Chapitre 26

Ça va faire un mois que je nai pas vu Blake. Un mois, depuis quil ma accusé de me droguer. Quelque part, il na pas tort, le diabète est une maladie qui nécessite de prendre un traitement à vie. Le diabète que jai mimpose de me piquer. Alors, oui, dune certaine manière je suis un peu une droguée moi aussi.

Un tuc sest brisé ce jour-là, je ne sais pas quoi. Sa réaction, la mienne, ont été quun enchaînement de faits et gestes disproportionnés. Depuis, je repense souvent à son comportement, et plus jy pense, plus je sens que lexcuse quil a invoquée est valable.

Cependant, je sais quil na pas été totalement franc avec moi, tout comme je ne le suis pas vraiment non plus avec lui. Une chose est certaine, je me sens comme éteinte depuis que ma porte sest refermée sur lui.

Il a bien essayé de sexcuser à nouveau, en menvoyant un texto, un bouquet de fleurs, mais je suis restée silencieuse face à sa tentative dexcuse, quil na pas plus renouveler. Trois semaines de ce silence que je ne supporte plus.

Je pensais quentre nous, il ny aurait que du sexe, et cétait, on ne peut plus torride. Nos rencontres étaient plus folles les unes que les autres. Mon désir pour lui ne sest pas fait la malle. Je me languis de ses mains sur moi, de sa bouche et de son égo qui le pousse à se prendre pour un dieu du sexe.

Pour ça, il mérite amplement le surnom de Super Coup quil sest octroyé en pensant que je lappelais comme ça. Sil savait, je suis quasi sure quil napprécierait pas.

Je ne peux mempêcher de sourire à ça et en même temps, je me sens triste. Car derrière ce surnom, derrière ce masque quil affiche, il cache quelque chose qui le ronge.

Je le sais, car ce qui me ronge moi, est tout aussi lourd à porter. Jai dans mes mains, le cahier dans lequel ce qui me ronge est écrit. Ce que je nai pu faire, lautre fois, je vais le faire aujourdhui. Il le faut, tant que jy vois encore, tant que ma volonté me pousse à le faire, avant que mes démons ne lemportent définitivement sur moi.

Je suis dans lattente de larrivée du chauffeur que jai commandé. Je vais me rendre, je dois me rendre là où tout sest achevé pour elle, là où jai fait un trait sur la jeune femme que jétais.

Cette journée va me couter un bras, et torturé mon âme comme jamais. Je prends des risques, retourner là-bas, sera une vraie torture, mais je me le dois. Je dois lui dire adieu, je dois lui dire que son rêve est en partie réalisé.

Comme prévu, mon moyen de transport est à lheure. Poussant un profond soupir, je prends place à larrière du véhicule et communique au chauffeur litinéraire de la journée.

Je ne suis pas pressée de retourner dans la grosse pomme, deux heures me séparent de ce calvaire. Sortant des écouteurs de la poche de mon sac, je branche ces derniers sur mon smartphone et lance la lecture dun livre audio dont on ma vanté les mérites.

Je ne suis pas fan des livres audios, je préfère sentir le papier sous mes doigts et cette odeur si particulière que ces derniers prennent quand ils sont anciens. Tous les moyens sont bons pour mévader. Je prie même tout ce que je peux pour que lon tombe dans des bouchons, dans le but de retarder ce quil mattend.

Je tente de menfermer dans une bulle qui me protègerait de mes pensées. Le son balancé dans mes oreilles, ne parviens pas à me détourner des pensées et images morbides qui me hantent. Je me jure en linstant même, que cest la dernière fois que je mets les pieds là-bas. New-York et moi, après cela cest terminé.

Le trajet me semble interminable, à travers la fenêtre, les rues, les immeubles défilent et bien trop tôt, nous voilà le chauffeur et moi arrêtés devant la première étape de mon périple.

