Austin - Munich, 10 août 2024

 On va entamer les deux dernières dates en Allemagne, après Hambourg et Berlin il y a quelques jours. La tournée en Europe s'achèvera à la fin du mois, et force est de constater que les tensions entre chaque personne présente se sont apaisées. Ethan et Rose s'ignorent pour je ne sais quelle raison, Jack et Isaac sont restés les mêmes, toujours prêts à faire baisser le niveau sonore, et Ivy...

Ivy, elle me remarque à nouveau sans essayer de s'échapper. Elle sourit plus, elle joue le jeu pour mes quelques story Instagram dans lesquelles elle apparaît – toujours de dos, toujours sans trop d'éclairage, toujours les cheveux relevés. Elle crie moins, elle rigole sans se retenir, et je commence moi aussi à laisser de côté notre animosité au profit de quelque chose de bien plus léger.

Je commence même à l'apprécier. À espérer que son rire se fasse entendre lorsque je balance une blague ou une vacherie débile à Ben ou Harper. À croire que, grâce à moi, elle va pouvoir arrêter de trop penser à sa meilleure amie décédée.


Ce soir, la troupe au complet a décidé de sortir. Seule la blondinette qui rend la tournée plus drôle a refusé d'y aller. Depuis notre départ de Berlin tard dans la nuit, elle se plaint d'avoir mal au ventre et est restée dans son lit toute la matinée.

— Austin, tu bouges ? s'impatiente Ethan alors que j'étais concentré sur les yeux noisette qui ont fait irruption dans la pièce.

Je secoue la tête et passe une main dans mes cheveux, puis me reconcentre sur mon ami.

— Non, j'ai la flemme, annoncé-je en me laissant tomber sur le canapé de la suite. Je vais plutôt dormir.

Il arque un sourcil sans comprendre, se retourne et enfile ses baskets en toile avant de rejoindre les autres devant l'entrée. Ivy me dévisage en se servant un verre d'eau, son teint plus pâle que d'habitude alors que je tapote la place à côté de la mienne et lui fais signe de venir.

— J'ai pas besoin d'un baby-sitter, tu sais, rappelle-t-elle en me tendant une canette de bière.
— Et j'ai juste pas envie de sortir, mens-je sans peine. Soirée films ?

Elle relève ses cheveux en chignon désordonné sur le sommet de son crâne, son regard se portant sur l'écran de téléviseur éteint devant nous.

— Tu voulais pas dormir ?

Je hausse les épaules et lui souris légèrement, alors qu'elle pose son téléphone sur la table basse en soupirant.

— Un problème ? demandé-je.
— Mes parents ont décidé de ne plus s'accrocher, je crois. J'ai aucune nouvelle depuis mon anniversaire.

Elle lâche ça d'un ton détaché, mais j'entends dans sa voix qu'elle est peinée par la situation. Ma main se pose sur son bras, et je suis le premier surpris lorsqu'elle me laisse faire sans froncer les sourcils.

— Laisse-leur du temps. T'imagines même pas ce que mon père m'a balancé à la tronche quand je lui ai dit que je me lançais dans la musique, la rassuré-je en repensant à ces trois mois de disputes incessantes entre mon paternel et moi.
— Mais toi, tu gagnais de l'argent. Pas moi...

Je ne trouve rien à répondre, car elle a raison. Ivy a rejeté la proposition qu'elle avait reçue de l'Université de Floride, et elle s'est embarquée en tournée mondiale sur un coup de tête alors qu'elle était encore mineure. Évidemment, que ses parents ont du mal à digérer tout ça.

— Harry Potter, ça te tente ? éludé-je en reprenant ma place à un mètre d'elle.

La distance parfaite pour éviter de l'embrasser, comme je l'ai fait à Manchester. Pour éviter, aussi, de sentir à nouveau ce flou total d'émotions qui me fait peur.

— J'ai jamais regardé.

