Chapitre 6
Harleen sortit de son appartement et remarqua que le temps était plus mauvais qu'à l'usuel. Elle eut une moue excédée avant de comprendre qu'elle n'avait pas le temps de remonter pour se changer, et que si la pluie venait à tomber, elle se la prendrait inévitablement en pleine face.
Et c'est effectivement une fois le bus démarré que la pluie s'abattit sur Gotham, rendant la ville encore plus triste et déprimante qu'habituellement. Elle sortit du transport en commun pour courir sous les épaisses gouttes et sonner pour entrer dans l'enceinte de l'asile, où elle essora ses cheveux trempés.
- Ma vie n'est qu'une lamentable suite de mauvaises décisions, soupira-t-elle pour elle-même en secouant ses mains pour les sécher.
Désormais habituée à entrer, elle laissa son taser à la gardienne, et se dirigea directement vers les toilettes du personnel pour tenter de se sécher. Jean, chemise, et veste, regorgeaient d'eau. Elle n'était pourtant sortie que quelques secondes ! Mais courir vite, ne suffit pas toujours, vraisemblablement. Ajouté à cela les courants d'air qui courraient dans les couloirs d'Arkham, sans qu'on ne sache d'où ils viennent réellement.
Pour seule consolation, Harleen eut – enfin – la possibilité de suivre Carrie dans ses journées.
- La première partie de la journée concerne une grande partie des patients : il faut s'assurer qu'ils prennent leur traitement et correctement.
- Ce ne sont pas les infirmiers qui font ça ? s'étonna Harleen qui avait suivi Brenton ces derniers jours.
Bien sur, elle avait vu les psychiatres intervenir, mais n'avait pas posé ses questions à Brenton, estimant que plus il gardait la bouche fermée, plus il était agréable à accompagner.
- Pour les patients qui ont l'habitude de l'établissement, si. Mais les psychiatres doivent accompagner les nouveaux internés dans un premier temps. Et parfois même aider les infirmiers pour les patients qui sont réticents.
Harleen acquiesça doucement.
- Et pour ceux qui sont en cellule d'isolement ? demanda-t-elle avec curiosité.
- Ceux-là... on le fera peut-être plus tard, sourit-elle à regardant Harleen. Ils sont très violents pour la plupart, et leur donner des médicaments comporte beaucoup de... difficultés.
Harleen n'ajouta rien, et suivit Carrie jusqu'à la salle commune où se trouvaient tous les patients. Elle put effectivement facilement différencier les nouveaux des habitués, pour la simple et bonne raison que les gardes les tenaient les uns séparés des autres.
- Observe bien cette fois-ci, conseilla Carrie en s'approchant des nouveaux patients.
Elle ne semblait pas trouver cela étrange, cette façon de les séparer les uns des autres de façon aussi superficielle, pour les obliger à avaler des médicaments dont ils ne voulaient pas. Elle leur parlait, à tous, pour les obliger à les prendre, ce qu'ils se voyaient dans l'obligation de faire, non pas grâce aux douces paroles de Carrie, mais surtout à cause des gardes qui n'hésiteraient pas à les frapper s'ils refusaient.
Et c'était cette dernière constatation qui fit froncer les sourcils à Harleen. Bien entendu, Arkham renfermait les plus grands criminels de la ville, jugés malades mentalement, mais ces manières de procéder n'étaient certainement pas la meilleure façon de les aider. Et pourtant, personne dans l'établissement ne semblait s'en préoccuper.
C'est après cela que Carrie emporta Harleen dans son bureau, et sortit une pile de papiers renfermés dans des dossiers de différentes couleurs.
- Qu'est-ce que c'est ? interrogea Harleen en les détaillant.
- Ça, c'est tous les patients du jour. Chacun à son dossier spécial, que j'étudie avant les premières consultations : ce qu'on sait de leur jeunesse, les crimes commis, les troubles repérés, et ensuite je décide d'un traitement adapté. Je peux aussi décider de changer de traitement, ou de thérapie, en fonction de l'évolution mentale des patients, expliqua-t-elle de façon claire. Tu vas pouvoir assister aux rendez-vous.
Harleen sourit largement à la nouvelle, et rejoignit Carrie qui l'incitait à la rejoindre. Elle lui tendit cinq dossiers qui correspondaient à cinq patients différents. Sur chaque dossier était inscrit le nom des concernés : Michael C. Moore, Tony Martinez, Carmen Libby, John Schneider, qui étaient tous inconnus à Harleen, avant qu'elle ne tombe sur le dernier nom, celui de Jerome Valeska.
- Vous... vous allez recevoir Jerome Valeska ? hésita Harleen en prenant le dossier.
Carrie tendit le cou vers le dossier, avec un petit air surpris.
- Oh, je pensais le voir demain, je me suis trompée ?
- Il est dans vos dossiers pour aujourd'hui, fit remarquer Harleen.
La psychiatre sortit son grand agenda et l'ouvrit à la page du jour pour effectivement y voir le nom de Valeska inscrit, en dernier patient.
- Ah oui, je ne l'avais pas compté pour aujourd'hui.
Harleen envoya un regard surpris vers elle. Oublier un patient ? Elle ne dit rien, et étudia les dossiers avec Carrie, se les partageant. Il y avait tout ce qu'elle avait cité plus hauts, une ou plusieurs pages pour chaque partie, et une photo d'eux en début de dossier avec leur identité. Carrie s'attarda un peu plus sur le dossier Valeska, qu'elle n'avait pas eu le temps de lire.