Mon chauffeur sait quil doit attendre. Lorsque jai fait appel à cette société, jai tout planifié, le moindre de mes déplacements, avec pour consigne que ce dernier mattende à lendroit même où il ma déposé.

Mon premier arrêt est pour ce parc où Peyton et moi, nous nous retrouvions. Ce parc, « Owls Head Park » abrite beaucoup de bons et mauvais souvenirs. Entrant dans ce dernier par mon entrée habituelle, je traverse les allées sans regarder ce quil mentoure. Equipée de mon sac, javance aussi rapidement que ma vision limitée me le permet.

Au bout de dix minutes à peine, je rejoins ce point où nous nous retrouvions quil neige, ou quil pleuve. La statue du hibou est toujours là, même dix ans sans être venue, je saurai la trouver les yeux fermés.

Pourquoi ce parc, et pas un autre ? La raison est simple. Le parc de la tête du hibou est lun des deux parcs se situant plus ou moins à mi-chemin de nos existences de jadis.

Peyton et moi venions de deux mondes différents et pourtant proches géographiquement. New-York est une ville immense, où se côtoient différents arrondissements, qui eux-mêmes abritent des quartiers tous aussi différents.

Toutes les deux étions originaire de Brooklyn. Ma Peyton venait du quartier de Brownsville, un quartier pauvre de Brooklyn, alors que ma famille, la très honorable famille Martin, elle habitait Bay ridge, où jolis pavillons et grosses maisons logent de gentilles familles dîtes bien sous tous rapports. Des familles, qui ne se mélangent pas avec les gens de conditions moindre.

Si je navais pas rencontré Peyton dans ce camp pour diabétiques, je serais peut-être devenue comme eux, comme mes parents et tous ces gens qui gravitent autour deux. Quand, je me suis enfouie à dix-neuf ans, jai tiré un trait sur ce que tout cela représentait. Je ne pouvais plus accepter de me voiler la face, pas après ce qui était arrivé à ma meilleure amie, à ma sur, et surtout pas après ce que javais dû faire. Cela me hantera toujours et avec elle, la culpabilité davoir baissé les bras, de ne pas mêtre assez battue.

Cest dune main tremblante, que je touche la statue essayant de mimprégner de la sagesse de cet animal. Les tremblements de mes membres augmentent à la même vitesse que les souvenirs qui affluent. Toutes ces heures à rire avec elle, à courir, à planifier les quatre cents que nous faisions pour défier chacune à notre façon, nos familles et notre maladie. Rassemblant, mon courage, je pose mon énorme sac et en tire son cahier ainsi quune rose blanche. Jadresse une prière silencieuse à la statue dans laquelle, je lui demande de continuer à protéger nos souvenirs.

Je reste là encore un moment en repensant à la première fois où nous nous sommes retrouvées ici, elle en colère contre ses vieux qui une fois de plus lignoraient préférant leur bouteille de vodka à leur fille, alors que moi, je venais de gagner une première victoire face aux miens.

Quand je reprends le chemin inverse, jenvisage dabandonner. La douleur que provoque ce voyage, memmène loin dans ces ombres que je cache au plus profond de moi depuis dix ans. Cassandre connaît seulement une partie de lhistoire, et si elle savait que je suis ici, elle me reprocherait dy être allée seule.

Lorsque jarrive à la voiture, seulement une demie heure est passée. Le chauffeur me voyant arriver en chancelant, sort précipitamment de la voiture et vient me soutenir, jusquà ce que je sois assise à larrière du véhicule.

–Vous allez bien Melle ? Me demande ce dernier soucieux.

–Oui, ne vous en faîtes pas.

–Vous êtes sûre ? Je peux vous emmener chez un médecin, ou à lhôpital.

–Merci à vous de vous en soucier, lui réponds-je un peu sèchement. Faîtes juste ce dont il a été convenu sil vous plaît.

–Cest que si vous ne vous sentez pas bien

–Stop ! Faîtes votre boulot, cest tout ce que je vous demande ! Je ne suis pas malade.

