Austin - Buenos Aires, 22 janvier 2025

 En dix jours, j'ai accumulé encore plus de fatigue qu'en trois mois de tournée. La faute à la petite blondinette qui me tient éveillé une bonne partie de la nuit, parce qu'on est incapable de réfréner nos pulsions dès qu'on se retrouve tous les deux.

Je suis devenu accro à elle. À son corps, surtout. À cette sensation magique quand je suis en elle.

— Pas ce matin, espèce d'obsédé ! me repousse-t-elle d'ailleurs alors que je suis en train d'embrasser son épaule. T'as fini la boîte de préservatifs...

Je grogne contre sa peau avant de mettre un rappel « pharmacie » sur mon téléphone et de la reprendre dans mes bras, en tout bien tout honneur, pour prolonger un peu le moment.

— Je t'...

Je m'arrête juste avant de dire le mot. Je cherche rapidement autre chose, et finis par lâcher :

— ... ai dit que Willow a demandé de tes nouvelles, quand je l'ai eue au téléphone ?

Elle se retourne pour me faire face, ses yeux encore ensommeillés, un sourire flottant sur ses lèvres.

— Comment elle va ?

Je caresse son bras du bout des doigts et remets une mèche de cheveux derrière son oreille.

— Nickel. Elle m'a dit qu'elle parlait pas mal à ta sœur, depuis le Nouvel An.
— La sauvageonne qui veut tous vous épouser dès qu'elle aura l'âge, ou le microbe qui adore lui casser les pieds ?

Je pouffe, une main sur sa taille, et lui pince les côtes.

— Option une, confié-je en plissant le nez. Est-ce que j'aurai le droit de briser le cœur de Mia, si elle compte vraiment me demander en mariage un jour ?

Elle fait mine de réfléchir une seconde, passe ses doigts dans mes cheveux et sur la fine barbe qui recouvre mes joues, et s'approche pour m'embrasser.

— Pourquoi pas. Mais t'as pas intérêt à la pousser au suicide non plus !

J'acquiesce en riant, dépose un baiser sur son nez et me tire du lit avant de changer d'avis. En boxer blanc pour seul vêtement, je rejoins la salle de bains pour m'habiller, passe un coup d'eau sur mon visage et soupire.

J'ai failli lui dire « je t'aime ».

— On aura le temps de visiter la ville, demain ? l'entends-je demander dans la pièce d'à côté.

Depuis notre retour sur les routes, elle n'arrête pas de vouloir tout découvrir des paysages qui nous entourent. Après Sao Paulo et Rio de Janeiro, j'étais persuadé qu'elle allait continuer à me tanner pour qu'on se promène dans les rues des villes de l'Amérique latine dans lesquelles on fait un arrêt.

— J'ai déjà demandé aux autres, c'est oui, annoncé-je en la retrouvant, entièrement habillé.
— OK, parce que j'ai prévu d'aller voir le Palacio Barolo et le théâtre Colon. Apparemment, il y a aussi un cimetière à visiter.

Je grimace en la regardant enfiler un short en jean et un tee-shirt à l'effigie de Sparkling Echoes. En Argentine, les saisons sont inversées comparé avec celles des États-Unis, et l'on se retrouve donc à nouveau en été avec des températures frôlant les trente degrés.

— Tu t'es prise pour Mercredi Adams ? la charrié-je en l'emprisonnant dans mes bras. Tu vas aussi te transformer en sorcière à la tombée de la nuit ?

Elle glousse en crochetant ses doigts devant mon visage, puis enfonce ses ongles courts dans mes épaules.

— Je maudirai ton âme sur des milliers d'années, grince-t-elle en prenant une voix grave. Je te réduirai en cendres, et je ferai cuire tes yeux sur les braises que ton corps aura laissé...

Je m'esclaffe alors qu'elle fronce tellement les sourcils qu'ils se rejoignent presque.

— Le pire, c'est que t'en serais vraiment capable, souligné-je avant d'enfouir mon nez dans son cou pour mordiller sa peau.
— Ne me donne pas des idées, Austin ! s'exclame-t-elle tandis que ses mains se posent dans ma nuque.

Je l'embrasse, encore et encore, juste pour entendre son rire se répercuter contre les murs. Je ne la libère que lorsque l'alarme de mon téléphone sonne dans la pièce, signal de notre départ pour rejoindre la Movistar Arena et donner le coup d'envoi aux deux concerts prévus là-bas.



