-35.2 : interlude-
Elyana n'avait absolument jamais osé visiter ce bar qu'était le Whyte Wyrm. Et en effet, qu'irait faire une jeune fille si respectable et bien élevée du Northside dans un endroit si mal réputé ? Depuis une bonne dizaine de minutes, maintenant, elle regardait les néons au-dessus de l'entrée, songeuse. Oserait-elle entrer ? Elle repensa à cette semaine qu'elle venait de passer. Des images défilèrent devant ses yeux : la baignoire ensanglantée, le cercueil et sa terrible descente dans ce gouffre sombre. La photo de sa sœur, sur la pierre tombale grise. Elle ferma les yeux une seconde ou deux afin de chasser ces pensées désagréables. Elle savait qu'à l'intérieur de ce bar, elle trouverait de quoi oublier. Elle réajusta sa veste en jean, celle que Tori lui avait offerte, puis poussa les portes du bâtiment. Elle observa les néons, les gens, leurs vestes, pour la plupart marquées d'un serpent,... Elle se dirigea vers le bar d'un pas déterminé et se hissa sur un des tabourets. Ses pieds reposaient sur le barreau prévu à cet effet, mais elle ne touchait plus le sol. Elle leva à peine les yeux vers la barmaid qui s'approcha delle.
- Donnez-moi...ce que vous avez de plus fort.
Elle oublia le « s'il vous plaît » qu'on lui avait pourtant bien appris, mais quelque chose lui disait que la politesse n'était pas courante, là où elle était. Elle soupira tandis qu'on posait son verre devant elle.
- Tu comptes vraiment boire ça ? lui demanda une voix grave et amusée.
À vrai dire, elle ne savait même pas ce qu'il y avait dans son verre : elle ne préférait pas savoir. Elle prit le temps de détailler le jeune homme qui l'avait abordée avant de répondre. Il était grand, et sa position assise ne l'empêchait pas de remarquer sa taille impressionnante. Ses épaules, larges, semblaient fortes, tout comme lui. Il avait des cheveux bruns très foncés, presque noirs, qui lui arrivaient aux épaules. Une mèche retombait devant ses yeux. Son regard était perçant et à la fois rassurant : ses deux prunelles noires la scrutaient attentivement.
- Je pense bien.
- Et tu n'aurais pas un petit nom ? Je pourrais te payer un verre, si tu veux.
- Non, merci.
- Toi, tu n'es pas d'ici.
Lya voulait qu'il s'en aille, elle ne voulait parler à personne, pas ce soir-là.
- Effectivement.
- Allez, moi, c'est Dale. Et tu es... ?
Lya hésita. Personne ne devait savoir qu'elle était venue ici, son nom ne devait jamais être entendu. Betty, Jughead, Archie...ils lui en voudraient.
- Loïs. Loïs Preak.
- Et bien, Loïs, j'ai le sentiment que nous allons devenir de bons amis.
Et ce sentiment était tout à fait correct. Ce soir-là, ils avaient joué au billard, bu jusqu'à n'en plus tenir debout. Lya avait même dû passer la nuit sur le canapé de Dale, incapable de rentrer chez elle dans cet état. Elle était partie très tôt, avant son réveil. Toutefois, avant son départ, elle avait laissé son numéro de téléphone sur un bout de papier, juste...au cas où. Elle était rentrée chez elle et avait dessoulé comme elle le pouvait, dans sa chambre. Elle ignorait si elle reverrait jamais ce beau et grand jeune homme. Contre toute attente, elle le revit à de nombreuses reprises.
***
- Loïs ? Tu vas bien ?
L'inquiétude était perceptible dans la voix de Dale tandis qu'il s'approchait d'elle, couchée sur son canapé.
- Qu'est-ce que... ?
Il s'arrêta, détaillant la pièce. Sur la table, un reste de poudre blanche subsistait. Il savait que ça ne voulait rien dire de bon, et il s'empara du téléphone de la jeune fille : peut-être qu'il pouvait appeler quelqu'un. Il faisait défiler les notifications, comportant un seul nom. Il ignorait qui était Archie, mais il semblait beaucoup s'inquiéter pour Loïs, pensait-il. Il allait lire un autre message lorsqu'elle se réveilla.
- Hey...
- Loïs, ne me dit pas que tu as...
- C'est bon, je vais bien, t'inquiète pas, affirma-t-elle, la voix pâteuse. Je dois y aller, j'ai...quelque chose à faire.
- Je ne peux pas te laisser partir comme ça ! Tu n'es pas...
- Hey, je vais bien, affirma-t-elle encore tout en portant sa main à son front. Écoute, je dois vraiment aller parler à quelqu'un, là, est-ce que tu pourrais...
Elle fut interrompue par les lèvres de Dale, pressées sur les siennes. Ils étaient amis, des amis proches, certes, mais elle ne s'attendait pas à ça. Elle répondit à son baiser, pas vraiment consciente de ce qu'elle faisait.
- Je...je dois y aller.
Elle s'éclipsa de la bicoque, encore très troublée. Bien sûr, aucun d'eux n'osa plus aborder le sujet, et le baiser fut très vite oublié. Après tout, Lya n'était même plus sûre de ce qu'elle vivait ou ne vivait pas. Désormais, sur le pas de la porte, elle se demandait ce qu'elle était en train de faire. Ah, oui, ça lui revenait. Elle pressa la sonnette et lorsque son petit ami lui ouvrit, il comprit que quelque chose n'allait pas.
- Archie, faut qu'on parle.
- Je t'ai envoyé des messages toute la journée, toute la nuit...
