Chapitre 2 : très cher Zade

Une bonne minute passe avant que je ne trouve les mots. Et même là... Ils meurent sur le bout de ma langue, lorsque j'ouvre la bouche. L'intruse, elle, en revanche... Reste calmement debout en face de moi et cligne parfois des yeux, sans se dérober un seul instant.

Je la regarde de haut en bas pour être sûre que ce soit bien elle.

Ella putain de Sloane.

Avec ses cheveux bruns soyeux qui lui arrivent à la mi-épaule, son nez saupoudré de taches de rousseur et ses yeux de biche où retombent les mèches de sa frange... Elle n'était pas passée inaperçue, quand je l'ai rencontré pour la première fois.

Et ça ne venait pas seulement du diamant qu'elle portait à une main, tandis que l'autre était fermement accrochée au bras de Judd...

Mais plutôt de sa vingtaine d'années, de ses joues roses encore rebondies et du fait que mon enculé de patron en avait largement le triple.

La fiancée de Judd Bucklan, l'homme qui a ruiné ma vie, est sur le pas de ma chambre d'hôtel, alors que je m'apprêtais à mettre fin à mes jours.

- Est-ce que je peux rentrer ? se répète-t-elle en penchant sa tête, ce qui fait glisser ses cheveux d'une épaule à une autre.

Sa voix est aussi douce qu'un lit de mousse dans un marécage. Ça n'a rien à foutre là, mais... Ça l'est quand même. Elle bascule son poids d'un pied à un autre et relâche ses bras qu'elle avait noué derrière son dos, lorsqu'elle avance d'un pas.

- Pourquoi ? reniflé-je en l'arrêtant d'une main.

Mais avant que mes doigts ne touchent sa peau, elle se fige et un sourire nacré dessine ses lèvres à la pulpe gourmande.

- Parce que je suis une femme et que c'est poli d'en faire rentrer une, quand elle le demande si gentiment.

- Pas quand on partage le même lit que Judd. Désolé, mais la demoiselle va rester sur le palier comme le rat qu'elle est.

Et sur ce, je lui claque la porte au nez. Pour être sûre qu'elle ne s'ouvrira pas encore, je m'appuie sur son battant et expire lourdement, une main posée sur mon ventre.

Qu'est-ce qu'elle fout ici ? Devrais-je me tuer avant que ce ne soit elle qui s'en charge ?

Mes yeux retombent sur les jointures blessées de mes poings et je me rappelle du soir où elles étaient nées. Ella, était là, quand je suis allé confronter Judd... Déjà assise dans la voiture, la porte encore ouverte, elle me regardait.

Pas son fiancé, qui criait comme un porc qu'on égorgeait, tandis qu'il se tenait le nez, à moitié effondré dans un caniveau ruisselant d'eau de pluie.

Pas les autres clients et passagers qui nous regardaient, choqués.

Non. Ella ne regardait que moi.

Son visage était vidé de toute terreur. Ses grands yeux foncés étincelaient d'une expression sans description. Et moi, comme le con que je suis... Je la regardais aussi, pas certain si je devais laisser éclater ma rage au complet et détruire tout ce qui appartenait à Judd.

Je lui ai parlé une seule fois au cours de ma vie... Une seule fois où les seuls mots qu'elle m'avait adressé étaient "merci." Quand tout le monde dans la salle, ce jour-là, la toisait en chuchotant des mots peu flatteurs à son égard, et qu'elle m'avait fait de la peine... Je suis allé la retrouver pour lui dire que ce n'étaient que des mauvaises langues et qu'elle était la bienvenue.

J'ai simplement été poli. Et Judd l'avait abandonné près du buffet.

Plus tard, j'ai assommé son fiancé et elle ne m'en avait pas empêché, ni même tenté de crier ou de lui venir en aide...

Et à présent, elle est devant ma porte.

Piqué par la curiosité, je déglutis et me retourne pour savoir si elle est encore là.

J'ouvre la porte d'un centimètre et mes yeux retrouvent sa jambe dénudée surmontée d'un escarpin aussi rouge que le restant de sa tenue.

Merde.

- Qu'est-ce que tu veux ?

- D'abord, des excuses. Ensuite, rentrer, comme je te l'ai déjà demandé deux fois.

- Je ne t'accorderai ni l'un, ni l'autre, répondis-je sur un ton sec.

- Nous avançons...

Je la vois regarder sa montre argentée et je me redresse en prenant place entre les charnières, mes bras solidement croisés sur mon torse où ma chemise est restée ouverte.

- Tu comptes me tuer ? C'est ça ? Fais ça vite, alors. On dirait que tu es aussi pressée que moi à l'idée que je quitte ce monde.

