Je peine à émerger. Mon corps me fait mal et je suis trempée de sueur. Je ne me sens pas bien et pire, j'ignore où je me trouve. Tout ce que je sais, c'est que je sens son odeur à lui et que cela suffit un peu à me rassurer. Tâtonnant autour de moi, je constate que je suis allongée dans un lit, mais comment m'y suis-je trouvé, c'est un grand mystère.

Alors que la lumière se fait progressivement dans mon esprit embrumé, une conversation en sourdine me parvient. Je ne bouge pas et me concentre sur ce que j'entends . Ces voix je les reconnais, il y a celle de Cassie qui même en parlant bas me parvient nettement, puis il y a celle de Sexy Connard, basse et profonde. La troisième est surement celle de Brent, là où va Cass, lui suit.

J'ai froid, mais je suis tellement concentrée sur ce qui se dit à côté, que je ne m'en soucie pas plus que ça. Tout en tremblant, je me roule dans ce qui doit être un plaid et essaie de garder la chaleur.

Aux mots que j'arrive à comprendre, je saisis que l'on parle de moi, mais tout est dit trop bas pour que mon cerveau embrouillé saisisse la moindre de leurs paroles. En voulant me rapprocher des voix, je heurte quelque chose qui tombe dans un bruit sourd sur le sol. Aussitôt les voix se taisent et celle de Blake résonne comme un écho au fond de moi.

Un flash-back me vient quand le poids de ce dernier se fait sentir sur le matelas. Sa main vient à la rencontre de la mienne qui se crispe sur le drap, avant que celle de Sexy Connard ne la recouvre et délie un à un mes doigts.

-Tu es réveillée, me dit-il doucement. J'ai bien failli appeler les secours pour savoir si tu étais toujours en vie, continue-t-il en tentant de faire un peu d'humour .

-Vraiment très drôle, lui dis-je par pur réflexe.

-Comment tu te sens, me demande-t-il dans la foulée.

-Pas top.

-Tu te sens prête à te lever ? Cassandre et Brent sont là

-Je sais, lui dis-je en le coupant, je vous ai entendu.

-Tu ?

-Je n'ai rien compris, si c'est ce qui t'inquiète , mais je sais que c'est de moi que vous avez parlé.

-Pas que, ma douce. Est-ce que tu veux les rejoindre ?

-Je... je ne sais pas Blake, je...

-Chut, détends-toi. On va les retrouver ensemble et si ça ne va pas, ils partiront, deal ?

-Ok, lui dis-je en soupirant. On est où au fait ?

-Chez moi Sib.

-Chez toi ?

-Oui. Aller, viens allons les v... rejoindre.

-Ok, mais j'ai besoin de faire un tour aux toilettes avant.

Quand la main de Sexy Connard se pose sur la mienne, je suis incapable de ne pas éprouver un mouvement de recul. Je crains tellement son toucher et l'appel tout autant au fond de moi, que je suis perdue. Me maîtrisant avec peine, je me lève et me laisse guider par lui comme une vulgaire poupée de chiffon.

Le tour à la salle de bain est rapide, et extrêmement pénible. Je suis obligée de solliciter l'aide de Blake. Je me sens obligée de faire comme si ça pouvait aller, sauf que rien ne va et que je ne sais pas ce que je veux à l'heure actuelle.

Alors que mon chevalier servant me guide en donnant quelques infos sur les obstacles que je pourrais rencontrer, je suis percutée par un corps qui me broie contre lui. Ma réaction est instinctive et du peu de forces dont je dispose, je repousse mon assaillant, avant que je ne comprenne qu'il s'agit de ma seule amie. Ses sanglots me font comprendre mon rejet lui est brutal. Je me sens mal et ne trouve rien d'autre à dire qu'un simple « désolée ».

Je n'entends pas sa réponse, juste ses larmes et la voix de Brent qui répond que ce n'est rien. Est-ce qu'il s'adresse à moi, ou à Cassandre ? Je n'en sais rien.

Puis, c'est là, ce truc qui me frappe de plein de fouet, violent et sournois. Ce truc que mon cerveau malade me dit, cette voix qui monte et qui me dit, que j'aurais dû y rester. Sans que je ne m'en rende vraiment compte, mes jambes me lâchent et je m'écroule sur le sol froid et me roule en boule.

Le restant, me parvient comme dans un brouillard, j'entends Blake demandé à nos amis de partir, que c'était trop tôt. Puis ce dernier me soulève, et me garde dans ses bras tout en s'installant dans ce qu'il me semble être le canapé. Encore une fois, sa voix me murmure de douces paroles, il est rassurant, doux et fort à la fois. Même si son contact m'est difficile, mon corps lui, le reconnait et l'accepte , contrairement à mon esprit qui lui lutte.

Nous restons là sans bouger, ce qu'il me semble être un long moment. Le silence entre nous n'a jamais été gênant. C'est dans sa respiration lente et profonde que je calque la mienne et que je retrouve un semblant de calme.

