Chapitre 35 : Une rencontre sortie d'une autre vie



Deux coups frappés à ma porte me sortent de ma rêverie.

Les jours passent et ne se ressemblent pas. Je suis toujours étonnée de remarquer la diversité des tâches que j'ai à faire dans mon travail –même si c'est également une des choses que je préfère le plus.

Par contre, niveau fatigue, je ne suis pas franchement au top !

« -Entrez ! je m'exclame en me redressant un peu pour me donner bonne tenue.

Juliette entre dans mon bureau avec un air de conspiratrice, une pile de dossiers coincés sous son bras, un café à la main.
Aujourd'hui, elle porte une robe noire très sobre et a relevé ses longs cheveux bruns en une queue de cheval haute. Elle fait très attention à ce qu'elle porte, et elle ose même le maquillage depuis un certain temps.

Enfin, depuis qu'elle est officiellement en couple avec Marcus.
Qui l'aurait cru ?

Mais ils sont très heureux ensemble, alors je suis heureuse pour eux. Elle mérite ce qu'il y a de mieux, et je sais que Marcus a tout ce qu'il faut pour être l'homme parfait.
Ce n'était juste pas le mien.

Elle dépose le café sur mon bureau –suffisamment loin pour que je ne risque pas de le renverser– et la pile de dossier en face de moi. Puis elle s'approche et s'assoit sur mon bureau, juste en face de moi.

Je remarque seulement à cet instant son air surexcité. Elle pose ses deux mains sur mes épaules et les secoue légèrement, comme si elle essayait de me réveiller.

-Lena ! s'exclame-t-elle en remettant sa frange en place du bout du doigt. Bon sang, tu ne devineras jamais qui est ton prochain rendez-vous !

Je lui lance un regard interrogateur.
Elle a une légère tendance à exagérer les choses, et je fais attention à ne pas m'alarmer lorsqu'elle prend ce ton d'hystérique.

-Je te laisse le plaisir de me l'annoncer, je lui réponds en lui lançant un clin d'œil.

- Lena ! s'exclame-t-elle en voyant que je ne la prend pas au sérieux.

Son air grave commence à m'inquiéter.
Il y a très peu de personnes dont l'arrivée pourrait me faire paniquer.

Lorsque j'ai commencé ce travail, j'ai pris une décision radicale : me couper de ma vie d'avant. J'ai changé de téléphone, et de numéro, sans même prendre la peine de vérifier les messages qu'on m'avait laissé.

J'ai fais attention à ce que mon adresse ne soit trouvable nulle part, et à ce qu'on n'ébruite pas mon arrivée dans l'entreprise.

J'ai voulu écrire une nouvelle histoire en partant de zéro.
L'ancienne Lena devait disparaître.

Juliette se rapproche de moi et pose ses deux mains sur mon bureau, l'air complètement décontenancée.

- Judy Manson, dit-elle en détachant chaque syllabe.

Il a suffit de deux mots pour que mon esprit se mette à disjoncter. Deux mots qui me rappellent avec bien trop de souffrance des évènements d'une autre vie.

Je secoue la tête en refusant la panique d'entrer en moi. Que veut-elle ? Sait-elle au moins que je suis la directrice de cette maison d'édition, et que c'est moi qu'elle s'apprête à rencontrer ?
Peut-être a-t-elle décidé de réorienter sa carrière vers l'écriture de livres ?

-Fais-la entrer, je demande à Juliette, dans un souffle.

Juliette m'observe avec inquiétude.
Oui, Judy m'a fait beaucoup souffrir. Mais je ne dois pas lui en tenir rigueur ; après tout, c'est grâce à elle si aujourd'hui je sais qu'Adam me mentait depuis le début.

-Tu es sûre ? demande-t-elle en posant une main sur mon épaule en signe de soutien.

Je hoche une fois la tête en silence en lui lançant un sourire peu enjoué.
Juliette passe une main réconfortante sur le sommet de mon crâne avant de quitter la pièce, fermant la porte derrière elle.

Mes mains deviennent moites et mes pensées vont dans tous les sens.

Il n'y a aucun moyen pour qu'elle soit au courant que je suis directrice ici. J'ai fais en sorte que personne ne le sache, donc il faut que je me tranquillise.
Tout va bien, Lena.

Deux coups sont frappés à la porte.
Je me lève en tirant sur les plis de ma jupe crayon.

