Chapitre 39
Je passe ma première nuit à la clinique sans dormir et seule. Après le coup d'éclat de ma mère, mon père est vite parti la rejoindre. Les mots de maman m'ont blessé. Ses paroles étaient à l'inverse de ses gestes à l'hôpital .
Mon père, quant à lui s'est montré à l'exact opposé de ma mère. Même, s'il m'a demandé de laisser du temps à ma mère, j'ai conscience que le lien a été rompu, peut-être même définitivement brisé. S'il m'a fait la promesse de venir me voir durant mon séjour ici, je sais qu'il ne viendra pas.
Tout ici me répugne et me fais peur. Même si Rosie truc muche a l'air sympa, ce n'est pas elle qui va me protéger de lui et de tout ce qui m'entoure et qui m'est devenu étranger.
Roulée au fond de mon lit, j'écoute mon estomac grogner. Je n'ai rien pu avaler au dîner. Il aurait fallu pour ça qu'on me rapproche le plateau et qu'on m'aide . Au lieu de ça, j'ai juste réussi à me brûler en trempant malencontreusement mon doigt dans un bol de soupe brulant. Après cet incident, j'ai renoncé à trouver mon plateau et me suis allongée.
L'infirmière de nuit est venue à un moment se présenter et vérifier mes constantes. J'ai eu le droit à un léger sermon sur le fait de me nourrir correctement, puis elle m'a aidé à me rendre aux toilettes. Chacun de mes gestes est aussi maladroit que ceux d'un nouveau-né qui découvre son entourage.
Mon cerveau carbure à toute allure pour tenter d'enregistrer toutes ces nouvelles informations. Mon cœur a des ratés à chaque fois qu'un bruit me fait sursauter. Certains sons sont facilement reconnaissables, et d'autres non.
Tous ces bruits, ces petits riens qui habituellement ne viendraient pas troubler mon repos, m'empêchent de dormir. La peur de tomber du lit fait que je ne reste immobile. J'ai soif, mais je me refuse à bouger. Lorsque jai eu tout à l'heure le malheur de remuer, j'ai fait tomber le petit boitier me permettant d'appeler en cas de besoin. Alors, je ne fais rien, car je serai bien incapable d'aller où que ce soit sans au mieux me perdre.
Peut-être que finalement j'ai fini par m'endormir , car quand quelqu'un vient poser sa main sur mon épaule, la personne est accueillie par un cri d'effroi et un plateau qui vole dans un grand fracas. Il semblerait que le jour soit levé et que le matin ait fini par arriver.
Passé ce moment bruyant, le calme revient et l'infirmière du jour devant sentir mon désarroi prend le temps de m'expliquer tout ce qu'elle fait. De la prise de ma glycémie à celle de mes autres constantes, de ma toilette à mon retour sur mon lit, cette dernière se comporte avec moi avec patience, malgré le silence que je lui oppose. Une fois qu'elle m'a indiqué où se trouvent les éléments sur mon plateau cette dernière me laisse.
Mes premières journées se passent toutes de façon identique avec peu de changements. Seuls les incidents dus à ma nouvelle maladresse viennent apporter un peu de vie dans ma chambre. Je mange peu, je dors peu, ma glycémie ne se stabilise que grâce à l'insuline sans laquelle je serais probablement à nouveau dans les vapes.
Mes parents ne sont pas revenus me voir, ni ne m'ont appelé. Je suis désespérément seule. L'ombre du retour d'Erik se fait sentir. Si mes calculs sont bons, ce dernier devrait revenir d'ici deux semaines. J'espère que d'ici là, je ne serai plus là. En attendant mon corps s'appauvrit au lieu de se reconstituer. Le temps s'écoule lentement, juste entre coupé par les visites du personnel soignant.
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Blake.
Je viens de raccrocher mon téléphone, ou plutôt je viens de le balancer. Cassandre m'a raccroché au nez et dans un geste de rage, j'ai jeté mon téléphone. La rage me prend aux tripes. Je suis en colère face à mon impuissance à retrouver Sibylle.
Ça fait plus d'une semaine que nous nous démenons à trouver une piste quelconque pour la retrouver. Stephen l'employé du Book and Coffee n'a pas pu nous aider plus que ça. Du moins, Brent refuse que nous fassions appel à lui et à ses capacités de geek pour trouver les informations qu'il nous manque pour avoir une piste.
Le geek nous a livré tout ce qu'il savait. Du moment où il a trouvé Carotte étendue sur le sol, la main ensanglantée, sans connaissance, au moment où il a dû la quitter. N'étant pas de la famille ni sur la liste des personnes à contacter, ce dernier n'a pas pu obtenir des renseignements sur l'état de Sibylle.
Lorsque Brent et Cassie m'ont appris cela, j'ai cru que j'allais péter un plomb. Heureusement que le pauvre geek n'était pas présent, sinon il aurait morflé. Brent a dû me forcer à aller me défouler pour que je retrouve un semblant de calme. Blondie quant à elle, n'est que lombre d'elle-même . Tout comme moi, elle refuse de laisser tomber.