Elle rit finement et se penche pour indiquer l'intérieur de ma chambre.

- Je crois que tu fais ça très bien tout seul. Alors, je ne sais pas si tu comptes utiliser le talc qui te sers de drogue ou le flingue, mais dans les deux cas... J'espère que tu t'y prendras bien. Ce serait stupide de se retrouver avec des frais hospitaliers que tu ne peux pas te payer.

Fou de rage, je m'apprête à lui claquer une deuxième fois la porte au nez, mais cette fois-ci, elle le rattrape. Ses ongles vernis de noir crissent sur le battant et elle se fait une place avec une politesse plus rude.

- Crois-moi, Zade... Tu as envie d'entendre ce que j'ai à te dire.

- Quelque chose me dit que ça m'étonnerait.

En guise de réponse, elle me remercie chaleureusement, me pousse de son chemin et rentre quand même.

- Fais comme chez-toi... raillé-je en la suivant.

Elle fait deux pas avant de s'arrêter net. Je ne sais pas si c'est à cause du sol jonché de plus de déchets que ce qu'il se trouve sur le sixième continent, ou si c'est parce qu'elle en a assez vu, mais elle ne prend pas la peine de noter chaque petit détail de ses yeux de faucon. À la place, elle pivote à demi pour me faire face.

- Parle.

- Je n'ai pas encore entendu tes excuses, répond-elle en levant l'indexe, comme le ferait une maîtresse dans une classe de primaires.

- Pour ?

- Tu fais souvent des phrases avec un seul mot ?

- Quand j'ai envie d'épargner mon temps, oui.

- Tu as quelque part où tu dois être ? à la banque, peut-être ?

La garce.

Je souffle, exaspéré et passe une main dans mes cheveux. Ceux-ci retombent presque instantanément sur mon front, mais au moins, j'aurais eu une seconde de répit.

- Au risque d'être redondant... Qu'est-ce que tu veux, Ella ?

- Ah... Tu te rappelles donc mon prénom.

Avec le sourire le plus narcissique du monde, elle enjambe finement la table basse sur laquelle repose toujours ma ligne de coke et s'assoit sur le lit. Et ce n'est que lorsqu'elle finit de croiser ses jambes qu'elle retrouve son sérieux.

- C'est une sacrée marque que tu as laissé sur le visage de Judd.

Ella prend appui sur les plats de ses mains et rejette la tête en arrière pour mieux m'observer. Il y a quelque chose qui s'échappe d'elle qui m'a toujours indiqué qu'elle n'était pas que la traînée que tout le monde voyait. Une opportuniste qui se tapait un vieux riche avec trop de confiance en soi pour se rendre compte que ce n'est pas possible pour qu'une jeune fille comme elle tombe si subitement amoureuse de lui.

Et c'est cet exact éclat qu'elle arbore aujourd'hui sur son visage rempli de défi.

- J'aurais bien fait plus, mais je n'ai pas eu le temps.

- C'est donc le temps, qui te manque ?

C'est une question sincère. Et si pendant une seconde, je l'ai pris comme une autre de ses piques, son ton m'indique tout de suite le contraire.

Avec prudence, je me dirige vers une commode aux tiroirs ouverts et en tire une bouteille de whisky que j'ouvre d'une seule main.

- Est-ce qu'il sait que tu es ici ?

- Non.

- Est-ce qu'il devrait le savoir ?

- Non.

- Tu n'as pas peur de te faire punir ?

Je porte le goulot à ma bouche et grimace lorsque le liquide ambré me brûle la gorge.

- Je me demande ce qu'il doit compenser, en couchant avec toi. Il est peut-être dans des trucs louches... Se faire fouetter dans des donjons et tout ça...

- Je prends ça comme un compliment... Si dans ton scénario, bien sûr, c'est moi qui me retrouve armée d'un fouet.

- C'est ton rêve, de lui éviscérer le dos ? Les couilles ?

Son regard tombe sur l'arme près de la drogue. Des flammes se mettent à luire dans ses yeux et je décroche enfin ma bouteille de ma bouche.

- Puisque tu ne réponds pas à ma question, je vais la rendre plus simple. Qu'est-ce que tu veux de moi ? Ici et... Maintenant ?

Ses lèvres se cornent et elle se redresse en essuyant ses mains sur sa robe rouge.

- Tu as frappé Judd.

- Nous avons déjà établi ça, oui. Tu étais là.

- Tu l'as frappé et tu l'as insulté. Tu l'as confronté. Tu as fait quelque chose que personne n'a osé faire.

- Disons que je n'avais plus grand-chose à perdre, persiflé-je en m'accoudant au mur.

