10- Lame aiguisée


    Thomas ne bouge plus, complètement tétanisé. Il sent aussi un métal froid et aiguisé appuyer contre son cou. Sa respiration se coupe, et il frôle la crise cardiaque.

– Je t'avais dit que tu me le paierais.

   Il reconnaît la voix et le ton railleur de Théo, il tourne légèrement la tête pour mieux le voir, et c'est effectivement lui. Il a un sourire diabolique dessiné sur ses lèvres, et un regard déterminé. Il empêche toujours Thomas de parler. Il tient dans sa main un couteau de lancer militaire, qu'il a posé sous la gorge du jeune homme. Sa main tremble, mais il ne relâche pas la pression, du sang commence même à couler. Thomas est en panique, son cœur s'apprête à exploser et ses yeux s'emplissent de larmes d'angoisse. Théo se rapproche de son oreille :

– N'es pas peur, je vais pas te tuer. Affirme-t-il en prenant une fausse intonation rassurante. Mais je vais t'apprendre à me frapper, et à me traiter de drogué suicidaire. Par contre, tu cris et je te bute pour de vrai.

    Il enlève la main qui empêche l'adolescent de parler, mais laisse celle qui tient le couteau. À cet instant, Thomas ne pense plus à protéger son identité, mais plutôt à protéger sa vie. Il est paralysé, il n'arrive pas à parler, le souvenir de la mort recommence à le hanter. Il sent la pointe du couteau transpercer sa peau, puis descendre le long de son bras. Théo se déplace pour être en face de lui, il attrape son poignet et relève la manche de sa veste. Thomas, les yeux en larmes et terrorisé, est incapable de faire quoique se soit.

Alors bouffon ? Tu dis rien, je t'effraie ? Interroge Théo avant de se moquer.

    Thomas ne détache pas son regard du sourire infernal de Théo, et reconnaît à travers le jeune homme le comportement des assassins de sa mère et de son frère. En plus de la peur, il sent la haine monter en lui.

– C'est un couteau comme celui-ci qui a tué mon petit frère... Prononce-t-il en observant la lame glisser sur son bras.

    Théo se stop et regarde l'adolescent avec étonnement, mais il n'a pas le temps de réagir que Thomas le frappe au visage, et peut enfin dégager son bras. Il tente de reprendre ses esprits, « je l'ai encore frappé... » réalise-t-il. Mais au lieu d'être fier de lui, il a l'impression de devenir un monstre, et d'être de plus en plus violent. Et, c'est tout ce qu'il déteste. Il voit Théo poser sa main sur son nez en sang, il ne sourit plus et semble prendre un air de plus en plus grave. « Il va me tuer » Se dit Thomas en reculant doucement vers la sortie, mais il ne le laisse pas s'en aller et l'attrape violemment par le col pour le faire tomber par terre.

– C'est fini, dit-il la voix tremblante de colère, je vais te massacrer.

    Il s'agenouille à cheval sur lui et l'empêche de bouger, dirigeant la lame de son couteau vers sa poitrine. Thomas ferme les yeux, priant pour que Théo ne commette pas cette erreur fatale. Plusieurs secondes s'écoulent, et rien ne se produit. Le jeune homme rouvre ses yeux, puis entend des bruits de pas venant du couloir des dortoirs. Théo range immédiatement le couteau de lancer par peur de se faire surprendre.

– Relèves-toi espèce d'enfoiré, ordonne-t-il à Thomas. Je t'aurais plus tard...

    Il s'avance vers la porte, mais se retourne une dernière fois vers Thomas.

– T'as pas intérêt à balancer, ok ? N'oublie pas avec qui tu partages ta chambre. Ajoute-t-il en esquissant un sourire narquois.

    Puis il sort de la pièce en laissant Thomas, ce dernier n'a pas la force  de lui répondre ou même de se relever. Il s'assoit, le dos appuyé contre une des cabines de douche et place sa tête entre ses genoux. Cela fait à peine quelques semaines qu'il est entré dans cette école, et il a déjà failli se faire tué.

