Austin - Miami, 28 juin 2024
Plus qu'un an. Un an, et je me tire de tout ça.
Je peux survivre à une tournée mondiale, non ?
Je me trouve déjà bien gentil d'accepter la présence de Rose et Ivy avec nous, mais elles vont devoir faire profil bas et éviter de me les casser. Surtout Ivy, qui a une fâcheuse tendance à jouer avec mes nerfs.
Cette fille, c'est le démon. C'est simple, dès notre première rencontre, j'ai eu envie de la tuer. Elle est bruyante, vulgaire, casse-pieds, et elle le sait. Elle en est fière. Pourtant, alors qu'elle râle après Rose depuis dix minutes, je ne peux pas m'empêcher de constater que la lueur habituelle qui brille dans ses yeux est éteinte, aujourd'hui. Non pas que j'en ai quelque chose à foutre, de ce qu'elle peut ressentir... Mais j'avais espéré qu'elle apporte un peu de piment aux prochains mois, histoire de ne pas finir par sauter de l'avion entre deux dates de la tournée parce que j'ai tout, sauf envie d'être ici.
— Tout le monde est prêt ? Ben nous attend avec le reste de l'équipe, on décolle dans une heure ! chantonne Isaac, comme si c'était la meilleure nouvelle qui soit.
Je marmonne dans mon coin, enfonce une casquette sur mon crâne – inutile, je sais que les abrutis plantés en bas depuis hier matin vont nous reconnaître malgré tout – et balance mon sac de voyage sur mon épaule. Voyager léger, de toute façon Harper, la maquilleuse / styliste, nous aura probablement prévu une nouvelle tenue pour chaque date.
— Austin, prends la valise d'Ivy, t'es pas assez chargé !
— C'est ça, et je porte Salazar jusqu'à la voiture aussi, ricané-je en ouvrant la porte de l'appartement. Elle a voulu se taper l'incruste, elle se démerde.
Déjà que ça me fait chier, de me taper quatre-vingt-treize soirées à devoir supporter des cris, des pleurs, et des lumières en pleine gueule, je ne vais pas en plus jouer au baby-sitter pour une gamine de dix-huit ans qui prend tout le monde de haut. J'ai passé l'âge de ces gamineries, et pour le bien des Sparkling Echoes, il va falloir me foutre la paix en dehors des concerts.
— Collins, déconne pas, ça fait deux fois son poids ! me sermonne Jack, qui porte la valise de sa sœur tel le grand frère protecteur qu'il tente d'être.
— Elle a réussi à la monter, non ? Elle devrait aussi réussir à la descendre.
La concernée me lance un regard noir en fronçant le nez, puis fait rouler son énorme valise devant moi.
— Elles le savent, tes fans, que t'es un gros con qui ne pense qu'à sa petite gueule ? demande-t-elle lorsqu'elle manque de s'entraver avec les petites roues.
— Un sourire de ma part et elles tombent toutes, Serpentard, annoncé-je en lui offrant le fameux sourire.
En échange, c'est son majeur fièrement dressé devant son nez qui me répond tandis qu'elle s'engouffre dans les trois mètres carrés de l'ascenseur. Elle me remerciera en voyant la masse qui va se former dès que Jack, Ethan, Isaac et moi allons mettre un pied dehors. La voiture doit nous attendre juste en bas de l'immeuble, on aura à peine quatre ou cinq mètres à faire, et ça va être le parcours du combattant pour éviter de se faire alpaguer par des fillettes de treize ans qui vont déformer les paroles de nos chansons.
Je déteste cette vie. Putain, je déteste Jack d'avoir participé à cette émission à la con, je déteste Ben d'avoir voulu donner une chance aux trois guignols en créant un boys-band, je déteste le fait d'avoir été mêlé à tout ça parce qu'il fallait un batteur qui sache aussi donner de la voix. Jack m'avait promis : un an, deux maximum, pas plus, pas moins.
Sauf que Sparkling Echoes vient de fêter ses quatre ans, qu'on a déjà deux albums et une tournée américaine, et qu'on s'embarque pour neuf mois autour du globe. J'ai été clair lorsque Ben, notre manager, nous a annoncé la nouvelle : je fais mon boulot jusqu'à la fin de la tournée, je prends le fric qu'il me doit, et je me barre du groupe. Je ne tiendrai pas quatre ans de plus à feindre l'enthousiasme à chaque concert, et ma famille a besoin de moi.
— Wow, c'est ça que vous vivez tous les jours ? remarque Rose lorsque nous réussissons enfin à fermer la portière du minibus aux vitres teintées.
— Et encore, t'as pas vu ce que c'était quand on sort passer du bon temps... lâche Ethan dans un souffle.
Un cauchemar, voilà ce que c'est. Je ne peux même plus aller acheter une bouteille de vodka sans que quelqu'un vienne me faire chier pour une photo, pour un autographe, ou pour m'apprendre d'une voix criarde que « t'es vraiment le meilleur des Sparkling Echoes, Austin ! ».
