Chapitre 8 : La fin de Monsieur M.
Dites-moi que je rêve.
Dites-moi que je ne me suis pas encore trompée de prénom.
J'en étais pourtant certaine... Le fruit interdit, et tout le tralala, je m'en souviens bien. Non ... ?
Je ne sais plus quoi penser. Je devrais songer à consulter.
Cette histoire accapare mes pensées depuis que j'ai quitté le couple princier, et ce même après avoir rejoins mon groupe d'« amis » un peu plus tôt.
Sonia était à une table au fond de la salle, entourée de cinq personnes : quatre femmes trentenaires et un homme quinquagénaire. Je suis persuadée que si j'avais pris le temps de les écouter, j'aurais trouvé particulièrement intéressante leur discussion.
Malheureusement, mon esprit n'a cessé de vagabonder bien trop loin, et je n'ai que très peu participé à la conversation. Ma seule tentative de sociabilisation à été tellement désastreuse que j'ai rapidement jeté l'éponge. Matt, le seul l'homme à cette table, m'a presque sauté dessus alors que je venais tout juste de m'asseoir :
"C'est toi la nouvelle directrice ?! On raconte que tu es enceinte de trois mois et que le père est en prison. Et que tu passes tes journées à te piquer dans les toilettes à côté de ton bureau pour tenir le choc. "
Je n'ai pu m'empêcher de lâcher un hoquet de frayeur. J'espère bien qu'ils ne sont pas nombreux à avoir eu vent de ces idioties. En plus d'être totalement faux, ça ne manquerait pas de porter préjudice à ma réputation si jamais la rumeur venait à s'ébruiter.
J'ai passé les dix premières minutes à essayer de le convaincre que ce n'était pas vrai, mais je suis persuadée qu'il ne m'a pas cru. A la manière dont il croisait les jambes et se regardait les ongles, j'aurais du me douter que j'avais affaire à la commère du bâtiment. J'étais maintenant sûre que ma réputation n'était plus un des points forts sur lesquels je pouvais compter. Il m'a bien trop questionnée sur mon passé et mes rapports avec la justice, et même les plus sincères de mes réponses n'ont pas semblé le convaincre.
J'ai fini par abandonner et me convaincre que me taire en attendant la fin de ce repas était encore la meilleure solution.
Il n'y a que moi pour me retrouver dans ce genre de situation.
Ça et le fait de ne pas savoir comment mon collègue de travail s'appelle.
Cette histoire commence à me courir sur le haricot, et croyez-moi, ma patience à des limites. Arpentant les couloirs à la recherche de Madame Jones -qui m'a expressément demandé de lui remettre en main propre une dizaine de dossiers que je porte à bout de bras depuis maintenant quinze minutes-, je me retrouve surprise de croiser l'inconnu au bout du couloir.
Il est bientôt 15h00, et il s'est absenté tout le début d'après-midi de manière à ce que je puisse me triturer les méninges sans qu'il ne soit là pour m'apporter des réponses.
Lorsqu'il relève la tête et m'aperçoit, les bras chargés de dossiers, il ne peut s'empêcher de retenir un sourire.
Rien de plus pour me faire enrager.
-Vous ! je l'interpelle du bout couloir, en pointant un doigt dans sa direction.
Je repositionne rapidement ma main sur mes dossiers, de peur de les voir s'éparpiller en moins de deux secondes.
Il jette un regard autour de lui et, réalisant qu'il est la personne aux alentours, ne peut s'empêcher de dévoiler une rangée de dents parfaitement alignées. Ses yeux pétillent de malice. Il sort nonchalamment sa main de sa poche et la pointe innocemment en direction de son torse.
-Moi ?
Je m'avance vers lui à la hâte, m'arrangeant comme je peux pour éviter que la pile de dossiers ne glisse de mes mains. Il semble être aussi amusé par mon manège qu'un enfant dans un parc d'attraction.
