Chapitre 5 : la mort aux trousses

Je ne sais pas ce qui fait plus mal. La balle dans mon bras ou le choc de ma tête qui claque contre le sol. Ce que je sais, en revanche, c'est que le hurlement que je pousse laissera des séquelles sur mes cordes vocales.

Bientôt, ça n'aura plus d'importance.

À moitié effondré sur les marches de l'escalier, je me démène pour que le sang ne coule pas à flots de ma blessure.

Putain !

Putain !

Putain !

Toujours armé, le dénommé Nick renifle, mauvais, et s'avance d'un pas rapide vers moi.

- Oh non ! Tu ne t'échapperas pas, cette fois-ci ! Attends que les flics débarquent !

Je m'apprête à fermer les yeux, mais la silhouette écarlate d'Ella surgit brusquement. Elle aussi est armée...

Mais elle, au moins, ne semble pas avoir peur de s'en servir.

Fini la jeune femme aux joues roses. Fini l'air jouvenceau qui règne comme un éclat irradiant sur son visage, habituellement. Fini L'innocence qui accompagne ses gestes purs ou la beauté fatale dans ses traits.

Il n'y a plus que la brutalité, éclatée sur son épiderme dans des bleus déjà violacés, des éclats de sang et des effusions coagulés.

- Barre-toi, Nicky, siffle-t-elle d'une voix si profonde qu'elle retentit à travers tout le garage, avec plus de forces encore que les alarmes, il y a quelques minutes. Je sais que tu as une famille. Je sais que Marsha t'attends. Et je sais que le MIT coûte cher. Très cher. Ce serait dommage que ta petite Giny ne puisse pas aller à la fac de ses rêves, tout ça parce que son papa chéri s'est fait exploser ses deux rotules...

La trahison, la colère, la douleur... Toutes les émotions du monde explosent dans les iris du gardien qui l'espace d'une seconde... Hésite.

Cette même seconde ou, avec prudence, Ella se rapproche de moi et me soulève par un bras.

Je grogne sous la douleur. Jamais je n'aurais cru en ressentir une semblable dans toute ma vie...

- Tu sais ce que tout le monde dit à ton sujet ? réplique Nick en continuant de brandir son arme sur nous, malgré qu'on recule.

Des petites gouttes parsèment le sol à mon passage, dans un sillon si macabre que mes paupières restent à peine ouvertes.

- Viens. me chuchote Ella alors qu'il poursuit :

- Une salope. Une traînée. Une pute, toute bonne à traîner à quatre pattes par terre, à remuer les fesses et à lécher les couilles de Judd pour de l'argent !

Elle n'écoute pas et presse une main dans mon dos en se retournant vers la porte de sortie restée ouverte sur Lucille qui nous attends.

- Cours, Zade !

- Je vous ferai payer à toi et à ton chien de compagnie !

La douleur l'arrache des gémissements et le sang continue à couler. Je fais des pas, mais pas assez selon Ella qui me devance, un brin d'hystérie dans sa voix, lorsqu'elle se répète :

- Cours, Zade, merde !

- J'ai une putain de balle dans le bras !

- Tu cours avec tes bras, désormais ? Plus vite !

- Je ne peux pas, bordel !

Le contact chaud et visqueux de mon propre sang qui déferle le long de mon poignet me transit irrévocablement de froid.

Je vais crever. Ici et maintenant.

Tout ça parce que j'ai écouté cette folle à lier au lieu de me tirer une balle dans le crâne, tranquillement dans ma chambre d'hôtel...

Ella se retourne néanmoins, les yeux écarquillés par la peur face au gardien de sécurité qui nous poursuit toujours en l'insultant, quand soudain, elle hurle une nouvelle fois :

- C'est moi qui a ta cocaïne !

Je n'ai jamais couru aussi vite.

Au rappel de mon sachet de poudre coincé entre ses seins, mes jambes font le reste. En quelques foulées, je m'écrase sur la banquette arrière et Ella enjambe la portière en démarrant à pleine vitesse.

Le reste est trop flou.

***

C'est une gifle qui me réveille, une bonne heure plus tard. En fait, plusieurs petites gifles et un torchon froid sur le front.

Où est-ce que je suis, bordel ?

J'ouvre péniblement les yeux et la première chose que je vois, c'est le contraste du teint blafard d'Ella et de ses yeux qui feraient pâlir des onyx. Ensuite ses cheveux qui chutent à nouveau sur ses épaules nues, sa frange collée à la peau de son front et pour finir... Son décolleté.

Mon sachet.

