28- Jeu de mots
L'horloge digitale suspendue en haut du mur du couloir administratif ne fonctionne plus. En ce dimanche matin, Thomas patiente devant la porte du bureau de la psychologue. Il attend, sans même savoir l'heure qu'il est, et depuis combien de temps il attend exactement. Il a encore sommeil, mais il ne peut s'empêcher de faire les cent pas dans le couloir, incapable de rester assis, car il n'a pas la conscience tranquille. Dans sa main, il tient un bout de papier déchiré, comme un morceau d'une page d'un cahier que l'on aurait arraché violemment. « T.A. Je sais qui tu es, je vais te dénoncer ». L'écriture est digne d'un enfant de huit ans, elle presque illisible, mais elle ne permet pas d'en identifier l'auteur. Thomas froisse le mot dans son poing tremblant de colère. En fait, il ne sait même plus s'il est en colère, ou s'il est effrayé. Il n'a pas fermé l'œil de la nuit, et le manque de sommeil embrouille son esprit. Mais il refuse de dormir tant qu'il ne saura pas qui est celui ou celle qui a découvert son identité, et qui s'apprête à le dénoncer.
– Qui ça pourrait bien être ? Il aurait trouvé la photo... Se murmure-t-il à lui-même.
Il ferme les yeux, se remettant à soupçonner chaque personne de l'école militaire, chacun de ses camarades, ainsi que ses professeurs. Cependant, il est incapable de mettre un nom sur ce bout de papier froissé. Ses paupières sont lourdes, et il n'arrive presque plus à les soulever pour ouvrir les yeux. Il se met à bailler et finit par s'asseoir. Si ça ne tenait qu'à lui, il ne prendrait même pas la peine de venir voir la psychologue de l'école aujourd'hui. Mais Thomas sait que Billy a aussi rendez-vous le dimanche matin, et il est l'une des premières personnes qu'il a commencé à soupçonner. Toujours souriant, toujours sérieux, il semble éviter les problèmes. Thomas a du mal à le cerner, mais il veut savoir s'il cache quelque chose, et particulièrement si cela a un rapport avec le mot qu'il a trouvé.
La porte du cabinet s'ouvre enfin, Katia Ivazov et Billy sortent tous deux.
– Bonjour Thomas, annonce la psychologue, je te reçois dans deux minutes. Il faut que je passe un coup de fil avant.
L'adolescent acquiesce, il ne pouvait pas espérer mieux afin de pouvoir discuter avec Billy. Ils se retrouvent donc seuls dans le couloir administratif, Billy arbore son habituel grand sourire auquel Thomas ne répond pas, bien trop préoccupé.
– Ça va ? Interroge Billy. Je trouve que tu a l'air un peu fatigué.
– Je vais très bien.
Le ton sec qu'il vient d'employer déstabilise un peu le jeune homme qui se racle la gorge, mais qui ne perd pas le sourire. Thomas ne cesse de le fixer, tout en serrant son poing dans lequel se trouve encore le bout de papier. Il n'est pas sûr que Billy soit l'auteur de ce mot, mais l'interroger fera disparaître son sourire qui lui sert probablement de masque pour quelque chose de plus sombre.
– Bon je vais y aller, à plus tard Thomas. Dit-il en s'apprêtant à partir.
– Attends Billy.
Ce dernier s'arrête, puis se retourne un peu surpris.
– Euh oui ?
– J'aimerais savoir...
Thomas se stop et se mord la lèvre, ne sachant pas par où commencer. Mais il n'a pas beaucoup de temps, alors il décide d'être franc.
– J'aimerais savoir pourquoi tu es toujours aussi souriant et gentil avec moi. Déclare-t-il.
– Pardon ? Rétorque Billy ébahi. Je ne comprends pas bien ce que tu veux...
– Depuis le début, coupe l'adolescent en haussant la voix, j'ai l'impression que tu joue le rôle du parfait petit lycéen qui ne veut pas créer de problèmes. Tu caches certainement quelque chose, n'est-ce pas ?
Billy tente de répliquer pour se défendre, mais Thomas sans réfléchir, lui montre le mot qu'il serrait dans son poing.
– C'est à toi ça ?
Le jeune homme écarquille les yeux, et prend plus de secondes qu'il n'en faut pour lire les quelques mots inscrits sur le papier que Thomas tiens.
