Ivy - Las Vegas, 20 novembre 2024
Ce qu'il se passe à Vegas reste à Vegas. C'est sûrement pour ça que je me détends autant depuis cinq jours. Avec lui. Sans le regretter.
Pourtant, je sais que dans quelques jours, on rentrera à Miami pour les fêtes de fin d'année. Je vais devoir faire face à mes parents, à leur colère, et tenter de me trouver des excuses pour expliquer mon départ précipité. Ils vont vouloir m'empêcher de repartir mi-janvier avec les garçons, ils vont encore me menacer de me foutre dehors pour de bon, et je m'en fous. Je n'attends que ça.
Sparkling Echoes a gagné un nouveau prix au Billboard Music Awards, il y a trois jours. On a fêté ça tous ensemble, j'ai même appelé Mia pour qu'elle puisse discuter avec les garçons – et elle a réussi à éviter la crise de panique, un miracle ! – et j'ai dormi avec Austin. Vraiment dormi. Après quelques petits baisers pour tenter le diable, qui n'ont mené à rien.
Ce matin encore, c'est face aux muscles de son dos que je me réveille. Face aux veines saillantes de ses avant-bras, dont l'un est posé sur mon ventre. La grisaille du ciel me parvient depuis le lit, l'orage ayant grondé toute la nuit. Un coup d'œil sur l'heure affichée sur le réveil, et je me tourne sur le ventre pour me rendormir, juste quelques minutes.
— Tu dors ? entends-je chuchoter près de mon oreille.
Je râle un « oui » étouffé en sentant ses lèvres contre mon omoplate, son corps sur le mien.
— On fait le jardin botanique, aujourd'hui ? ajoute-t-il en posant son menton sur mon dos.
— Mmmh...
Il pouffe, son rire vibrant contre ma peau, et caresse lascivement mon bras avant de se tourner à nouveau pour me laisser respirer.
— OK, t'es pas du matin, se moque-t-il en rabattant la couverture sur mes épaules.
Le matelas bouge lorsqu'il s'assied au bord et enfile un tee-shirt. Et je râle encore quand il tire les rideaux pour laisser entrer encore plus les maigres rayons du soleil qui arrivent à se frayer un chemin à travers les nuages.
— Austiiin ! protesté-je en tentant de cacher mes yeux avec mes cheveux. Il est sept heures et demie, putain !
Il ne m'écoute pas, allume la salle de bains attenante et laisse la porte grande ouverte. Le bruit caractéristique du pipi qui atterrit dans la cuvette des toilettes me parvient, si bien que je finis par lâcher l'affaire et ouvrir les yeux pour de bon.
— Oh, pardon, je t'ai réveillée ? observe-t-il avec son sourire en coin, celui qu'il fait toujours quand il est fier de lui.
Je l'ignore et prends mon téléphone pour mon tour quotidien sur les réseaux sociaux. Snapchat, TikTok... Instagram.
— T'es sérieux ?! m'écrié-je en découvrant la nouvelle publication d'Austin sur son compte public – celui suivi par des milliers et des milliers de personnes.
Une brosse à dents dans la bouche, il s'appuie dans l'embrasure de la porte et croise un bras devant lui. Sans se départir de sa putain de bonne humeur du jour.
— Quoi, t'es chenchée être ma copine ! se défend-il nonchalamment.
— C'est pas pour autant que tu dois balancer une photo de moi dans ton lit, abruti !
Il retourne dans la pièce pour se rincer la bouche, reprend la place qu'il vient tout juste de quitter et m'observe longuement. Trop pour que je réussisse à garder les papillons immobiles dans mon ventre.
— On voit pas ton visage.
— Oh, ne commence pas à chercher une excuse !
Son sourire, bon sang, je vais finir par le détester. D'autant plus quand il me l'offre en s'approchant de moi avant de m'embrasser. Un baiser que je ne lui rends pas, pour qu'il comprenne que je ne vais pas le laisser s'en tirer comme ça. Mais il arrive à me décrocher un sourire que je tente de contenir dans une grimace.
— On a un rôle à tenir, non ? tente-t-il en emprisonnant mon menton dans sa large main.
— Si, concédé-je. Mais c'est pas une raison !
Il se retient de rire, me laisse bouder et enfile ses baskets avant de reposer son regard intense sur moi :
— T'es chou quand tu t'énerves, lâche-t-il un peu plus bas.