–Ok, pardon

–Mettez-vous derrière ce volant et allez à la seconde adresse de la liste.

Ce con ma mis hors de moi, et en même temps je lui suis reconnaissante pour cela. Avec sa trouille de se retrouver avec une morte sur les bras, il aura réussi à me booster pour continuer la route.

Mon voyage comprend sept étapes, la première a été pénible, les autres ne le seront que plus. Le trajet jusquà ma seconde étape dure quarante cinq minutes ; Même en connaissant la ville comme sa poche, le trafic reste ce quil est. Jai devant moi trois quart dheure avant darriver à Brownsville, un quartier pauvre de Brooklyn. Quartier, dans lequel Peyton a vécu jusquà son décès.

Larrêt dans ce quartier sera bref, jaurais pu choisir de ne pas my arrêter mais jen ai besoin. Il me faut voir ce que sont devenus ceux qui nont fait que labandonner tout au long de son existence, y compris à la fin. Peyton a toujours ignoré ce qui avait poussé ses parents à boire.

Par chance, ils nétaient pas du genre violent et menaient une vie normale. Leur vice nétait connu de personne. Aux yeux de tous, ils formaient une famille pauvre, un peu bancale mais ne provoquaient pas de vague dans leur petite rue. Lorsque le chauffeur sarrête au début de la rue je lui fais signe de me laisser à lentrée.

Glenmore avenue na pas beaucoup changée en dix ans. Toujours ces poubelles débordantes de déchets, papiers jonchant le sol. Toujours ce même air immuable de pauvreté, seules quelques jardinières sur des balcons apportent une touche colorée à lensemble. Très vite, mes pas me portent à cette petite maison écrasée entre deux autres plus grosses.

La dernière fois que je suis venue là, Peyton était encore de ce monde. Elle prévoyait de senfuir comme je lai fait quelques mois plus tard. Mais cétait sans compter sur les embrouilles qui lont rattrapées suite à sa liaison.

Comme à mon précédent arrêt, jextirpe une rose et un petit objet qui lui appartenait et me dépêche de les déposer sur la première marche du perron de la maison de son enfance, à présent aussi délabrée que la été la fin de sa vie et la fin de notre enfance.

La tristesse menvahit et menace comme à la sortie du parc de me faire chuter. Seule ma volonté en dépit des larmes qui roulent le long de mes joues, me permet de tenir. Je nen suis quau deuxième point de ma liste. Plus je me rapprocherais du point final et plus la souffrance sera vive.

Une fois dans la voiture, je mimpose encore un arrêt avant de faire une pause et de me restaurer. Quitter ce quartier est chose aisée, tellement il est loin de la norme dans laquelle jai vécu. Très vite, le décor change alors que nous traversons Brooklyn pour nous rendre dans le quartier de Prospect Leffers Garden où se trouve lhôpital dans lequel mon amie était suivie pour son diabète et dans lequel elle sest éteint.

Comme pour les précédents arrêts, je dépose une rose et men vais. Jexècre les hôpitaux, y mettre les pieds est source de profondes angoisses. Alors que lheure du déjeuner se rapproche, je demande au chauffeur de me déposer dans un parc proche. Jai faim, lui aussi certainement. Une pause dune heure devrait être suffisante pour lun comme pour lautre.

Une fois dehors, jattends que mon compagnon de route sen aille et entre dans le parc. Je ne connais pas ce dernier et je men cogne. Comme partout à New-York, je suis certaine de trouver un vendeur de hot-dog. Si jamais je ne trouve pas ça naura pas dincidence sur moi, dans la mesure ou jai prévu un sandwich en cas durgence.

Un hot dog moutarde plus tard, je me trouve un banc à lécart et my assois. Je prends le temps de manger même si ça na aucune saveur. Lair est doux à lombre des arbres et mapporte un peu de sérénité.