– Mais enfin ! S'offusque-t-il. Ce n'est pas moi qui ai écrit ça, ce n'est pas mon écriture ! Attends... Regarde...
Il sort de la poche arrière de son jean une feuille blanche plié en quatre, qu'il déplie et tend à l'adolescent.
– C'est un questionnaire que Katia m'a demandé de remplir tout à l'heure, explique-t-il. Je n'ai pas fini, mais tu peux quand même voir que mon écriture n'a rien à voir avec celle de ton bout de papier.
Thomas analyse rapidement les deux écritures, et il est clair qu'elles ne possèdent aucune similitude. L'écriture de Billy est bien plus soigné et précise, il n'est donc clairement pas celui qui a écrit ce mot.
– Je vois... Dit seulement Thomas.
– Pourquoi est-ce que tu pensais que j'avais écrit ça ? Réplique-t-il Billy. Et pourquoi est-ce que tu m'as dit toutes ces choses avant ?
Ne voulant pas révéler trop d'éléments sur ce qui se passe, l'adolescent marmonne un bref « laisse tomber... » avant d'aller se rasseoir sur la chaise du couloir. Cependant, cette réponse ne semble pas satisfaire Billy, qui réplique :
– Je n'ai aucune raison de ne pas être gentil avec toi, j'essayais juste d'être aimable... En plus, on doit voir une psy tous les deux, je pensais qu'on pouvait se soutenir tu vois...
Son sourire habituel déjà tombé, il semble hésiter à finir sa phrase. Mais il ne la finit pas et se tait, affichant une expression morne sur le visage. Thomas le regarde, et commence à se sentir mal à l'aise. C'est à ce moment qu'il réalise que ses soupçons le poussent à aller trop loin, et qu'à cause de cela il blesse involontairement ses camarades. Il se rend aussi compte que sa méthode afin de démasquer l'auteur du mot est beaucoup trop directe, il doit donc être plus subtil. Le jeune homme se met à chercher ses mots, afin de briser le silence qu'il y a entre lui et Billy. Il passe une main derrière sa nuque, et prononce faiblement quelques mots :
– Je m'excuse.
Mais Billy ne paraît pas entendre, puisqu'il ajoute l'instant d'après :
– Tu sais, dit-il, je pense que c'est toi qui as quelque chose à cacher Thomas. Sinon, pourquoi est-ce que quelqu'un aurait écrit ce message ?
« ...C'est toi qui as quelque chose à cacher... » C'est bien la vérité, et pourtant, ce qu'il vient de dire a l'effet d'une bombe sur Thomas. Ce dernier ne dit alors plus un mot, ce refermant sur lui-même et laissant cette fois-ci Billy s'en aller pour de bon. En voulant à tout prix protéger son secret, il finit par peu à peu le dévoiler au grand jour. Ne sachant plus quoi faire, et exaspéré, il passe ses doigts entre ses cheveux, se les arrachant presque par nervosité. Il réfléchit à nouveau. Mais la porte du cabinet de la psychologue s'ouvre de nouveau, tirant Thomas de ses pensées.
– Pardon pour l'attente, s'excuse-t-elle. Tu peux entrer.
Il pousse un bref soupire, et suit Katia dans son bureau. Cependant, durant toute la séance, aucun mot ne put sortir de sa bouche.
***
Pendant toute sa séance avec Katia, Thomas est resté muet. Il n'était pas d'humeur à parler de ses problèmes, et ça, elle l'a bien remarqué puisqu'elle l'a laissé partir plus tôt que l'horaire prévu. L'adolescent sait qu'il devra s'expliquer lors de la prochaine séance, mais pour le moment c'est le moindre de ses soucis. De retour dans le couloir du dortoir, il espère pouvoir démasquer l'auteur du mot. Il est encore tôt, donc la plupart des élèves du dortoir dorment encore, même si quelques-uns sont partis au réfectoire. En avançant vers sa chambre, il croise un garçon se rendant aux douches. Celui-ci lui lance au passage, un regard appuyé et un sourire malicieux. Thomas frissonne, ce sourire lui donne même des sueurs froides. « ... Se pourrait-il que ce soit lui ? » Songe-t-il. Mais ses doutes retombent vite lorsque le garçon crache une insulte homophobe avant de disparaître dans la salle des douches. L'adolescent soupire, et appuie sa tête contre un mur. En toute logique, cet élève n'aurait pas réagi comme ça s'il avait découvert son identité. « Et s'il faisait semblant ? Non... Ça paraissait trop naturel... ». Thomas ne peut pas s'empêcher de pester, ayant le sentiment que cette histoire le rend fou. Cependant, il ne compte pas en parler à Chloé ou même Leonhard. Ils ne pourront de toute façon rien faire pour l'aider. Non, il réglera ce problème seul et ne se reposera pas sur les épaules d'autrui.
