Chapitre 10 (Mckensie)
Stupéfaite, de sa réponse, je ne cherche plus à comprendre et cours vers l'ascenseur pour y pénétrer à la vitesse de l'éclair avant qu'Adams ne change d'avis. J'appuie sur le bouton du rez-de-chaussée et juste avant que les portes ne se referment, je croise une dernière fois son regard pénétrant. Mais aussi sombre qu'un orage sur le point d'éclater. Envoûtant et effrayant à la fois.
Oublie ces yeux, cocotte, et prends tes jambes à ton cou. C'est le mieux que tu as à faire !
D'autant plus que tant que je n'ai pas encore le nez dehors, je suis loin d'être sortie d'affaire.
OK, cet Adams n'a pas été des plus bienveillants depuis que je suis entre ses mains. Mais au-delà de ça, il ne m'a jamais fait de mal non plus. Quoi que... Si je récapitule tout ce qu'il s'est passé depuis son apparition dans la banque, je n'ai vraiment pas eu le choix, sauf peut-être le tout premier pour qu'il m'emmène avec lui. Mais autrement je me suis retrouvée kidnappée et séquestrée contre mon gré. En cela, ça change clairement ma position auprès de lui. Plus je m'éloignerai, plus je serai finalement en sécurité, physiquement mais aussi psychiquement.
Mon mental est autant en vrac que mon corps lorsqu'il joue avec mes nerfs...
Ce type est un poison et il faut absolument que je m'en éloigne pour ne pas me perdre entièrement. Être sur cette cordelette en suspend pour tenir un certain équilibre est radicalement au-dessus de mes forces et je n'en sortirai pas indemne si je persiste dans cette voie. Je dois me résoudre sur le fait qu'il ne m'apportera pas la liberté dont je rêve pour changer de vie et je me suis carrément plantée en pensant le contraire.
La descente de l'ascenseur s'enclenche. Mes yeux fixent les numéros. Les étages défilent et une sensation d'inachevée commence à me prendre aux tripes.
Je suis libre, d'accord, mais après ?
Je fais quoi ?
Je vais où ?
Je reprends ma vie d'avant et je fais comme s'il ne s'était jamais rien passé ?
C'est pas comme ça que je voyais les choses ! Une vie tellement banale, constante, sans aucune surprise. Je suis fade. Mon existence est fade. Il suffit juste que je regarde mon reflet dans le miroir derrière moi, pour me rendre compte que ce que je vois n'a rien de transcendant. Une nana insignifiante voilà à quoi je ressemble.
Un teint blafard. Une tignasse sans volume, plaquée sur un crâne quelconque. Une bouche qui n'a pas véritablement souri par envie depuis des lustres. Des petites ridules font déjà leur apparition aux coins de mes yeux sans aucun éclat et je rentre à peine dans la vingtaine. Bon sang, mais qu'est-ce que je suis devenue ! Et je ne parle même pas du vide sidéral se trouvant à l'intérieur de moi. Plus rien n'a de saveur depuis des mois et lorsqu'enfin un truc bouleverse mon misérable quotidien, je le fuis en courant parce que j'ai peur ?
Mais peur de quoi au juste ?
Je veux ressentir à nouveau cette adrénaline lorsque l'on a fuit la banque ! Mais la créer moi-même avec ce que la vie a à m'offrir. Moi aussi je veux toucher du bout des doigts ce souffle nouveau. Croire que tout est possible en dehors d'un train-train quotidien étouffant. J'en ai assez d'être ce pantin manipulé. Je ne veux plus de ces ficelles entravant mes membres comme un automate. Ne plus remplir l'une de ces cases qu'impose cette société où tout doit être blanc ou noir. Je veux être une nuance de gris et mettre de la couleur dans ma vie !
D'instinct, je quitte des yeux cette fille que je ne veux plus voir et me jette sur les boutons pour appuyer plusieurs fois sur celui qui m'amènera dehors dans l'espoir d'accélérer ce destin qui m'attend dehors. Cette cage ne descend pas assez vite à mon goût et je commence à perdre patience. Comme une folle furieuse, je tape dessus dans l'espoir de faire changer la donne. Il faut que je retrouve la fille que j'ai laissé sur le bord de la route et reprendre ma vie en main comme je le mérite depuis toujours. Je suis prête à assumer ce virage à toute vitesse, même si je dois en payer un prix exorbitant. Quitter mes parents, quitter mon travail, quitter Mckensie Clark et renaître dans une autre vie. Repartir de rien et obtenir tout ce que je désire. Seulement ce que je désire...
— C'est pas possible ! Bordel, mais dépêche-toi ! ragé-je contre la machine.
Toute ma vie j'ai fait ce que les gens attendaient de moi sans jamais rechigner quoi que ce soit. Et quand enfin, je prends des décisions importantes, le sort s'acharne à vouloir me remettre sur le droit chemin. Voilà pourquoi la descente est si longue !