— D'où le fait que vous allez devoir rester discrètes, toutes les deux. Pas de scandales, pas de sorties sans prévenir, vos visages ne doivent jamais apparaître dans les magazines ou ailleurs, prévient Jack en fixant sa sœur. Je suis sérieux, Rose, maman me tuerait si tu te retrouvais sur le devant de la scène.
— Ça va, rockstar, j'ai aucune envie que le monde entier sache que je suis ta sœur ! On n'est pas vos groupies, on saura se tenir.
J'arque un sourcil, peu convaincu qu'elles vont réussir à rester discrètes et sages sans faire d'esclandres. Les deux réunies, c'est toujours à craindre. Remarque, avec l'autre Totally Spies qui manque à l'appel, on peut espérer qu'elles arrivent à fermer leur gueule et à éviter les embrouilles...
— J'ai signé pour des vacances, pas pour une prison dorée dans laquelle je dois vous écouter chanter du matin au soir sans profiter, proteste blondinette en croisant les bras devant elle. Qu'est-ce qu'on risque à sortir, personne ne connaît nos tronches de toute façon !
— Allez, elle commence... m'agacé-je avant de soutenir son regard. Pour une fois dans ta vie, tu vas écouter et obéir, Ivy. Une seule erreur, et tes parents vont devoir essuyer des rumeurs à la con dans la presse à scandale, c'est ça que tu veux ?
Elle plisse les yeux et tourne le visage vers la droite, le paysage urbain de Miami défilant à travers la vitre. Je l'ai prévenue, libre à elle de salir la réputation de sa famille ou de décider que ça n'en vaut pas la peine.
— Est-ce qu'on peut tous se calmer et profiter du moment ? On part en Europe, les gars ! En Asie ! En Australie ! s'extasie Isaac, le plus jeune de la bande, toujours le premier à regarder le bon côté des choses.
— Et on va devoir se coltiner Tic et Tac partout, rappelé-je alors qu'Ethan, tout autant heureux que moi, roule des yeux avant de se concentrer à nouveau sur son téléphone.
— C'est bon, on a compris qu'on dérangeait, tu comptes le répéter tous les jours ?! Tu veux pas plutôt garder ta voix pour raconter des conneries à la télé ?
Je lève les mains devant moi et capitule lorsque Jack me prévient d'un regard en coin. Il tient à sa sœur, elles sont en deuil, on doit faire en sorte qu'elles « passent les plus beaux moments de leur vie ». Ce sont ses mots, pas les miens.
On se retrouve bloqué dans les embouteillages une bonne quinzaine de minutes avant de finalement arriver devant l'aéroport international de Miami. Les filles sont déposées à plusieurs centaines de mètres de l'entrée avec leur valise, après que Jack leur ait donné la marche à suivre : Harper, qui agit dans l'ombre, les attend dans le hall de l'aéroport et les guidera jusqu'au jet privé dégoté par Ben. De cette façon, elles évitent les paparazzis qui attendent déjà notre arrivée, prévenus je ne sais comment qu'on serait là aujourd'hui.
— Prêts, les gars ? demande Zion, l'un de nos gardes du corps.
Il ne nous laisse pas le temps de répondre avant d'ouvrir la portière et de descendre. Nous le suivons de près, encadrés par Warren, Marcus et Rory, ses collègues, avec nos valises et nos sacs qui prennent trop de place. Dix mètres plus loin, un premier paparazzi. L'ignorer, continuer notre chemin, en croiser cinq autres jusqu'à trouver Ben. Quelques hoquets de surprise venant majoritairement d'adolescentes, étonnamment pas de demandes particulières. Faut dire qu'avec les tronches de déterrés que l'on tire tous, déjà crevés à l'idée du manque de sommeil prochain qui nous guette, les photos seront moches, pas un beau souvenir.
— Les filles ont déjà pris place, tout est OK, nous apprend le manager, comme si je pouvais en avoir quelque chose à faire.
— Alors c'est parti ! s'exclame Ethan en frappant dans ses mains. Lisbonne, nous voilà !
Depuis quand il est heureux de partir sur les routes, lui ? D'ordinaire, c'est le seul d'accord avec moi : tout ça, c'était cool au début, quand Sparkling Echoes se contentaient d'une ou deux émissions de télévision et de quelques dates à travers les États-Unis. Aujourd'hui, avec les projecteurs braqués sur nous en permanence, la blague a assez duré et je n'ai qu'une envie : retourner dans l'anonymat, reprendre une vie normale, sans faire semblant d'apprécier le « rêve éveillé » qui dure depuis trop longtemps.
Je fais ça pour eux, me répété-je lorsque je prends place en face d'Ivy. Je ramasse ma part des bénéfices de la tournée, et j'annonce publiquement que je quitte le boys-band pour me consacrer à ma carrière solo qui n'existera en fait jamais. Neuf petits mois, et tout est terminé.
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Alors, que pensez-vous de ces premiers chapitres ? Ivy et Austin vous plaisent ?
De mon côté, je les adore déjà (mais ça, c'est parce que je suis l'autrice et que je sais déjà plein de choses sur eux que vous découvrirez bientôt 😅)
D'ailleurs, j'ai déjà prévu un moment confession qui risque bien de vous faire pleurer, mais je n'en dit pas plus !
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