Je tente de me redresser sur un coude, mais impossible.

- Tu dois rester réveillé, Zade.

Sa voix est douce, mais sincère pour une fois, aucune malice n'y règne.

On aurait presque dit une caresse vocale.

Je me recouche donc, mais malheureusement pour moi, avec mon réveil, vient la douleur. J'ai la vive impression que mes nerfs sont déchiquetés. Ce que j'aurais nettement préféré, car dans ce cas, je ne sentirai plus rien...

Ce qui n'est pas le cas.

- Tu as de la chance, la balle a traversé ton bras.

- De la chance ? De la chance ?!

Mon cri meurt dans ma gorge, remplacée par une quinte de toux qu'Ella apaise en chuchotant plus bas encore.

- On est en sécurité, maintenant.

- Je l'étais dans ma chambre d'hôtel, avant que tu te pointes !

- Avec un flingue, au moins trois types de drogues différentes, des lames de rasoir, ta propre compagnie et de l'alcool ? Permets-moi d'en douter.

- Non.

- Non quoi ? demande-t-elle en arquant un sourcil, tout en enlevant de mon front le linge mouillé.

- Non, je ne te permets pas.

Ella soupire et se rassied sur ses jambes repliées. La toiture de la voiture nous protège à présent et la lumière d'un réverbère illumine tout le sang qui la tache. La jeune femme en a pleins les mains. Les bras. Le sien parsème son visage, sa gorge. Des traces de brûlure se forment même sur son scalp, là où le vigile lui a tiré les cheveux avec tant de force. Et pourtant, c'est avec une misérable bouteille d'eau trouvée dans la boîte à gants qu'elle essuie le mien.

Je jette un coup d'œil sur mon bras et gémis en voyant ma plaie. La manche de ma chemise noire complètement retroussée sur mon épaule, elle me permet de voir la plaie béante, juste au-dessus de mon coude. Je peux sentir que la balle n'a pas touché d'os ou de quoi que ce soit d'important, mais la douleur est bien réelle...

Et la faiblesse corporelle apportée avec, aussi.

Ella remplace mon torchon et me nettoie à nouveau avec des gestes si délicats que pendant un bref instant, j'ai l'impression que ce qu'on vit est tout à fait banal.

Le quotidien d'un junkie ruiné et d'une folle vengeresse, je présume...

Je plaque ma main libre sur mes paupières lourdes et grommelle à son égard :

- Qu'est-ce qui s'est passé ?

- On a réussi à s'enfuir. Je nous ai emmenés sur un parking public. Ils ne nous chercheront pas ici, au moins.

Je bascule ma tête sur le côté pour voir par-delà la fenêtre passagère et en effet, on se retrouve caché entre les dernières voitures d'un supermarché qui fermera bientôt ses portes.

Il doit déjà être près de vingt-et-une heures...

- J'attendais que tu te réveilles pour acheter des bandages.

- Tu ne m'as toujours pas répondu.

- À quel sujet ?

- De ce qui s'est passé.

- Je te l'ai dit, on...

- Je parle de la caisse, Ella ! m'impatienté-je en plissant les yeux à demi. De cette caisse. De cette garce de Lucille qui va me coûter un bras ! Littéralement !

- Oh, ça va, drama queen, tu vas survivre. Ce n'est rien d'autre qu'une blessure de chair.

Je la repousse violemment et la dévisage avec hargne.

- J'aimerais bien t'y voir ! La prochaine fois, je te laisse prendre une balle, on verra ce que tu diras après ça !

- Tu ne sais pas ce qu'est la vraie douleur. Tu n'as jamais eu tes règles. D'ailleurs, je ne sais même pas pourquoi je t'aide.

Boudeuse, elle se redresse, me balance le torchon rempli d'eau sanguinolente dans le visage et pars s'asseoir sur le siège conducteur.

Je l'étranglerais bien.

Mais pour ça, j'ai besoin de mes deux bras.

Dans une nuée d'insultes, je me redresse en prenant appuie sur la banquette et alors que je peine à retrouver mon souffle, je croise son regard dans le rétroviseur. Elle semble profondément peinée... Et ce n'est pas à cause de ce que je lui ai dit, ça, c'est sûr.

- Est-ce que c'est vrai ? se risque-t-elle au bout d'un certain moment.

- Quoi ?

- De ce que Nick a dit ?

Je fronce les sourcils et secoue la tête.

- Désolée, princesse, je vais avoir besoin que tu sois plus précis avec moi, j'étais trop occupé à me faire tirer dessus.

Ella soupire et se met à nerveusement récurer ses ongles.