— Tu veux me faire changer d'avis, c'est ça ? hurlé-je en m'adressant à la porte toujours close.
Mais je ne veux pas ! Je ne veux plus, bordel ! Je veux être maître de mon propre destin et ne plus être soumise par les autres ! Et rien qu'à penser à ce qu'il m'attend enfin, je sens mes lèvres s'incurver vers le haut avec une bouffée d'euphorie qui gagne en intensité.
C'est la meilleure décision que j'ai prise depuis ma naissance et bordel que ça fait du bien de ne plus rien attendre des autres mais de compter que sur soi-même. C'est ça que j'aurai dû faire depuis bien longtemps.
L'ascenseur s'arrête, mais pas au bon étage.
Il ne manquait plus que ça pour freiner ma fuite...
Quand les portes s'ouvrent, je découvre Max planté devant les portes.
Mon sourire s'efface et tout mon monde s'écroule en un temps record...
Mon corps entier se tend. Ma respiration se bloque dans le fond de ma gorge. Mon horloge interne s'est arrêtée.
Mon cœur fait un salto arrière et se planque dans un coin sombre, comme j'aurais envie de me réfugier dans un trou de souris. Je l'avais complètement oublié, lui ! Lorsqu'il me voit, il a un temps d'arrêt et moi aussi par la même occasion. Il observe autour de lui pour vérifier qu'il n'y ait personne et fonce sur moi avec une rapidité déconcertante. Je prends mon élan et le bouscule pour sortir avant que les portes ne se referment. Mais il a été plus rapide, tout en lâchant à ses pieds un sac à dos qu'il portait sur son épaule pour m'emprisonner dans ses bras et me plaquer dans le fond de l'ascenseur pour m'empêcher de fuir.
— Hop hop hop ! Pas si vite ! rage-t-il.
Je suis prise au piège...
— Qu'est-ce que tu fiches ici ? vocifère-t-il entre les dents en approchant son visage du mien.
Amabilité, bonjour !
— Adams m'a laissé partir, lui craché-je mon venin en le fusillant des yeux.
— Et tu comptes me faire gober ce putain bobard peut-être ? Tu remontes avec moi ! Et je te préviens que si tu mens, je vais m'occuper personnellement de ton cas, puisque ce bouffon refuse de faire ce qu'il faut !
— Tu comptes faire quoi au juste ? Faire disparaître mon corps, peut-être ?
— Entre autres !
— Quoi ? Tu plaisantes ?
— J'ai une tête à plaisanter ?
Rira bien qui rira le dernier !
Quand il va découvrir la vérité, il va se trouver con et je pourrai continuer ma route en sens inverse.
Une joute visuelle se met en marche, mais je refuse de baisser les yeux face à cet énergumène qui respire la rage.
À son tour, il passe une carte magnétique devant la borne et appuie sur l'étage où se trouve son acolyte, puis revient à la charge avec virulence.
Ses iris orageux me transpercent la rétine et je peux sentir la chaleur de son corps balayer le mien au travers de sa chemise noire. Prise de panique, je n'en mène pas large et l'observe en silence. Il sent le gel douche, comme s'il venait tout juste d'en sortir. Ses bouclettes brunes sont encore humides et confirment mes déductions lorsqu'une goutte s'échappe d'une de ses pointes pour perler sur sa tempe.
Tout comme Adams, Max est imposant et bâti dans de la roche. Il me dépasse largement d'une tête et demi et me domine sans aucun souci. À la seule différence avec le blondinet, c'est qu'il est plus sauvage et brutal. Il n'est pas là pour plaisanter et semble savoir prendre les choses en main sans tergiverser. D'ailleurs comment cela se fait-il que ce ne soit pas lui le leader du groupe ? Il en a le charisme et pourtant, il est resté dans l'ombre d'Adams tout le temps du braquage. Il y a quelque chose que je ne comprends pas.
— Et que feras-tu si je dis vrai ?
— J'en sais rien encore ! Tout ce que je sais, c'est que tu vas nous attirer des emmerdes si tu retournes à ta petite vie bien rangée et ça, je ne peux l'accepter.
Il lève la tête sur les étages et semble vouloir accélérer cette montée lorsque je l'entends soupirer d'impatience.
— Pourquoi donc ? Tu as peur de perdre tes petits avantages de nouveaux riches ? Vous finirez par vous faire attraper de toute façon. Avec ou sans moi entre vos mains de malfrats ! grogné-je.
— Ça ne te regarde pas ! Et maintenant ferme-la ! revient-il planter mon regard du sien en serrant mes joues entre ses doigts pour me faire comprendre qu'il ne plaisante pas. Tu peux jouer les malignes si tu veux, mais sache qu'avant tout tu es ici avec moi et pas dehors.
Et ça fait un mal de chien !
