Chapitre 35

Blake

Il se passe un truc, j'ai ai un pressentiment qui ne veut pas me lâcher. Je fais avec ce sentiment dérangeant depuis que je suis parti. S'il n'y avait pas cet engagement de trois semaines au Japon

Je maudis Brent de m'avoir engagé dans ce voyage interminable. Ses paroles avant que je ne parte me reviennent en pleine face chaque fois que je pense à elle. Autant dire qu'elles se font entendre souvent.

Ce voyage et cette soirée étrange au restaurant, puis après, tout me perturbe. J'ai conscience de ce que je suis, de ce que j'étais avant. Mais, qui je suis ? Là c'est la question à cent mille.

Je crois que Brent se doute de quelque chose, et qu'il appuie là où ça mal. Je l'ai au téléphone tous les jours depuis mon départ et si lui nage dans la félicité, ce n'est pas mon cas. Je passe pour l'acariâtre de service. Je fais ce qu'on me demande et pas plus, même si l'expérience est enrichissante.

Ma tête est ici, mais mon cœur est resté à Philadelphie. Je ne me leurre plus sur ce que fait naître en moi Carotte. Ce que je ressens m'effraie , mais je n'arrive pas à me défaire d'elle . Son corps, son regard, sa couleur de cheveux si particulière qui s'accorde à son tempérament de feu.

Quand je repense à cette soirée piège au restaurant, je grimace. C'était un cauchemar de sentir son parfum et de ne pas pouvoir la toucher, de ne pas avouer à nos amis que l'on se voit, que l'animosité entre nous s'est transformée en quelque chose de bien plus agréable et volcanique.

Plus je repense à ce traquenard et à son comportement quand je suis venu la retrouver après, plus je suis dérouté. Je pense en savoir suffisamment sur ma cracheuse de flamme, pour être inquiet. Autant ses paroles au Vernick étaient dures même si nous devions jouer un jeu, autant une fois chez elle, j'ai tout ressenti autrement.

J'ai eu le sentiment que Sibylle voulait me dire quelque chose et qu'elle s'est abstenue. Au moins nos corps se sont exprimés pour nous. La nuit a été dingue, et dans ces moments-là, certains réflexes ancrés en moi ressortent et ça me ronge. Mais pas cette nuit-là. Je l'ai dirigé, maintenu son corps comme je l'aime , contrôlé nos ébats. C'était bon, je me suis sentis comme à nouveau entier et les remords ne sont pas venus me cueillir.

Non, aucun, juste des doutes sur mes souhaits et sur ma capacité et ma volonté à ne pas retourner dans ce monde. Avant elle, je ne me posais pas la question, je sombrais un peu plus chaque jour, puis elle m'a touché de ses flammes. Puis c'est sa détresse qui m'a achevé.

Depuis, je navigue en eaux troubles, mais je suis vivant et progresse. J'apprécie ce que nous partageons, et c'est pourquoi je lui ai demandé de m'attendre. Je lui ai dit que je veux continuer à explorer ce qu'il y a entre nous.

Pourtant, quand je suis parti, ce pressentiment est né de sa façon de réagir. Sibylle me cache que quelque chose mais je n'arrive pas à mettre le doigt sur ce petit détail qui ferait pencher la balance.

Ça me taraude, et encore plus aujourd'hui alors que je l'ai déjà appelé sans succès à plusieurs reprises. Il se passe un truc, et j'avais besoin d'en avoir le cœur net. Les messages et ses réponses courtes et quelque peu distantes ne me suffisent plus. Et ce sentiment de plus en plus fort qui me tord l'estomac . Cette sensation qu'il est arrivé un truc grave.

J'enrage de ne pas pouvoir en parler à Brent. Je sais qu'il se doute de quelque chose concernant Carotte et moi. Ses menaces n'étaient pas juste une piqure de rappel. À l'heure qu'il est, si je n'étais pas encore coincé ici pour une petite semaine, je serais probablement déjà dans lavion retour.

Alors je continue à tourner en rond, alternant les tentatives d'appel à Carotte et les séances de pompes en ignorant cette petite voix qui me dit qu'elle ne veut plus de moi. Là-dessus la petite voix et tout le reste de mon être s'affrontent et ne me laissent pas en paix. Si elle voulait qu'on arrête, elle me l'aurait clairement dit. On est plus que le plan cul de l'autre . Ce que j'ai ragé de l'entendre dire ça à Blondie quand elles étaient au téléphone. Jamais, je n'ai été autant blessé par de tels propos.

J'ai fait comme si ça ne m'avait pas touché. Sibylle avait l'air gênée que j'ai entendu ça. Et puis avouons-le, la suite était plus que flatteuse pour l'égo de mâle blessé, d'autant que je pense m'être montré à la hauteur de la situation.

C'est la sonnerie de mon téléphone qui me tire de mon apitoiement. Le nom de Brent apparait à lécran alors que je l'ai déjà eu au téléphone trois heures plus tôt. Le décalage entre ici et chez nous est tel, qu'il est infernal à gérer. Il est deux heures du matin ici, treize heures là-bas, mardi à Tokyo, lundi à Philadelphie. Treize heures qui rendent la communication difficile. C'est pourquoi je décroche aussitôt et que j'attends aux aguets, déçu que ce ne soit pas elle qui m'appelle .

-Laisse-moi lui parler, putain !!Hurle la voix de Blondie me perçant les tympans.

-Cassandre, non ! résonne celle de Brent.

-Je te jure que je vais lui faire bouffer ses couilles ! Hurle-t-elle encore.

La voix de Brent s'est faite basse et lorsqu'il reprend la parole ça calme la blonde. Je ne comprends pas ce qu'il se passe, ni le pourquoi de ses insultes. Mais vu la teneur des propos de Cassandre, cela doit concerner ma rouquine. Mon angoisse monte et ce n'est pas bon, je le sens pas. Je voudrais leur rappeler que je suis là au bout du fil et à des milliers de kilomètres, mais je me la ferme.