Mon visage se tourne brusquement vers elle et elle éclate de rire face à ma grimace. Je commençais à l'apprécier, mais ça...

— Merde, t'es sérieuse ? Mais d'où tu sors ?! m'indigné-je alors qu'elle ouvre un paquet de gâteaux.
— Ça vient de là, Serpentard ? Austin Collins serait donc un gros geek en dehors de son allure de bad boy ? plaisante-t-elle en soutenant mon regard.

Austin Collins a surtout envie de goûter à tes lèvres encore une fois, juste pour se souvenir de leur sensation sur les siennes.

— Salazar Serpentard, c'est l'un des fondateurs de Poudlard, espèce d'inculte ! l'informé-je en prenant un ton outré. Et moi aussi, je cache plein de choses.
— Inculte ?! Je te signale que l'année dernière, t'as demandé à Rose qui étaient les Totally Spies et pourquoi je l'appelais Alex !

Je lui lance un coussin qu'elle rattrape au vol, puis me lève et tape dans mes mains :

— Bon, trêve de plaisanteries, j'ai une culture cinématographique à refaire avec toi ! annoncé-je en allant chercher mon téléphone dans la chambre que je partage avec Ethan.

Je la rejoins finalement avec plusieurs paquets de bonbons et de chips que j'avais planqués dans mon sac à dos, pose le tout sur la table basse et allume le téléviseur.

— J'ai mal au ventre, rappelle-t-elle en lorgnant sur les en-cas.

Je lui coule un regard en coin et lui tends un sachet de M&M's.

— Et j'ai une petite sœur qui a eu ses premières règles juste avant que je parte, m'amusé-je.
— Tu fais chier !

J'éclate de rire alors qu'elle s'empare de la sucrerie en me l'arrachant quasiment des mains, ouvre un paquet de chips et me rapproche d'elle pour le placer entre nous.

— Allez, lance ton film de sorciers et arrête de m'emmerder, gronde-t-elle en ignorant le large sourire toujours sur mes lèvres.




— Est-ce que Severus Black va aussi vouloir tuer Harry ?

Je pouffe alors qu'elle est prise dans les films sans décrocher son regard de l'écran. On en est au début du troisième film, lorsque Harry découvre qu'un prisonnier s'est évadé d'Azkaban, mais Ivy ne retient toujours pas les prénoms des personnages.

— C'est Sirius Black, corrigé-je en mâchant un morceau de Snickers. Et arrête de poser des questions !
— Et toi, arrête de mastiquer dans mon oreille, contre-t-elle.

Je me rapproche un peu plus et exagère le bruit en mangeant la bouche ouverte. Elle ne tient pas une seconde avant de sourire en coin et de tourner son visage vers moi, les bras croisés sur son buste.

Et j'avale rapidement alors que nous redevenons tous deux sérieux.

— Manchester... commencé-je en regardant ses lèvres.
— Était une erreur, termine-t-elle.

Je hoche la tête pour lui donner raison, puis me jette sur sa bouche. Ses lèvres ont encore la saveur du chocolat qu'elle vient de manger, sa peau sent le gel douche à la cerise, doux parfum qui me pousse à poser une main sur sa taille pour l'attirer un peu plus vers moi. À l'écran, le Poudlard Express est pris d'assaut par les détraqueurs. Sur le canapé, c'est la langue d'Ivy qui prend d'assaut la mienne dans une danse que je me surprends à apprécier encore plus que la dernière fois.

Mon pouce caresse l'endroit où son bleu est encore légèrement visible sur sa peau tandis que sa main s'agrippe au col de mon tee-shirt, nos souffles se répondant de façon toujours plus saccadée. Puis je me recule et passe un doigt sous son menton pour qu'elle me regarde, avant de demander dans un chuchotement :

— Pourquoi tu me détestes autant, Ivy ?
— Parce que tu as couché avec Sam, lâche-t-elle tout aussi bas.

Je fronce les sourcils alors qu'elle me repousse et ferme les yeux.