— T'es un vrai dur, toi ? Tu me fais presque peur ! gloussé-je à moitié.
Même un peu moins de la moitié, parce que là, je suis à la limite de l'évanouissement. Mon palpitant cogne comme un malade contre ma poitrine et mes membres tremblent de la tête aux pieds sans que je puisse contrôler quoi que ce soit. Il est vrai que je ne sais pas ce qu'il serait capable de faire pour me faire disparaître de sa vie sans la moindre culpabilité.
— Tu devrais, justement te méfier de moi ! Je ne suis pas Adams et tu risques de bientôt le savoir !
Ses doigts serrent plus fermement mon poignet et des fourmillements s'installent sur toutes mes phalanges à cause de la mauvaise circulation du sang qu'engendre sa prise.
Le ding de l'ascenseur retentit et quand les portes s'ouvrent, Max me traîne derrière lui sans aucune douceur en récupérant son sac pour pénétrer dans l'appart de son pote. Retour à la case départ.
Ma nouvelle liberté a été de très courte durée... Dix étages, tout au plus...
— Adams ! hurle-t-il. Ramène ton cul de gros connard avant que je vienne te chercher moi-même ! Et toi arrête de traîner, tire-t-il un coup sec sur mon bras pour traverser le couloir d'entrée.
— Mais aïe ! Tu me fais mal ! je me plains en grimaçant ma douleur.
— Fallait pas te barrer d'ici, peste-t-il.
La porte de sortie se referme derrière moi et je sens un vent glacial me piquer la chair.
Pourquoi a-t-il fallu qu'il débarque dans ce putain d'ascenseur à ce moment précis, bordel ?
— Oh putain ! Mais pourquoi tu l'as ramené, Max ? nous surprend Adams qui se fige devant nous.
Un mélange de soupir et d'agacement s'affiche sur son visage. Il se frotte les yeux et se pince l'arrêt du nez, tout en secouant la tête de gauche à droite.
— Pourquoi t'as fait ça, bordel ? s'indigne-t-il.
— Alors ce qu'elle dit est vrai ? Tu l'as laissée partir ? Mais t'es complètement barré ou quoi ? vocifère Max qui le regarde d'un air mauvais.
— Tu vois que j'ai pas menti ! me défendis-je.
— Ferme-là, hurlent-t-ils d'une seule voix.
Max ouvre une porte dans le couloir et me jette dans la pièce comme un vulgaire sac de pomme de terre. J'ai juste le temps de me rattraper sur la bordure d'une baignoire pour ne pas chuter et j'entends le cliquetis d'une clef dans la serrure.
— Qu'est-ce que tu veux que j'en fasse, putain ? entendis-je Adams.
— Déjà pourquoi tu l'as emmené avec toi, bordel ? Maintenant on va être sacrément dans la merde ! C'est à toi de trouver une solution pour s'en débarrasser !
— À t'entendre, je croirais que tu es prêt à la butter ! Et c'est moi qui est barré ? Je te rappelle que tu m'as aidé à la monter jusqu'ici, bordel !
Un énorme coup est donné contre la porte et je sursaute en attrapant une brosse à cheveux entre mes mains pour m'en servir comme d'une arme. Tout en reculant, j'aperçois des ombres sous celle-ci. Ils sont en train de régler leur compte et je suis prise au piège entre les deux. Entre l'un qui me laissera partir et l'autre qui veut mettre fin à ma vie.
— Aussi loin que je me souvienne, je t'ai toujours suivi dans tes délires ! Mais cette fois tu as été trop loin Adams ! Je ne couvre plus tes arrières et tu vas assumer pour une fois tes erreurs !
— Retire tes mains de ma chemise, Max ! Ou sinon...
— Ou sinon quoi ?
Un second coup est donné contre la porte, puis une sorte de silence pesant flotte jusqu'à mes tripes qui se tordent dans tous les sens.
— J'attends ! Qu'est-ce que tu vas faire Adams ?
— J'en sais rien, putain ! De toute façon, il est trop tard maintenant !
Trop tard pour moi ? C'est certain... Je suis foutue...
— Je te le fais pas dire !
L'ombre devient tout à coup moins épaisse. L'un d'eux a quitté le couloir aussitôt suivi du second, laissant une ligne de lumière sous la porte. J'entends les pas s'éloigner me laissant seule enfermée dans cette salle de bain à me demander ce qu'ils vont décider de mon sort.
Il faut à tout prix que je dégage d'ici...
Oui, mais comment ?
****
Hello, comment allez-vous ?
Rien ne va plus pour Mckensie. D'un côté, il y a Adams qui veut la laisser partir, mais c'était sans compter sur l'intervention inopinée de Max qui l'a rattrape de justesse. Comment va-t-elle s'en sortir ?
La suite demain
En attendant, soyez sage, mais pas trop
Big Bisouxxx
Bina
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