Plus il réfléchit, plus il en vient à la même conclusion : si l'auteur du mot est quelqu'un ayant trouvé sa photo, il s'agit donc de l'un des garçons du dortoir. Si ce n'est pas le cas, il s'agit alors d'une personne qui le côtoie assez souvent, il pense notamment à Eva, Aurore, Rosa, et même Clara et Cynthia. « Mais comment le démasquer ? » Se dit-il en ressortant le bout de papier de sa poche. Il analyse l'écriture. Soudain, il repense à ce que Billy a fait pour prouver son innocence, il avait montré que son écriture était différente de celle du papier. Et à cet instant, Thomas est pratiquement certain d'avoir trouvé une solution fiable pour démasquer l'auteur du mot. Il va identifier l'écriture du papier, avec celle de ses camarades. Il sait que cela relève presque de l'impossibilité, mais il s'agit de sa seule option pour le moment.
Sans plus attendre, il entre dans sa chambre, et essaye de ne pas faire trop bruit afin de ne réveiller personne. Il voit que les lits de Johan et Chris sont vides. Il sait que Johan rentre chez lui le weekend, mais ce n'est pas le cas de Chris, ce dernier doit sûrement être au réfectoire. Alex n'est pas encore réveillé, Thomas le constate grâce à ses ronflements incessants. Et il ne compte pas le réveiller, de peur de se retrouver dans une situation gênante et de causer un malaise. Il n'a pas encore oublié ce qui s'est passé avec lui, son cœur s'en souviendra toujours. Il ne se sent pas prêt d'avoir une discussion avec lui, ou même de le regarder dans les yeux. Mais il sait qu'un jour il ne pourra probablement pas y échapper.
« Si je retrouve l'auteur du mot bien sûr. » Pense-t-il en soufflant. Puis, son regard se pose sur le bureau, sur lequel tout un tas de feuilles et de manuels sont éparpillés. Cela ne lui appartient pas, et connaissant Alex et Johan, ils ne prendraient jamais la peine de sortir leurs manuels de leur sac. Thomas déduit donc que cela appartient à Chris. Il avance jusqu'au bureau, et attrape une copie au hasard. Chris était en train de lister des éléments en rapport avec son exposé sur les grades militaires. Ses mots sont plutôt bien formés, mais de temps en temps ils sont maladroitement écrits. Thomas sort le bout de papier de sa poche et compare les écritures. Elles sont différentes. De plus, Chris n'utilise que des stylos à plumes, tandis que l'auteur du mot à utilisé un stylo à bille. L'adolescent replace la copie en place, et poursuit son enquête. La plupart de ses doutes se portent sur Johan, mais ce dernier n'est pas à l'école militaire, il a aussi emporté son sac de cours. Thomas ne peut s'empêcher de lâcher une insulte tout en se mordant le doigt, car il est face à un obstacle. En effet, tousses camarades qui ont eu une permission, ne sont pas dans l'établissement, il ne peut donc pas savoir si l'auteur du mot se trouve parmi eux. « Je dois être ingénieux... » Il subtilise sur le bureau un crayon et une feuille vierge, sur laquelle il écrit à la va-vite une simple question. Puis range le tout dans sa poche.