– Qu'est-ce que je vais faire ? Dit-il tout haut.

   Il réalise ensuite qu'il angoisse à cause d'un adolescent stupide qui essaye de lui faire peur. Il soupir et se ressaisit, mais il remarque une tache rouge qui transparaît au travers de la manche de sa veste. En regardant bien, Thomas voit son bras ensanglanté, Théo avait réussi à le taillader sans qu'il s'en aperçoive. Il pousse un cri de surprise et tente de se faire des bandages avec des serviettes en papier. Mais au même moment, quelqu'un ouvre la porte et entre.

– Thomas, je t'ai cherché partout...

    Le jeune homme sursaute, il s'agit de Chris. Il observe Thomas totalement déboussolé, avec le bras en sang. Pendant un instant, aucun des deux n'ose commencer à parler, puis Chris se décide bégayant :

– Il... Il... C'est passé quoi ? Demande-t-il. Pourquoi ton bras... Est-ce que ça va ?

– Je suis tombé sur un truc pointu c'est tout, coupe Thomas en mentant.

    Chris continu à le fixer, voyant la grandeur l'entaille sur son avant-bras, il a du mal à le croire.

– Tu es sûr que tu n'a pas essayé de te...

– Je t'ai dit que je suis tombé. Coupe-t-il de nouveau.

    Thomas préfère laisser Chris en dehors de ses problèmes, il préfère régler seul cette histoire avec Théo. Mais, il pense quand même en parler à Chloé.

– Je vais juste passer à l'infirmerie, ajoute-t-il.

– Mais l'infirmerie est fermée aujourd'hui.

– Quoi !? S'exclame Thomas.

– Euh... Il y a un mot en bas, je crois que l'infirmière a une réunion, ou quelque chose comme ça.

    Thomas est dépité, Chloé ne l'a même pas prévenu. Il peste, « je réglerais ça plus tard ». Il se contente alors de simples mouchoirs en papier pour arrêter le saignement. La sonnerie retentit, le prochain cours va bientôt commencer. Les deux adolescents sortent de la pièce, et se rendent en salle de classe, Thomas essaye de cacher sa blessure, mais la tache de sang sur sa veste reste très voyante. Pendant le cours, il voit Clara jeter un coup d'œil sur sa manche, leur regard se croise, mais la jeune fille détourne vite les yeux. Thomas souffle, et maudit Théo de toutes ses forces. Il se dit que le seul moyen de se venger est de le prendre à son propre jeu. Une idée lui vient, et un sourire sournois se dessine sur ses lèvres.

    Tout au long de la journée, les mêmes questions lui ont été posé : « pourquoi ta veste est tachée de sang ? », « t'as voulu te suicider ? ». Et tout au long de la journée, il a ignoré ces interrogations ou a donné une réponse idiote et totalement fausse.

***

– En fait t'es un fragile qui as peur de tout au fond, se moque Johan du haut de son lit en mangeant un paquet de chips. T'es pire que Chris.

– Te moques pas toi, intervient Alex avec un ton exagéré, si la macchina se mutile c'est que le problème est grave.

    Thomas ne prend même pas la peine d'entrer dans leur discussion, il échange un regard de résignation avec Chris. Alex et Johan ne doivent pas se rendre compte qu'ils rient d'un sujet grave. En plus, ils doivent très bien savoir que c'est à cause de Théo s'il est blessé. Mais le jeune homme préfère ne pas réagir, et se laisse tomber sur son lit.

    Mais soudainement, la porte de la chambre s'ouvre violemment, faisant sursauter les quatre garçons. Devant eux se tiennent le sergent Werden, le sergent Leonhard, et le général Oswald. À leurs vues les adolescents cessent de parler et restent figés.

– AU GARDE A VOUS !! Hurle le général.

    Tous obéissent immédiatement, Johan descend de son lit en cachant son paquet de chips, et suivi des autres garçons se poste devant le général, le torse bombé et la tête haute. Seul Thomas ne stresse pas et prend son temps pour se présenter.