Lorsque nous sommes allés faire un tour dans l'appartement de Carotte pour voir s'il y avait eu du passage, je me suis permis de m'emparer des classeurs qui traînaient par ici et par là dans l'espoir d'avoir un semblant d'information . Jai trouvé en plus des classeurs, le fameux cahier que ma rouquine avait oublié chez moi. Blondie n'était pas d'accord pour que je prenne les classeurs, alors je ne lui ai rien dit sur le cahier.
Depuis, j'ai passé des heures à parcourir les classeurs sans rien découvrir d'intéressant . Du moins, rien qui puisse nous aiguiller sur une piste. Cassandre est persuadée que Sibylle a disparu et qu'elle a tout laissé tomber, même elle. C'est la source de notre dispute de tout à l'heure .
Je ne peux concevoir que ma Sibylle ait pu décider de tirer un trait sur tout. Impossible, quand on sait tout ce qu'elle a consigné dans ces maudits classeurs. Elle avait tout prévu, tout ! Sauf peut-être le fait que sa cécité est arrivée plus vite que prévue. Je suis ébahi par son sens de l'organisation , et je comprends que mieux son besoin de tout contrôler, de tout diriger. Si je n'avais pas son cahier que je n'ai pas encore regardé, et qui représente tant pour elle, je pourrais presque croire que j'ai affaire à une parfaite inconnue.
Quand, je me remémore notre première rencontre et les suivantes jusqu'au début de notre aventure, pleins de petits détails me sautent aux yeux. Avec le recul, ces petits riens n'étaient pas si anodins que ça. Tout prend son sens.
Alors que j'ai le précieux cahier de Sibylle dans les mains, j'ai un instant d'hésitation . Deux voix se font rages dans ma tête. Il y a celle qui me dit de l'ouvrir , que ce que je découvrirais pourrait nous aider, et l'autre, qui me dit que c'est mal et que c'est comme si j'allais violer Carotte, en forçant son intimité à travers les mots qui ont été couchés sur ces feuilles de papier.
Alors que l'objet de la tentation est dans mes mains, je pars à la recherche de mon téléphone et une fois trouvé je l'éteins pour ne pas risquer d'être dérangé. Une bouteille de whisky et un verre à moitié plein, et je prends la décision d'ouvrir la boîte de Pandore.
Les premières lignes me perdent, les mots s'enchaînent et je ne comprends pas tout de suite qu'ils ne sont pas ceux de celle pour qui je ressens des sentiments très forts. Ces mots sont ceux d'une personne à qui devait tenir Sibylle. Quand cette personne mentionne ma rouquine, je me sens comme un voyeur qui épie sa proie. J'ai le sentiment de violer l'intimité de Carotte, ainsi que celle qui a écrit dans ce cahier.
Pourtant, je ne le lâche pas, je continue page après page. Ma bouteille et mon verre se vident progressivement. Je ne suis pas saoul pour autant. Mes yeux me brûlent, mais je ne veux pas m'arrêter . À travers ces pages, je découvre une facette de ma flamboyante compagne.
Petit à petit ce que la jeune femme dont j'ignore le nom a écrit change. Les mots transmettent les émotions de cette fille, et elles sont profondément tristes. Peyton, c'est comme ça qu'elle s'appelle se reproche beaucoup de choses, notamment d'être tombée amoureuse d'un gars qui ne la voit pas vraiment et qui se sert d'elle pour se rapprocher de quelqu'un dautre.
Je découvre bien plus tard que cette personne est Sibylle. Peyton ne reproche rien à Sib, elle s'en veut d'être tombée dans le panneau et d'être incapable de quitter ce gars. Pire, ma lecture m'amène à découvrir que non seulement, la jeune a fini par se couper de sa meilleure amie, mais qu'elle est tombée enceinte.
J'ai le sentiment que cette jeune femme a beaucoup à voir avec le passé douloureux que me cache Carotte.
Puis, le récit se coupe et une nouvelle écriture apparaît. La personne qui a continué ce journal s'adresse à Peyton. Il n'y a pas de date, enfin si, il y en a une et elle n'est pas joyeuse.
Je suis tenté d'abandonner la lecture, je pénètre dans un endroit où je ne suis pas censé me rendre. Lire les mots d'une personne décédée, c'est une chose, lire ceux de Carotte, c'est tout autre.
Cependant, mon instinct me souffle que je dois poursuivre. Peut-être que j'en apprendrai plus sur celle qui occupe mes pensées. Plus je lis, plus je la comprends. Ses ombres sont bien différentes des miennes, même si nous avons un trait commun à nos histoires. La culpabilité ronge Sibylle autant qu'elle me ronge, même si elle nest pas coupable de ce qu'il est arrivé à Peyton.
C'est finalement à la fin du cahier, que j'ai un vague espoir de retrouver Sibylle. Un indice, c'est tout ce que je demandais, et je l'ai eu. Une ligne, une putain de ligne toute simple, banale pour n'importe qui, mais qui pour moi, change tout.
Attrapant mon téléphone, je l'allume et vois aussitôt arriver des messages de Brent et de Cassandre. Quand je regarde l'heure , je me rends compte qu'il est très tard, ou très tôt selon comment on se situe. Je renonce à les contacter et vais m'octroyer quelques heures de repos bien méritées. Ce que j'ai découvert, peut changer beaucoup de choses dans nos recherches et il me faudra toute mon énergie pour les mener à bien.
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