Allongé sur mon lit, je réfléchissais aux évènements du SCA.

J'avais été incapable de résister à Raijin, alors même que j'étais dans le corps de Kenshin. Il aurait dû être à ma merci, mais c'était exactement l'inverse qui s'était produit.

J'avais redoublé d'efforts lors de l'entrainement de la journée. J'étais épuisé, mais il fallait que je devienne plus fort. Izuku voulait qu'on aille faire un footing au parc littoral, mais j'avais juste envie de dormir. Sa mère venait de sortir pour faire les courses. Kenshin était dans le salon. Je trouvais dérangeant de le voir, si bien que je ne le laissais jamais dans ma chambre.

La maison était calme. Ça m'aidait à réfléchir.

A en croire la façon dont l'avatar s'était volatilisé, il avait découvert le moyen de se transformer en électricité statique. Son alter était bien plus puissant qu'il y avait deux ans. Plus je tarderais à le retrouver, plus il me serait difficile d'en venir à bout.

Soudain, je sentis l'air se compresser dans ma poitrine.

Je me redressai d'un coup, sentant déjà sa présence dans mon dos. Son souffle caressa mon oreille.

-Game over...

Je fis mine de me retourner, mais une étincelle dans mon dos me figea.

-Du calme, murmura-t-il, d'une voix qui rappelait le ronronnement d'un félin. Tu ne voudrais pas alerter les voisins... Il serait dommage que je doive les tuer eux aussi, tu ne penses pas ?

Je me mordis la lèvre pour ne pas crier.

Comment avait-il su où je me trouvais ? La mère d'Izuku avait-elle parlé ? A moins que ce soit Izuku lui-même ? Leur avait-il fait du mal ?

-Respire... Ton ami le geek n'a rien dit, pas plus que sa chère mère. Et ils vont très bien tous les deux... C'était malin de sa part de te convaincre de venir ici... Tu ne l'aurais jamais fait par toi-même, je ne pouvais donc pas le prévoir... Heureusement... Il se trouve que j'ai une source, moins... amicale, disons... Quelqu'un qui a autant d'intérêts que moi à te voir mort...

Il fallait que je gagne du temps. Le faire parler jusqu'à ce que je trouve une idée. Je ne pouvais pas reprendre le contrôle de Kenshin. Raijin me tuerait avant que j'aie le temps d'intervenir.

-Qui ça ? Je ne suis un danger pour personne.

-Tu es sûr ? Et Tenko Shimura ?

-Je ne suis même pas certain que c'est lui... Il avait une main sur le visage... Et je ne l'ai jamais vu en vrai...

-Sauf qu'il est bien le fils disparu de ta mère, Rinku-kun... Et le simple fait que tu aies supposé qu'il le soit fait de toi un danger pour lui... Sachant cela, je n'ai pas eu de mal à convaincre sa chienne de garde à me dire où tu vivais.

Sa chienne de garde ?

Qui aurait pu savoir que j'étais hébergé par la mère d'Izuku ?

Au moment où je me posai la question, mes yeux se posèrent sur une altère métallique que mon ami avait laissé dans ma chambre, pour que je puisse me remuscler un minimum. Un objet entièrement en métal, rutilant.

Un début de stratégie se forma dans mon esprit. Un début seulement, mais je n'avais pas le temps de réfléchir plus longtemps.

-Raijin... Tu n'es donc que l'être que j'ai créé ? Tu te résumes à être un simple meurtrier, sans aucun sens moral ?

Il se tendit.

-Tu ne sais pas qui je suis, Rinku, gronda-t-il. Tu ne sais pas à quelle vie tu m'as condamné. Seule ta mort peut me libérer.

Maintenant.

Je bondis en direction de l'altère, la saisis. L'éclair me percuta au moment où je l'appuyai sur le sol.

La chaleur était telle que l'objet vira au rouge incandescent. Je retins un hurlement de douleur en sentant ma main brûler. Je sentis des cloques se former sur ma peau. La souffrance était atroce, mais je savais que tant que je serais en contact avec l'objet, ses propriétés conductrices me protégeraient de la foudre de Raijin.

Une lueur démente apparut dans ses yeux. Des étincelles jaillirent de la gemme sur son front.

-Tu veux jouer à ça, hein ?

Il sortit de sa poche un couteau de combat, et se jeta sur moi. Avec une vitesse qui me surprit moi-même, je parai son coup de ma main invalide, et le frappai violemment à la tempe à l'aide de l'altère.

A moitié assommé, il recula d'un pas. Je me ruai sur la porte et me précipitai dans le salon, où gisait Kenshin. Je me laissai tomber par terre, sans lâcher l'objet métallique.

CONNECTION.

Je rouvris les yeux, dans le corps de mon avatar. Raijin se précipitait vers moi, d'un pas légèrement vacillant. Il saignait là où je l'avais atteint.

Je me levai en prenant garde à ne pas piétiner ma véritable enveloppe charnelle. J'étais encore fatigué par l'entrainement de la journée. Mais cette fois, il n'avait pas l'avantage de la surprise.

Il bondit en avant.

Je devais à tout prix l'empêcher d'atteindre le véritable moi. Il suffirait d'un coup de couteau pour mettre fin à mes jours.

Je saisis son poignet et assénai mon pied dans son ventre. Il grogna de douleur. Une onde de choc me fit lâcher prise.

Il arrivait à me faire mal sous cette forme. Ce n'était pas bon signe.

Il s'en aperçut lui aussi. Il lâcha son arme. Ses poings se couvrirent d'étincelles.