Juliette entre la première, ouvrant la porte pour laisser entrer une Judy plus belle que nature.
Elle n'a rien perdu de sa beauté, et elle est encore plus belle que dans mes souvenirs. Ses mêmes courbes voluptueuses, ses cheveux blonds brillants et soigneusement bouclés, cette robe rouge lui donnant des airs de femme fatale, ses escarpins noirs vernis...

Le rêve de tout homme.

Elle cligne deux fois des yeux lorsqu'elle aperçoit mon visage.
L'expression dans son regard n'est néanmoins pas du tout celle à laquelle je m'attendais.

Aucun air hautain ou dédaigneux.
Aucune vanité, arrogance ou mépris.
Mais une sincère et puissance incrédulité.

Comme si elle n'arrivait pas à croire que j'étais là, devant ses yeux.

Elle avance de deux pas rapides vers moi, faisant claquer ses escarpins contre le parquet. Je réalise alors que quelque chose chez elle change d'à l'habitude.
Elle ne porte aucun bijou.
Rien d'ostentatoire qui en mettrait plein la vue.
Elle est à peine maquillée...

Elle a presque l'air d'une personne tout ce qu'il y a de plus normal –si ce n'est que sa beauté demeure hors du commun.

-Lena ! s'exclame-t-elle en écarquillant les yeux. Bon sang, Lena !

Rien dans son expression ne dégage une once de colère ou d'animosité. C'est comme si elle était ... soulagée ? Heureuse de me retrouver ?
Bon sang, je n'y comprends plus rien.

-Bonjour, Judy.

Ma voix n'est ni sévère, ni chaleureuse. Je tiens à garder une distance professionnelle avec elle. Je ne sais pas pourquoi elle vient, mais elle ne s'attendait apparemment pas à me trouver ici.

Derrière elle, Juliette s'éclipse en silence, refermant la porte derrière elle.
S'ensuit un long silence gêné que je décide de rompre en l'invitant à s'asseoir.

Elle me fixe encore quelques secondes avant de secouer la tête pour remettre ses idées en place. Elle tire la chaise en face de la mienne et s'assoit. Je fais de même, croisant mes doigts sur le bureau.
J'affiche un sourire poli de façade.

-Alors, puis-je savoir les raisons de ta venue ?

Judy continue à me fixer, les yeux comme deux ronds de flanc. Elle ne semble pas vraiment trop savoir quoi répondre.
Ne peut-elle pas mettre de côté nos anciennes discordes quelques secondes, et rester professionnelle ? Je l'ai bien fait, moi. Et pourtant, je suis la victime dans l'histoire.

-Tu cherches à te faire éditer... ? je poursuis, la voix toujours calme.

Elle semble alors se réveiller.

-Non ! s'exclame-t-elle en levant ses deux mains. Non, pas du tout. En fait, poursuit-elle d'une voix douce ... hum.... je te cherchais.

Je la regarde un instant, attendant le moment où elle me dirait que c'est une blague.
Mais ce moment ne vient pas.

Elle me fixe d'un sourire amical qui me décontenance totalement.
Depuis quand Judy Manson est-elle amicale et souriante ?
Je dois être dans une dimension parallèle.

-Judy, je commence d'une voix un peu plus sèche. Je suis sur mon lieu de travail, je n'ai pas le temps de régler des problèmes d'ordre personnel ...

-Oh....oui, je sais, me coupe-t-elle en plaçant ses deux mains devant elle en signe d'excuse. C'est juste que c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour te contacter, ajoute-t-elle, penaude. Tous tes autres numéros ne sont plus disponibles.

-J'ai jeté mon ancien téléphone, j'annonce froidement en tentant de lui donner une explication.

Elle hoche alors la tête sans rien dire, comprenant pourquoi j'étais injoignable.
Bon sang, que fait Judy Manson dans mon bureau ? Elle ne cherche apparemment pas à se faire publier, et je ne vois pas d'autre raison pour elle d'être dans mon bureau.

Elle prend une grande inspiration, et ce que je vois dans son regard me fige sur place. Serait-ce ... Serait-ce de la tristesse ?

-Lena, dit-elle en avançant sa main sur mon bureau. Lena, il faut que je t'avoue quelque chose.

Elle baisse les yeux, comme si un sentiment de culpabilité montait en elle.

