Chapitre 13

Elle n'avait jamais vu un coin de Gotham aussi calme. A vrai dire, elle ne se promenait pas beaucoup, et préférait rester chez elle le plus longtemps possible pour ne pas avoir à supporter l'imbécilité sociale. Il était d'ailleurs peut-être temps de sortir son taser.

S'il restait des maniaques actifs, c'était bien ici. Elle avait fait les deux autres endroits, en vain : la police avait tout saccagé. Ils ne pouvaient pas juste avoir disparus, sans revenir sur leurs principaux points de repères. Elle avait même sacrifié son cours de gym pour venir ici.

- Y a quelqu'un ? appela-t-elle en pénétrant la vieille usine.

Il lui semblait bien que c'était la même où Jerome avait fait couper le courant de la ville. Il n'en restait pas grande chose : elle avait explosé par sa faute.

- A vrai dire, j'aimerai bien qu'il y ait quelqu'un, ça fait plus de trois heures que je tourne dans la ville !

Elle marmonna en constatant que personne ne lui répondait. Elle se prit les pieds dans un moreau de fer et faillit s'effondrer sur le sol en se rattrapant à la dernière seconde. Elle gromela avant de reprendre :

- Si ça peut aider : je suis pas de la police, et je suis venue pour Jerome Valeska !

Elle eut un mouvement de recule brusque en sentant une petite bête se rapprocher de son visage et secoua activement sa main devant son nez pour qu'elle s'en aille dans un gémissement surpris.

- Pshit, pshit !

Elle entendit ensuite un déclique derrière elle et quelque chose de froid se colla à sa nuque. Elle s'immobilisa immédiatement et referma sa main sur son taser devant elle, dissimulé des regards de ceux qui se trouvaient derrière elle.

- Nous sommes Jerome, dit l'un d'eux sans qu'elle ne les voie.

- Peut-être bien, mais en attendant, Jerome est enfermé dans la... cinquième cellule d'isolement sur la gauche, dans le couloir B3.

- Qu'est-ce que tu racontes ?

- Si avant tu pouvais... enfin, ton arme, quoi, demanda Harleen en faisant des mouvements de sa main libre pour lui signifier de descendre son arme.

Après quelques secondes elle la sentit descendre, et elle put enfin se retourner, pour découvrir les visages qui représentaient Jerome à l'extérieur d'Arkham.

- Qu'est-ce que tu veux à Jerome ?

Harleen fronça les sourcils. Excellente question.

- Il est enfermé à Arkham, répondit-elle.

L'autre s'agaça sur place et remonta son arme sur le front d'Harleen qui retint un sursaut effrayé.

- Autre chose qu'on ne sait pas ?

- Vous êtes idiots ou quoi ? osa-t-elle en regardant l'arme la menacer. Cinquième cellule d'isolement, sur la gauche, couloir B3 ! Je veux sortir Jerome d'Arkham.

L'arme se baissa finalement une dernière fois.

On dit souvent que dans ces cas là, on ne sait pas vraiment ce qu'on fait. Mais en réalité, c'est tout le contraire. Harleen était tout à fait consciente de ce qu'elle faisait, des risques qu'elle prenait. Elle connaissait les gens, elle connaissait la ville, elle savait combien elle serait détestée. La seconde excuse convient de dire qu'on ne sait pas pourquoi on fait ce qu'on fait. Mais là encore, Harleen n'avait pas d'excuses. Elle le faisait, parce qu'elle était tombée amoureuse de Jerome Valeska, le meurtrier maître du chaos, qui lui avait fait prendre conscience qu'elle ne vivait pas.

Sa seule excuse était toujours la même : celle de la curiosité, l'avidité de vouloir savoir, l'envie de connaître et d'être sûre. Et Jerome l'avait réveillée comme personne ne l'avait fait avant.

***

- Pourquoi t'es pas venue en gym ? Tout va bien ?

Message de Jonas qui fit lever les sourcils à Harleen. C'est en se rendant compte qu'elle ne pouvait pas lui répondre qu'elle comprit qu'elle était totalement seule dans cette histoire.

Elle ne réfléchissait ni ne pensait comme avant, comme lorsqu'elle se disait que c'était bien ou pas bien. Lorsqu'elle séparait la folie de la raison, et qu'elle entendait les valeurs morales comme légitimement établies.

- J'étais malade, j'ai oublié de vous prévenir, désolée.

Toujours des excuses, sans arrêt des excuses. « Pourquoi tu fais comme si et pas comme ça ? » « Parce que si, parce que ça ». Elle jeta son téléphone sur le fauteuil pour ne plus l'entendre sonner.

Elle prit son carnet de notes, et l'ouvrit à la dernière page utilisée, tournant les pages une par une, et redécouvrir tout ce qui était inscrit. Elle n'avait pas réussi à parler de Jerome, trop préoccupée. Perdue aussi, alors qu'habituellement toutes ses pensées se rangeaient sans trop de difficulté dans chaque espace de son esprit.

Et dans un sens, c'est cela qui la rassurait : elle n'arrivait pas à mettre des mots sur Jerome. Unique, hors du commun, extraordinaire, incernable. Seulement une façon pour elle de communiquer son incompréhension.

Elle ignora la réponse de Jonas, mais son téléphone vibra à nouveau sans s'arrêter.

- Allô ? ronchonna-t-elle en continuant d'écrire.

- Harleen, c'est maman.

- Oh, salut 'man. Ça va ?

- Moi oui, je t'appelle surtout pour savoir si tu vas mieux, toi.

Harleen hésita en laissant tomber son stylo sur son carnet.

- T'inquiète pas pour moi...

- Tu lui as parlé au moins, à ce garçon ?

- Ouais, plus ou moins, ouais...

- Alors qu'est-ce qu'il t'a dit ?

- Que... Qu'il... était pas prêt pour une relation tout de suite, mentit-elle.

Enfin, « mentir ». Elle enjolivait la réalité, dirons-nous. Sa mère répondit par un petit rire.

- T'es vraiment amoureuse de lui, hein ?

- Ouais, certainement, répondit Harleen sans se sentir rassurée par cette discussion.

- Sois patiente, il finira peut-être par en avoir envie, non ?

- Ouais, je pense que je vais faire bouger les choses, assura-t-elle en faisant glisser ses yeux le long de son carnet.

- Je pourrais connaître son nom, au moins ? demanda-t-elle avec malice.

- Jerome, soupira Harleen comme pour montrer son indifférence.

- Vous êtes amis sur facebook ?

- Maman ! s'agaça la jeune femme en roulant les yeux.

- D'accord, d'accord...

Harleen sourit rapidement. C'était rassurant dans un sens de l'entendre. Comme c'était aussi très culpabilisant. Avant qu'elle ne réponde elle entendit son téléphone vibrer pendant l'appel, elle leva les yeux et découvrit un numéro inconnu : « lundi soir ».

- Harleen, t'es toujours là ?

- Je dois te laisser, je dois... continuer mon... truc.

Sa mère hésita un instant avant de répondre :

- Oh, d'accord, je te laisse alors ?

- Ouais, on fait ça, confirma Harleen sans conviction.

Et elle raccrocha sans réfléchir. Lundi soir ? Elle n'aurait même pas finit son stage. A croire que ce n'était plus « au cas où ». A quel moment elle avait réellement pris la décision ? Réflexion faite, elle ne l'avait jamais prise.



"Blblblbl"

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