Austin - Noosa Heads, 05 septembre 2024
J'aurais pensé qu'elle se serait glissée sous les draps après être sortie de la salle de bains. C'est peut-être la raison qui m'a fait rester cette nuit : attendre qu'elle me rejoigne pour ressentir à nouveau la chaleur de sa peau.
Pourtant, lorsque j'émerge aux premiers rayons de soleil, je suis seul, nu, dans le lit. Sa chevelure blonde n'est pas étalée sur l'oreiller à côté, son souffle ne vient pas briser le silence de la pièce, mon cœur ne bat pas la chamade comme il l'a fait hier soir.
— Merde, lâché-je en cherchant mes fringues.
Je me rhabille rapidement, rabats les couvertures correctement et amorce un pas en direction de la baie vitrée restée ouverte avant de changer d'avis et de sortir par la porte de sa chambre. Dans la pièce de vie aussi, il règne un silence de mort.
— Ils sont passés où ? interrogé-je Isaac lorsque je le découvre assis seul, dans la cuisine immense qui n'a pas encore servi.
— Jack et Ethan sont partis discuter en terrain neutre, Rose dort encore, et j'ai pas croisé Ivy.
Le pianiste a l'air plus déprimé que d'ordinaire, lui qui nous offre plutôt des sourires et des encouragements habituellement. Ce matin, il semble en vouloir à la terre entière, moi y compris, alors que je lui propose la tasse de café que je viens de me servir.
— Ça s'est terminé comment, hier soir ?
Il m'observe en sirotant distraitement un verre de jus d'orange après avoir refusé la caféine, et je me laisse tomber sur la chaise en face de lui.
La villa ressemble à l'appartement que nous partageons à Miami. Les murs y sont blancs, peu décorés, les meubles sont de couleur claire, et seul le sol en carrelage brun clair apporte un peu de chaleur à la pièce. Rien ne traîne, si bien qu'il semble impossible que l'on soit six à cohabiter ici – Ben, Harper et John logeant dans un appartement non loin de là pour nous laisser respirer.
— Les deux se sont regardés en chiens de faïence et Jack s'est excusé. Puis Ethan est monté rejoindre Rose en lui disant qu'ils en parleraient aujourd'hui, m'apprend Isaac avant de croiser les bras et de s'adosser à la chaise.
Je ne tiens pas une minute avant de lui demander pourquoi il me regarde de cette façon, avec les yeux légèrement plissés et les sourcils froncés. Il se déride, se relève pour poser son verre dans l'évier et prend appui contre le plan de travail.
— T'as passé la nuit avec Ivy ? se renseigne-t-il avec un petit sourire.
— Juste la soirée, grimacé-je. Tu l'as dit, elle est introuvable, et elle doit m'en vouloir à mort.
Cette fois, il pointe du doigt l'extérieur de la villa et se marre lorsque je me retourne d'un bloc, mon regard trouvant la blondinette sans aucune hésitation. J'ignore Isaac et son rire moqueur en faisant coulisser la baie vitrée, mes pas me guidant jusqu'au transat à côté de celui qu'occupe Ivy. Les jambes pliées, elle dort à poings fermés alors que le soleil commence déjà à faire grimper la température. Quelques piqûres de moustiques ont laissé des points rouges sur sa peau, et je peste à voix basse lorsque je remarque une trace violacée sur sa cuisse, à l'endroit où je l'ai embrassée hier.
— T'es flippant, l'entends-je murmurer avant qu'elle ouvre un œil.
— T'es pas restée.
Ce n'est pas une question, seulement une simple constatation. Mais je ne m'attendais pas au tiraillement dans ma poitrine en prononçant ces mots. Ce n'est pas censé me blesser.
Cette fois, elle se réveille entièrement et s'assied en tailleur, ses doigts venant démêler ses cheveux en bataille, souvenir de notre dérapage d'hier soir. Mes yeux glissent sur son visage, son débardeur différent de celui qu'elle portait, ses jambes fines. Ces lèvres t'ont sucé, me rappelle mon cerveau. Tu as embrassé cette poitrine, et ces jambes se sont enroulées autour de toi.