Il n'est que dix heures du matin, mais les techniciens s'affèrent déjà au montage de la scène. Les travailleurs de l'ombre, que l'on remercie seulement à la fin de la tournée, alors qu'ils font un boulot monstre quasiment chaque jour pour que la salle soit prête dans les temps.

Jack, Ethan et moi donnons quelques coups de main aux techniciens, alors qu'Isaac et les filles préfèrent s'occuper de mettre en place le Merch. Des fans se pressaient déjà devant l'entrée lorsque nous sommes passés devant pour rejoindre l'arrière de la salle, en train de chanter pour passer le temps, sous un soleil de plomb.

— Je peux savoir pourquoi tu tires la gueule ? me renseigné-je auprès de Jack alors qu'il n'arrête pas de jurer dans son coin.
— Pas tes oignons, assène-t-il sèchement. Putain, Ethan, t'as failli me foutre un coup de marteau dans la gueule !

Je laisse tomber pour l'instant. De toute façon, il sera bien obligé de se dérider quand on montera sur scène, dans exactement neuf heures et demie. Les quinze milles places du bâtiment seront occupées, les bracelets donnés à l'entrée scintilleront de mille feux en se coordonnant avec les titres de la set-list, tel un ciel étoilé. Je commence à regretter de tout quitter bientôt. À vrai dire, je pense même à changer d'avis et à donner une nouvelle chance à Sparkling Echoes de me rendre heureux. Seulement, pour ça, je crois qu'il faudrait qu'Ivy soit tout le temps avec nous en tournée, dans les coulisses, et je doute que l'idée l'enchante.

— Austin, essaie la grosse caisse ! m'ordonne John, installé derrière la table d'ajustement de la sono, quelques heures plus tard.

J'appuie mon pied sur la pédale en me bouchant les oreilles, alors que Isaac et Jack jouent en même temps. Le plus important au niveau ajustement sonore, c'est que la batterie ne prenne pas le pas sur le piano ou la guitare ; seulement, avec moi derrière qui adore me défouler sur mon instrument, ça arrive souvent.

— Je monte un peu le piano ! Jack, sors-nous une note, que je vois si c'est OK pour le micro !

On recommence simultanément, six fois, avant que John décrète que tout est parfait et qu'on peut aller se préparer. Il est quinze heures, les chanceux en place VIP vont bientôt avoir accès aux salles prévues pour le Q&A et le Meet & Greet, et on n'est pas en avance.

Les filles sont sorties faire un tour aux abords de la salle, si bien que la loge semble vide lorsque nous la rejoignons. Sans leurs discussions animées et leurs éclats de rires, j'ai l'impression qu'il manque quelque chose, et je me rends compte qu'elles apportent beaucoup à la tournée, toutes les deux. Disons que ça change des remontrances de Harper quand on fait tomber de la sauce sur un tee-shirt qu'elle a passé des heures – selon ses dires – à repasser.

— Prêts, les garçons ? nous accueille-t-elle d'ailleurs dès que l'on passe la porte. De toute façon, vous n'avez pas le choix, hein !

Elle part d'un rire nerveux, toujours stressée pour rien. Je n'ai jamais compris pourquoi elle était si anxieuse à chaque fois que l'on doit monter sur scène : son taf, c'est juste de se battre pour garder une mèche rebelle en place sur notre crâne et vérifier qu'on ne met pas nos tee-shirt à l'envers.

— Ça dépend, on va encore devoir dire à des jolies gonzesses qu'on prépare le prochain album ? ironise Jack. Non, parce qu'on sait tous que c'est un tissu de conneries, ça...
— Qui te dit que l'un de nous n'a pas quelques titres en réserve ? contre Isaac en prenant place sur un tabouret face au miroir. C'est pas parce que toi, t'as arrêté d'écrire, que c'est le cas pour moi aussi !

Je n'ouvre pas la bouche pour leur avouer que moi aussi, je bosse sur un truc. Ça ne mènera probablement à rien, je n'ai jamais réussi à terminer une chanson, mais je crois que c'est pas mal, pour l'instant.

— On peut arrêter de remettre la fin du groupe sur le tapis ? gronde Ben, bière à la main, affalé dans le sofa. On a encore quatre mois avant de passer à autre chose, ne commencez pas à me saouler avec ça !

Je lui donne raison en répondant au texto que m'a envoyé Willow il y a une heure, lui promets de l'appeler bientôt et laisse Harper dompter mes cheveux, la contraignant à se mettre debout sur un petit tabouret.



— Buenos Aires, merci ! s'égosille Jack dans le micro lorsque le concert se termine.

