Chapitre 4 : et c'est le drame

"J'improvise" ? Improviser quoi au juste ?!

Je tente de protester, mais Ella est déjà à l'intérieur. Comme un caméléon, elle se transforme en épouse de Judd. Son gilet glissé sur ses coudes, ses épaules graciles assurées et ses mains proprement croisées devant elle, elle avance avec l'élégance d'une femme de son rang.

Personne n'aurait pu dire qu'elle devait encore donner sa carte d'identité pour boire de l'alcool.

Mais alors que mes yeux descendent le long de son échine où sa robe est ouverte, elle se retourne et m'indique un mur.

— Cache toi là. Si ça se passe mal... Agis.

Je ris doucement avant de la toiser :

— Au risque de me répéter, chère Ella... Je ne sais toujours pas ce que tu attends de moi.

— De nous sauver, si on ne sort pas de là. N'ai-je pas été clair ? réplique-t-elle en roulant ses yeux noirs au plafond, excédée.

— D'accord. Oui, rien de plus simple.

— On perd du temps, Zade.

Dans un soupir las, je pars me cacher derrière le mur et la regarde s'éloigner jusqu'à disparaître.

On va voler une voiture. Une putain de voiture.

Si je meurs, ici et maintenant, c'est à cause d'une maudite caisse.

Y a-t-il plus ridicule ?

Je frotte mon visage entre mes mains et essaye de refouler le mélange d'états qui me terrassent.

Malgré la douche froide et le pic d'agacement provoqué par Ella et son plan, les quelques pilules que j'ai avalé mettent mon corps en état de fatigue. Le fait d'être plongé dans le noir, près d'un courant d'air chaud, ne m'aide en rien.

Je me gifle donc légèrement la joue et me penche vers le couloir qu'Ella a emprunté.

Cet endroit n'a rien d'un garage, à priori. Il y a un tapis au sol, des lumières de veille accrochés sur les murs noirs... Et pourtant, une forte odeur d'essence et de résine brûlée se heurte à mes narines.

À ce stade, je suis surpris de pouvoir encore sentir quelque chose...

Et puis merde. Je ne vais pas rester là.

Avec prudence, je m'avance silencieusement dans le couloir jusqu'à aboutir sur le garage en question. Toujours caché par le mur, je repère la silhouette rouge d'Ella qui regagne une unité de bureau en fond de pièce. Son déhanché attire rapidement le gardien de sécurité qui se lève pour l'accueillir et bien sûr, elle lui adresse le plus délicieux des sourires. Comme si ce n'était pas suffisant, elle replace une mèche derrière son oreille et pose sa main sur son épaule pour l'embrasser sur la joue.

— Bonsoir, Nick ! Je suis si heureuse de te voir !

J'en frissonne de dégoût. Sa voix est si mielleuse que les abeilles en meurent.

— Mademoiselle Sloane ! Le plaisir est toujours le mien !

— Oh, voyons, ne soit pas absurde !

Pendant qu'ils s'échangent des banalités de politesse, mon regard se pose sur le contenu du garage. Il y a au moins quinze voitures présentes. Chacune plus luxueuse que la dernière. Mais les carrosseries ont beau être étincelantes et les pneus gonflés à bloc... Je n'ai jamais vu une seule d'entre elle de toute ma vie.

C'est ce qui me fait détester Judd encore plus.

Parce que dans une vie d'escroc... Il ne daigne même pas utiliser ce qu'il achète.

Un dragon sur son trésor.

Mais alors que je me perds parmi les modèles extravagants de voitures de sport, mes yeux retombent sur une exception. À priori, la voiture en question n'a rien d'exceptionnel. Pas assez vieux pour être considéré comme un collector, et plus jeune non plus, le coupé dont le capot est abaissé est la voiture la plus proche de la sortie.

C'est Lucille.

Je le sais. Je le sens.

— ... Je lui dirai sans fautes ! Merci !

Charmeuse, Ella plaque sa paume contre sa bouche pour étouffer un petit rire fluet. Même de là où je me tiens, je jurerai la voir rougir. Du moins jusqu'à ce que le gardien reporte ses mains à son ceinturon et arque un sourcil curieux.