Et tu as aimé ressentir une réelle connexion entre vous, comme tu ne l'as jamais ressenti avec une autre.
— Tu t'es endormi, m'accuse-t-elle en posant son menton sur ses genoux désormais repliés contre son buste.
— Tu aurais pu me réveiller, contré-je. Pas d'excuse, t'as oublié ?
Elle soupire et secoue la tête, ses deux billes noisettes croisant les miennes. J'y vois des choses que je refuse de qualifier, une étincelle qui n'était pas là hier matin, mille doutes en reflet parfait des miens.
— Ça ne va pas changer notre relation, Austin. On s'est seulement laissé emporter, c'était cool, terminé.
C'était cool. Bordel, ça blesse mon égo.
Je pince les lèvres en hochant la tête pour cacher ma déception. Autour, quelques oiseaux commencent à chanter, une légère brise rafraîchit l'atmosphère lourde, et durant quelques instants, le seul bruit qui nous entoure est celui qu'offrent la nature environnante et la pompe de la piscine. Puis ses joues rosissent alors qu'Ivy croise mon regard, et je fais la seule chose que je sache faire parfaitement : je m'emporte.
— C'était cool, ouais, craché-je en me levant. T'as raison : baiser sans accroche, c'est ce que je préfère.
Elle bondit à son tour, lève la tête pour pouvoir me regarder, et c'est seulement maintenant que je remarque à quel point elle est petite face à moi. Je déteste voir dans son regard que mes paroles l'ont touchée, pourtant je maintiens le contact visuel sans me détourner.
— C'est pas ce que j'ai dit, hasarde-t-elle en déglutissant. Ne commence pas à me faire regretter alors que tu es celui qui est venu me chercher.
Je reste interloqué lorsque le sens de ses mots me parvient, bien trop rapidement pour l'ignorer. Elle s'apprête à partir, mais mes doigts la retiennent, lui faisant faire volte-face. Sa poitrine se retrouve collée à mon torse alors que je maintiens sa taille d'un bras, nos corps s'imbriquant à la perfection l'un contre l'autre.
Les aimants ont arrêté de se repousser.
— Je ne regrette pas non plus, Ivy. Je suis même prêt à recommencer dès maintenant, ici, si c'est ce que tu me demandes.
Elle fronce les sourcils, semblant ne pas totalement comprendre le revirement de situation. Je passe ma main restée libre dans mes cheveux, la pose sur sa joue et caresse sa pommette du pouce avant de murmurer :
— Et je n'ai aucune excuse pour ça, pas plus que j'en ai pour avoir fait ce qu'on a fait hier soir.
C'est elle qui réduit les deux centimètres qui séparaient encore nos lèvres. C'est moi qui les caresse du bout de la langue jusqu'à ce qu'elles s'entrouvrent pour me laisser trouver la sienne.
Elle s'accroche à mon tee-shirt en me rapprochant encore un peu plus d'elle. Je resserre mes bras autour d'elle pour la soulever du sol dans l'optique de nous faire entrer sans cesser de l'embrasser.
Elle gémit contre ma bouche. Je lui réponds de la même façon.
Elle passe ses bras autour de mon cou. Je glisse sur une petite flaque d'eau, nos corps tombant dans la piscine sans que je puisse l'empêcher.
Je ne détache mes lèvres des siennes que lorsqu'on refait surface, sans pour autant la lâcher. Et puis son rire éclate entre nous, une douce mélodie que j'ai appris à apprécier, à aimer.
— C'est ta technique pour revoir mes seins, Collins ? s'amuse-t-elle en arquant un sourcil.
J'en profite pour la reluquer, le tissu blanc écru de son débardeur collant désormais à sa peau. La couleur rosée de ses tétons est visible en transparence, et je m'empêche de m'y attarder avant de faire une bêtise ici, avec Isaac à quelques mètres seulement.
