Chapitre 6 : Une rencontre inattendue

« -Vous avez l'air bien pressée. »

Je relève la tête sans pouvoir cacher mon étonnement. J'enfile l'autre manche de mon manteau avant d'attraper mon sac et de rester planter là, sans savoir quoi dire.
Depuis ce matin, notre discussion s'est cantonnée au stade du « bonjour » et ... c'est à peu près tout. Pas un mot, pas un regard de sa part. Je m'en suis sentie offusquée, ça, croyez moi.

Je me sens si stupide face à lui. C'est comme si j'étais en perpétuelle quête de quelque chose que je sais pourtant bien ne jamais pouvoir posséder.

Pourquoi t'obstines-tu, Lena ? Lâche l'affaire.

C'est donc ce que j'ai fais, et une tension glaciale s'est installée entre nous. Je mentirais en disant que ça m'a fait plaisir, mais je sais que pour moi, c'est mieux ainsi. On arrête de jouer, et on se concentre sur notre objectif : remporter cet emploi.

En plus, je ne pense rien avoir manqué : il semblait d'une humeur exécrable ce matin. Ses yeux, bien que toujours aussi hypnotisant, paraissaient avoir perdu de leur étincelle. Sa nuit a dû être courte, et je ne souhaite pas savoir à quoi il l'a occupée. En tous les cas, la paperasse de ce matin ne lui a pas rendu sa gaieté.

C'est la raison pour laquelle je ne peux m'empêcher de chercher mes mots alors qu'il s'adresse à moi avec une telle douceur dans les yeux. Où sont les ronchonnements et les « tss !» agrémentés de « tous des incompétents... » qu'il n'a eu de cesse de maugréer toute la matinée ? Non pas qu'ils me manquent, loin de là. J'aime travailler en silence, et j'ai même pensé à mettre des écouteurs pour éviter que ses remarques intempestives ne me dérangent.

Je frotte légèrement mon bras par-dessus mon manteau, mal à l'aise. Il ne me tarde qu'une chose : mettre le plus de distance possible entre nous. J'ai peur que sa mauvaise humeur ne soit contagieuse. Ou bien que son regard me liquéfie en moins de deux secondes. Un peu des deux j'imagine.

« -Je... euh... hum. »

Il passe une main dans ses cheveux en ayant l'air de se demander s'il ne vaudrait pas mieux que je me fasse interner. Mon comportement est si étrange que moi-même je ne me reconnais pas. Pour autant, lui doit avoir l'habitude de ce genre de réaction de la part de la gente féminine.

Je me racle la gorge et me force à adopter une posture plus droite. Montre un peu ce que tu vaux Lena Adele Miller ! Après tout, tu peux bien te vanter d'avoir été invitée à manger avec les employés de l'entreprise et ce, dès le deuxième jour de travail.

« -Je vais rejoindre des amis à la cafétéria.
Il hausse un sourcil interrogateur et le coin de ses lèvres s'étire légèrement. Il semble avoir retrouvé sa bonne humeur.

-Des amis, répète-t-il en croisant les bras contre sa poitrine. Vraiment ?
Je regarde la porte de notre bureau avec empressement. Rectification faite, je dois à tout prix trouver un moyen de m'échapper de l'emprise de ses yeux sur mes hormones. Il suffit d'un mouvement d'épaule pour que son parfum parvienne directement à mes narines et m'empêche de réfléchir correctement.

-Vraiment, je réponds en m'efforçant de ne pas croiser son regard.
Il ne réagit pas directement. Puis, il répond avec un air de défi dans la voix :

-En si peu de temps ? C'est un exploit.
Je relève le visage vers lui en essayant de cacher mon effarement. Un « exploit » ? C'est bien ce qu'il a dit ?
Lena, rends-toi à l'évidence. Il te prend pour une moins que rien.

Je hausse les épaules fièrement, en prétendant que ses paroles ne m'atteignent pas. Je sais ce que je vaux, et je ne me laisserais pas me faire rabaisser par quelqu'un comme lui. Je plonge mon regard droit dans le sien, et ses yeux s'embrasent. Il me faut tout mon courage pour ne pas ruer mes mains sur son corps.