Ma tranquillité ne dure pas, ce qui mattend après est la partie la plus dure de ce périple. Un regard vers mon sac et son contenu déclenche une nouvelle vague de larmes silencieuses. Cest si difficile dêtre ici, alors quelle nest plus. Quand je sais que je risque de croiser ce salaud, mon ventre se noue et les souvenirs remontent avec plus de puissance encore, les bons comme tous les mauvais qui ont suivis.

Ma rencontre avec Peyton, je ne loublierai jamais. Jétais allée dans un camp pour jeunes diabétiques. A cette époque mon diabète était très bien contrôlé. En fait, je ne vivais pas vraiment. Mes parents mentouraient, que dis-je métouffaient de leur amour, et craignaient de me perdre à chaque instant. Jétais dans un cocon duquel on ne me laissait pas partir. Erik le pédiatre qui me suivait pour mon diabète avait fini par réussir à convaincre mes parents tous deux médecins aussi, à me laisser aller dans ce camp.

Je lavais vécu comme une libération, mais une fois là bas, je me suis vite sentie comme une étrangère. Je ne pratiquais aucun sport, mes parents me linterdisant et je navais pas lhabitude de me lier aux autres.

Peyton était aussi dans ce camp, elle avait pu lintégrer grâce à une action sociale de lhôpital dans lequel Erik, le docteur Marstens exerçait en plus de ses consultations privées. Nous étions toutes les deux perdues au milieu de tous ces gens. Finalement, nous nous étions trouvées, elle rentre dedans, insolente comme pas permis, et moi, la timide ayant peur de tout.

Cet été là, le camp nous aura été bénéfique à lune comme lautre. Cest après cet été là, que beaucoup de choses ont changées pour nous. Peyton mavait appris à vivre, à profiter de la vie et moi, je cherche encore ce que je pouvais bien lui apporter.

La sonnerie de mon téléphone me ramène brutalement à la réalité. Lalarme me rappelle que je dois aller retrouver mon chauffeur et poursuivre mon pèlerinage en cette terre maudite.

Une fois dans la voiture, je me mets à fouiller partout dans mon sac. Je dois préparer ma prochaine étape et non des moindres. Retourner à Bay ridge me hérisse les poils. Savoir quil vit là tranquillement, juste à côté de la maison de mes parents, ne manque jamais de me retourner.

Même si mes premières victoires et la liberté que jai gagné, je la lui dois en partie, je nai jamais réussi à lui pardonner ses actes.

Erik, mon médecin était, est le meilleur ami de mon père et leur plus proche voisin. Il a été le premier soutenir mon initiative de me mettre au sport. Il a été celui qui ma initié à la course. Mes parents ont être des médecins, tout généralistes quils sont, ils nont jamais été capable dentendre raison, lorsquil sagissait de me laisser vivre mon enfance comme une enfant normale.

Peyton se riait souvent de moi dailleurs quand je me plaignais. Elle me disait de me rebeller, de bouger mon cul de pauvre petite fille riche. Elle a dailleurs jamais eu autant raison, et cest avec elle, avec son soutient que mes premiers actes rébellion ont pris vie. Jusquà ce que mes parents craquent et me laissent enfin vivre.

Pendant ce temps là mon amie vivait bien dautre choses de son côté, dont léveil des sens.

Tenant enfin en main ce que je cherchais, je laisse mon regard se porter vers ces rues que je connais si bien. Jessaie de ne pas penser à ce quil peut bien se passer derrières les fenêtres de ces bobos. Alors que la voiture roule au ralentit dans mon ancien quartier, je remarque à peine les changements qui ont pu avoir lieu en une décennie. Cet arrêt doit être rapide car je ne peux prendre le risque que lon me voit. Même si mes parents et ce connard doivent être en train de travailler, je ne souhaite en aucun cas tenter le diable.

Alors, très rapidement, je dépose non pas une rose blanche cette fois ci, mais une photo dans une enveloppe.