Même si je n'entends pas ce que dit Brent à Blondie, je sais reconnaitre cette intonation et elle ne me dit rien qui vaille. S'il utilise son statut de dominant pour ramener le calme, c'est que l'heure est grave.

Quand le silence se fait, j'entends Brent qui se rapproche du téléphone. Je l'entends soupirer fortement et je sens que sa colère gronde et qu'il la contient. Un dominant ne peut pas se laisser aveugler et emporter par sa colère. Je le connais par cœur et je sens dans ce qu'il ne me dit encore pas, qu'il vaut mieux que je sois ici et pas là-bas avec eux, sinon je serais surement étalé au sol.

-Brent ?

-Je t'avais pourtant dit de ne pas l'approcher ! Me balance-t-il. Je t'ai dit, je ne sais combien de fois qu'elle nest pas pour toi, putain !

-Quest-ce qu'il se passe ? De quoi tu m'accuse , bordel ?

-Sibylle

-Quoi Sibylle ? Mais merde réponds-moi !

-On est chez elle, là et c'est un carnage.

-Quoi ? Mais qu'est-ce que vous foutez là-bas ! Comment ça un carnage ? Où est-elle ?

Je ne cherche pas à noyer le poisson, ni à cacher mon angoisse, ça ne servirait à rien. J'écoute en faisant les cent pas, mon pote me dire qu'ils sont venus à l'insistance de Blondie, car ma rouquine ne répondait pas à ses appels. D'après ce qu'il me dit, ce n'est pas habituel pour Sibylle de ne pas répondre. Il me dit que Cassandre est très protectrice avec Carotte et qu'elle se fait beaucoup de bile pour elle depuis quelque temps.

Derrière lui, j'entends Blondie hurler qu'il sest passé quelque chose de pas normal. Brent à demi-mot me le confirme. Il retient des infos, je le sens et avec sa copine qui pleure et s'inquiète , la communication passe mal.

Je suis obligé d'insister une fois de plus avant qu'ils me disent que Sibylle n'est pas chez elle, mais que pire l'appartement est un vrai champ de bataille. Je leur demande s'il y a eu effraction mais ils me répondent que non. Cassandre dit avoir trouvé le portable de Sibylle au sol l'écran cassé. Du mobilier a été renversé et tout ce qu'il se trouvait sur le comptoir de la cuisine au sol y compris la trousse contenant le nécessaire pour le diabète de ma rouquine.

Je n'aime pas ça, et pendant qu'ils me décrivent tout ce qu'ils voient, je prépare ma valise. Je ne peux pas rester ici, alors que Sibylle a disparu et qu'on ignore ce qui a pu lui arriver. Alors que Cassandre est au téléphone avec la police pour signaler la disparition de ma belle, je demande à Brent, s'ils ont fait un tour au Book and Coffee. Sait-on jamais, peut-être que l'espèce de geek qui lui sert d'employé est au courant de quelque chose.

-Allez voir le geek du café et tenez-moi au courant. Je prends le premier avion.

-Blake, on n'a pas besoin de...

-Ne va pas plus loin Brent. Je rentre point. Et avant que tu en rajoutes, ce qui me lie à Sibylle ne te regarde pas.

-On en reparlera Blake, crois-moi. Si jamais t'as merdé avec elle

-Pourquoi, j'aurais merdé ?

-Je... Laisse tomber. On descend au café avec Cassandre. Préviens-moi, on viendra te chercher à l'aéroport .

Nous mettons fin à notre conversation, je ne suis pas plus avancé que tout à l'heure . Mon angoisse est montée d'un cran supplémentaire. Qu'est-ce qui a bien pu arriver à Sibylle ? Pourquoi n'est-elle pas chez elle ?

Ramassant ma valise, je me rue à l'accueil de l'hôtel, règle ma note et leur demande de mettre un chauffeur à disposition ou à défaut d'appeler un taxi. Plus vite, je serai dans un avion et mieux ce sera. Pendant le trajet à travers les embouteillages, je m'occupe comme je peux et tente de réserver un vol retour. Malheureusement, je n'y parviens pas et je vais devoir perdre un temps précieux pour réserver un nouveau billet.

La chance n'étant pas avec moi, j'apprends qu'il n'y aura pas de vol avant la fin de la journée. Il est à peine quatre heures du matin ici, et le prochain vol est à dix-huit heures. Ne pouvant rien faire, je décide de trouver une chambre d'hôtel libre à côté de l'aéroport afin de ne pas m'éloigner de ce dernier.

Un quart d'heure plus tard, je me retrouve dans une chambre sordide. Je pose ma valise et tente de faire le point, en appelant Brent. Ce dernier est sur messagerie et ça ne me plaît pas. J'ai besoin d'avoir du nouveau. Ce que Brent à sous-entendu tout à l'heure me tourmente.

Je n'ai pas merdé avec Sibylle, mais qu'il le sous-entende me renvoie à ma culpabilité passée. Ce que je vis avec Carotte est pourtant aux antipodes de ce que j'ai vécu avec ma dernière soumise. La peur d'avoir raté quelque chose avec ma rouquine me percute de plein fouet.

Je finis par envoyer un message à Brent pour lui dire que je ne pourrais pas prendre un vol avant ce soir et lui demande de me tenir au courant. Gardant mon téléphone près de moi, je programme une alarme pour le cas où je m'endormirais et attend en vain des nouvelles de mon agent. La fatigue se faisant sentir, je finis par m'endormir d'un sommeil peuplé de cauchemars, tous mêlant mon ancienne soumise et Sibylle.

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