Il s'approche ensuite discrètement du sac à dos de Alex, s'accroupit et l'ouvre. Mais au même moment, Alex montre des signes de réveil en s'arrêtant soudainement de ronfler et en se retournant. Thomas se fige, et coupe sa respiration. Il scrute le moindre de ses mouvements, et attend une réaction. Mais il n'en est rien, Alex dort toujours. C'est donc le plus doucement possible que Thomas extirpe un cahier du sac, il l'ouvre et compare encore une fois les écritures. Une fois de plus, il n'y a aucune ressemblance entre les deux. Il ferme les yeux, commençant à douter de son système d'enquête et perdant espoir de trouver le coupable. Néanmoins, il ne veut pas abandonner tout de suite. Il se relève et quitte la chambre maintenant qu'il est certain que Chris et Alex n'y sont pour rien dans cette histoire, et se met alors en route pour le réfectoire, où il y trouvera assurément Rosa, Aurore et Eva.
***
Arrivé, Thomas attrape un plateau au self et prend de quoi se faire un petit déjeuner. Il n'a pas faim, mais il ne peut pas rejoindre les autres s'il ne vient pas pour manger. Au loin, il aperçoit Chris et sa paire de lunettes qui reflète le jour. Il voit aussi deux filles à la même table, il reconnaît Aurore et Eva, mais Rosa n'est pas là. Le jeune homme se dirige vers ses trois camarades, et sans un mot prend place près de Chris. La discussion semblait assez animée avant qu'il n'arrive, mais dès que son plateau frôla la table, le silence parût soudainement.
– Ne vous arrêtez pas pour moi, fait remarquer Thomas en avalant une gorgée de jus de fruit.
Le visage d'Eva commence à blêmir, elle arbore ensuite une expression mélancolique. Aurore, voyant l'adolescente s'enfoncer dans sa chaise, reprend la parole sur un ton jovial.
– Ça fait longtemps qu'on t'as pas vu Thomas ! T'étais malade alors ?
– Ouais. Confirme-t-il. J'ai raté des choses ?
– Rien d'important à part le dernier jour de la visite des inspecteurs... Et aussi le nouvel emploi du temps ! Déclare-t-elle en pointant sa fourchette sur Thomas.
– Je lui en ai déjà parlé... Intervient Chris.
– Ça va nous faire un de ces chocs demain au réveil, plaisante Aurore.
– Je ne trouve pas ça si terrible, ajoute Eva. La première et la deuxième compagnie doivent se lever plus tôt encore.
La discussion redémarre autour de la table, mais Thomas n'est pas d'humeur à y participer beaucoup. Il sort de sa poche la feuille et le crayon qu'il avait pris sur le bureau et les pose sur la table.
– Je t'ai emprunté ça, dit-il en montrant le crayon à Chris.
– Euh... Ce... Ce n'est pas grave, tu peux le prendre...
– Merci, reprend Thomas avant que Chris ne termine sa phrase.
– Tu compte faire quoi avec ça ? Questionne Aurore en arquant un sourcil.
– Elle est où Rosa ? Interroge-t-il en ignorant la jeune femme.
– Elle est rentrée chez son père ce weekend, répond Eva.
Thomas soupire, mais étrangement il ressent moins d'inquiétude au sujet de Rosa. En réalité, il n'imagine aucune des filles écrire ce genre de mot tel que « je vais te dénoncer ». Probablement parce qu'il les côtoie tous les jours, et qu'il commence à bien les connaître. Mais il ne doit pas laisser ses impressions prendre le dessus, car comme il a déjà vécu auparavant : les apparences peuvent être trompeuses. Un être que l'on connaît depuis toujours peut s'avérer être une toute autre personne.
Sans plus attendre, il met son plan à exécution, faisant glisser la feuille et le crayon du côté des jeunes filles, qui d'un regard attentif et curieux lisent la question.
– Ma psy m'a demandé une chose, ment-il en passant une main derrière sa nuque. Enfin... Répondez juste à la question.
– C'est encore un des devoirs bizarres que Ivazov demande de faire afin de mieux cerner son patient, souffle Aurore.
– Tu connais, Aurore ? Demande Eva.
– Oui, acquiesce-t-elle. Billy m'en a déjà parlé.
Le mensonge improvisé de Thomas semble bien passer, Eva et Aurore ne se doutent pas qu'il s'agit simplement d'un test afin d'identifier leur écriture. Elles sondent toutes deux la question, et hésitent à prendre le crayon. Même si cela est futile, Thomas ne peut s'empêcher au fond de lui-même d'accorder de l'importance à leur réponse. Aurore est la première à écrire, elle écrit rapidement une phrase, puis donne le crayon à Eva. Cette dernière, approche lamine du papier mais se stop au dernier moment, dévoilant un teint rougit et affichant une moue indécise.