-Que voulez-vous ? dis-je en haussant les épaules. Les gens doivent apprécier mon sens de l'humour.
Ses lèvres s'étirent jusqu'à dévoiler une longue rangée de dents blanches. Face à ce genre de vision, on ne peut que 1) sourire avec lui, ou 2) baver devant son visage.

-A ne pas en douter, dit-il en se pinçant les lèvres pour refouler un fou rire.
Est-il encore en train de se moquer de moi ? J'inspire profondément en m'exhortant au calme. Je vais lui montrer, moi, ce qu'on y gagne à se moquer de Lena Miller.

Bien sûr, Lena. On y croit tous.

-Alors, reprend-il sans me laisser l'occasion de rétorquer. Où les avez-vous rencontrés ?

Je suis quelque peu surprise par sa question. Celle-là, je ne m'y attendais pas. Je cherche mes mots, consciente qu'il ne reste plus longtemps avant qu'il ne me prenne définitivement pour une imbécile complète.

-Et bien ... C'est-à-dire que ... Je ne les aient pas officiellement rencontrés mais...

L'espace d'une seconde, il ne dit rien, comme pour s'assurer que je suis sérieuse. L'instant d'après, il part d'un rire tonitruant qui a pour effet immédiat de me faire rougir jusqu'à la racine. Je me retourne instantanément, et quitte la pièce à la vitesse de l'éclair, prête à fuir son regard et cette situation plus que gênante. Je serre les dents avec une envie irrépressible de me mettre à courir.

-Attendez ! je l'entends s'exclamer au fond du couloir.

Je jette un coup d'œil à mes chaussures. Stupides talons ! Sans vous je serais déjà bien loin de toute cette humiliation. J'appuie avec empressement sur le bouton d'appel de l'ascenseur, en priant pour qu'il arrive avant que Monsieur M. ait le temps de me rattraper.

Malheureusement pour moi, il me rejoint en rien de temps. Il se poste en face de moi de manière à me bloquer le passage aux ascenseurs.

-Ne vous fâchez pas ! Je n'étais pas en train de me moquer ...

Je tente de feinter sur la gauche, puis la droite ; mais il esquive tous mes coups. Je me demande même s'il ne les prévoit par à l'avance.
Je croise mes bras contre ma poitrine avec fermeté.

-Vraiment ? Parce que ça m'en avez tout l'air !

Il a un bref regard vers ma poitrine, si bref qu'il me semblerait presque l'avoir imaginé. Je décroise les bras, peu encline à lui donner une raison de regarder mon décolleté.

Il secoue la tête et se concentre sur mon visage. Il penche légèrement la tête sur le côté, comme pour m'étudier plus minutieusement. Il passe une main sur sa joue en se pinçant les lèvres, mais ses yeux pétillants le trahissent : il est clairement en train de se moquer de moi.

-Avouez que vous êtes particulièrement amusante, dit-il en serrant les dents pour éviter de repartir d'un fou rire. Je comprends pourquoi les gens « apprécient votre sens de l'humour », ajoute-t-il en reprenant mes propres mots contre moi.

Ma mâchoire s'ouvre grand. C'en est trop. Je tourne une fois de plus les talons, de peur qu'il ne perçoive ma gêne. Je prendrais les escaliers, tant pis. Trois étages, ce n'est pas insurmontable.
Je manque de lâcher un cri de frustration lorsque je me rends compte qu'il m'a suivi et qu'il est maintenant en train de descendre les escaliers à mes côtés.

-Si je veux être tout à fait honnête, ajoute-t-il sans plus cacher l'immense sourire sur son visage, si j'étais à votre place, je passerais mes journées à rire de moi-même. Je ne m'ennuierais jamais !

