Chapitre 37
Blake
J'ai passé une très mauvaise nuit. Je me suis écroulé sur le lit de la chambre d'amis de Brent et Blondie après ce qu'elle m'a balancé.
Mon sommeil a été peuplé de cauchemars tous plus dingues les uns que les autres. Des scénarios atroces, du même genre que celui fait avant de prendre l'avion , mélangeant à nouveau mon passé et mon présent. À chacun de mes réveils, j'étais au bord de la nausée. L'idée de ce qu'a pu endurer Sibylle, ne pas savoir ce qui s'est passé, ne pas savoir où elle se trouve. Tout ça me hante, me tord le bide.
Mon orgueil souffre aussi, mais celui-là je l'ignore . Je sais très bien que Carotte a un passé compliqué. J'ai le mien aussi, et à aucun moment nous avons l'un comme l'autre chercher ce que l'autre peut cacher.
Fréquenter la rouquine, c'est s'adapter à son tempérament, à sa muraille quasi infranchissable. Cette même muraille qui est venue buter contre la mienne. À nous deux, des pans de murs, de tout petits pans de murs ont commencé à s'effriter . Cette métaphore du mur est un classique, vous me direz, mais en même temps comment qualifier ce truc que nous érigeons pour nous protéger et nous faire avancer.
Avec ce mur, il y a cette peur de s'attacher , pour ma part, la peur est autre, vu que je reconnais que je me suis attaché à elle. Maintenant, j'ai cette peur alimentée par mon passé qui me prend aux tripes. J'ai peur de la perdre pour de bon. Que cette femme qui a réussi à me tirer du cercle infernal dans lequel je m'étais jeté, disparaisse à jamais.
Le sommeil m'ayant quitté, j'ai besoin d'action . Rentrer chez moi maintenant n'est pas possible. Pas tant que je n'aurais pas été mis au parfum. Courir ? Je n'ai pas mon équipement, pourtant ça me ferait le plus grand bien. Cette tension qui s'accumule n'est pas bonne. Je suis au bord de l'implosion et ce n'est pas une bonne chose.
Plutôt que de me morfondre, je décide de passer à l'action . Il est tôt, tout le monde dort et je ne connais pas l'appartement . Ayant besoin d'une bonne dose de caféine, je me mets en quête de la cuisine, que je trouve cachée derrière une porte. La pièce n'est pas grande, mais suffisamment bien agencée et spacieuse, pour permettre d'y cuisiner et manger.
J'avoue que je préfère de loin les espaces ouverts, comme chez Sibylle ou chez moi, mais bon chacun ses goûts . Il ne faut pas longtemps pour trouver mes marques et trouver de quoi préparer un petit déjeuner. La cuisine de Blondie est organisée de façon quasi militaire, tout l'inverse de chez ma rouquine. Les placards regorgent aussi bien de matériel que de produits. Il semblerait que la cuisine soit ici quelque chose d'important .
Absorbé par ma tâche, je n'entends pas que quelqu'un entre et s'installe . Ce n'est que lorsque je me détourne du four dans lequel jai mis à maintenir au chaud des pancake, que je m'aperçois que je ne suis plus seul.
Blondie m'observe l'air mauvais, mais ne dit rien. Elle a lair épuisée, ses yeux gonflés et veinés de rouge. La nuit na pas dû être facile pour elle non plus.
Je ne connais pas grand-chose du lien qui la relie à Sibylle, mais vu l'état dans lequel se trouve Cassandre, il doit être très fort. Sa façon de m'observer, de me passer au crible ne laisse aucun doute. Silencieusement, je sors une tasse que je remplis de café et je lui tends.
Cette dernière l'accepte et pose ses deux mains de part et d'autre de la tasse. Son regard a quitté le mien et semble se perdre dans le contenu de sa tasse. Prenant mon café, je sors du four les pancakes et en dépose sur une assiette que je dépose au milieu de la table. Vu de l'extérieur on pourrait croire que je lui tends un rameau d'olivier . Pour que ce soit le cas, il faudrait que j'aie quelque chose à me reprocher, ou que nous en soyons à enterrer une guerre qui n'a jamais eu lieu.