-Oui, vous ! je m'exclame en arrivant devant lui -par chance, sans m'être cassé la figure.
D'une main, je remets une mèche de cheveux en place et manque une fois de plus de faire tomber la pile de dossiers. Je les rattrape à la volée, précédent le geste de Monsieur M. qui décidément ne s'arrêtera jamais de vouloir voler à mon secours.
Je peux me débrouiller toute seule.
Oui, enfin, je pourrais. Le jour où ma maladresse légendaire me fera l'honneur de se dissiper.
Il jette un coup d'œil rapide à mes chaussures, comme pour évaluer ma stabilité. Mes talons d'une dizaine de centimètres ne semblent pas le rassurer ; malgré tout il pince les lèvres, se moquant une fois de plus de moi.
J'ai l'impression que toute cette situation le rend extrêmement joyeux. Bien évidemment, m'observer en train de me ridiculiser est sa priorité.
Il replace ses mains dans les poches de son pantalon et hausse un sourcil. Il semble interloqué par mon humeur décidée.
-En quoi puis-je vous aider, Mademoiselle Miller ? demande-t-il en me lançant un clin d'œil.
Un instant, mon cœur cesse de battre.
Concentre-toi Lena. Il est avec Judy alors maintenant que tu le sais, fin de l'histoire.
Tu es là parce que tu veux éclaircir les choses sur cette satanée histoire de prénom. Tu ne comptes pas décemment rester deux mois à travailler avec lui, tout en étant incertaine de la façon dont il s'appelle !
Et dépêche-toi, parce que tes bras sont en train de souffrir le martyr.
-Euh... je ... hum, je bredouille en me mordant les lèvres.
-Mais encore ? demande-t-il en se rapprochant de moi.
Il attrape les dossiers entre mes bras et les porte si facilement que j'en viens à sérieusement douter de mes capacités physique. Je tente de refuser son geste et fronce les sourcils pour lui montrer que je n'ai pas besoin de son aide, mais je ne le prie pas de me les rendre.
Mes bras le remercient -que dis-je, ils l'embrassent, le touche de haut en bas et... Stop!
Mes yeux, eux, fidèles serviteurs, le mitraille.
-Vous êtes particulièrement séduisante lorsque vous cherchez vos mots, ajoute-t-il, comme pour m'achever.
Sa main se lève et vient se placer juste derrière mon oreille, remettant en place une mèche qui me coupait le visage.
-Arrêtez.
Il hausse un sourcil, amusé, mais s'exécute.Mon cœur bat à tout rompre et je ne sais plus où je suis. Quand vais-je me rendre à l'évidence ?
JUDY MANSON.
Son nom devrait suffire à me faire réaliser, non ?
Adam fait mine d'être étonné alors qu'il sait précisément de quoi je l'accuse.
-Je vous demande pardon ? me demande-t-il, comme si de rien n'était.
-Vous faites bien, je murmure entre mes dents.
Comment vais-je pouvoir aborder le sujet ? Lui demander "comment vous appelez vous ?" serait très certainement étrange et malaisant pour moi. Et je tente -tant bien que mal- d'éviter le plus possible les situations de ce genre.
Réfléchis Lena, réfléchis. Quand est-ce que les gens se présentent, en règle générale ? Après un "bonjour", non ?
-Alors... hum ... Bonjour ?
Malheureusement pour moi, l'effet escompté tombe à l'eau. En même temps, j'aurais pu m'en douter. Si j'avais pris deux secondes pour réfléchir...
L'inconnu me regarde de haut en bas, comme pour vérifier mon état. Il est clairement en train de se demander s'il doit sortir son téléphone maintenant ou attendre un peu avant de contacter les services sociaux.
-Êtes-vous sûre que tout va bien ? demande-t-il, en écho à ses pensées.
Je me racle bruyamment la gorge, tentant de trouver une échappatoire à cette situation qui laisserait ma dignité intacte.
-Oui, parfaitement ! je réponds abruptement. Je ... hum. Comment vous appelez-vous ?