Je manque de rater une marche et me rattrape à la rambarde pile à temps.
Je. Le. Hais.
Ma frustration est à son comble. Je sais que le silence est le meilleur des mépris, et je ne voudrais surtout pas lui montrer à quel point ses paroles m'affectent. L'image qu'il a de moi est bien loin de celle que je pensais dégager. Et ma peine ne peut se transformer en autre chose qu'en colère.

Je me redresse, bien droite, et me retourne vers lui. En plein milieu des escaliers déserts, nous nous retrouvons face à face et j'ai bien du mal à cacher ma colère. Surtout lorsqu'il arrive si bien à contrôler ses émotions face à moi. Il arbore un sourire immense et je le maudis intérieurement.

 -Vous n'avez pas quelque chose d'autre à faire ? je peste.
Je prie pour que qu'un truc important lui revienne en tête. Histoire qu'il m'oublie quelques instants et que je me refasse une fierté.

Ses yeux sont deux billes qui plongent dans les miens avec beaucoup trop de profondeur. Un instant, j'ai besoin de me retenir à la rambarde de l'escalier, histoire de ne pas tomber et de me rappeler que je suis bien sur Terre, même si la vision d'un tel Apollon pourrait prétendre le contraire.

-Si... Justement, dit-il en m'observant de plus près.

Pourquoi s'est-il rapproché ? J'ai un pas instinctif en arrière mais je me retrouve bloquée contre le mur de l'escalier. Je me sens comme prise au piège et le sourire énigmatique qu'il me lance me rend suspicieuse.

-Alors que faites-vous encore là ? je réponds en l'examinant de haut en bas.

Les mains dans les poches de son jean incroyablement moulant, il adopte une attitude nonchalante. Il hausse simplement les épaules en réponse à ma question, lorsque son regard s'anime.
Oh non. Je reconnais cette flamme dans son regard...

-Je voulais passer un peu de temps avec une vous, dit-il en rapprochant dangereusement son visage du mien. Où est le mal ?
Okay.
OKAY.

Calme-toi, Lena.
Ne te laisse pas avoir par son jeu. Mais son souffle sur mon visage m'hypnotise. Je secoue la tête et tente de reprendre mes esprits. Il faut absolument que je trouve un moyen de m'éloigner de lui, et le plus rapidement possible.

-Voyez-vous, dis-je en descendant une marche et en me libérant de l'emprise de ses prunelles, je n'ai pas que ça à faire. Mes amis... euh... enfin... je veux dire... hum. Je ... suis attendue.

Je n'attends pas de voir sa réaction pour continuer ma descente, pressée de le voir loin de moi.
Le cœur battant, je me tiens à la rambarde en espérant ne pas me voir m'étaler la seconde d'après. Ce serait bien ma vaine.

Je tends l'oreille et me retourne discrètement. J'ai un hoquet de frayeur lorsque je me rends compte qu'il est juste derrière moi.
Je poursuis ma descente si vite qu'on pourrait croire que je fuis la présence d'un psychopathe déterminé à me tuer.
Ce qui est clairement le cas.
Aller Lena, plus qu'un étage.

-Arrêtez de me suivre, j'assène sans même avoir besoin de me retourner pour savoir qu'il est toujours là.

Ses pas à quelques centimètres derrière moi retentissent dans mon échine avec un frisson d'excitation. Les hormones ! Le pire allié féminin.

-Je ne vous suis pas, déclare-t-il en avançant plus vite, jusqu'à me devancer.

Essaie-t-il de jouer sur les mots ? Croit-il amusant de me faire tourner en bourrique ?
Il se retourne alors dans ma direction, descendant les escaliers dans le sens inverse. Bon sang ! Si j'avais fais la même chose, je n'aurais pas tenu deux secondes avant de m'étaler.

Le sourire aux lèvres, il me lance un clin d'œil des plus déstabilisant.

Je serre les dents, bien trop consciente de son petit manège. Comment veut-il que je réussisse à réfléchir correctement, sachant l'intensité de ses prunelles sur mon visage ? En y réfléchissant, il ne souhaite certainement pas que je réfléchisse correctement.

-Alors que faites vous ? je demande abruptement. 