- Je sais, je sais. Il faut que je te dise quelque chose.
- Tu ne veux pas entrer, d'abord ?
- Non. Écoute. Nous deux, ça ne va nulle part.
- P-pardon ? Lya, je ne sais pas ce que tu as, mais tu ne vas pas bien... On pourrait peut-être en discuter, je ne sais pas, mais viens, s'il te plaît...
- Non, Archie. Je ne sais pas ce que tu penses, mais de mon côté, c'est plutôt clair. J'ai beaucoup réfléchi, ces derniers-temps.
C'était faux : elle aimait Archie comme une folle. Mais méritait-elle qu'il l'aime, lui ? Elle n'était plus que l'ombre d'elle-même, après tout. Il méritait mieux. Comme Betty, par exemple. Oui, voilà, Betty l'aimait, il n'était pas seul. Rassurée, Elyana reprit la parole.
- Il vaut mieux qu'on arrête. On est déjà allés trop loin, selon moi. Je ne peux pas... Je ne peux pas rester avec toi.
Elle avait essayé de se retourner, mais Archie avait attrapé son bras, désespéré.
- Lya, s'il te plaît... Tu ne sais plus ce que tu dis. Dis-moi que tu ne le penses pas... Tu sais que je - que je t'aime. Reste.
Elle lui lança un dernier regard désolé, encore contaminé par l'héroïne. Elle traversa la rue, presque indifférente, à présent, et monta dans sa chambre sans un mot. Elle vérifia ses messages : Cheryl, Jughead. Ils étaient les seuls à encore la soutenir, désormais. Elle ne répondit ni à l'une, ni à l'autre, et sortit le petit sachet en plastique de sa poche. Elle versa un peu de poudre sur son bureau, en fit une ligne, consciencieusement, puis termina de sombrer.
***
Trois mois. Trois mois depuis Tori. C'était ignoble, impossible à supporter. Pourtant, elle le supportait, Lya traînait cet évènement derrière elle. Jughead venait d'arriver chez elle. Il savait que quelque chose n'allait pas chez sa meilleure amie, mais il ne voyait pas quoi. Souvent, il lui posait la question et faisait toujours face à la même réponse.
- Que veux-tu, Jug ? Ma sœur est morte, mes amis ne sont plus là... Que veux-tu ?
Il aurait pu abandonner, mais il refusait de baisser les bras. Il devait faire quelque chose. Cependant, un message l'obligea à laisser Lya seule chez elle. En temps normal, il ne serait pas parti, mais l'expéditrice du message était aussi inattendue que convaincante. Il se rendit dans un petit parc, en ville, et y trouva, comme prévu, Cheryl Blossom.
- Bien, tu es là, s'exclama-t-elle presque, la mine plus sombre que d'ordinaire.
- Qu'est-ce que tu veux, Cheryl ? cracha Jughead, peu enclin à se prêter au jeu de la rouquine.
- Du calme, le naze. C'est à propos de Lya, et je crois que ça t'intéressera.
- Si c'est pour lui faire encore plus de mal...
- Je suis son amie, crétin, rétorqua-t-elle, visiblement blessée par les insinuations de Jughead.
Sans plus attendre, elle sortit un sachet en plastique de son sac à main.
- J'ai trouvé ça dans son tiroir, la dernière fois que je suis allée chez elle. Il faut qu'on l'aide, mais...je ne peux rien faire, soupira-t-elle.
Elle attendit encore un moment, à la fois pour laisser le temps à Jughead de digérer l'information et pour se préparer psychologiquement à ce qu'elle allait faire.
- Il faut que tu fasses quelque chose, Jughead, n'importe quoi, l'implora-t-elle. Je...je t'en supplie, on ne peut pas la laisser foutre sa vie en l'air.
Jughead, en colère contre celui qui avait laissé Lya se procurer cette horreur, hocha la tête. Il ne montra pas l'étonnement qui s'était emparé de lui face aux supplications de la jeune fille : il savait que ça lui coûtait beaucoup de fierté, ce qu'elle venait de lui demander. Alors, sans un mot, il posa une main maladroite sur l'épaule de Cheryl.
- Je ferai tout ce que je pourrai faire.
Ensuite, il se retourna et rentra chez lui, prêt à faire quoi que ce soit pour aider Elyana. Une fois dans sa chambre précaire, au drive-in, il décrocha le téléphone qui se trouvait là et que personne n'utilisait plus. Il composa le numéro du père de Lya, et c'est une voix endormie qui lui répondit.
- Monsieur Bennet ? C'est Jughead Jones. Je vous appelle à propos de Lya.
- Qu'est-ce qu'elle a encore fait ?
- Il faut qu'on l'aide, Monsieur.
- Pour quelle raison ?
- Elle...elle est très malheureuse, et elle a pris des mesures plutôt radicales pour surmonter...ce que vous vivez.
- Qu'est-ce que tu entends par là, gamin ?
- Monsieur Bennet, votre fille... Il faut l'emmener voir un médecin. (Il prit une grande inspiration.) Lya se drogue.
***
Voilà, je ne sais pas si ça vous plaira, mais une lectrice m'a demandé si je pouvais écrire un peu sur le passé de Lya, un flashback, en quelque sorte. J'ai trouvé que c'était une excellente idée, alors j'ai décidé d'inclure ce petit chapitre, cette pause dans l'intrigue, pour vous donner plus d'informations sur les problèmes de Lya, sa relation avec Dale, la manière dont elle s'en est sortie. J'attends vos avis avec impatience !
-Cxlxnx13
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