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-De quoi as-tu peur Ayleen?
Bonne question. De quoi ai-je peur? De tout? De rien? De la nuit? Du jour? À vrai dire je n'en sais rien.
-Je ne sais pas, comment pourrais-je le savoir? Je n'ai pas peur des mêmes choses que mes autres... vous savez... personnes dans ma tête, soupirai-je en m'enfonçant un peu plus dans le grand fauteuil bordeaux.
-Ayleen. Toi. De quoi as-tu peur toi?
Je laisse ma tête reposer sur le fauteuil en réfléchissant longuement.
-De la fatigue je crois. Je pense que c'est ce qu'il me fait le plus peur. Maintenant est-ce que Tyler peut venir? demandai-je en me grattant frénétiquement le cou.
C'est plus fort que moi, il faut qu'il soit près de moi. Lui seul sait gérer mes crises.
Le psychiatre hoche la tête gentillement et s'éclipse pour aller chercher Tyler qui attend dans la salle d'attente.
De l'autre côté de la porte, je les entends parler. De quoi? Ils sont trop loin pour que je puisse les entendre.
La panique me gagne, je crie à Tyler de venir rapidement. Non non non! Pas chez le psy! Cette sensation étrange au fond de mon ventre est revenue, signe que je vais faire une crise. Et si c'est Kim qui prend possession de mon corps et de mon esprit? Que fait Tyler? Heureusement ma crise ne sera sûrement pas dangereuse, des images de jouets et de dessins collés au mur m'apparaissent.
Le monsieur à moustache et l'autre monsieur plus jeune entrent dans la salle.
-Tyler, hurlé-je en me précipitant dans les bras du monsieur jeune.
Le temps qu'il m'attrape, je suis déjà redevenue Ayleen. Clara n'aura pas été là longtemps.
J'éclate en sanglot et me colle de plus en plus à Tyler. Si je le pouvais, je voudrais rentrer dans son corps et m'y cacher. Mais ce n'est pas possible et il me faut affronter la réalité, la vraie vie, avec tout son lot d'angoisses.
Mes sanglots deviennent de moins en moins violents au fur et à mesure que Tyler me berce dans ses bras.
Je finis par m'asseoir sur le canapé avec Tyler, en essuyant mes yeux avec ma manche.
-Ayleen, votre ami et moi avons convenu que le mieux pour vous serait de rester un petit moment à l'hôpital avec nous. Vous n'êtes pas folle, nous voulons simplement vous aider à gérer vos crises, essayer au mieux de les réduire et surtout vous aider à mieux dormir puisqu'il semblerait que c'est la cause principale de vos crises.
Je pose mon regard tour à tour sur le psy et Tyler. Comment a-t-il pu me faire ça? Il sait pourtant que c'est ce que je redoute le plus.
-Et si je refuse?
Je ne perds rien à essayer. Quoique...
-Cela nous prouverait que vous en avez grandement besoin et nous serions obligés de vous y placer de force. Mais vous êtes assez intelligente pour ne pas refuser bien sûr? me demande le psy.
Je lâche un petit rire.
-De toute façon je n'ai jamais eu le choix dans ma vie, ce n'est pas prêt de changer.
Tyler attrape ma main et la serre.
En ce moment même je l'aime autant que je le déteste. Il sait très bien que je ne veux pas être internée comme si j'étais folle.
Mais je n'arrive pas à lui en vouloir. Il est celui que j'aime mais aussi le meilleur ami et le père qui m'ont quittée lorsque tout a commencé à empirer.
J'entre dans un mutisme incessant durant tout le reste de la séance pendant laquelle le psychiatre et Tyler préparent mon entrée à l'asile.
* * *
-Tu comptes me faire la gueule encore longtemps? finit par me demander Tyler en montant dans la voiture.
-Très longtemps. À vrai dire jusqu'à ce que je crève d'overdose de médicaments que m'auront fait ingéré ces foutus mecs de l'asile.
Tyler soupire profondément. Je pense à mon ancien petit ami qui se serait senti mal à ce moment-là. Mal de penser que j'avais peut-être raison. Mais ce petit ami là m'a lâché et celui qui est derrière le volant n'est pas du tout de ce genre là.
-Arrête avec tes conneries Ayleen, tu as entendu le médecin : ils vont t'aider à dormir pas t'euthanasier, tente-t-il tout de même.
-Tu ne crois pas que c'est la même chose? Se faire euthanasier c'est comme si on t'endormait à vie.
-Arrête, tu sais très bien qu'ils te donneront des calmants seulement pour la nuit, continue Tyler.
Il commence à être énervé mais je le suis depuis bien plus longtemps que lui.
-Et quand je ferai une crise et que je serai Kim? Flora? Ou encore Khloe?
Je le regarde en sachant très bien qu'il réagira à ceci au moins. Je me demande si je n'ai quand même pas été un peu loin. Contrôler la violence de Kim ou le handicap de Flora doit être courant dans un hôpital psychiatrique, mais seraient-ils prêts à empêcher Khloe d'exercer ses pulsions sexuelles?
Tyler se crispe et se gare sur le côté de la route. Il baisse la tête, je pourrais presque croire voir briller des larmes dans ses yeux.
-Tu n'aurais pas dû, murmure-t-il en tournant son regard sombre vers moi.
-Je sais.
Je cherche quelque chose d'autre à ajouter mais ne trouve rien d'autre que de lui demander pourquoi il a tant peur de Khloe.
Il a un petit rire puis se tourne vers moi.
-T'as pas compris? Quand Kim ou Flora te remplace, je peux t'aider et te calmer. Mais quand c'est Khloe... je sais que ça te hantera jour et nuit pendant des semaines et je ne pourrai rien y faire. Repenser à ce fils de pute qui t'a...
Je plaque mes mains sur mes oreilles pour ne pas entendre la suite mais mes oreilles bourdonnent déjà. Je sais ce qu'il va dire mais les mots prononcés à voix haute ont plus d'impact que ceux qui tournent dans ma tête.
Trop tard.
Des images s'imposent dans mon esprit, souvenir d'un passé trop douloureux.
Ce fils de pute qui m'a violée.
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