— Je n'ai jamais couché avec Sam, assuré-je dans l'espoir que l'on continue ce que l'on venait juste de commencer.
— À Orlando, tu as couché avec elle, s'obstine-t-elle.

Aucune trace d'amusement dans ses iris. Juste un peu de froideur, beaucoup de colère.

— Je te jure sur ma petite sœur que je n'ai jamais touché à ton amie. Je sais pas ce qu'elle t'a raconté, mais c'était des conneries.

Le doute semble s'insinuer en elle, et je me rends compte seulement maintenant que ma main est toujours posée sur la peau que dévoile son haut de pyjama. Je la retire précipitamment tandis qu'elle me scrute toujours d'un œil soupçonneux, puis elle ouvre la bouche :

— Tu n'as pas couché avec elle à Orlando quand on avait quinze ans et demi ? s'étrangle-t-elle.

Je secoue négativement la tête et elle passe une main sur son visage en partant d'un rire nerveux.

— C'est ce qu'elle t'a dit ? Qu'il s'était passé quelque chose entre nous là-bas ?
— Oui, affirme-t-elle dans un soupir. Elle nous a dit qu'elle avait fait sa première fois avec toi.

Je jure tout bas alors que les souvenirs défilent dans ma tête. Orlando, c'était l'idée de Jack et de Ben. Sparkling Echoes devenait de plus en plus connu dans le monde, on n'avait quasiment pas eu une minute pour nous depuis plus d'un an et demi, et les filles ont insisté pour se joindre à nous. C'est là-bas que j'ai remarqué les formes de jeune femme que commençait à avoir le corps d'Ivy. Si j'avais eu l'occasion de coucher avec l'une des Totally Spies durant ce séjour, jamais je n'aurais choisi Sam.

— C'est pour ça, le message que tu m'as envoyé le lendemain du retour ? me rappelé-je en grimaçant.

Son rire reprend, mais une larme roule sur sa joue.

— Putain, c'était ça qu'elle voulait nous dire... siffle-t-elle pour elle-même avant de croiser mon regard. Elle a raconté que vous l'aviez fait, et ensuite tu l'as ignorée toute la journée en faisant mine de rien. Je t'ai détesté de lui avoir brisé le cœur, Austin.

Tout s'éclaire maintenant. Les mots tranchants que contenait son texto. Les mois qui ont suivi, où elle adoptait un comportement de garce en ma présence. Les rumeurs qui ont vite commencé, et qui me collent à la peau depuis. Austin Collins ne s'attache pas ; il baise, et il laisse partir.

J'ai fini par croire à ces conneries, et à jouer un rôle parce que c'est ce que tout le monde pensait déjà de moi. Alors qu'en vérité, tout ce dont je rêve, c'est de ressentir ce que clament les chansons que le groupe chante chaque soir. De pouvoir découvrir quelque chose que je ne connais pas.

— Je ne lui ai pas pris sa virginité, Serpentard. Je suis peut-être le roi des abrutis, mais même si ça avait été le cas, je ne l'aurais pas non plus envoyé chier juste après.

Elle me dévisage longuement, semblant douter de ce que j'avance, puis elle se relève et tire sur le bas de son short.

— Je vais aller dormir, annonce-t-elle alors.

C'est plus fort que moi, j'enroule mes doigts autour de son poignet et l'attire entre mes jambes avant de poser mes mains de part et d'autre de sa taille. Elle semble confuse face à mon geste alors que je me lève à mon tour sans la lâcher.

— Pourquoi ne pas m'avoir demandé directement ? demandé-je dans un souffle. Je t'aurais dit la vérité.
— Parce que c'était plus facile de te détester plutôt que d'avouer que j'aurais aimé être à sa place, balbutie-t-elle en se dégageant pour me tourner le dos.

Je reste pantois le temps qu'elle rejoigne la chambre qu'elle partage avec Rose, craignant d'avoir compris trop vite sa semi-déclaration.

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