— Je n'ai pas besoin de ça pour savoir que je vais en profiter une autre fois, la taquiné-je.
Elle ne relève pas et entoure ma taille de ses jambes, mes mains venant s'aventurer sur ses cuisses toujours immergées. Nos bouches se dévorent à nouveau, s'appellent dès qu'elles se lâchent pour se retrouver toujours plus fort, et cette fois, après presque deux mois à tenter de le faire taire, je laisse l'ange posé sur mon épaule droite parler. Tu es tombé amoureux d'elle à Orlando, pas en Europe. Tu es tombé amoureux d'elle lorsqu'elle a commencé à ne plus vouloir te parler, juste après le séjour. Lorsqu'elle a commencé à te détester, à te le faire comprendre, et que tu as prétendu que c'était réciproque pour continuer à te sentir vivant lorsqu'elle était là. Tu ne savais pas mettre un mot sur ce que tu ressentais pour elle, parce que tu n'as jamais été toi-même aimé de cette façon. Pourtant, ton cœur appelle le sien depuis deux ans et demi, pour continuer de battre plus vite, plus fort, lorsqu'ils sont réunis.
Je ne le lui dirai pas. Jamais. Du moins, pas pendant la tournée. Mais je prendrai chaque parcelle de son âme qu'elle acceptera de me donner, dans l'espoir de réussir à lui avouer ce que j'ai moi-même eu du mal à m'avouer.
— Faut qu'on parle de ça, maintenant, note la voix de Rose derrière nous.
Ivy et moi sursautons de concert en se détachant, la brune plantée au bord de la piscine, les poings sur les hanches. Ethan et Jack sont de retour, et se moquent ensemble face à l'air coupable que nous avons dans la piscine, visiblement à nouveau inséparables. Isaac, lui, hausse une épaule avant de rentrer à l'intérieur.
— On dérange ? ricane Jack avant de venir s'asseoir au bord de l'eau.
À côté de moi, Ivy se décompose une seconde, le rouge aux joues et la mine boudeuse. Je ris nerveusement en rabattant une mèche de cheveux en arrière, avant de demander :
— Vous avez fini de jouer aux connards, tous les deux ?
— J'ai dépassé les bornes, marmonne le chanteur en offrant un timide sourire à sa sœur. Ivy a raison, personne n'est fautif pour être tombé amoureux, qu'importe l'heureux élu.
La blondinette lui offre un léger hochement de tête et se mord la lèvre inférieure, alors qu'Ethan attire Rose sur ses genoux et lui embrasse la joue.
— Et j'suis désolé de t'avoir refait le portrait, s'excuse le guitariste en me regardant. Et... D'avoir dit ce que j'ai dit, aussi.
Je sais ce qu'il entend par là ; il m'a insulté en prenant pour cible l'ambiguïté écrasante entre Ivy et moi après le concert de Manchester, et bien que ça me reste en travers de la gorge, je ne peux pas passer le reste de la tournée à lui en vouloir. Aussi, j'accepte ses excuses d'un signe de tête entendu avant de faire face à la moue réprobatrice de Rose.
— Bon, maintenant, on passe aux choses sérieuses : VOUS ÉTIEZ EN TRAIN DE VOUS EMBRASSER ?! hurle-t-elle en nous pointant du doigt à tour de rôle. OK, d'accord, je le savais déjà, se calme-t-elle lorsque Ethan la sermonne à voix basse. MAIS IL SE PASSE QUOI ENTRE VOUS, BON SANG ?!
Mon regard croise celui d'Ivy, puis revient se poser sur la brune et le reste du groupe. Même Isaac est ressorti, une boite de pop-corn dans les mains, et s'installe confortablement sur un fauteuil extérieur en ignorant mon doigt d'honneur.
— Rien qui te regarde, tranché-je sèchement.