Tous les quatre alignés près de la fosse, grands sourires et en sueur, nous saluons la salle alors que la fumée continue de s'échapper des côtés de la scène, des cotillons volant partout autour de nous. Chaque date bouclée nous rapproche un peu plus de la fin de la tournée, et j'avoue que j'ai un pincement au cœur à l'idée que ça se termine. Sûr de moi quant à l'avenir que je souhaitais à Lisbonne, je me rends compte que le doute s'est insinué à mesure des concerts et des rencontres avec les fans. Aujourd'hui, même si je sais que Willow a besoin de moi, je souhaite aussi rester aux côtés de mes amis et vivre ce que tout le monde qualifie de rêve.

— C'était dingue, nous félicite Rose lorsqu'on rejoint les coulisses. Sérieux, vous avez assuré !

Je la remercie avant de scruter la réaction d'Ivy, qui a les bras croisés devant elle. Elle retient son sourire, mais je le devine au coin de ses lèvres alors qu'elle capitule et roule des yeux :

— OK, ça va, c'était cool, concède-t-elle en levant les mains en signe de capitulation. Pas autant que le concert de Shawn Mendes, mais quand même...

Je me vexe et ouvre grand la bouche, les sourcils froncés. Qu'elle compare le boys-band du moment avec un chanteur qui ne donne quasiment pas signe de vie depuis près de deux ans, c'est blessant. Même pour moi.

— Je croyais que tu préférais Taylor Swift ? observe Isaac en riant. Remarque, j'avoue que Shawn est plutôt pas mal...
— Carrément, tu veux dire ! l'encourage Ivy.

Les deux se lancent dans une discussion passionnante sur les titres du dernier album du chanteur, alors que je regarde Ethan et Rose s'enfermer dans les toilettes avec un profond dégoût. Ils vont probablement choper pas mal de merdes, s'ils s'envoient en l'air là-dedans, mais ce n'est certainement pas mon problème...

La blondinette qui vante les mérites d'un autre, par contre, ça l'est. Si bien qu'après les avoir écoutés cinq minutes, j'entraîne Ivy vers le minibus qui nous attend déjà pour rentrer à l'hôtel, saisis son visage en coupe entre mes mains et prends possession de sa bouche avec ma langue. Elle plante ses dents dans ma lèvre inférieure lorsque je me recule, les yeux joueurs et les pupilles dilatées.

— T'es jaloux ? s'amuse-t-elle alors que je pose mon front contre le sien. Isaac était à deux doigts de me filer le numéro du chanteur, t'as tout gâché !
— T'as quatre numéros de stars enregistrés dans ton téléphone, lui fais-je remarquer en râlant. T'as pas besoin d'en avoir un cinquième.

Elle s'esclaffe franchement, et je serre les poings alors que cinq filles, qui nous ont visiblement aperçus en train de nous bécoter contre le mur, approchent en courant dans notre direction. Je pousse la porte par laquelle nous sommes sortis, jure tout bas en poussant Ivy à l'intérieur et referme derrière moi au moment où les cinq nanas commencent à hurler mon prénom.

— Je ne peux même plus embrasser une fille tranquille, marmonné-je en collant mon oreille contre la porte.

Ivy, elle, éclate de rire en se collant contre moi, pour écouter les bruits à peine perceptibles de l'extérieur.

— Heureusement qu'on n'était pas en train de se faire plaisir, surtout, s'amuse-t-elle en me lançant un regard plein de sous-entendus.

Des tas d'images de ce qu'elle entend par « se faire plaisir » défilent dans mon cerveau, toutes représentant Ivy, jambes écartées, en train de gémir mon prénom pendant que je lui fais l'amour. Et évidemment, c'est suffisant pour me faire bander contre ses fesses.

— Ne me donne pas des idées, Serpentard, grommelé-je entre mes dents. Je serais encore capable de te prendre contre cette porte...
— Pour qu'elle s'ouvre et qu'on se retrouve le cul à l'air devant tes fans ? Attends au moins d'être à l'hôtel avant de me sauter dessus !

Je finis par rire avec elle jusqu'à ce que le reste de la troupe nous retrouve et nous dévisage d'un air soupçonneux. On explique rapidement la situation alors que je remets mon érection en place, Ben sort le premier et nous fait signe que la voie est libre. On s'entasse dans le minibus, Ivy à moitié sur mes genoux, et nous traversons les rues de la ville endormie.

C'est le soir où je prends ma décision. Sparkling Echoes, ce n'est pas encore terminé pour moi.

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