Cette même photo que je cherchais au fond de mon sac. Une photo delle, quand elle portait la promesse dune vie qui aurait pu être meilleure. Si seulement, je métais aperçue de ce quil se tramait.

Aveugle, oui, jétais jeune et aveugle. Après deux années à faire les quatre cent coups ensemble, nous nous étions un peu assagies. Le lycée terminé, nous nous apprêtions à entrer à la fac ensemble. Peyton était brillante et avait obtenu une bourse dans la même université que moi. Elle passait presque le plus clair de son temps à la maison. Mes parents pouvaient être tout ce que lon veut, étouffants, pété de thunes et un tantinet prétentieux, ils avaient aussi un cur énorme et navaient jamais mis un terme à notre amitié.

Je vous disais donc, quà cette époque Peyton vivait quasiment à la maison. Ses parents sabrutissaient de plus en plus dans lalcoolisme et restait chez elle nétait plus possible. Chaque fois quelle revenait de chez eux, elle était en colère. Au début, elle criait, pleurait tout ce quelle pouvait et finissait par se résigner.

Elle recommençait ce cycle chaque semaine, jusquà ce que le stress monte et lui fasse péter une durite, un soir ou nous étions seules chez moi. Après cet épisode dont je ne souhaite pas parler, nous avions pris lhabitude daller courrir et dévacuer toutes nos tensions par ce biais. Puis, un jour Erik Marstens, notre voisin et ancien médecin, sest mis à nous accompagner quand il était là, prétextant un besoin de sentretenir. Si seulement javais su.

Cest à partir de là que tout est allé de mal en pis, et comme une conne je ne comprenais pas. Peyton avait changé et la présence dErik sétait accrue. Et au fil du temps, je sentais venir un malaise. Au bout de quelques semaines, je voyais le comportement de Peyton évolué, en même temps que la relation quelle mavait dit avoir avec un homme. Javais beau lui demandé qui sétait, elle ne lâchait pas laffaire. Plus elle fréquentait cet homme, plus elle se refermait, à un point quun jour jai fouillé dans ses affaires, car je craignais quelle ne se drogue.

Puis, un jour, jai découvert le fin de mot de lhistoire. Jétais allée courir après une journée de merde à la fac, dans le parc dans lequel on se retrouvait en cachette après le camp. Cest là que je les ai vus, Peyton et le docteur Marstens. Ils étaient enlacés, ils sembrassaient.

Quand le lendemain, je la vis à la fac, je lui appris que je les avais vu dans le parc. Je demandais pourquoi elle me lavait caché. Ma réaction a ce moment là a été de lui dire quelle était folle. Erik avait lâge de mon père, il venait de fêter ses quarante-cinq ans, trop vieux pour une jeune femme de dix hui ans. Le ton est alors vite monté, jusquà ce que je remarque des traces violacées sur ses poignets. Jai alors vite pris peur quand je lai vu les cacher. Pour moi, ces marques ne voulaient dire quune chose. Je lai enjoins à me dire qui lui avait fait ça, accusant ses parents en premier, puis Erik. Bref, nous nous sommes disputées comme jamais.

Quand je repense à ces mots ce jours-là, jen frissonne encore et ne peut mempêcher de faire le lien avec lhistoire de Cassie.

A partit de ce jour-là, je nai plus revu Peyton, ni à la fac, ni dans mon quartier. Jévitais autant que possible Erik et me rongeait les sangs pour mon amie. Elle avait coupé les ponts avec moi. Jusquau jour où je reçus un appel delle mappelant au secours.

Il sétait écoulé un peu plus de sept mois quand Peyton me contacta. Elle me demandait de la retrouver dans notre parc. Jignorais ce quelle voulait, mais mon amie mavait tellement manqué que je ne cherchais pas et fonçait.