– Cette question n'est pas facile, avoue-t-elle timidement. Je ne sais pas...
Alors que l'adolescente hésite encore, ne sachant pas quoi écrire, Thomas se remémore ce que Rosa lui avait dit à propos des sentiments qu'Eva éprouve à son égard, et aussi de la rumeur lancée par Clara qui a dû la chambouler. Le jeune homme se rend bien compte que la question qu'il lui a donnée est peut-être au-dessus de ses forces pour l'instant.
– Répond pas si t'en a pas envie, annonce-t-il. Je peux comprendre.
Il ne perd rien, car il sait pertinemment qu'Eva n'est pas l'auteur du mot, il en est totalement sûr maintenant. Néanmoins, elle proteste et se décide tout de même à faire glisser la mine sur la feuille.A la fin de sa phrase, elle se relie, prenant plus de temps qu'il n'en faut pour une simple phrase. Elle redonne ensuite la feuille à Thomas.
– Voilà ce que je pense de toi en une phrase, dit-elle en souriant.
« Parfois lunatique, parfois l'esprit ailleurs. Mais toujours d'amusante compagnie ».
C'est ce qu'a écrit Aurore, Thomas esquisse rapidement un sourire puis lit la phrase d'Eva.
« Je pense que Thomas est un garçon exceptionnel, et je suis heureuse d'être son amie ».
Les deux écritures sont bien différentes, aucun doute. Il dévoile aussi un sourire en lisant la réponse d'Eva, bien qu'il pense qu'elle exagère. Mais ce sourire retombe à l'instant même, quand il réalise que derrière cette réponse ce cache un sentiment douloureux. Il sait qu'il n'y est pour rien, mais il ne peut s'empêcher de ressentir un pincement au cœur. Le même que celui qu'il avait ressenti pour Alex.
– Eva, déclare-t-il perplexe, je suis déso...
– Ne dit rien, coupe Eva en haussant soudainement le ton. Je sais de quoi tu veux parler... Ce n'est pas de ta faute. Et je... Je ne veux pas en parler. Mais je t'assure que tout va bien.
L'adolescent ne cherche pas à en savoir plus, et acquiesce juste. Eva baisse la tête et termine péniblement sont petit déjeuner. Un silence pesant refait surface, tandis que Thomas fixe la jeune fille, comprenant bien au contraire que non, tout ne va pas bien. Mais il n'a ni le temps ni l'envie de se mêler de cela.
– Hum, dit doucement Chris, est-ce que je dois aussi répondre à ta question ?
– Pas la peine, rétorque Thomas narquois. J'ai tout ce qu'il me faut.
– Ah... OK.
– Tu n'as besoin que de deux réponses ? S'étonne Aurore.
– Ouais.
– Eh bah, t'es comme la bibliothécaire toi ! Il te faut peu de renseignements pour te satisfaire.
Brusquement, Chris se met à avaler de travers et à tousser de plus en plus fort.
– Tout va bien ? Questionne Thomas impassiblement en tapotant son dos.
– La bibliothécaire ? Peine à répéter l'adolescent.
– Euh bah oui la bibliothécaire, confirme Aurore. Pourquoi ?
– Ça me fait penser, explique Chris en se tournant vers Thomas. Cynthia est venue me voir ce matin pendant que tu étais chez la psychologue. Elle m'a demandé de te dire qu'elle t'attendait à la bibliothèque pour commencer l'exposé.
« Oh non pas elle... » Pense Thomas en soupirant. En effet, il n'a pas du tout envie de voir Cynthia, surtout s'il doit encore se faire d'incapable. Il a de plus en plus de mal à supporter ses airs hautains, sa voix coupante, et sa manie de toujours remonter ses lunettes sur sa tête lorsqu'elle se sent agacée. Cynthia est exactement le genre de filles qu'il détestait au collège. Mais l'occasion de voir si elle l'auteur du mot se présente, autant aller la rejoindre. Il partira dès lors qu'il aura la réponse.
– D'accord, dit-il en se levant. Je vais la rejoindre.
– Tu nous abandonne pour une autre ? Plaisante Aurore.
