discussion qu'il veut avoir avec moi. J'appréhende les deux en fait. Alors que je l'entends s'agiter à côté de moi, je reste quasi immobile, seuls mes doigts triturant le bas du t-shirt que je porte montrent que je ne me suis pas transformée en statue de sel.
-Sibylle ? Sibylle, tu m'écoutes ?
-Hein ? Quoi ? Excuse-moi, tu disais ?
-Donne-moi tes mains !
-Pour quoi faire ?
-As-tu entendu ce que je t'ai dit ?
-Euh, non.
-C'est pas grave. Je vais me mettre derrière-toi, surtout ne panique pas.
-Hein ?
-J'ai posé devant toi un plateau. Je vais passer derrière-toi et te guider pour que tu trouves où tout est placé.
-Euh ok.
-Donne-moi tes mains. Desserre tes doigts, ma belle.
Je lui laisse mes mains comme il me le demande. Le sentir derrière moi, me crispe. Il me dit de me détendre mais ce n'est pas évident. Patiemment, avec une grande délicatesse, il m'indique avoir posé tout le nécessaire au petit déjeuner sur plateau, dont il me fait sentir le contour. Un à un, il me décrit les objets, me les fait toucher et les replace à l'endroit même où ils étaient posés. Il recommence, cette fois, le même manège rapidement et va s'asseoir . Je n'ai conscience d'avoir retenu mon souffle que lorsque je ne le sens plus dans mon dos. Lui semble ignorer ma réaction et commence à manger.
-Carotte, mange ! Ça va être froid.
-Je n'ai pas faim, lui dis-je.
-Mange un peu, s'il te plait.
Je fais ce qu'il me demande. Lentement, j'avance à tâtons ma main droite et trouve le bord du plateau. Je fais de même avec la gauche et comme lorsqu'il me l'a montré, je répète les mêmes gestes en tentant de me rappeler ce qu'il m'a dit. Mes gestes sont malhabiles. Je manque de renverser ma tasse quand la touche. Je finis toutefois par m'en saisir sans faire de dégâts et bois une première gorgée de... De thé ? J'avais pourtant senti une odeur de café. Des larmes, encore ces stupides larmes qui me montent aux yeux. Pour rien en plus, enfin non c'est faux, quoi que. Je suis émue, à cause du simple parfum du thé. Blake m'a servi un thé, il s'en est souvenu.
Je bois quelques gorgées de mon thé qui est froid et tente de repérer ce que j'ai dans mon assiette. Le premier essai est merdique, le second pas mieux. À côté de moi, j'entends Sexy Connard qui lui continue, comme si de rien n'était . J'essaie à nouveau et cette fois, je sens que je pique quelque chose avec la fourchette, seulement quand j'arrive tant bien que mal à porter cette dernière à ma bouche, je ne rencontre que les dents de l'ustensile . Soupirant, je lâche le couvert qui tombe avec fracas dans mon assiette. Je laisse tomber, de toute façon, je n'ai même pas faim.
- Recommence, m'ordonne Blake qui sort de son silence.
- Non, je lui réponds.
-Sibylle, mange s'il te plait !
-Non, je n'ai pas faim.
-Ok, dans ce cas, je débarrasse, et on passe à la suite.
Je ne lui réponds pas, je n'ai rien à dire. À côté de moi, je l'entends rassembler la vaisselle et soupirer. Je le sens s'éloigner avec les reliefs du petit déjeuner alors que je reste raide sur ma chaise. Le bruit derrière moi s'estompe rapidement. Un frisson dans mon dos m'indique qu'il est de nouveau derrière moi. Bien que je me sois raidie, je ne sursaute pas quand il vient poser une main sur mon épaule.
-Tu es prête ?
-À quoi faire ?
-Tu n'en as pas marre de tout rendre compliqué ? Me demande-t-il.
-Je...
-Pardon, je n'aurais pas dû m'énerver. Aller vient, je vais m'occuper de tes plaies et à la douche.
Je le laisse prendre ma main et la glisser sous son bras. Blake évolue lentement et me décrit l'espace . Une fois à la salle de bain, il m'annonce qu'il doit mesurer à nouveau ma glycémie et que compte tenu du fait que je n'ai rien avalé, qu'il va devoir ajuster la dose d'insuline à m'injecter. Je le laisse faire, et comme tout à l'heure , la manœuvre est plus aisée pour lui.
Quelques minutes plus tard, il défait lentement les pansements qui recouvrent mes plaies et je lentends siffler.
-C'est si terrible que ça ? je lui demande.
-Je ne sais pas, je n'ai pas de point de comparaison.
-Ah, ah, très drôle.
-Ce n'est pas joli, si tu veux tout savoir. Tu ne t'es pas raté.
-Tu... Tu crois que je l'ai fait exprès ? Je lui demande en lui retirant mes mains en grimaçant.
-Ce n'est pas ce que j'ai dit. Vu le nombre de coupures, ça doit faire un mal de chien.
-Ça aurait pu être pire, je lui réponds machinalement.
-Tu aurais pu te blesser plus sérieusement, c'est sûr.
-Ce n'est rien, ça va vite guérir.
-Non, ce n'est pas rien, je n'aurais pas dû te laisser seule.
-Ce n'est pas ta faute, Blake.
-Je sais...
-Laisse tomber, tu veux ?
-Je... ok. On verra ça plus tard. Aller hop, à la douche !!!
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