Ivy - Noosa Heads, 11 septembre 2024

Les mêmes blessures à l'âme. Voilà pourquoi les deux semblent se comprendre tout en refusant de se lier.

Voilà pourquoi c'est une mauvaise idée, de tomber amoureuse de lui une nouvelle fois. Non pas de l'adolescent que j'ai connu, mais de l'homme qu'il est devenu. Parce que deux âmes brisées ne peuvent que se faire souffrir et se briser encore plus.

Mon cœur n'a pas le droit de battre pour le sien, au risque de laisser quelques morceaux derrière lorsque tout sera terminé. Qui sait ce qu'il en sera de ce début d'amitié lorsque la tournée se terminera ? Chacun reprendra sa vie d'avant, Sparkling Echoes sera sous le feu des projecteurs après leur séparation, et Austin fera ce pour quoi il a accepté encore une année dans ce milieu qu'il qualifie d'enfer : il partira avec sa petite sœur loin des paillettes, sans se retourner.

Il me laissera derrière. Et je n'aurai pas le droit de lui en vouloir.



— Je te l'avais dit, se moque-t-il lorsque je sors de ma chambre en milieu de matinée.

Hier, on a parlé encore de longues heures avant que je tombe de fatigue et annonce aller me coucher. La serviette humide sur mes épaules me faisait grelotter, mais je ne voulais pas casser le moment en le quittant si vite.

Je le paie ce matin. Mon nez m'empêche de respirer, je n'arrête pas d'éternuer, et mon manque de sommeil doit se lire dans les cernes sous mes yeux.

Bouchoir, marmonné-je en resserrant un plaid autour de moi.

Je vide le paquet de mouchoirs posé sur le plan de travail en râlant tout bas. Austin, lui, cache son rire en se tournant dos à moi lorsque je lui frappe le bras.

— Je suppose que tu ne viendras pas à la plage avec nous ?

Il me tend un mug de chocolat chaud en arquant un sourcil, je fronce le nez pour lui montrer mon mécontentement.

— Bien vu, Sherlock, dis-je avant de me brûler le bout de la langue avec la boisson.

Son sourire ne fait qu'accentuer ma mauvaise humeur du jour alors qu'il me laisse plantée dans la cuisine pour rejoindre l'espace salon un peu plus loin. Je le suis de près, salue d'une main le reste du groupe qui prend le petit-déjeuner sur la terrasse et soupire en m'asseyant sur le canapé, la tasse toujours serrée dans mes mains.

— Allez-y sans nous, j'ai la flemme de marcher, annonce le batteur en restant dans l'encadrement de la baie vitrée. Et blondinette a choppé la crève.

Je ronchonne face au surnom qu'il vient de me donner, lui dis qu'il peut y aller et que je n'ai pas besoin d'être gardée, mais il m'ignore royalement en déposant quelques biscuits au chocolat et à la crème typique de la cuisine australienne devant moi.

— Austin, vraibent, vas-y. Je vais survivre, assuré-je en me recroquevillant sur moi-même.
— Et j'ai vraibent pas envie d'y aller, pouffe-t-il en m'imitant.

Je n'ai même pas la force de l'envoyer chier. À la place de quoi, je lui lance un regard noir alors qu'il est déjà reparti dans la cuisine.

Les quatre autres sont en train de rire à une blague de je ne sais qui lorsqu'ils entrent dans la villa. Rose se débarrasse de son assiette en la posant sur la pile déjà vacillante que tient Ethan, avant de se précipiter à côté de moi avec un sourire toujours aussi éclatant.

— Vous allez refaire des bébés pendant notre absence ? s'enquiert-elle en trépignant d'impatience.

Je lui donne un coup de pied en râlant de plus belle, vérifie que les quatre garçons sont hors de vue et la dévisage longuement.

— J'ai une tronche à faire ça, là ? maugréé-je en tirant un peu plus sur le plaid pour me couvrir le nez.
— Oh bah tu sais, le feu de l'action se passe un peu plus bas, hein !
— OK, dégage de là, obsédée ! ETHAAAAAN !

Il rapplique dans la minute qui suit, coule un regard blasé – et amoureux – à Rose et me questionne du regard.

— Sors-la de cette maison, elle me saoule.
— Écoute-la, et je dors sur le canapé cette nuit.

Le guitariste semble hésiter une longue seconde, jusqu'à ce que Austin fasse à nouveau son entrée et croise mon regard. Rapidement après, Rose se retrouve entraînée de force je ne sais où et crie à qui veut l'entendre qu'elle demande le divorce.

— On n'est pas mariés, Pink Lady, lui rappelle Ethan d'une voix forte qui me fait éclater de rire.
— Ooooh... Ouais, merde, se rend compte mon amie juste avant que la porte ne claque derrière eux.

Le calme se fait à nouveau. Je devine qu'Isaac et Jack sont déjà sortis avant le couple un peu fêlé alors que le batteur continue de rire en se laissant tomber à quelques centimètres de mes jambes repliées.