– Oui, pas le choix.
Après avoir vidé son plateau, Thomas part en direction de la bibliothèque. Franchissant une nouvelle fois les grandes portes qui dévoilent les étagères contenant des livres par milliers, il remarque qu'en ce dimanche, la bibliothèque est étonnamment remplie d'élèves. Sans doute à cause de la nuée de tests qui menace d'arriver à tout moment.
Il hausse les sourcils, et commence à inscrire ses renseignements dans le cahier de la bibliothécaire : « nom, prénom, numéro de compagnie et horaire ». Il aperçoit le nom de Cynthia un peu plus haut dans la liste, mais ne la voit pas dans la bibliothèque. Tout à coup un éclair de génie lui parvient. Thomas réalise que des centaines de noms écrits à la main sont accessibles sous ses yeux. Il profite alors du fait que la bibliothécaire range des dossiers, pour sortir le mot de sa poche, et analyser rapidement chacune des écritures.
Cynthia, non. Ethan, non. Sarah, non. Billy, non plus, mais il avait déjà eu la confirmation. Les minutes défilent, et aucune trace du coupable dans le cahier. Thomas perd réellement espoir, l'auteur du mot l'a peut-être même déjà dénoncé à l'heure qu'il est.
– Hey, ça te dit de nous laisser la place ? Annonce une voix familière.
En tournant la tête, Thomas voit Théo accompagné de Yann. Tous deux patientent afin d'accéder au cahier.
– Qu'est-ce que vous faites ici ?
– La même chose que toi champion, répond Yann enthousiaste. Enfin, je suppose. Après, tu me diras qu'il y a pas trente-six mille trucs à faire dans une bibliothèque.
– Ouais exactement, ajoute Théo en levant les yeux au ciel. Maintenant tu nous laisse passer ? J'en ai déjà marre de ce mec, il parle trop.
– Pourquoi vous restez ensemble alors ? Interroge Thomas en se décalant.
Il laisse Théo et Yann marquer leur nom dans le cahier, tout en gardant un œil attentif et discret sur leur écriture et sur le bout de papier qu'il tient au creu de sa main.
– La nana avec le chignon, rétorque Yann, Werden je crois. Elle a demandé au camé de me faire visiter les lieux.
– Putain, mais je suis pas un camé, ok !? S'énerve Théo.
– Ouais ouais c'est ça, et moi je suis pas latino. Ironise l'adolescent.
Théo est à bout de nerfs, tandis que Yann se moque de lui. Il contient sa rage afin qu'elle n'explose pas, car il ne veut certainement pas reproduire ce qui s'est passé avec Thomas. La cicatrice sur son cou prouve qu'il en a gardé de mauvais souvenirs.
– Tiens ? Remarque Yann en subtilisant le papier de Thomas. T'as encore ce truc depuis hier...
– Rends-moi ça ! S'exclame le jeune homme.
– T.A je sais qui tu es... Réussi à lire Théo d'un air railleur. Qu'est-ce que t'as encore fait Thomas.
– Rien du tout.
Le stress recommence à monter en lui, quand une autre voix familière intervient.
– Thomas ! Dit Cynthia en s'approchant, ça fait des heures que je t'attends. Mais comme d'habitude, c'est au-dessus de tes forces d'être ponctuel.
Il se fige un instant en réfléchissant à ce qu'il pourrait bien lui dire, mais il préfère laisser tomber d'avance. « Je préfère faire la sourde oreille cette fois ».
– Du calme ma jolie, déclare Yann en montrant le papier l'adolescente. Ton chéri a juste eu quelques problèmes.
Cynthia fixe Yann d'un air halluciné, ses joues deviennent rouges, et ses poings se mettent à trembler.
– Il a réveillé le monstre ce con, se moque Théo.
– Quoi ? Dit Yann interloqué.
Thomas commence à croire que la situation lui échappe, il arque un sourcil et regarde la jeune fille s'avancer violemment vers Yann en lui arrachant le mot de la main.
– Ma jolie !? Espèce de macho complètement débile, comment...
Elle s'arrête soudainement de parler lorsque son regard se pose brièvement sur le bout de papier. Elle arrange alors ses lunettes et coupe sa respiration un instant avant de déclarer :
– Je reconnais cette écriture.
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