Chapitre 49

Blake.

J'ai claqué la porte, enfin pas vraiment. C'est ce que je lui laisse croire. Carotte aura ma peau. Même au plus bas, elle trouve la ressource pour frapper là où ça fait mal.

Ses derniers mots ne mont pas fait vraiment mal, ils m'ont achevé. Alors que je me suis retranché dans mon atelier, je tourne en rond tel un lion en cage. Je n'arrive pas à faire autrement que de me remémorer chaque parole, chaque mouvement. J'oscille entre la découverte de certaines aptitudes de Sibylle et la culpabilité d'y avoir ressenti de l'euphorie .

Je ne devrais m'être laissé toucher par ses paroles blessantes, même s'il est vrai qu'on s'est bien amusés. Je veux plus, plus que ce qu'elle a bien voulu me donner, je veux tout et même plus. Le moindre geste, la moindre parole, et toutes ses rebuffades réveillent le dominant qui sommeille en moi.

Si je suis parti, c'était pour éviter d'avoir un geste déplacé. Lorsque j'avais encore des soumises, il arrivait que nous nous prenions la tête. Je n'étais dominant que dans nos jeux. Je n'ai jamais été prompt à mélanger mes activités sexuelles avec ma vie au quotidien. La domination sept jours sur sept, ne m'a jamais attiré. Cependant, il m'est arrivé quelque fois d'user de mon autorité de maître pour faire cesser toute trace de velléité chez ma soumise.

C'est justement pour éviter ce type de scénario que je me suis barricadé dans mon antre. L'envie de remonter, de la prendre sur mes genoux et de la fesser est terriblement tentante. La vision des fesses rougies de Carotte, me file une gaule d'enfer .

Quand je repense à la façon dont son corps s'est tourné vers moi quand je le lui ai ordonné, ça me donne des frissons dans tout le corps. Ce n'est pas la première fois que je remarque ce genre d'attitude lorsque nous sommes ensemble. Mon instinct me souffle quelle pourrait être sans le savoir une soumise. Tout me porte à le croire.

En attendant, je me trouve comme un con à fuir cette femme splendide, qui me fait remettre tant de choses en question. Les doutes m'assaillent de toute part et avec eux viennent les interrogations et les « et si »

Est-ce que je suis en mesure de laider' ? Est-ce que, ce qu'il y a entre nous pourra survivre à sa détresse. Arrivera-t-elle à puiser au fond d'elle cette force qui fait d'elle , cette femme si pleine de vie. Et si je l'initiais, si je faisais d'elle ma soumise, est-ce que ça l'aiderait ? Mais pourrais-je seulement garder le contrôle sans que ça nous perde tous les deux.

Putain que l'idée d'en faire ma soumise est tentante. Le dominant en moi, s'insurge , m'exhorte à le laisser refaire surface. Prenant ma tête dans mes mains, je tire sur mes cheveux et refoule le cri de rage que je sens monter en moi.

Pourquoi elle, pourquoi maintenant, alors que j'ai gardé sous clef cette envie depuis des années. Ce sentiment de culpabilité que je porte en moi, ne fait plus le poids face à mon besoin de la dominer.

Tout va trop vite, j'ai la sensation d'étouffer , et en même temps celle d'être un lâche parce que j'ai d'une certaine façon tourner le dos à Sibylle en me barrant.

Sur une impulsion, je me saisis de mon téléphone et appelle la seule personne qui saura me remettre la tête à l'endroit .

-Salut mec, lui dis-je même si nous nous sommes vus plus tôt.

-Blake ? Tout va bien ?

-Oui, oui, excuse-moi. Je n'aurais pas dû t'appeler .

-Arrête ton char ! Qu'est-ce qu'il se passe ?

-Rien, enfin si peut-être. Je viens de m'enfermer dans mon atelier. J'ai laissé Sibylle seule.

-Ce n'est pas grave ça, je pense qu'elle peut rester un peu seule, non ?

-Oui, mais ce n'est pas que ça.

-Comment ça ?

-Je suis parti en claquant la porte, elle doit croire que je l'ai laissé tomber.

-Tu as vraiment claqué la porte ?

-Oui, j'étais en colère, j'étais sur le point de sortir, puis je me suis ravisé. C'était ça, où ça courrait le risque de déraper.

-Pourquoi ?

-On s'est pris la tête.

-Ça, je m'en doute, mais ce n'est pas que ça, n'est-ce pas ?

-Non, Carotte a eu des attitudes qui mont remué. Elle a un côté...

-Soumise ?

-Comment, le sais-tu ?

-Blake, vraiment ? Tu crois que si toi, tu l'as vu, moi je ne l'ai pas senti ?