— On finit Harry Potter ? propose-t-il quelques instants après.

Maintenant que je sais d'où vient la cicatrice de brûlure sur sa jambe, mes yeux n'arrêtent pas de se poser dessus. Elle est à peine visible maintenant, à peine rosée, mais la peau est toujours légèrement fripée et semble plus sensible que le reste de son corps.

Je dévie le regard lorsqu'il remarque que je fixe l'endroit, et préfère me perdre dans ses yeux bleu glacier au lieu de partir dans des explications foireuses.

— Ouais, lâché-je dans un souffle. Bonne idée.

Ses larges mains saisissent mes mollets pour les poser sur ses cuisses, le naturel de son geste me clouant sur place. Puis il allume la télévision et lance le film, sans me regarder. Probablement aussi sans se rendre compte que la pulpe de ses doigts caresse mes jambes de bas en haut les deux heures suivantes.


— Je la sens pas, la meuf en rose, décidé-je alors qu'on a attaqué le cinquième film de la saga.

Les autres ne sont pas encore rentrés, et Austin et moi venons d'engloutir les mêmes cochonneries que lors de notre première soirée Harry Potter. Mes jambes sont toujours sur ses cuisses, ses bras appuyés sur mes tibias, tandis qu'il me jette un coup d'œil en souriant.

— Qui, Ombrage ? Tu vas l'adorer !

J'en doute, mais soit. Je termine mon deuxième Snickers en dix minutes et en demande un autre à Austin, qui garde notre stock à côté de lui.

— Nope, il est pour moi.
— Et on peut savoir pourquoi ? ronchonné-je en me tournant vers lui.
— C'est le dernier.

Je dégage le plaid qui me donne maintenant trop chaud, appuie sur ses cuisses pour me redresser et essaie de lui prendre la barre chocolatée des mains. Je rate une première fois, une deuxième, croise les bras en faisant mine de capituler avant de me jeter à nouveau sur lui lorsqu'il ouvre le sachet et commence à ouvrir la bouche.

Et pour mon plus grand bonheur, je réussis à saisir le précieux au vol. La marque de mes dents s'imprime bientôt dans le chocolat sans qu'il ait le temps de me la reprendre, alors que je suis désormais assise sur ses genoux.

— On peut partager, propose-t-il dans une vaine tentative de m'amadouer.

Je secoue négativement la tête en reprenant une bouchée et exagère mon plaisir d'avoir gagné en gémissant lorsque les saveurs viennent chatouiller mes papilles. Mauvaise idée, parce que son regard se fait plus sérieux. Sa main se pose sur ma taille, l'autre sur ma cuisse. Son souffle s'accélère, le mien également.

— Je vais t'embrasser, Serpentard, prévient-il alors que son doigt commence à tracer des cercles sur la peau que dévoile mon short.
— J'ai la bouche plei...

Il me coupe en s'emparant de mes lèvres. J'essaie d'avaler ce qu'il reste dans ma bouche sans rompre le contact, avant de céder lorsque sa langue force l'entrée pour trouver la mienne. Ma poitrine se retrouve collée à son torse, sa main resserrant sa prise sur ma taille alors que la mienne s'agrippe à sa nuque.

Je dois probablement avoir du chocolat et des bouts de noix de pécan coincés dans les dents, mais ça n'a pas l'air de le déranger alors que sa langue explore ma bouche, toujours plus, sans me laisser le loisir de respirer.

Amis, mon cul, oui !

— Je t'avais dit qu'on pouvait partager, sourit-il en se détachant à peine de mes lèvres.

Je lui frappe l'épaule et grimace face à son air ravi, le laisse m'embrasser encore, une minute, deux, trois, jusqu'à ce que je morde dans sa lèvre pour le faire arrêter.

J'ai à peine le temps de mettre mon nez dans mon coude qu'une série d'éternuements me secoue. Je tâtonne derrière moi jusqu'à trouver l'énième paquet de mouchoirs de la journée, me mouche longuement et respire par la bouche en ignorant le fou rire d'Austin, sur lequel je suis toujours installée.

— Tu vas avoir la crève, noté-je en jetant le papier dans la poubelle ramenée ici.
— Super sexy, Ivy, s'amuse-t-il en continuant de caresser mes cuisses.

Je chouine en me cachant contre son tee-shirt, éternue encore une fois et ignore le sentiment de plénitude que je ressens dans ses bras. Comme si tout le poids que je porte devenait aussi léger qu'une plume, comme si tous mes problèmes s'évaporaient, comme si... Comme s'il réussissait à apaiser mes angoisses.

— C'est de ta faute, l'accusé-je en me dégageant de ses genoux. Tu m'as empêchée de respirer.

Il n'ajoute rien de plus, moi non plus. Je concentre à nouveau mon attention sur le film, il fait de même.

Pourtant, mes lèvres sont encore humides de notre baiser. Mes mains tremblent toujours légèrement. Mon bas-ventre est toujours enflammé.

Mon cœur hurle toujours pour appeler le sien.

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