- Tu n'es pas le seul à qui il a volé. Et pourtant... C'est toi qui lui a laissé un rappel qu'il n'est pas invulnérable.

Je plisse les yeux à demi pour la sonder. Ella reste toujours calme. Ses mains restent parfaitement allongées le long de sa taille gracile. Ses paupières ne cillent que lorsque nécessaire. Ses narines ne se dilatent pas, au point où l'étendue de sa colère qui se trahit uniquement par ses iris, ne vient même pas à la hauteur de mes pupilles écartelées.

Toutefois, elle semble bouillir.

- Qu'est-ce que ton sugar daddy t'as fait pour te mettre en rogne comme ça, Ella ? Il ne t'as pas acheté ton dernier sac Louis Vuitton ? Il a baissé ton argent de poche parce que tu avais une migraine et que tu ne pouvais pas, ce soir-là ?

Je ris, mais elle ne frémit toujours pas.

- Judd n'a pas de richesse propre, reprend-elle lorsque je finis par me taire. Tous les chiffres que tu convoites tant sur son compte en banque... C'est des vies, qu'il a volé aux autres. Tu t'apitoies ici, parce que tu crois que tu as été trop stupide pour te prendre à un piège que tout le monde a soigneusement évité... Mais la réalité, c'est que les noms commencent à s'accumuler. Tu n'es qu'une autre de ses victimes.

- Ah... Et toi, tu es...

- L'une de ses premières.

Je renifle lorsque je sens du sang commencer à dégouliner le long de mes narines.

- Il t'as violé ?

Je n'attends pas sa réponse. À la place, je retourne la bouteille de whisky que je tenais et la fracasse lourdement contre la commode, ce qui la fait voler en éclat. J'attrape un débris de verre sur le tapis trempé d'alcool et grogne :

- Où est-ce qu'il est ?

- Range ça avant que tu ne te tranches une veine. Judd ne m'a pas violé.

- Alors quoi ?

- Il a ruiné ma vie, bien avant qu'il ne ruine la tienne. C'est tout ce que tu as besoin de savoir.

- Pour quoi, exactement ? m'impatienté-je, agité.

Ella jette à nouveau un coup d'œil sur sa montre avant de faire un pas dans ma direction.

- Peu d'occasions se présentent dans la vie pour se venger correctement. Et ce soir, ça pourrait être le cas. Judd est parti jusqu'à demain matin, alors je suis venu retrouver l'homme qui le déteste au moins autant que moi.

- Ah... C'est donc ça que tu veux de moi... Tu devais le dire tout de suite alors.

Elle ouvre la bouche pour répondre, confuse, mais je retire déjà ma chemise, ainsi que la ceinture de mon pantalon. J'ouvre en grand les bras et souris en essayant de me garder debout.

Bien sûr, c'est maintenant que les pilules ont décidé d'agir.

- C'est quand tu veux.

- Aussi... Tentant, que ta proposition puisse être... feint-elle en fronçant son nez fluet sous le dégoût, je ne suis pas attirée par les hommes qui sentent l'égout, le désespoir et qui ont encore un restant de drogue coincé dans la moustache.

- Je vois, répondis-je en claquant la langue, légèrement vexé. Les hommes comme Judd sont plus à ton goût.

- Ha. Touché.

Ella s'agenouille pour me redonner ma chemise, mais alors que je m'apprête à la saisir, elle en profite pour me tirer à elle et siffler :

- J'ai besoin de toi, Zade. Pas de ta queue, ni de peu importe quel exploit sexuel que tu peux encore te permettre avec tout ce que tu t'es déjà mis dans le sang. Cette nuit, c'est l'occasion de faire payer cette enflure, une bonne fois pour toutes. Et il y en aura pas d'autres avant longtemps.

- Ah ouais ? Et comment ça, exactement ?

Je frotte ma moustache pour la débarrasser de toute poudre, mais quand je redresse la tête, Ella se retrouve encore plus proche de moi. Son parfum est si subtil, qu'avec mes narines vrillées, je manque tout juste de ne pas le saisir. Et pourtant... C'est bien là. Un mélange de citron vert et de fleurs d'été. Et je ne sais pas si c'est la drogue qui me fait voir des choses, mais je peux nettement apercevoir les gouttes de cette fragrance sur une partie de sa gorge où pulse une veine enragée.

C'est presque effrayant de voir une jeune femme aussi petite qu'elle, d'être aussi létale.

- On va lui reprendre tout ce qu'il a... Et il saura ce que ça fait, d'être dépouillé.

Elle n'est pas sérieuse ?

J'écarquille les yeux avant d'exploser de rire. Je suis même obligé de me raccrocher à la commode pour ne pas tomber.