Je prononce cette dernière phrase d'une petite voix, semblable à un miaulement.
La réaction d'Adam est immédiate. Son front se plisse et ses traits se tendent.
-Pardon ?
-Vous m'avez très bien entendue, je réponds en tentant de maintenir son regard sans flancher. Maintenant, répondez à ma question.
Malheureusement pour moi, je me rends compte trop tard de ma maladresse. Tout dans son attitude me montre maintenant qu'il se sent vexé. Le dos bien droit et le visage fermé, il me répond comme si je ne méritais pas que je lui adresse la parole.
-Voilà bientôt une semaine depuis le jour de notre première rencontre et vous n'arrivez même pas à retenir un simple nom ? Le professionnalisme n'est pas de rigueur chez vous, Mademoiselle Miller.
Je tique sur un détail. Il s'est rappelé de la date de notre première rencontre, il y a semaine de cela. Mon cœur se serre avec que je ne m'oblige à me ressaisir.
Le regard figé sur mes pieds, plus mal à l'aise que jamais, j'essaie de rectifier la situation.
-Je sais comment vous vous appelez, je grogne, maintenant persuadée que laisser ma dignité intacte est un leurre auquel je ne pourrais jamais espérer accéder. C'est juste que... je ne suis pas sûre que ce soit le bon prénom.
Je hausse les épaules en tentant de faire comme si de rien n'était.
Le pire dans cette situation n'est pas mon malaise. Non, ce n'est pas non plus le silence qu'il laisse pendant ces quelques instants où je ne sais clairement plus où me mettre.
Non, le pire, c'est juste après, lorsque son rire retentit dans la pièce.
Un rire tonitruant qui, dans une autre situation, m'aurait poussée à faire de même.
Devant moi, il s'esclaffe à s'en tenir les côtes.
Je patiente, rouge de honte, réalisant uniquement à cet instant la présence de quelques personnes assistant à la scène. Je serre les dents pour retenir ma colère -qui en réalité est plus de la honte qu'une quelconque animosité envers lui-, l'attrape par la manche, et le fait entrer dans le premier bureau à notre droite qui s'avère, par chance, être vide.
J'attends patiemment qu'il se ressaisisse, les bras fermement croisés contre ma poitrine.
Une fois calmé, il se relève, les yeux striés de plis, comme si son rire avait été d'une telle intensité qu'il avait déformé son visage.
-Vous être irrévocablement, commence-t-il en tentant de retrouver son souffle, la personne la plus drôle qu'il m'ait été donné de rencontrer. Vous n'êtes pas sûre vous dites ? Comment pensez vous que je m'appelle ? Promis je ne rirais pas cette fois-ci.
La colère monte une fois de plus et je me braque. Tant pis, je ne connaîtrais jamais son identité.
-Non, je ne vous dirais rien, je commence en gardant les bras fermement croisés contre ma poitrine. Je continuerais à vous appeler "l'inconnu" ou "Monsieur M." et ce sera tant pis pour vous....
-"L'inconnu ?" me coupe-t-il sans plus se départir de son sourire.
Le temps que l'information monte à mon cerveau, il me faut une seconde.
Et merde.
Il dépose la pile de dossier sur un bureau alentour sans jamais détacher son regard du mien. Il s'avance alors vers moi, les yeux joueurs.
Ça ne sent pas bon pour moi.
-"Monsieur M." ? ajoute-t-il, son visage s'avançant dangereusement du mien.
Je recule doucement, telle une proie. Je fais un pas un arrière, puis un autre ... jusqu'à ce que mon crâne bute contre la porte.
Aïe.
Je me frotte discrètement la tête en espérant qu'il n'y aura pas de bosse, l'amenant à étouffer un rire.
-Hum... Je voulais dire Adam.
Je croise les doigts pour que ce soit le bon prénom, sinon il risque une fois de plus de se moquer. Et je ne compte pas lui donner matière à travailler.