-C'est à propos d'Adam, ajoute-t-elle, sans plus me regarder dans les yeux.

Mon cœur s'arrête.
Entendre son nom me brise une fois de plus. J'ai clôturé cette histoire de ma vie sans jamais avoir trouvé de remède. Et chaque fois que la plaie s'ouvre, la douleur est plus intense.

Je me braque automatiquement. Je lance un regard noir à Judy. En plus d'avoir l'audace de venir ici, sur mon lieu de travail, sachant ce qu'elle m'a fait, elle ose me parler d'Adam.
Venir ici, et remuer le couteau dans la plaie ? Est-elle vraiment humaine ?

-J'en ai assez entendu, je dis en me relevant d'un bond. Je n'ai pas besoin que tu viennes ressasser cette histoire.

-Lena, dit-elle alors en se levant également, posant sa main sur la mienne pour me retenir. S'il te plait, c'est important.

Son air profondément désolé me désoriente.
Pourquoi agit-elle de la sorte ? Qu'est-ce qu'il se passe, bon sang ? Je fixe sa main sur la mienne avec étonnement.

-Si tu me laisses tout t'expliquer, tu comprendras que je ne viens pas ici pour causer plus de mal que je n'en ai déjà fait, dit-elle en me jetant un regard appuyé. Je t'en prie, ajoute-t-elle, comme à bout de force. Laisse-moi t'expliquer.

Je lâche un long soupir.
Je regarde ma montre : j'ai une quinzaine de minutes devant moi avant mon prochain rendez-vous, et même si je ne lui ai jamais fait confiance, quelque chose dans son expression me pousse à la croire.
Peut-être me traitera-t-on de naïve une fois de plus ?

Mais qu'y a-t-il de mal à seulement écouter ? Je me fais la promesse de rester sur mes gardes et de ne pas partir du principe que tout ce qu'elle dit est vrai.

-Bien, je soupire en reprenant place dans mon siège. Je t'écoute.

Elle hoche une fois la tête et croise ses doigts sur le bureau. Elle plonge alors un regard empli de regrets dans le mien.

-Premièrement, il faut que je m'excuse de ce que tu es sur le point d'entendre. Je m'excuse pour tout le mal que je t'ai causé, et je te promets que je n'en dors plus la nuit. Il fallait que je te retrouve pour te dire la vérité....

La sincérité de ses prunelles me touche en plein cœur, même si je m'étais fais la promesse de rester sur mes gardes.

J'inspire un grand coup avant de lui lancer un sourire encourageant pour l'inviter à continuer. Ses muscles se détendent un peu, et son visage paraît un peu plus serein.

-J'ai été une véritable salope, et le mot n'est pas trop fort, avoue-t-elle en se remettant à fixer ses doigts. J'étais jalouse que Marcus m'ait quittée, et il ne cessait de répéter qu'il était passé à côté de toute sa jeunesse à cause de moi. Qu'il aurait aimé faire d'autres connaissance, et... il a mentionné ton nom.

Ses joues se mettent alors à rougir.
Je retiens mon souffle. Je n'avais pas conscience qu'ils avaient parlé de moi tous les deux.

-J'étais si énervée, si jalouse... je t'en voulais parce qu'il te préférait alors même que j'avais été avec lui depuis des années.

Je me mets alors à me questionner. Est-ce que je suis vraiment en train d'entre Judy Manson dire qu'elle était jalouse de moi ?
Non, je dois rêver.

-Mais pourquoi ? je lui demande, incrédule. Tu avais tout, et je n'avais rien.

Elle lâche un rire triste en regardant en direction du ciel.

-Tu sais, Lena, certaines personnes sont très douées pour faire croire qu'elles ont une vie parfaite alors qu'en vérité, ce n'est pas du tout le cas.

Elle se met alors à tripoter ses doigts dans un geste anxieux.

-Mes parents étaient en procédure de divorce, avoue-t-elle d'un air absent, parce que mon père avait décidé de se trouver une nouvelle femme. Il allait nous quitter avec ma mère, et bientôt nous n'aurions plus rien eu. Alors j'ai rejeté mes problèmes sur Marcus, continue-t-elle alors que ses yeux s'embuent de larmes. J'en voulais encore et toujours plus, mais je voulais que ce soit comme moi je l'avais décidé... J'avais ce besoin de pouvoir contrôler au moins une chose dans ma vie. Aujourd'hui je le regrette amèrement.