Après le repas de midi, les consultations débutèrent, et Harleen prit place à quelques mètres du bureau, prête à prendre des notes.
Michael C. Moore était un violeur récidiviste, qui avait un trouble dissociatif de l'identité. Carrie se contenta pour cette fois de lui poser des questions sur son enfance, et de rechercher les traumatismes vécus afin de mieux cerner la maladie.
Tony Martinez était un meurtrier, qui avait pour habitude d'arracher les paupières de ses victimes et de croiser leurs bras sur la poitrine. Il avait aussi un comportement paranoïaque marqué, qui lui faisait tourner la tête huit à dix fois par minutes pour vérifier que personne d'autre ne l'observait. Autant dire que la présence d'Harleen ne le rassura pas.
Carmen Libby était une droguée, qui avait assassiné son mari et son fils, avec pour seule excuse le fait qu'on « le lui avait ordonné », et que si elle ne répondait pas à l'ordre elle serait « jetée dans de l'eau bouillante ». Bien entendu, personne de réel ne lui avait donné les ordres, et si elle n'avait pas été arrêtée, elle aurait sûrement tué d'autres personnes à cause de son comportement instable.
John Schneider quant à lui était un personnage incroyablement calme, qui parlait très doucement. Si doucement, que sa voix devenait insupportable, étant un peu trop rauque et lente. Mais cet homme trop calme avait tout de même tué cinq jeunes femmes avant de les éventrer pour les vider de leurs entrailles et les conserver dans des bocaux.
Les grimaces défilèrent sur le visage d'Harleen, au fur et à mesure des questions et des réponses, des comportements et des réactions.
Fut au tour de Jerome d'entrer, il était attaché sur une sorte de grande civière verticale avec des roulettes, poussé par deux infirmiers. Il était dans sa camisole, fermement attaché à la civière, une sangle autour de son front qui maintenait sa tête immobile. Lorsqu'il vit l'intérieur du bureau il eut un petit ricanement moqueur, alors que ses yeux tournaient dans tous les sens pour essayer de tout voir. Sa respiration se fit presque haletante alors qu'il jouait avec sa langue ses dents et sur ses lèvres, effet de toute l'excitation qui bouillonnait à l'intérieur du jeune homme qui ne pouvait plus bouger depuis des jours, si ce n'est quelques minutes à des heures bien précises.
- Docteur ! s'exclama Jerome en tournant son regard vers elle au maximum, ses yeux verts rendus effrayants par les cicatrices qui entouraient ses globes oculaires. Vous m'aviez manqué, merci de me faire sortir de ce trou à rat qui me sert de cellule !
Il hoqueta de rire, avalant difficilement sa salive à cause de la mauvaise position de sa tête. Son regard tomba enfin sur Harleen qui ajusta ses lunettes sur son nez pour ne pas être aux proies de ce regard perturbant et aux lueurs meurtrières.
- Oh, oh, oh, mon agréable compagnie ! s'esclaffa Jerome.
Ricanement qui fut bien vite coupé par un raclement désagréable et profond de sa gorge, alors qu'il tentait de faire bouger sa tête sans y parvenir. Harleen ne répondit rien, et Jerome fut positionné devant le bureau de la psychiatre qui ouvrit devant elle le dossier le concernant. Carrie avait toujours la même manière de procéder : elle commençait par énoncer au patient les accusations qui pesaient sur lui.
- Vous êtes considéré comme hystérique, psychopathe, en plus d'être un terroriste...
- ...Incroyablement séduisant, coupa Jerome avec sérieux.
Harleen sourit en l'entendant intervenir et baissa la tête pour qu'on ne la voie pas.
- Est-ce que vous pouvez me dire pourquoi vous avez fait tout ça ? tenta Carrie sans se démonter.
Jerome bâilla avec exagération, et se détendit sur sa civière.
- Inintéressant, soupira-t-il en faisant du bruit avec ses lèvres.
- De quoi voulez-vous parler, alors ? demanda Carrie en laissant son dos tomber contre la chaise.
- Ah ! s'exclama Jerome, soudainement intéressé. D'abord, l'état de ma cellule : la façon dont vous l'entretenez est inhumaine !
Il parlait comme s'il était venu faire un rapport sur l'hygiène de l'asile, et qu'il était le saint parmi les païens, ce qui eut le don d'élargir le sourire d'Harleen. Mais Carrie n'eut pas l'occasion de répondre à la requête de Jerome, qu'un infirmier entra dans le bureau sans toquer à la porte.
- On a un problème avec le patient E – 152, Code 18, on a besoin de vous, débita-t-il à une vitesse incroyable.
Carrie se leva immédiatement, et ne lança même pas son regard vers Harleen qui affichait une mine remplie d'incompréhension.
- Restez ici, ordonna-t-elle à l'infirmier alors qu'elle se précipitait vers l'extérieur.
Harleen se leva soudainement, alors que l'infirmier jetait un rapide regard circulaire dans le bureau avant de s'enfuir dans la même direction que la psychiatre.
- Hé ! Attendez !! rappela Harleen en se penchant sur le bureau.
Jerome ricana en regardant au maximum autour de lui, ne voyant l'infirmier partir que du coin de l'œil, et en entendant Harleen l'appeler. Mais personne ne revint dans le bureau, et ils entendirent une alarme se déclencher plus loin dans l'asile. Elle tourna un regard effarouché vers le rouquin qui ne pouvait pas la voir, alors qu'il riait dans un son aigu et animal, qui rappela à Harleen le son des hyènes de sa sonnerie de téléphone.
Putain, fut la seule réaction mentale de la jeune femme.
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