Je ne suis pas particulièrement bavard, seule Carotte parvient à me faire parler. Rien que de penser à la façon dont elle y parvient, me tire un léger sourire. Sourire qui s'efface aussi vite qu'il est apparu, l'inquiétude revenant au galop. Comme Blondie garde le silence, je décide finalement de faire de cette assiette de pancakes, un rameau d'olivier . Une manière d'ouvrir le dialogue, Brent n'étant pas là pour nous servir de tampon.
-Pancake ? je lui demande comme un con.
-Merci, me répond la blonde. Tu as vu Brent ? me demande cette dernière en se saisissant d'un pancake.
-Non, lui réponds-je. J'espère que je ne vous ai pas réveillés
-Non, non ça va. Désolée pour hier soir, me dit-elle.
-Ce n'est rien, lui dis-je ne souhaitant pas ajouter de l'huile sur le feu.
-Si, je n'aurais pas dû m'en prendre à toi, encore moins à Brent.
-Tu es inquiète, je comprends. Lui dis-je en posant ma main sur la sienne pour la réconforter
-Sibylle est comme ma petite sœur , et j'ai peur. On s'est un peu éloigné dernièrement et je m'en veux de ne pas avoir vu que quelque chose clochait. D'habitude on se dit tout et là...
Cassandre a une fois de plus ouvert les vannes. Je ressens à travers ses mots, l'amour qu'elle ressent pour ma compagne, l'angoisse qui l'habite et qui rejoint la mienne. Je ne peux pas lui tenir rigueur des propos qu'elle m'a tenus. Sa relation avec ma rouquine ressemble un peu à celle que j'ai avec Brent. Il est plus qu'un simple ami, c'est mon frère, il connaît tout de moi. Je ne le remercierai jamais assez d'avoir été présent dans mes pires moments.
Même si je suis pressé d'en apprendre plus sur ce qu'ils savent concernant la disparition de Sibylle, je ne la force pas. Je la sens à bout, et là tout de suite, ce nest pas de mes questions dont elle a besoin, mais de reprendre des forces et de retrouver les bras de son homme. Homme qui visiblement a déserté suite à leur dispute. Tel que je le connais, il est allé se défouler sur un sac de frappe.
-Sib et toi, ça a commencé quand ?
-Je ne sais pas. Je pourrais te servir un truc comme ça, mais je préfère être franc.
-Comment, tu ne sais pas ? Vous couchez bien ensemble non ?
-Tout doux Blondie, pas la peine de monter sur tes grands chevaux, lui dis-je en me rendant compte que je l'ai appelé par le surnom que je lui donne.
-Blondie ?
-Euh, ouais, t'es bien blonde, non ? Lui réponds-je. Pardon, lui dis-je encore. Écoute Cassandre, Carotte... Sibylle et moi, ça ne concerne que nous. Je crois que même si ça na pas été rose entre nous, je t'avoue que j'ai découvert une femme avec beaucoup de force et faiblesses. Elle m'a touché, elle m'a ramené à la vie. Ce que je ressens pour elle, c'est unique.
-Tu l'aimes ? Me demande-t-elle.
-Je tiens à Sibylle, Cassandre. Elle est beaucoup de choses pour moi. C'est tout ce que tu sauras.
-Bien, parce que si jamais tu lui fais du mal. Je te jure que tu seras méconnaissable.
-C'est compris. Il en va de même pour Brent, Cassandre. Ce n'est pas parce qu'il est un Dom, qu'il est ton Dom, que tu ne peux pas le briser.
-Je sais, me répond cette dernière.
-Les choses sont claires entre nous ?
-Je crois, oui. Juste une dernière question. Est-ce que Sibylle sait que tu es un Dom ?
-Non, Sibylle ne le sait pas. De toute façon, je ne le suis plus.
-Je ne lui dirais rien.
-Merci.
Je regarde Cassandre se lever et débarrasser sa tasse et son assiette. Quand elle me rejoint, elle pose une main sur mon épaule et la presse. Je suis surpris par son geste mais je ne dis rien. Elle, non plus et soupire avant de se rasseoir.
-On attend Brent, ou tu me racontes tout ce que vous avez appris.
-Je ne sais pas. Il n'a pas dormi là et je ne sais pas, s'il reviendra.