Je cligne deux fois des yeux, incrédule.
Jamais je n'aurais cru que toute cette histoire se cacher derrière la légende vivante de Judy Manson. Je ne dis pas que ça l'excuse, mais ça explique beaucoup de choses.

-Bref, poursuit-elle en essuyant ses larmes. Je ne cherche pas à me trouver des excuses, mais juste à essayer de te faire comprendre que les gens ne sont pas toujours ce qu'ils montrent d'eux.

Ma main s'avance en direction de la sienne et pendant quelques secondes, je me mets à la serrer. Elle me lance un regard de remerciement avant de reprendre une grande inspiration et de continuer son récit.

-J'ai entendu parler de cette histoire de compétition pour le poste de directeur, et lorsque j'ai vu que ton nom était cité parmi les concurrents, ça m'a mis hors de moi. J'étais si jalouse, ajoute-t-elle, penaude. Tu avais l'admiration de Marcus, et tout te réussissait dans la vie.

Elle secoue la tête, comme si elle-même n'arrivait pas à croire qu'elle avait un jour pensé ça.

-J'avais une amie qui m'a parlé d'Adam, continue-t-elle en s'obligeant à me regarder dans les yeux, et elle m'a dit qu'il avait de grandes chances de te piquer le poster. Alors je suis allée le séduire avec l'espoir secret que tu verrais que j'avais mieux réussis que toi. Que je sortais avec celui qui t'avais volé le poste que ton convoitais. Mais finalement, ajoute-t-elle en secouant la tête, vous avez tous les deux été mis en compétition.

Alors ça...
Non. Ce n'est pas possible.
Non...

A moins que... ?
Quoi ? Alors, ça voudrait dire que Judy et Adam ne sortaient pas ensemble depuis très longtemps et que tout était prévu depuis le début. Tous les deux se sont bien moqués de moi... Mon cœur saigne une fois de plus, mais c'est comme devenu une habitude chez moi ces derniers temps.

Je secoue la tête, comme si je ne voulais plus rien entendre. Mais ma curiosité me pousse à connaître la fin de l'histoire, même si je sais que je le regretterais lorsque je me retrouverais seule avec mes pensées...

-Rapidement, j'ai remarqué que je n'intéressais pas Adam, avoue-t-elle en plongeant ses prunelles dans les miennes. Il passait énormément de temps avec toi, et même si je me suis convaincue que c'était pour le travail, je n'ai pu nier la vérité lorsque j'ai remarqué le comportement qu'il avait en ta présence.

-Quel comportement ? je lui demande, désorientée.

Je me souviens très bien avoir fait attention de ne pas le regarder ou être proche de lui lorsque Judy était près. Même si je détestais Judy, je n'ai jamais oublié mes valeurs. Et le respect trône en tête. Je n'agirais jamais d'une manière déplacée si je sais que ça serait irrespectueux envers quelqu'un.

-Pas le tien, contre-t-elle en secouant la tête, le sien.

Le sien ?

-A chaque fois que tu étais là, il ne pouvait s'empêcher de te regarder, même si la plupart du temps tu détournais le regard. Il était tout le temps tourné dans ta direction, et rien de ce que je disais ne l'intéressait. Et puis, quand il parlait de toi, j'avais l'impression que tu étais la femme la plus parfaite du monde...

Elle lâche un petit rire sans humour.

-Je n'ai pas besoin de t'expliquer qu'en tant que pure salope, savoir que tu lui plaisais ne m'a pas plu. Et lorsqu'il m'a quittée, ça a été la goutte d'eau. J'ai alors décidé de le surprendre après l'After Party de Peter, et de l'embrasser. J'avais une amie à qui j'avais demandé de nous prendre en photo sur le fait, et c'est la photo que tu as vue...

Mon sang se glace.

-Non, je réponds en secouant la tête à plusieurs reprises. Il m'a avoué qu'il t'avait embrassée uniquement pour me rendre jalouse...

-Impossible, me coupe Judy sans me laisser la chance de poursuivre. Il a dû te dire ça sur le coup de l'énervement parce que je peux te garantir que j'ai essayé de la charmer et que ça n'a pas fonctionné un seul instant.

Pourquoi, pourquoi Adam m'aurait menti ? Aurait-il pu agir sur le coup de la colère, comme elle le pense ? Ce serait possible. Nous étions tous les deux si énervés qu'il aurait pu laisser échapper quelque chose qu'il ne voulait pas...