J'esquivai son coup et le frappai à mon tour, activant mon alter autour de ma peau. Ses yeux s'écarquillèrent de douleur. Il s'écarta brusquement, avec un grondement. Je savourai cette petite victoire, quand il me plaqua au sol.

-Il me semble avoir compris que tu n'aimais pas les coups, hein ? Ça te gêne pour attaquer, pas vrai ?

Aussitôt, il commença à me marteler de coups.

Il ne cherchait même plus à se débarrasser de moi.

Il voulait juste me détruire. Me faire du mal.

Ce n'était même pas du sadisme. C'était de la colère. Une rage profonde, violente.

Pourquoi me haïssait-il à ce point ?

Je sentais à peine ses poings s'écraser sur mon visage. Tout devenait flou. J'avais de plus en plus de mal à rester conscient.

Je ne pouvais pas le laisser gagner. Pas maintenant.

Il fallait que je tienne bon.

Avec un gémissement, je levai la main, et la plaquait sur son visage.

Je concentrai toutes mes forces dans mon alter.

Il hurla. Je le sentis reculer brusquement.

La tête me tournait. Heureusement, il avait rompu le contact avant que je sois vidé de mon énergie.

DECONNECTION

Je me relevai avec difficulté. Nous nous toisâmes un instant.

Il n'avait pas bonne mine. Il semblait même bien plus mal en point que ce que j'aurais pu imaginer. Lui, d'habitude très droit, était semblait avoir du mal à soutenir son propre poids. Il tremblait sur ses jambes. Le côté de son visage était poisseux de sang. Mais ses yeux rouges luisaient de fureur.

Une lueur de doute traversa son regard.

Soudain, il disparut.

Je cherchai fébrilement autour de moi, certain qu'il allait réapparaitre.

La porte d'entrée s'ouvrit avec un énorme fracas. Sous mes yeux ébahis, Eraser Head et All Might déboulèrent dans la pièce.

-Haiko ! s'écria le héros numéro 1 en voyant le corps inanimé de mon avatar.

Mon professeur principal s'approcha. Son regard passa de moi à Kenshin, avant de se tourner vers l'altère encore posée sur le sol, la chair à vif de ma main gauche, le couteau abandonné par terre.

-Je crois qu'il va falloir que tu nous expliques tout, dit-il simplement. Et pas de mauvais tour.

Vidé de mes forces, je m'assis sur le canapé, et leur racontait toute l'histoire. Pour prouver mes dires, je réinvestis brièvement l'identité de Kenshin, fit varier la couleur de ses cheveux. All Might me dévisagea sans rien dire, avant de murmurer :

-Pourquoi n'avoir rien dit ?

-J'avais peur qu'on me considère comme un criminel.

-Tu n'avais rien fait de mal, et si tu dis la vérité, tu ne comptais pas en faire. Shota, qu'est-ce que tu en penses ?

Eraser Head soupira.

-Je pense que ce gosse a agi de façon irréfléchie. Mais il reste notre meilleure chance de venir à bout de Raijin. Techniquement parlant, il a réussi l'examen d'entrée à Yuei. Je propose que nous continuions à le former, mais cette fois, sous sa vraie identité, pour qu'il renforce son véritable alter. On trouvera bien un héros pour l'héberger et le protéger tant que le lanceur d'éclair sera libre.

Je manquai de défaillir de soulagement.

-Merci, Sensei !

-Rinku ! Qu'est-ce qui s'est passé ?

Izuku, dans l'embrasure de la porte, me contempla d'un air perdu, avant de se précipiter vers moi. Avant même que je lui explique, il comprit. Il me prit dans ses bras pour me rassurer.

Je fondis en larmes.

J'avais soudain l'espoir de m'en sortir.

*******

Viens. Suis ma voix.

A peine conscient, Raijin se laissa guider par les paroles qui résonnaient dans son esprit.

Jamais encore il n'avait passé tant de temps entre deux meurtres. Et il en payait le prix. Les forces qu'il avait dérobées lui échappaient, glissaient entre ses doigts comme de l'eau.

Il se matérialisa, s'écrasant sur le sol d'une petite chambre, entre deux lits.

-Mal visé, commenta une voix qu'il commençait à trop bien connaître.

Arya était assise sur l'une des couches, et le regardait avec un sourire moqueur.

-Co... Comment as-tu fait pour m'attirer ici ?

Elle ignora sa question.

-Dis-moi, il t'a bien amoché... Tu avais tort d'être si sûr de toi.

Une brusque montée de douleur le plia en deux. Il cracha du sang.

-Tu salis, tu nettoies, lâcha-t-elle. Enfin, je t'en exempte si tu meurs. Ça a l'air bien parti, d'ailleurs.

Les brumes de son esprit menaçaient de l'engloutir.

Elle avait raison.

Il était en train de mourir.

-Tu m'as fait venir... pour... me regarder agoniser ? haleta-t-il.

Elle pencha la tête sur le côté, l'air amusé.

-Ça ne dépend que de toi.

Elle descendit du lit et posa sa main dans son cou. Ses doigts lui semblèrent glacés, tant sa peau était brûlante.

-Je peux t'aider, affirma-t-elle. Mais toute aide a un prix. C'est à mon tour de te proposer un marché.

Sa vision se brouilla. Il parvenait à peine à comprendre ce qu'elle disait. Elle marqua une pause, comme pour le torturer encore plus.

-Ta vie, contre ton obéissance tant que tu n'auras pas d'énergie propre. A prendre ou à laisser.

Il gémit.

Devenir son serviteur ? Et puis quoi, encore ?

Mais d'un côté... Il voulait vivre.

Plus que tout.

-Tout ce que tu voudras... souffla-t-il.