Austin - New York, 14 mars 2025
La tête qu'elle fait en se réveillant ce matin vaut bien tous les sermons que vont nous faire Ben et Harper quand ils apprendront qu'on est sorti sans garde du corps pour ramener les deux folles à l'hôtel. Les cheveux emmêlés, les cernes aussi gros que des valises, de la bave au coin de la bouche, je me moque gentiment lorsqu'elle ouvre un œil et râle toute seule.
— La gueule de bois te va bien au teint, plaisanté-je en lui tendant un verre d'eau et un ibuprofène.
— J'ai l'impression d'être passée sous un rouleau compresseur.
La paume de sa main contre le front, elle avale d'un trait la boisson et se laisse tomber en arrière sur les oreillers.
— Je suppose que tu vas rester ici aujourd'hui ?
Elle lève un pouce dans ma direction tandis que je m'allonge à côté d'elle et pose une main sur sa joue. Même après une nuit à vomir dans les toilettes, elle n'en reste pas moins magnifique.
— Arrête de crier en parlant, marmonne-t-elle ensuite. Y'a tout qui résonne, là.
Je pouffe et lui embrasse la joue, puis me lève et rejoins la salle de bains. Je règle la température de l'eau pour qu'elle soit légèrement chaude, remplis la baignoire et tapote le dos d'Ivy jusqu'à ce qu'elle ouvre à nouveau les yeux.
— Va te laver, tu sens encore l'alcool, constaté-je en décollant une mèche de cheveux qui lui barre le front.
— Flemme.
Tirant sur ses poignets, j'arrive à la redresser en position assise et à la soulever dans mes bras sans qu'elle proteste. Elle me vire le temps de se déshabiller, laissant cependant la porte ouverte, et je ne peux m'empêcher de la rejoindre pour lui demander si elle a besoin de quelque chose. Après un signe de la main en direction du shampoing posé derrière elle, je me saisis de la bouteille et en verse une bonne quantité sur mes doigts avant de les poser sur son cuir chevelu.
— Putain, tu me ferais faire n'importe quoi, Serpentard... bougonné-je en massant son crâne.
En réponse, elle m'offre son sourire et fait remonter la mousse sur sa poitrine.
— J'ai dit beaucoup de conneries ? s'inquiète-t-elle lorsque je m'attaque au rinçage de ses cheveux blonds.
— Noooon, mens-je avant de sourire. T'as demandé à Rose si elle voulait se marier avec toi, et ensuite t'as assuré que « j'étais canon, pour un abruti », reprends-je ses propres mots.
Elle pince les lèvres sans pour autant sembler le regretter. Je termine ma tâche avant d'ouvrir une serviette, puis de la regarder enjamber le rebord de la baignoire pour s'y blottir. Après quoi, je lui tends une brosse à dents et mon tube de dentifrice en lui intimant de bien frotter, ce à quoi elle me répond d'un doigt d'honneur.
— Comment vous avez réussi à rentrer dans le bar ? demandé-je en prenant conscience qu'elles n'ont pas du tout l'âge légal pour boire.
— En mai dernier, Sam a insisté pour qu'on fasse faire des fausses cartes d'identité, m'explique-t-elle d'un air honteux. C'était la première fois qu'on s'en servait.
— Et ?
Elle fronce les sourcils en venant se loger contre mon torse, je la laisse faire avec plaisir avant de passer mes bras autour d'elle.
— Et quoi ?
— Tu comptes te saouler à nouveau dans un futur proche ?
Elle secoue vivement la tête alors que je l'embrasse, évitant de penser aux papillons dans mon ventre. Elle avait raison, ce n'est pas juste une connerie, cette histoire.
Je crois que j'ai encore peur de la force de mes sentiments pour elle. Pourtant, ça semble tellement évident, entre nous, que je veux croire en ce début de mélodie qu'on va écrire à deux. J'ai envie de découvrir avec elle le reste de la partition, les temps forts comme les silences.
Les jours qui suivent, je crois pouvoir dire que je suis réellement l'homme le plus heureux sur la planète. J'aime découvrir les rayons du soleil chaque matin aux côtés d'Ivy, j'aime quand on s'embrasse, j'aime quand on fait l'amour, et j'aime savoir qu'elle m'attend dans les coulisses après chaque concert. Son sourire me réchauffe le cœur et me donne envie de continuer à vivre dans cette prison dorée encore longtemps.
La tournée touche bientôt à sa fin, et je me rends compte que le Austin du mois de juin s'est radicalement transformé. Je ne suis plus le grincheux qui n'avait aucune envie d'être là où il était. Aujourd'hui, je me sens à ma place, chanceux d'avoir ce que j'ai, et, par-dessus tout, amoureux comme un fou. Moi qui pensais ne jamais pouvoir tomber amoureux, qui répétais sans cesse que l'amour n'était qu'une vaste fumisterie, je me rends compte qu'Ivy Salazar était celle que mon cœur attendait pour se réveiller, pour battre, et pour jouer un air semblable au sien.
Elle a anéanti tout ce que je pensais savoir sur moi-même, et elle a tout reconstruit. Avec chacun de ses sourires, chacun de ses rires, elle a bâti un empire dont elle est la reine, et elle a fait de moi son roi.
Pourtant, des doutes continuent à vouloir tout mettre en péril.
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