-Cassandre
-Cass, me reprend-elle.
-Cass, ne t'en fais pas pour Brent, il reviendra. Je suis sûr qu'il ne va pas tarder. Il a dû avoir envie de se défouler. Ne crois pas qu'il soit parti, je suis certain qu'il a dormi sur le canapé. Il a dû vouloir te donner un peu d'air .
-Tu es sûr ?
-Certain, retourne-toi et tu verras.
Cass m'écoute et se retourne. Une partie de la tension qui l'habitait vient de redescendre. Brent est revenu, comme je lui ai dit. Nous étions si absorbés dans notre conversation, que nous ne l'avons pas entendu rentrer. Ce dernier revient visiblement d'une séance de sport intensive, qui j'espère lui aura permis d'évacuer toute sa colère.
Je laisse les tourtereaux dans la cuisine et leur fais signe que je vais à côté. Je ne reste pas longtemps seul, car Blondie me rejoint et s'installe sur le fauteuil face à moi. Brent est parti se doucher et va nous rejoindre.
La conversation qui s'ensuit me laisse dépiter et encore plus angoissé. Je les laisse me raconter dans les détails, ce qu'ils ont vu dans l'appartement de Sibylle et comment ils ont découvert pour nous. Cassandre éclaire aussi ma lanterne sur une partie du passé de Sibylle. Elle me raconte tout ce quelle sait et me parle du cahier, celui quelle avait oublié chez moi. Au fur et à mesure qu'elle me dévoile des pans de la vie de Sibylle, je prends conscience de tout ce qu'elle ne m'a pas dit.
Quand je pense à ce quelle a enduré. À ce qu'elle a failli devenir. Je comprends que la femme que je fréquente a plus de facettes et de fêlures que je ne le pensais, et je ne l'en aime que plus. Je comprends aussi pourquoi Cassandre s'inquiète autant, et comprend aussi la profondeur de leur lien.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Sibylle.
Ma main me fait horriblement mal. Alors que la voiture dans laquelle on m'a fait monter roule, je reste enfermée dans le silence. Ma tête cogne contre la vitre et je ne cherche pas à la retenir. La douleur que je ressens lorsqu'elle cogne est salvatrice. J'espère qu'elle finira par m'achever .
Je ne me rappelle pas grand-chose après mon malaise. Juste la sensation d'avoir perdu le contrôle et la panique ressentie, alors que je me sentais partir. Ma main est là pour me rappeler ce qui s'est passé. Pour le restant, tout est noir. C'est la douleur qui m'a fait revenir, et la voix de Stephen. Je me souviens qu'on m'a injecté quelque chose avant de me déplacer, puis plus rien. Plus rien jusqu'à ce que je reprenne à nouveau connaissance à l'hôpital , et des voix que je n'avais pas entendues depuis de nombreuses années.
Daprès, le médecin qui m'a pris en charge, je reviens de loin. Ce dernier m'a dit que j'avais eu énormément de chance de ne pas finir en coma diabétique, voire même de mourir. Je ne sais pas, si je dois me sentir chanceuse que mon employé m'ait trouvé.
Depuis mon réveil, il y a deux, trois jours ? Je ne sais pas quel jour on est. Le noir m'a envahi et les ombres que je fuyais depuis des années sont revenues. Ces voix que je ne voulais plus jamais entendre sont les mêmes qui conversent à l'avant du véhicule, qui me ramènent dans cette vie que j'avais quitté.
J'ignore ce qui a pu se passer, comment ils ont pu apprendre mon hospitalisation. J'avais pourtant fait le nécessaire, pour que ce soit Cassie qui soit prévenue en cas de pépin. Alors pourquoi, ce n'est pas elle qui est là ? Pourquoi, il fallut que ce soit eux ? Je ne veux pas retourner là-bas. Comme si mes démons ne me tourmentaient pas assez comme ça.
Je sais que mes parents ne me veulent pas du mal. Ils ne m'en ont jamais fait. Leur seul tort, c'est celui d'avoir voulu me protéger au point d'oublier que je suis une personne entière. Le silence et le roulis de la voiture finissent par avoir raison de moi et de ma faiblesse. Je finis par m'endormir sans avoir aucune idée de là où on m'emmène .
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top