Quelle ne fut pas ma surprise quand je la vis. Mon amie nétait plus que lombre delle-même. Ce nétait plus la jeune femme vive qui me poussait à sortir de ma coquille. Non, cétait une jeune femme à peine sortie de lenfance et pourtant si marquée. Elle était amaigrie, pâle, des cernes immenses sous les yeux et un ventre énorme.

Je nentrerais dans les détails de nos retrouvailles. Il y a juste à savoir que ce jour là, nous avons beaucoup parlé et beaucoup pleuré. Durant les semaines suivantes, je me pliais en quatre pour laider et lui faire entendre raison, mais rien y faisait. Elle refusait de faire appel à Erik et ses parents eux lavaient foutu à la porte. Peyton avait du abandonner la fac et travaillait à faire le ménage le soir pour pouvoir se payer un logement.

Erik, ce connard était au courant de la grossesse de ma copine, il avait lui-même mis fin à leur relation. Il était trop tard pour avorter quand Peyton lavait découvert. Si seulement elle men avait parlé avant, sétait ouverte à moi, peut-être que, jaurais put faire plus.

Puis, une nuit, elle ma appelé en pleurs, le bébé arrivait, elle avait peur, elle se sentait mal. Je ne lavais pas vu depuis trois jours et quand jarrivais dans son studio miteux, je pris peur. Peyton était gonflée, les joues rouges et le teint livide, dentre ses jambes coulait un liquide qui était teinté de rose.

Alors aussi vite, que je le pouvais, je lai emmené aux urgences les plus proches, qui se trouvaient être dans lhôpital dans lequel travaillait Erik la plupart du temps. Très vite elle fut prise en charge. La situation était grave et je ne pouvais pas joindre ses parents et elle ne voulait pas lappelé lui. Alors je restais là, avec elle jusquà ce quon moblige à sortir de la chambre alors que la situation empirait.

A un moment, un médecin sortit me voir avec une infirmière, alors que dautres entraient et sortaient et avec eux un chariot sur lequel se tenait Peyton dans les vap. Le médecin et linfirmière mexpliquèrent que Peyton mavait désignée comme la personne de confiance, celle qui doit prendre des décisions pour le patient quand ce dernier nest pas en mesure de le faire. Je compris en cet instant que je ne reverrais peut-être pas mon amie.

Mon intuition était la bonne, jattendais depuis plusieurs heures dans une salle dattente de la maternité quand un médecin mappela. Il minforma que le bébé, une petite fille, était né et quil se trouvait en néonatalogie. Puis, il me fit asseoir pour me tendre un papier sur lequel on me demandait quoi faire avec les organes de mon amie. Alors que je fixais le papier, je nécoutais plus ce que le toubib me disait. Mon regard restait accrocher sur cette putain de feuille, qui me disait que je ne reverrais plus ma copine.

Des larmes se mirent à couler de mes yeux et puis ce fut le trou noir. Lorsque je repris conscience, jétais allongée dans un lit, mes parents se tenaient au pied de ce dernier et je lisais dans le regard de lun de la déception et de la peine dans celui de lautre. Puis une fois que je me sentis mieux, on revint à la charge. On me demandait encore de prendre une décision, les parents de Peyton ne répondaient pas aux appels, et on me pressait car le temps manquait.

Je finis par refuser de signer leur papier et leur donnait lautorisation de la débrancher. Ils avaient assez charcuté ma Peyton comme ça. Sans le soutient de mon père, je naurais pas réussi à aller au bout. Ma mère, elle restait en retrait, ne montrant rien. Puis toujours avec mon père, jallais voir le bébé de Peyton. Des médecins étaient autour de cette toute petite chose et lui prodiguaient des soins. Parmi eux se trouvait Erik, la dernière personne que je mattendais à trouver. Je fus alors prise dun fou rire incontrôlable et en même temps je pleurais. Je créais un tel raffut, que les médecins finirent par mentendre, alors que mon père essayait de me calmer.