La sonnerie de son téléphone finit cependant par interrompre ce semblant de paix qui s'était installé. Ça sonne, sonne mais il ne bouge pas, au contraire, il me serre encore plus contre lui. La sonnerie s'arrête avant de reprendre une seconde fois, puis une troisième avant qu'un bip retentisse annonçant l'arrivée d'un message.

-Tu pouvais répondre, lui dis-je en ayant l'impression d'avoir des tessons de verre dans la gorge.

-Je leur répondrai plus tard, ce n'est pas le plus important, me répond-il simplement.

-Leur ?

Blake ne me répond pas, et je sens son corps se raidir, mais je n'ai pas le temps de m'appesantir dessus quune alarme de réveil se met en marche. Je suis complètement perdue et sursaute ce qui devient franchement une habitude. Cette fois, cependant Sexy Connard bouge et me dépose à côté de lui en laissant sa main trainer le long de la mienne. Ce contact provoque en moi des frissons dont je n'arrive pas à identifier l'origine . Une fois l'alarme coupée, le calme revient et je respire mieux. J'ignore ce que fait mon compagnon, mais compte tenu du bruit qu'il fait, je sais qu'il cherche quelque chose.

-Bon, je crois que j'ai tout, me dit-il en posant quelque chose près de moi, j'espère ne pas me planter.

-De quoi ? Je lui demande.

-Cest l'heure de contrôler ta glycémie.

-Ah, ça.

-Et oui, ma douce. Pardonne-moi d'avance si je m'y prends mal.

-Je

J'aimerais lui dire que je sais parfaitement le faire moi-même, mais ce serait mentir. Cette corvée, je ne peux même plus la réalisée seule. Rien que d'y penser, ça me mine, c'est bien là une autre preuve que je dépends d'une autre personne pour gérer bien des aspects de cette vie qui m'attend .

-Oui ?

-Non, rien. Va-y.

-Ok, donne-moi ta main.

Lorsque je lui tends ma main, Blake la pose délicatement sur sa cuisse et la retourne un instant, et caresse ma paume de son pouce, avant d'y poser un baiser aussi léger qu'un papillon. Son geste m'émeut autant qu'il me rend nerveuse. Puis les choses sérieuses reprennent, un coton humide vient se poser sur mon doigt et avec l'explication du comment du pourquoi. Bien que je connaisse la procédure par coeur, je lui suis reconnaissante de me décrire tout ce qu'il s'apprête à me faire.

La séance est loin d'être propice à la rigolade, je suis tendue, lui aussi et l'ambiance entre nous est bizarre. Lui s'efforce de ne pas me brusquer et de ne pas me faire mal, alors que je lutte pour ne pas me recroqueviller dans un coin. Quand cette torture prend fin, seul le bip de l'appareil se manifeste et la voix de Blake qui se fait entendre à nouveau.

-Si j'en crois ce que m'a marqué l'infirmière , c'est limite.

-Limite comment ? Je lui demande.

-Juste en dessous du seuil.

-D'accord , ce n'est pas trop grave dans ce cas. Tu vas juste prendre le stylo et utiliser la dose préréglée et ce sera suffisant.

-Je ne sais pas Sibylle, on m'a bien dit que si ça descend en dessous du seuil limite que tu dois avoir un bolus.

-Peut-être, mais ils ne sont pas dans mon corps, alors fait comme je viens de te le dire et ça ira.

-Carotte

-Je te jure que ça ira Blake.

-Bien dans ce cas, allons-y. Je dois te piquer dans le ventre, c'est ça ?

-Euh, oui, mais... mais je préfèrerai le faire moi s'il te plaît, lui dis-je en me mettant à trembler.

-Sibylle, me dit-il en posant sa main sur ma joue. Crois-moi, j'ai conscience que tu n'es pas à l'aise avec ça, mais tu dois avoir confiance en moi. Il ne t'arrivera rien, et je ne ferai rien qui puisse te blesser.

Je médite quelques secondes ses paroles alors que sa main reste posée sur ma joue. La chaleur dégagée par sa main et ses mots me procure un sentiment de sécurité, si je n'arrive pas à lui faire confiance sur ça, comment pourrais-je y parvenir plus tard. Après tout, c'est Blake. Hochant la tête, je lui donne l'autorisation de me faire l'injection d'insuline dont mon corps à besoin.

Me forçant à respirer doucement, je le laisse s'approcher comme je n'ai plus laissé aucun homme me toucher depuis mon hospitalisation. Serrant les dents, je lutte pour ne pas faire l'amalgame entre ses mains et celles de l'autre enfoiré. La douleur provoquée par la piqure a le mérite de me ramener au présent et d'éloigner les sombres pensées qui revenaient à grande vitesse. Je ne dis rien à Blake, et enfouis mes pensées le plus loin possible de moi.