Je n'en sais rien, Rose. Ta meilleure amie me rend dingue, et je ne sais pas comment qualifier ce truc entre nous.
— Vous vous entraînez pour les paparazzis, c'est ça ? Ouaip, logique : vous êtes censés être un vrai couple, tous les Echoers ont les yeux rivés sur vous, faut que ça paraisse crédible, plaisante Jack en gardant son sérieux. Remarque, maintenant qu'Ethan va officialiser sa relation avec ma sœur, grimace-t-il en leur jetant un coup d'œil, vous allez pouvoir arrêter de jouer le jeu, tous les deux.
Mais je n'en ai pas envie. Je veux continuer à avoir une excuse pour la prendre dans mes bras, pour la toucher, pour l'embrasser, même si je dois continuer à mentir.
— VOUS ALLEZ OFFICIALISER ?! s'étrangle Ivy en m'éclaboussant. Bordel de merde, c'est génial !
Elle semble sincèrement heureuse pour son amie, se hisse non sans mal sur le rebord de la piscine et l'arrache de l'étreinte d'Ethan pour la serrer contre elle. Les gouttes roulent le long de ses jambes, ses fesses sont divinement moulées dans son short dégoulinant, ses cheveux ondulent encore plus et remontent au-dessus de ses épaules. Elle est belle.
— Calme-toi, Clover, on verra pas ma tête !
Ivy balaie sa remarque d'une main vague alors que Jack me balance de l'eau avec le bout de son pied pour attirer mon attention. Je perds mon sourire lorsqu'il joue des sourcils avec un air conspirateur.
— Tu t'es rétamé la gueule, Collins ? me taquine-t-il alors que Ethan et Isaac le rejoignent, assis au bord du bassin, les jambes dans l'eau.
Je me retrouve pris au piège face à trois pairs d'yeux qui essaient de lire en moi, ignore le salto arrière que fait mon palpitant lorsque Ivy rit franchement, et soupire longuement.
— Non, mens-je en fuyant leur regard. Je m'appelle pas Ethan, ajouté-je pour le charrier.
Et ça fonctionne : le concerné ne m'envoie pas chier, mais laisse échapper un éclat de rire en levant une main devant lui.
— J'ai promis à Jack de ne pas parler de ma relation avec sa sœur en sa présence, m'apprend-il alors que Carlson fils est déjà en train de perdre toutes ses couleurs. Ne change pas de sujet, on parle de toi et blondie, là.
Mes lèvres s'incurvent d'elles-mêmes au moment où Ivy tourne le visage vers moi avant de disparaître dans la villa.
Je n'ai jamais eu cette conversation avec eux. À vrai dire, aucun de nous n'a jamais ressenti le besoin de se confier sur ses amourettes ou ses peines de cœur ; c'est une sorte de contrat tacite entre nous. Les filles ne doivent jamais devenir un sujet de discussion, et maintenant qu'Ethan et Rose sont ensemble, je sens que le sujet va devenir encore plus tabou.
— Laisse tomber, il veut juste pas prendre le risque de dévoiler qu'un petit cœur bat derrière ses airs de gros dur, lance Isaac à voix – presque – basse en s'adressant à Ethan. Mais je rejoins Jack : Austin s'est rétamé tête la première aux pieds d'Ivy.
Je fronce le nez comme un enfant mécontent avant de nager à l'autre bout de la piscine pour en sortir. Le tissu de mon tee-shirt rendu lourd par toute l'eau qu'il a absorbée, je l'enlève avant de l'étendre à même le sol, faisant suivre le même chemin à mon bas de jogging. J'ignore les sifflements des trois abrutis, tends mon majeur dans leur direction et monte les marches qui me séparent de la terrasse deux par deux.
Cinq minutes après, je suis sous la douche et ressasse pour la millième fois en une heure les évènements de la veille.
La tournée en Europe a été un enfer. Cependant, quelque chose me dit que le reste pourrait ressembler à un vrai paradis...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top