Plus que quelques marches...

-Je vais au même endroit que vous, répond-t-il en me tendant la main pour m'aider à descendre la dernière marche de l'escalier.

Je l'ignore royalement et passe devant lui, la tête haute. Il me semble distinguer sur son visage l'esquisse d'un sourire en coin, mais je ne me retourne pas pour m'en assurer. Bien évidemment, il me rattrape en un rien de temps et se met à arpenter à mes côtés le couloir menant au hall d'entrée.

-Et vous appelez ça ne pas me suivre ? dis-je en lui jetant un regard de travers. Vous savez, vous avez de sérieuses tendances psychopathes !

Son rire envoi une décharge électrique dans tout mon corps, et je tente tant bien que mal de l'ignorer. Bon sang, pourquoi ne peut-il pas s'éloigner un peu de moi ?

Un instant, une idée saugrenue me vient à l'esprit : et s'il ne souhaitait pas s'éloigner de moi ? Mes joues rosissent à cette pensée et j'ai tout le mal du monde à tenter de dissimuler mon trouble.

-On me le dit souvent ! s'exclame-t-il en se mordant les lèvres, retenant un fou rire.

Je jette un coup d'œil discret dans sa direction et remarque qu'il a ralenti son allure. Automatiquement et je ne sais pour quelle raison, je fais de même, jusqu'à ce que l'on soit à l'arrêt. Son regard plonge dans le mien et je n'ose pas le tenir. Ses mains dans les poches, il semble un peu mal à l'aise. Je plisse les yeux, étonnée et quelque peu interloquée de le voir dans une telle position.

-A vrai dire, dit-il en regardant derrière lui en direction des grandes portes d'entrée du bâtiment, je dois rejoindre quelqu'un.
Lorsqu'il se retourne vers moi, son regard me sonde avec une intensité telle que je me demande s'il n'arrive pas à voir à travers moi.

-Oh.
C'est la seule chose que j'arrive à répondre. Bien évidemment qu'il doit rejoindre quelqu'un.
Sa « sœur » certainement, j'essaie de me convaincre.

-Pardon si moi et mes tendances psychopathes nous vous avons effrayée, ajoute-t-il avec un regard attendrissant.

Je me mords les lèvres dans l'espoir de retenir un rire.

-Il m'en faut plus.

Il regarde une fois de plus ses chaussures avant de plonger son regard dans le mien. Il jette un coup d'œil en arrière, avant de revenir vers moi. Il avance d'un pas dans ma direction, très –trop- proche de mon visage. Il inspire une seconde, retiens sa respiration, puis soupire, ses prunelles traversant les miennes avec une infinie intensité.

Il se penche vers mon oreille, et me murmure.

-A plus tard, alors.

Mon cœur a un raté.

-Oui... c'est ça... je bredouille.

Il tourne les talons en direction du hall où l'attend une magnifique jeune femme. Ses talons se hissent pour prendre Adam dans ses bras, et c'est alors que sa tête vient se nicher dans sa nuque, en laissant juste assez d'espace pour que je perçoive son visage.

Et qu'elle perçoive le mien.

-LENA ? Lena Adele Miller, est-ce que c'est bien toi ?
Je ferme alors les yeux en priant pour que tout ça ne soit qu'un mauvais rêve.



N'oubliez pas de voter ! :)

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J'ai des périodes où je suis littéralement assaillie de toutes parts et du coup je ne peux plus écrire, et d'autres périodes où malgré tout, j'arrive à m'accorder quelques heures de décompression.

Après avoir consacré pas mal de temps à mes études, j'ai décidé de revenir à l'écriture de manière assez naturelle. Je vous poste donc ce nouveau chapitre, en espérant qu'il vous plaira et que vous attendrez le prochain chapitre avec impatience !! :D

J'accepte toutes les critiques constructives et tous vos avis en commentaire ! :D

Si vous avez des questions, ou juste pour me dire ce que vous avez aimé/pas aimé, ou si vous attendez la suite, c'est dans les commentaires ! ;)

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