- Laisse tomber.

- Non, soupiré-je en me débarrassant de ma chemise pour la transformer en bandage temporaire. Dis-moi. On n'est plus à ça près, après tout.

Elle se retourne et pose son menton ensanglanté sur l'entête de son siège, ses grands yeux ronds grandement écarquillés.

"Plus encore que mes pupilles, il y a quelques heures", me dis-je en frottant mes narines.

- C'est réellement ce que les gens pensent de moi ?

- De quoi ? Que tu es une traînée qui lèche les c...

- Oui. De ça.

- Et bien quoi ? Ce n'est pas la vérité ?

J'étouffe un rire dans le renflement de mon épaule à présent nue et soupire :

- Ella Sloane... La petite pute à Judd Bucklan. À peine majeure et déjà prête à tout pour gratter l'héritage de l'un des plus grands millionnaires de ce pays. Est-ce un mariage d'amour ? Pas possible quand il y a une si grande différence d'âge et que tu es... Littéralement personne.

Son visage s'assombrit de nouveau. Sauf que cette fois-ci, avec le taux de sang qu'elle a sur elle, c'est encore plus effrayant.

- T'es vraiment un connard, Zade...

- Je ne comprends pas pourquoi tu te vexes, Ella, me défendis-je en arquant un sourcil. Tu ne peux pas sérieusement me dire que tu n'étais pas au courant ? Qu'est-ce que tu croyais en débarquant ? Que tout le monde allait croire en votre folle histoire d'amour ? Ne me dis pas que tu es si naïve...

- Non.

- Alors pourquoi tu me le demandes ?

- Je n'en sais rien. Je suppose que... Qu'on n'utilisait pas des termes si...

- Définitifs ?

Son silence me répond assez.

Je m'avance et lui demande à l'oreille :

- Et alors ?

- Quoi ?

- Est-ce que tu es la petite pute à Judd ? Et avant que tu ne m'achèves... Je te demande ça parce qu'il se trouve, pour ton plus grand bien... Qu'il y a quelque chose que je déteste encore plus que les escrocs et les violeurs.

- Ah oui ? Et quoi donc ?

- Les enfoirés qui coupent les ailes aux hirondelles.

Je soutiens son regard et le moment paraît durer une éternité. Je dois néanmoins me recoucher sur la banquette quand je sens ma tête se mettre à tourner comme une toupis. Ella me regarde faire et je la surprend à se pincer sa lèvre pour éviter que je vois son sourire.

Mais c'est trop tard.

Je l'ai bien vu.

Et je ne sais pas si c'est à cause de la drogue dans mon système, le taux de sang que j'ai perdu ou encore tous les autres facteurs de ce soir qui me font petit à petit rapprocher des rives du Styx, mais...

C'est l'une des plus belles choses que j'ai pu entrevoir de ma vie.

Néanmoins, je n'ai pas le temps d'en profiter, car Ella prend une grande inspiration et ouvre sa portière en m'assurant :

- Je vais aller chercher tes bandages. S'il te plaît... Reste réveillé. Cette soirée n'est pas encore finie.

Je la regarde attraper sa bouteille d'eau et un paquet de mouchoirs et elle part se débarbouiller dehors, en me laissant seul sur la banquette.

Sauf que mon sourire se mue en grimace apeurée.

Elle ne compte quand même pas continuer le fiasco de ce soir ?!

Allez ! Deux chapitres ! Et ce soir encore un et j'ai hâte en plus, c'est le premier PDV d'Ella 😎

• c'est bien que vous ayez direct deux chapitres, comme ça vous vous faites pas trois mille film sur ce qui a pu arriver à Zade 😂 vous en faites pas, il a survécu ! En même temps, il est bati pour survivre 😂😂

• Pendant les altercations, on peut voir que Zade comme Ella se protègent mutuellement. Après tout, ils ont des intérêts en commun ! 😎

• on voit une toute autre facette d'Ella aussi... Malgré une carapace arrogante elle est en realite très sensible vis a vis de ce qu'on peut penser d'elle... Qui l'aurait cru ?

• comment ça, Ella compte poursuivre ses plans ? Est-ce seulement possible, à votre avis ?

Je vous dit à demain (pour moi c'est demain, oui oui, je ne dors tjr pas à presque 8h30 😂😂😂) et pour tous ceux qui vont voir Avatar 2 en avant première, comme moi, et bah bonne séance !!! 😍

Je vous embrasse fort, n'hésitez pas à voter et commenter si ça vous a plu et on se retrouve très vite !

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