– Encore toi espèce de rat, dit le général en s'approchant de lui, et tu as encore cet air ennuyé sur la face. Tiens-toi droit !

– Oui, général.

– Écoutez-moi bande d'imbéciles ! Déclare-t-il. Ce matin, un couteau a été volé dans la réserve. Je veux savoir qui est le petit con qui l'a en ce moment, que je puisse le faire renvoyer sur-le-champ.

    Thomas se racle la gorge, c'est sûrement le couteau que Théo avait. Même s'il n'est pas coupable, il ne peut pas s'empêcher d'angoisser. Alex et Johan semblent aussi mal à l'aise, Alex commence même à avoir le visage qui devient rouge.

– Il s'agit d'un couteau de lancer militaire en acier, ajoute le sergent Werden. Aucun de vous quatre ne l'a aperçu ?

    Tous font un signe négatif de la tête.

– Très bien, faites comme avec les autres fouillez la chambre, ordonne le général.

    Le sergent Werden et le sergent Leonhard se mettent alors à vider l'armoire et tous les tiroirs, ainsi qu'à retourner les matelas, sous les yeux horrifiés des adolescents. Mais ils ne trouvent pas de couteau.

– Il y avait que ça, ajoute Leonhard en tendant le paquet de chips de Johan.

    Le général exaspéré dévisage chaque garçon avec colère, puis il se stop sur le bras de Thomas.

– Avec quoi est-ce que tu t'es faits ça !? Interroge-t-il nerveusement.

– Je... Suis tombé et je me suis coupé... Répond-il.

– Tu es tombé ? Reprend Oswald ne croyant pas un mot de ce que lui dit Thomas. Vous savez quoi, enlevez tous votre uniforme, tout de suite ! Je veux savoir où est ce foutu couteau de lancer.

    Le cœur de Thomas bondit, il est piégé... Il va devoir se déshabiller devant eux, et tout sera terminé, ils verront qu'il n'est pas un garçon. « Oh non... Je ne peux pas... Qu'est-ce que je dois faire maintenant ? ». Chris, Alex et Johan, obéissent aux ordres du général Oswald, mais Thomas ne bouge pas. Ses yeux sont emplis de peur, il sert le poing, il ne peut pas se défiler cette fois.

– Arguer ! Pourquoi n'enlevez-vous pas votre uniforme ? Demande le sergent Werden.

– Exécutez-vous ! Ordonne le général.

– Je... Peux pas, murmure Thomas.

– Avez-vous le couteau Arguer ? Interroge Werden

– Fouillez-le.

    Thomas était prêt à ne pas se laisser faire, quand le sergent Leonhard l'attrape par le bras pour l'emmener ailleurs.

– C'est bon, dit-il, c'est lui qui a le couteau de lancer. Je l'emmène.

    Le jeune homme se laisse entraîner par lui, son cœur bat encore à cent à l'heure. Il a échappé de justesse à l'enfer. Mais ce n'est pas encore terminé, car sans dire un mot, Leonhard l'emmène dans la réserve de l'école situé derrière le grand terrain. Il s'agit d'une sorte de grand sous-sol, où sont entreposés tout le matériels scolaire, les archives, ainsi que les armes qu'elles soit vraies ou fausses. Thomas descend le vieil escalier en bois accompagné de Leonhard. Au bout de quelques secondes de silence, le sergent se mit à rire.

– Aller, donne-moi ce couteau.

– Je l'ai pas, dit Thomas d'une voix neutre.

– Alors enlève ton uniforme pour le prouver, suggère-t-il.

Thomas sait que tout est perdu, mais il continu de résister, jusqu'au bout.

– Non.

– Et pourquoi ça ? Parce que c'est toi qui as volé le couteau justement ?

    Il ne daigne même pas répondre, il se contente juste de s'appuyer contre un mur, en attendant de se faire renvoyer. Il voit Leonhard aborder un sourire en coin, et lui ébouriffer les cheveux.

– ...Ou peut-être parce que tu es une fille ?

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