Quand Erik me reconnut, je le vis changer de couleur. Je crois quà ce moment, il comprit que le bébé dont il soccupait était le sien. Son regard allait de moi à celui du bébé. Quand il quitta les soins néonat, il me rejoint, je crois quil navait pas vu mon père, car il me prit à part et me demanda de ne pas faire de scandale. Manque de bol pour lui, cest que je fis, en laccusant davoir causé la mort de Peyton, quil aurait dû laider, que cétait son bébé.

Mon père était revenu entre temps et avait tout entendu. Sa réaction me surpris, et en lécoutant, je compris quil savait quelque chose. Je ne le sus que bien plus tard, mais le mal était fait. Quelques jours plus tard, on enterrait Peyton, dans un cimetière de son quartier, avec seulement mes parents et moi pour lui faire nos adieux, avant que je ne rompe tout contact avec eux quelques mois plus tard. Erik, quant à lui entama des démarches pour reconnaître sa fille, quil appela Casey.

Dix ans plus tard, je me trouve devant une école, celle dans laquelle Casey va. Lheure de la sortie des classes arrive. Je sais pour avoir fait des recherches quil vient tous les jours la chercher. Alors, je surveille planquée dans la voiture les allées et venues des parents et le repère. Elle est là avec lui, et mon dieu, quelle lui ressemble. Casey est le portrait tout craché de Peyton.

Aussi discrètement que possible, je prends un cliché de la petite fille avec mon portable, et je demande au chauffeur de prendre la direction de ma prochaine et dernière étape, le cimetière.

Toujours chargée de mon sac, je descends de la voiture et passe la porte du dernier endroit ou repose mon amie. Un papier à la main, je me dirige difficilement à travers les rangées et retrouve finalement la tombe. Une simple plaque quasi entièrement recouverte de mauvaises herbes me fait face. Maccroupissant, je pose mon sac à terre et entreprend de la nettoyer un peu.

Peu de choses sont marquées sur cette plaque contrairement aux autres, pas de » à ma chère épouse », pas de « à notre fille bien aimée », rien, juste ses noms et prénoms, ainsi que la date de sa naissance et celle de sa mort. Une fois la plaque nettoyée, je massieds parterre, puis pose mes mains de part et dautre de la petite pierre tombale. Mes larmes dévalent et sécrasent sur la plaque.

–Peyton, je suis venue te dire aurevoir, une dernière fois, dis-je en madressant à la plaque. Je ne pourrais plus venir, le noir gagne du terrain. Tu me manques, tu nimagines pas à quel point. Tu sais, jai toujours ton cahier, celui que tu avais dans le studio. Jai lu tes mots, lu ce que tu voulais pour toi, pour nous. Ces vieux rêves fous que nous avions. Je lai fait, tu sais. Le café-bibliothèque. Je sais que je me répète, mais ça marche du tonnerre. Je lai vu tu sais, Casey. Je suis allée la voir à la sortie de lécole, il était avec elle. Elle a lair daller bien. Si tu pouvais voir comme elle te ressemble. Jai fait une photo delle. Je tai emmené quelque chose, ça a dû te manquer. Je, je te le laisse, je nen ai plus besoin.

Je taime Peyton, tu seras toujours dans mon cur.

Sur ces derniers mots, je dépose en plus dune rose, le fameux cahier qui abritaient ses maux et ses espérances, me lève puis men retourne à la voiture. Le trajet du retour parait long, je nai plus aucune énergie. Quand le chauffeur me dépose en bas du book and coffee, le soleil est bas sur lhorizon. Lentement, je monte les marches qui me mènent à mon appartement. Sortant mes clefs de mon sac, je ne me rends pas compte que quelquun mattend sur le seuil.

Quand je bute contre un corps chaud, jai un instant de panique, jusquà ce que je reconnaisse son odeur et que mon regard rencontre son regard. Cest alors que je craque complètement et meffondre contre lui.

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