— Monsieur Bucklan ne m'a pas dit que vous alliez venir ce soir, si je peux me permettre... Avez-vous une autorisation ?

— Oh, mon fiancé est un homme très occupé, Nick ! Tu le connais.

— C'est certain... Mais...

— Au diable toute cette administration, non ? Je me suis dit que je n'embêterai pas Judd pour une broutille... La voiture est tombée en panne et je voulais absolument sortir avec Lucille, ce soir. Je dois le rejoindre dans une heure, je voulais lui faire une surprise ! C'est notre anniversaire de fiançailles.

Ella bat des cils et son sourire est si étincelant que si j'avais été à la place de ce fameux Nick...

Je lui aurais déjà donné les clefs de la voiture.

Chose qu'il ne fait pas, cependant, malgré la gentillesse qui est affichée sur son visage rond. Il lâche son ceinturon et monte le petit escalier qui mène à son bureau.

— Pas de problèmes, mademoiselle Sloane ! Je vais juste appeler votre fiancé pour confirmer votre sortie et vous êtes bon pour partir !

Ma grippe sur le coin du mur se referme et mes dents se plantent dans le bout de ma langue.

On est foutus ! On doit annuler !

J'essaye de faire un signe à Ella. Qu'on sorte d'ici. Qu'on abandonne cette maudite Lucille. Qu'on récupère mon fric et qu'on abrège cette soirée sans vagues supplémentaires.

Mais visiblement, elle n'a pas les mêmes plans que moi.

Toujours aussi gracieuse, elle monte à son tour le petit escalier, mais avant qu'elle ne rentre dans le bureau, elle attrape l'extincteur accroché sur le mur...

Et fracasse le crâne du gardien avec.

Téléphone toujours en main, il s'évanouit sur le sol et le bruit de son corps qui percute le bitume résonne à travers tout le garage.

— Putain ! Mais qu'est-ce que t'as foutu ?! hurlé-je en venant la rejoindre.

Debout, au-dessus de lui, Ella casse l'appareil du bout de son talon aiguille et souffle en déposant tranquillement son arme improvisé.

— J'ai improvisé.

— T'as tué le gars !

Je m'agenouille à ses côtés et parcours sa tempe violacée du bout de mes mains tremblantes.

— Mais non. Il se réveillera avec une bonne migraine, mais le principal, c'est qu'il le fera.

En effet, je sens son pouls sous mes doigts... Mais c'est moi qui va bientôt ne plus en avoir.

Je vois flou.

Mon cœur s'emballe et je suis obligé de m'asseoir sur le sol, une main plaquée contre mon torse.

— On n'a pas beaucoup de temps avant que les vigiles remarquent que quelque chose cloche, me prévient Ella en s'agenouillant en face de moi. C'est soit eux, soit nous.

— T'as assommé un type !

— Et je suis sur le point de le faire une deuxième fois avec quelqu'un d'autre et de le jeter dans le coffre de Lucille s'il ne se ressaisit pas tout de suite ! Alors debout !

Je jette un dernier coup d'œil sur le gardien, alors qu'Ella est déjà à la recherche des clefs dans le bureau.

J'ai besoin de mes cigarettes.

J'ai besoin d'alcool.

J'ai besoin de ma putain de coke.

Je me redresse brusquement et attrape Ella par le bras et la force à pivoter dans ma direction.

— On sort d'ici. Maintenant.

— Qu'est-ce que tu crois que j'essaye de faire ?

— Sans la caisse, précisé-je en lui indiquant le couloir par lequel on est venus.

La colère empreint ses yeux foncés et bien plus habile que moi, se défait de mon étreinte.

— Quoi ? Un peu de sang te fait peur ?

— Tu vas nous faire tuer !

— Pas si on se dépêche. Et tu me retardes, alors lâche-moi !

Ella décroche un élastique noir de son poignet et s'attache rapidement les cheveux avant de se remettre à la recherche des clefs.

Mais quand je baisse les yeux à nouveau vers le gardien pour savoir s'il va bien...

Je remarque qu'il a disparu.

— Ella...

Mais c'est trop tard.

L'alarme se déclenche et les lumières virent au rouge. Des grilles s'abattent et coupent le passage au couloir d'entrée.