Son souffle est doux sur ma peau, et son haleine anesthésie mes pensées. L'intensité de ses prunelles est telle que ma poitrine se comprime et que ma respiration se fait plus difficile.
-Adam ? demande-t-il en haussant un sourcil.
Ses prunelles sont grandes ouvertes, telles deux billes noires qui capturent mon regard bien malgré moi. Et même si je sais bien qu'il tente de m'avoir, je ne marche pas ; une étincelle d'excitation brille dans ses yeux.
Qu'ai-je encore dis ?
-Oui, c'est bien mon prénom, conclut-il en hochant la tête.
Je soupire longuement.
-Ah ! Ouf..! Enfin... je veux dire, je le savais.
-Si vous le saviez, pourquoi avez-vous posé la question ?
Sa main prend délicatement appui sur la porte derrière moi, le coupant le passage d'un côté.
Je ne sais pas pourquoi, mais cette position –si proche, si là– me donne envie de tout lui dire, sans rien lui cacher. Comme si mon cerveau était en mode off, et que ma bouche décidait de sortir tout ce qui lui passait par la tête.
Je me demande intérieurement s'il est conscient de son effet.
-Parce que j'ai l'impression d'être la seule à vous connaître sous ce nom, j'explique sans vraiment y réfléchir. Tout le monde ici vous appelle Marc, et je suis quasiment certaine d'avoir entendu Judy vous faire une réflexion à ce sujet.
J'éprouve un pincement au cœur en prononçant le nom de Judy. Après avoir évité d'y penser pendant toutes ces années, la voilà revenue dans ma vie. Et elle ne joue pas le meilleur rôle dans l'histoire.
Il hoche la tête une fois, semble étudier ma réponse. Fait mine de se redresser uniquement pour coller son visage encore plus près du mien.
Bon sang.
-En général, les gens m'appellent Marc parce que c'est le diminutif de mon nom de famille, « Marciello ». C'est un surnom, ajoute-t-il en me lançant un clin d'œil, et rares sont les personnes qui me connaissent et m'appellent par mon vrai nom. C'est la raison pour laquelle Judy a été si étonnée de vous entendre m'appeler de la sorte.
Cette fois-ci, je ne peux m'empêcher de montrer mon incompréhension.
-Pourquoi ne pas vous être présenté comme "Marc" auprès de moi ? Je vous aurais appelé comme tout le monde.
Et ça m'aurait évité bien des troubles.
-Je ne sais pas, dit-il en haussant les épaules.
Il se redresse alors, me laissant la possibilité de respirer pour la première fois depuis ce que j'ai l'impression être des heures. La tête me tourne d'avoir été sous l'emprise de ses prunelles pendant tout ce temps.
Je n'ai qu'une chose à conclure : ce crétin m'aura causé tous ces problèmes, simplement parce qu'il n'a pas voulu se présenter à moi comme il le fait avec tout le monde. D'ailleurs, ce n'est pas très logique à y repenser. Pourquoi ne m'a-t-il pas simplement demandé ...
-Mais s'il vous plaît ne m'appelez pas comme tout le monde, ajoute-t-il d'un air énigmatique, ses prunelles sondant les miennes avant une infinie profondeur. Avec vous, Adam ça me va très bien.
N'oubliez pas de voter si ce chapitre vous a plu ! :)
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Haha, c'est bien la fin de Monsieur M. qui a désormais un vrai prénom ! ^^ Au programme du prochain chapitre, la concurrence commence entre Adam et Lena ! Et le faussé entre la haine et l'amour est si mince, n'est-ce pas ... ? ;)
J'accepte toutes les critiques constructives et tous vos avis en commentaire ! :D
Si vous avez des questions, ou juste pour me dire ce que vous avez aimé/pas aimé, ou si vous attendez la suite, c'est dans les commentaires ! ;)
N'oubliez pas de vous abonnez si vous voulez encore plus d'histoires, bisous !! ♥☺
28/05/2018
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