Je hausse les sourcils en lui balançant l'oreiller qui traîne, il l'intercepte et s'esclaffe.
— Je ne suis pas chou ! m'indigné-je en croisant les bras.
Il secoue la tête alors que je me plante devant lui et me décroche la nuque pour le regarder – pas – en face.
— T'es très chou, Ivy. Regardez-moi ces bonnes joues !
Il ajoute le geste à la parole en me pinçant les joues, son ton semblable à celui d'un papa face à son bambin. Et il se prend un coup de poing dans l'épaule qui ne le fait même pas tressaillir.
— T'as trente secondes pour retirer ce que tu viens de dire, annoncé-je en commençant le décompte.
Et on reste donc trente secondes dans un silence de mort, jusqu'à ce qu'il se penche pour capturer – encore – mes lèvres. Ça, c'est la raison pour laquelle je ne voulais pas d'une relation ambiguë avec lui. Parce qu'on ressemble trop à un couple, parce que ça fait remonter tout ce que je ressentais adolescente, alors que je sais que les sentiments ne seront jamais partagés. Que tout ça, c'est juste un jeu, le pire de tous.
Ne tombes pas amoureuse de moi, Ivy.
Si tu savais, Austin...
La pluie a finalement laissé place au soleil lorsque nous décidons de tous sortir au Bellagio Conservatory & Botanical Garden. Rose délaisse enfin son petit-ami pour me rejoindre, me questionne sur ce « truc », comme elle l'appelle, entre Austin et moi, me sermonne à voix basse quand je lui raconte tout, dans les moindres détails, et me rappelle que je risque gros à me laisser tenter à une telle relation avec lui.
— Essaie au moins de préserver ton petit cœur, Clover, me prévient-elle alors que l'on prend la direction d'un restaurant plus loin. Je sais que vous êtes adultes et responsables, mais...
— Je sais, Rose, la coupé-je pour changer de sujet. Je prends juste le peu qu'il a à m'offrir, tant pis si je dois en souffrir.
Parce que c'est forcément ce qu'il va se passer. Je vais en souffrir, le regretter... Mais j'ai encore cinq mois pour y penser. Cinq mois, pour vivre ce que je m'imaginais quand j'avais quatorze ou quinze ans.
— T'as eu tes parents au téléphone dernièrement ? demande-t-elle lorsqu'on s'installe à l'intérieur.
Je pince les lèvres et secoue la tête pour m'empêcher de craquer.
— Nope. Ça va être ma fête quand je vais rentrer.
— S'ils décident vraiment de te foutre à la porte, tu viendras chez moi, hein ?
Je roule des yeux, étonnée qu'elle me pose la question. Je considère Rose comme ma sœur, au même titre que Samantha l'était. J'ai grandi avec elle, on a toujours tout partagé, y compris ce deuil aujourd'hui, et notre relation est encore plus forte avec cette épreuve à surmonter. Je sais qu'elle sera toujours là pour moi, elle sait que c'est réciproque. Et c'est tout ce que je veux.
— Tu connais déjà la réponse, Alex, rigolé-je au moment où les quatre fantastiques font leur entrée.
Quelques têtes se tournent vers eux, puis vers nous lorsque Ethan, déjà en manque, va embrasser Rose. Austin arque un sourcil dans ma direction, je secoue vivement la tête pour l'en dissuader, et il finit par capituler en déposant un baiser sur ma joue à la place.
— C'était plus marrant quand vous vous faisiez la gueule, observe Isaac en grimaçant.
— Je valide, ajoute Jack.
Je pars d'un rire nerveux en repoussant Austin, qui se laisse tomber mollement à côté de moi en m'enfonçant la casquette qu'il portait sur le crâne.
Puis les discussions fusent dans tous les sens au sein de notre petit groupe. Je prends cinq minutes pour tous les regarder, et me rends à l'évidence : je ne déteste plus Sparkling Echoes. Le groupe est devenu ma seconde famille, sur laquelle je peux compter. J'ai deux petites sœurs biologiques, deux sœurs de cœur. Et maintenant, j'ai trois grands frères bruyants, drôles, râleurs, qui adorent se chamailler et redevenir des enfants... Et un ami qui partage la même culpabilité que moi, que je pensais être mon meilleur ennemi... mais qui est finalement devenu mon meilleur allié.
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