-Bref, je me suis senti euphorique et le soufflé est retombé. Puis après, Sibylle a eu des mots blessants, des mots qui... Bref, j'ai eu envie de la punir pour son impertinence. J'ai pété un plomb et je suis parti.

-Blake, est-ce que je dois craindre un dérapage ?

-Non ! Lui réponds-je fermement en espérant être crédible. Je te l'ai déjà dit, ce côté de ma vie n'est plus.

-Pourtant, tu as bien dit que ça t'avait fait quelque chose.

-Oui, mais c'est tout, ce n'est pas allé plus loin. Avec Sibylle, je n'ai pas besoin de ça, c'est différent.

-En quoi dis-moi ?

-Je sais pas, on se comprend, et puis je l'aime . Je veux juste qu'elle soit heureuse. Ça me suffit.

-Attention Blake, à trop tirer sur la corde, elle finit par se rompre. Tu te renies Blake. Je sais que tu n'es pas prêt, mais tu y reviendras, tu ne peux pas être complet sans cet aspect de ta vie, ça fait partie de ce que tu es.

-Arrête de me gonfler avec ça, B. Je n'ai pas besoin d'être un dom, pour vivre sereinement et être heureux.

-Alors pourquoi, tu m'as appelé ?

Ça ! Je me le demande bien. Je ne lui réponds pas ça, bien entendu. Si je lui avoue de but en blanc que javais besoin qu'il me remettre les idées en place, je m'en prendrais encore plus dans la gueule ! Toujours est-il que j'en suis au même point, si ce n'est que ma colère n'est plus dirigée vers moi ou vers ma cracheuse de flammes que j'ai laissé à létage.

Alors que je m'apprête au bout d'une heure à remonter à l'étage , j'entends un bruit qui ne me dit rien qui vaille, puis un boum retentir. Je m'attends à l'entendre râler comme à chaque fois qu'elle se montre maladroite, mais rien. Ce silence, me fait me ruer dans l'escalier . Toutes sortes de scénario me vient à l'esprit , mais aucuns des films que je me fais durant ces quelques secondes ne rejoint celui qui se déroule sous les yeux et qui me détruit autant qu'il me rend dingue.

Face à moi, se tient au milieu des débris de verre, Sibylle. Elle est à genoux, son corps secoué de sanglots, et entre ses doigts ensanglantés, un morceau de verre. La manche du sweat que je lui ai passé est relevée et s'imbibe de rouge. Dans ma tête, une seule chose fait rage. Le souvenir, de cette nuit, où tout à basculer des années en arrière. Alors que je me décompose, un sanglot me ramène à la réalité.

Me ruant sur Sibylle, je l'attrape et l'emmène loin des débris. Affolé, je la conduis dans la chambre tout en lui murmurant que je suis là, que je suis désolé, que je veux qu'elle reste avec moi. Une fois posée sur mon lit, je fonce à la salle de bain et retourne tiroirs, trousse à pharmacie et prends tout ce qu'il me tombe sous la main.

De retour dans la chambre, je retrouve Carotte pâle comme la mort, les mains crispées, et son sang goutant sur ses genoux. M'agenouillant, j'essaie lui retirer le sweat délicatement, tout en lui murmurant des mots doux, des mots d'excuses . Mes mains tremblantes ne m'aident pas pour coordonner mes gestes, mais j'y parviens quand même.

Un premier coup d'œil à la coupure le long de son avant-bras me rassure. Ce nest qu'une toute petite estafilade de rien du tout. Précautionneusement, je déplie, un à un ses doigts, et serre les dents face aux multiples coupures. Elles aussi semblent superficielles. La part rationnelle de mon cerveau me dit, que ce n'est pas ce que je crois, qu'elle n'a pas pu tenter de faire ça.

Toujours délicatement, je commence à désinfecter ses plaies et m'assure quil n'y a pas de débris incrustés. Carotte reste silencieuse, anormalement silencieuse. Elle doit pourtant souffrir le martyr, d'autant que je me souviens parfaitement de sa réaction, la fois qu'elle s'est écorchée le genou en tombant dans mon salon.

Son silence m'inquiète de plus en plus, à mesure que je termine de soigner ses plaies. J'aimerai savoir ce qu'il s'est passé, pour éloigner de moi, cette appréhension qu'elle ait pu essayer de mettre fin à ses jours. Une fois toutes ses plaies pansées, je dépose un baiser sur chacune de ses mains, et lui dit que c'est terminé. C'est alors que quelque chose se rompt en elle. Je l'ai déjà vu pleurer, mais jamais ainsi, et ça me brise le cœur encore plus.

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