— Vous ! Plus aucun geste !

On fait tous les volte-face à deux vigiles qui braquent des armes sur nos visages.

Non. On ne va pas crever.

Mon sang ne fait qu'un tour et j'abats ma paume sur le grand bouton de sortie de secours. J'attrape Ella par la taille pour la faire descendre de l'escalier et lui balance les clefs de Lucille qu'elle avait fini par retrouver.

— Pars, je te rejoindrai !

Le premier vigile lui hurle de ne pas bouger, mais puisqu'elle n'écoute pas, il pointe son arme sur elle.

Et je ne sais pas si c'est la drogue ou le manque...

Mais je me rue sur lui et l'écrase au sol. Et si l'autre l'abandonne pour poursuivre Ella, je rugis en abattant mon poing dans la figure de celui que je maîtrise.

La rage m'aveugle au point où j'hurle :

— Personne ne la tue avant que je ne récupère mon fric !

La douleur fuse dans mes jointures encore blessées de ce que j'ai infligé à Judd, mais je continue jusqu'à ce qu'il en lâche son arme.

Ella, pendant ce temps, réussit à rentrer dans la voiture, mais quand j'essaye de venir la rejoindre pour neutraliser l'autre vigile, je me retrouve propulsée contre le sol. Le choc est si violent que durant une fraction de seconde, je n'arrive pas à respirer.

Et pour cause...

Avec un genou écrasant mes reins et une main plaquée contre ma joue, mon premier assaillant essaye de me maîtriser. Le visage en sang, écumant sous la douleur et la colère, il passe une première menotte à mon poignet.

— Lâche-moi, enfoiré ! protesté-je en me débattant vivement.

Du coin de l'œil, j'aperçois l'autre ouvrir violemment la portière d'Ella qui ne parvenait pas à démarrer Lucille et la sors de là comme on sortirai du linge d'un panier.

Propulsée contre le capot d'une autre voiture, elle s'écrase au sol en crachotant.

Mon assurance !

Dans un cri enragé et un coup de coude bien placé, je me libère et tâtonne pour récupérer l'arme.

Je parviens même à me redresser sur mes genoux quand je vois que l'homme essaye de s'en prendre à Ella en lui attrapant une grande poignée de ses cheveux.

Elle crie si fort quand il lui empoigne son menton de son autre main que je vois rouge.

J'attrape l'arme et la pointe sur eux, mais mon tir loin d'être maîtrisé fait éclater le rétroviseur d'une Lamborghini bleu nuit. C'est cependant suffisant pour qu'il relâche Ella et qu'elle lui administre un violent coup de genou dans le ventre.

— Zade ! hurle-t-elle en se tournant vers moi.

— File, j'arrive !

Je tousse violemment, toujours en train d'essayer de me relever et Ella obéit après une courte hésitation.

Dans un crissement strident de pneus, elle fait démarrer la voiture et se rue vers la sortie, à nouveau bloquée par la cacophonie d'alarmes supplémentaires déclenchées par le coup de feu.

Je crache sur le sol avant de tituber jusqu'à la cabine de contrôle et appui à nouveau sur le bouton de secours.

Les lumières reviennent à la normale.

Les grilles se lèvent.

Et l'air s'engouffre à nouveau dans mes poumons.

Et alors que j'enfonce mes mains dans les plis de mes hanches... Je souris.

J'éclate de rire, comme empoisonné par l'adrénaline qui fuse dans mes veines comme un shot d'héroïne.

Mais alors que mon regard est rivé sur les deux vigiles à terre... Je me souviens qu'il y en avait un troisième.

Celui qu'Ella avait mal assommé.

Celui qui avait donné l'alerte.

Celui qui se tient à nouveau en face de moi, une arme à la main.

Mais quand je lève les mains pour essayer de le calmer...

Le coup de feu part quand même.

Aie aie aie que de mésaventures... Et on n'en est qu'à la première étape du plan ! 💀 bon, vu que je suis gentille (mais surtout en retard dans le planning 🤡) je ne m'étale pas trop et je vous retrouve tout de suite pour le chapitre suivant 😎

N'oubliez pas la petite étoile et de me dire en commentaires ce que vous en avez pensé !

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top