5- La macchina




Il est dans les environs de vingt et une heure trente, Thomas marche en direction de son dortoir, redoutant une possible altercation avec Johan ou même Alex, vu ce qu'il s'est passé avec Théo. Il pousse les portes du bâtiment, tout est éteint, aucun signe de vie dans le hall. Le jeune homme ne se pose aucune question, trop épuisé pour penser à quoi que ce soit. Il gravit péniblement les deux étages, pour enfin arriver devant la porte de son dortoir, essoufflé et ne tenant plus sur ses jambes. Sans attendre, il ouvre la porte et voit d'abord Johan, sur son lit des écouteurs aux oreilles, puis son regard se dirige vers Alex, une cigarette entre les deux doigts, et discutant avec Chris.

Essaye j'te dis, conseil-t-il en tendant la cigarette à Chris, tu verras ça va te décoincer. Puis il se met à rire.

Chris, assis sur son lit tente de refuser du mieux qu'il le peut, malgré l'insistance d'Alex. Thomas soupir, et s'avance dans la chambre jusqu'à son lit. Il se laisse tomber et en profite pour fermer les yeux.

Pense à fermer la porte bouffon ! Lui cri Johan du haut de son lit.

Thomas se relève ne voulant pas chercher de problèmes, mais Alex referme la porte, puis lui lance des vêtements.

Ton pyjama, dit-il, tu devrais aller aux douches, surtout après avoir couru pendant je sais pas combien de temps. Je suis sûr que Leonhard a été sans pitié avec toi, pas vrai ?

Merci, se contente de dire sèchement Thomas.

Il ne pensait pas qu'Alex se montrerait aussi "gentil" avec lui, surtout pas après avoir frappé son ami. Quant à Johan, il semble toujours aussi hostile, mais il semble aussi l'ignorer. Thomas quitte alors le dortoir pour se rendre aux douches, en sortant il entend Alex l'interpeller :

Essaye de pas croiser Théo, parce qu'il a juré de te buter.

  Thomas s'en moque, il claque la porte, mais entend quand même les éclats de rire au travers. Il se moque de savoir ce que Théo prévoit de lui faire. « Après tout, j'ai réussi à le mettre K.O une fois, je réussirais bien une seconde fois » songe-t-il, suivi d'un vague sourire aux lèvre.

Mais ce sourire retombe très vite, lorsque le jeune homme s'apprête à entrer dans les douches. Il se fige, et son visage devient rouge quand il voit la dizaine de garçons torses nus, n'ayant qu'une simple serviette autours de la taille.

– Eh, voilà la macchina ! S'exclame l'un d'eux.

    Après cela, ils se mettent tous à faire du bruit, criant et tapant dans les mains. Thomas complètement déboussolé, balbutie quelques demi-mots incompréhensible avant de détaler. Sur son chemin, il manque même de glisser sur une flaque d'eau. Il croise d'autre garçons traînant dans les couloirs du dortoir, et la plupart ont la même réaction, ils l'appellent la macchina, certains lui donnent même une tape sur l'épaule.

Touche-moi encore une fois, prévient Thomas à l'un des garçons en le fixant droit dans les yeux, et je t'éclate contre le mur.

Puis il s'en va, avant que l'autre garçon n'est le temps de répliquer. Ce n'est pas dans la nature de Thomas d'être violent, mais la fatigue, l'angoisse et la colère le rendent vulnérable.

    Il vagabonde dans les couloirs durant quelques minutes, son pyjama rayé bleu et blanc dans les mains, et ce, jusqu'à ce que les douches soient désertes. Cela fait, Il entre dans l'immense pièce comportant une douzaine de cabines de douches. Il referme la porte derrière lui, mais constate qu'il n'y a pas de verrou.

Merde, je peux pas verrouiller, marmonne-t-il tout bas.

    Il n'a plus le choix, et le passage aux douches va devenir une routine dangereuse pour lui. Mais il soupir, et se décide à entrer dans l'une des cabines du fond. Thomas retire alors son uniforme militaire et le pose près d'un lavabo, il enlève aussi les bandages qui compressent sa poitrine. Et ainsi, il laisse couler l'eau sur son corps, de la pointe de ses cheveux jusqu'aux pieds. L'eau est tiède, presque froide, mais ça ne le dérange pas. Il remarque des traces rouges au niveau de son buste, sûrement causé par ses bandages trop serrés. Il n'y prête pas vraiment attention. Son attention se porte plutôt sur ce que les garçons disaient à son propos. «La macchina ? Pense-t-il, pourquoi ils m'ont appelé La macchina ces idiots ? Ça veut pas dire machine en Espagnol ou en Italien ?» Il reste perplexe, mais ne se pose pas plus de questions.
En sortant, il remarque dans un des miroirs, que ses cheveux ne sont pas aussi court qu'il le pensait. Certaines mèches lui retombent jusqu'au cou et cachent ses oreilles. Il se sert alors de fines barrettes, aussi noires que ses cheveux, pour replier ces quelques mèches trop longues à ses yeux. L'illusion est parfaite, mais Thomas ne peut s'empêcher de prendre un air soucieux. Il se demande ce qu'il se passera si l'école militaire découvre sa véritable identité. En plus de passer pour un travesti, il risquerait de se faire traquer de nouveau par ces assassins. «Tout ira bien...» Se dit-il pour se rassurer, même s'il n'y croit pas vraiment.
Il remet les bandages, écrasant sa poitrine et enfile la veste de son pyjama, puis le pantalon. Il jette de nouveau un coup d'œil au miroir, et se dit que, malgré le sérieux manque d'esthétisme des vêtements, le résultat n'est pas mal. Il passe très bien pour un garçon, maigre et pas très vif, certes, mais un garçon tout de même. Et non une macchina. Il lève les yeux au ciel, et retourne dans sa chambre.
    Il revoit Johan, toujours des écouteurs plaqué dans les oreilles, tapant sur le rebord du lit le rythme de sa chanson. Alex est, quant à lui concentré sur sa console portable, les yeux ardent. Il a abandonné Chris, qui lui est plongé dans un livre. Sans un mot, Thomas se glisse sous ses draps et se laisse emporter par le sommeil.
    L'extinction des feux a été  annoncé à vingt-deux heures trente, Le premier cours commencera le lendemain dès neuf heures. Étrangement, Thomas ne fait pas de rêve cette première nuit. En revanche, il fut réveillé presque toutes les heures par les ronflements et les grognements de Johan. À six heures du matin, il se lève, il veut être sûr d'être debout avant tout le monde pour profiter seul des douches.

Tu es déjà habillé ? Questionne Chris, se levant à peine de son lit.

– Tu vois bien, répond Thomas. Et puis je pouvais pas dormir avec lui.

    Il désigne Johan, qui peste puis le bouscule en sortant de la chambre.

    À neuf heures, une sonnerie retentit, le premier cours débute, c'est un cours d'histoire. Thomas entre dans la salle de classe et s'assoit au premier rang en compagnie de Chris, les derniers rangs étant déjà tous pris. Le cours se déroule lentement, le jeune homme s'avachit sur sa chaise, et rêvasse, il retient tout juste le nom de son professeur : Madame Merly, une jeune femme brune à la figure longue et aux yeux ambrés.
    À la fin du cours, il doit se rendre à l'infirmerie, il croise les doigts pour que tout se passe comme prévu, pour qu'elle soit là. Il aperçoit une élève qui ressort de l'infirmerie. C'est à son tour. Ses joues commencent à devenir rouges, et ses mains frémissent quand il toque à la porte.

Entrez, ordonne une voix féminine.

    Son cœur manque un battement à l'écoute de cette voix.

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