- Bordel ! Ah, merci pour cette bonne blague ! Ça fait si longtemps que je n'avais pas ri comme ça !

- Ce n'est pas une blague, Zade. tonne-t-elle calmement en essuyant une poussière invisible sur sa robe.

- Parce que jouer à Robin des Bois, c'est sérieux ? Dégage, Ella. Dégage d'ici avant que je te jette moi-même dehors !

- J'ai un plan.

- Tu peux te l'enfoncer là où je pense ! Je n'irai pas après Judd.

Fluette, elle se baisse pour attraper mon sachet de cocaïne sur la table basse et le scrute avant de répondre.

- Tu es ici... À te terrer comme un animal blessé... À vouloir te suicider parce que tu as perdu tout ton argent. Je viens te proposer une alternative, Zade. Celle où tu restes en vie, riche comme Bezos, grâce à un plan brillant où tu pourras remettre Judd à sa place.

- Tu m'offres surtout un plan de suicide !

- Ce n'est pas ce que tu voulais, de toute manière ? Tu ne veux pas crever en ayant essayé de récupérer ce qui t'appartenais ?

J'ouvre la bouche, mais elle poursuit avec un sourire langoureux :

- Je sais ce que tu veux réellement... Et je suis ici pour t'aider. Nous aider. Et oui, on risque de se faire tuer... Mais écoute-moi bien : si on meurt ce soir, Zade... C'est avec son sang sur nos mains et son argent dans nos poches. Pas avant.

Je vois rouge. Au point où je serre dans ma main le débris de verre que je tiens toujours et l'attrape par l'épaule pour la plaquer contre le mur,

- Tu crois que j'hésiterai un seul instant à te trancher la gorge, Ella ? Que je suis con au point de faire confiance à ton plan foireux ?

La pointe de mon arme improvisée que je plaque contre l'épiderme fin, fait couler une seule et unique perle pourpre le long de sa gorge. Et alors qu'elle se fraye un passage délicat entre ses clavicules pour disparaître dans son décolleté... Mon regard se fige dans le sien.

Si opaque. Si passionné. Sans peur.

Ella ne frémit pas d'un cil.

À la place, elle passe le bout de sa langue rosée sur la goutte de sang qu'elle récupère avec son index et répond avec un sourire plus étincelant encore que le diamant qu'elle porte à son annulaire.

- Je savais que j'avais frappé à la bonne porte. Tu es celui qu'il me fallait, Zade.

Elle me repousse d'une unique main et se dirige vers la porte de la chambre. Mais avant qu'elle ne pose sa main sur la poignée, elle se retourne à demi et me lance :

- Tu as une demi-heure pour prendre une douche froide, ensuite, rejoins-moi en bas. On perd des minutes précieuses.

Et avant que je ne puisse répondre quoi que ce soit... Elle disparaît.

Avec ma coke cachée dans ses seins.

Dans un cri de rage, je balaye d'un coup de pied tout ce qui se trouve par terre, jusqu'à ce que mes forces me quittent et que je me retrouve agenouillé par terre pour essayer de reprendre mon souffle, les mains nouées derrière la tête.

Ella est folle. Cliniquement et purement folle.

Je vais tomber dans un piège. Et j'en ai déjà trop eu pour m'en permettre un autre.

Et pourtant...

Lorsque j'ouvre les yeux...

Tout ce que je peux voir, c'est la liasse de billets, de mes billets, qui doivent dormir tranquillement dans les salles caisses de cet enfoiré de Judd...

Soudain, j'aperçois dans les replis des draps de mon lit un petit pétale de rose qu'Ella a laissé derrière elle...

Et tout ce que je peux faire, c'est rire aussi.

Parce qu'apparemment...

Moi aussi, je suis cliniquement fou.

Mais je peux bien l'être une dernière fois ce soir.

Que la nuit commence !

C'est la rencontre officielle de Zade et Ella ! Un duo qui promet d'être bien électrique, n'est ce pas ? 😂

• La question est cependant : est ce qu'ils vont réussir a tenir ! Et quel est le plan d'Ella pour récupérer leur fortunes ?

• Qu'est-ce qu'elle cache et qui est elle réellement ?

• est-ce que Zade retrouvera sa coke, au moins une fois encore, ce soir ? 😂😂

Vos pronostics pour les heures à venir ? 😎

N'oubliez pas de voter si ce chapitre vous a plu et de me laisser votre avis en commentaires ! Je vous dit à demain pour la suite ! Je devais la poster ce soir parce que j'ai du retard mais je vais chez mon frère et je n'ai le temps de rien 😅

Mais je vous embrasse quand même et gros bisous !

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