Toute ma colère va alors décider de se tourner contre Judy. Comment... Comment peut-elle être si cruelle ? Comment peut-elle décider de m'en vouloir alors que je n'ai rien fait ? Ce n'est pas comme si j'étais allée séduire Marcus ou Adam.

-Il m'a de suite repoussée et m'a sévèrement engueulé. Il était déjà très énervé, et il n'a pas été très délicat en m'éloignant, mais j'avais eu ce que je voulais donc j'étais contente. Le lendemain, il m'a appelé en m'ordonnant de rester loin de lui, et surtout de toi...

Le poids sur mon cœur, celui qui était présent depuis six mois...

Celui causé par Adam et sa trahison qui m'était incompréhensible.
Causé par mon sentiment d'avoir été stupide, de m'être imaginé une relation qui n'existait pas.
Celui qui me poussait à haïr Adam pour m'avoir fait autant de mal. Pour m'avoir brisée. Pour m'avoir détruite.

Ce poids s'envole, comme un oiseau.

-Et pour couronner le tout, ajoute-t-elle d'un coup, comme si elle souhaitait se vider entièrement de ses torts, j'ai profité de la soirée de votre discours –où je savais la situation tendue entre vous deux– pour m'infiltrer dans sa loge. Je savais que tu risquais de venir, et je m'étais postée à l'entrée en t'attendant. Dès que je t'ai vu arrivée, je me suis précipitée dans la loge, j'ai déboutonné mon haut et je me suis assise sur les genoux d'Adam. J'ai déboutonné sa chemise et c'est le moment où il a réalisé qui j'étais et ce qu'il était en train de se passer. Il a posé ses mains sur mes hanches pour essayer de me repousser mais tu es entrée pile à ce moment...

Il me semble que je me mets à trembler. Je le sais parce que j'ai tout le mal du monde à tenir en place, et que je vois le visage de Judy pâlir.
Tous mes traits se raidissent, ma mâchoire se resserre, et je sens mon visage rougir.

-Tu avais bien calculé ton coup, hein ? je lance amèrement.

Judy a le visage crispé, et lorsqu'elle se remet à parler, son débit précipité, saccadé. Les mots se heurtent et elle semble être prise d'un élan fulgurant de honte.
Elle se met alors sur la défensive.

-Ecoutes, commence-t-elle, la voix blanche : je te l'ai dit, je suis sincèrement désolée, et je le pense.

Son regard est sincère et je sais que je devrais la croire et passer autre chose. Mais la haine m'aveugle.
Elle secoue alors la tête en se cachant le visage de ses mains.

-Je voulais me venger, reprend-t-elle d'une voix hésitante, le regard bas. Mais c'est lorsque tout ça a été fait que je me suis demandé pourquoi ?

Elle relève alors la tête, des millions de questions traversant son esprit.

-Pourquoi toi, qu'est-ce que tu m'avais fait à moi ? Et j'ai réalisé que jamais tu n'avais voulu intentionnellement me blesser. Et que la plus coupable dans l'histoire, c'était moi et ma jalousie maladive. Depuis, la culpabilité me ronge, et j'ai remué ciel et terre pour te retrouver...

Pour le coup, ma colère disparaît.
J'en reste bouche bée, sans voix. Je n'arrive pas à en croire mes oreilles : Judy Manson qui comprend enfin l'histoire telle qu'elle est vraiment, et pas la version erronée qu'elle a prit plaisir à imaginer.

-Comment as-tu fais pour avoir mon numéro ? je demande d'une voix hésitante.

Elle cligne des yeux, surprise par ma question.

-Euh... J'ai d'abord demandé à Adam mais il m'a dit qu'il t'avait laissé des centaines de messages sans jamais avoir de réponses, et que ton numéro n'était plus disponible. Qu'Ivanna refusait de le laisser te voir, ou même de te faire passer un message.

La culpabilité monte alors en moi.

Et si Adam avait laissé tous ces messages pour m'expliquer cela ? Je ne lui ai même pas donné le bénéfice du doute. J'ai rangé mon téléphone au fond de mon armoire, éteint.
Voilà six mois que je ne l'ai pas rallumé.

-Et après avoir demandé à tout le monde pendant des semaines, continue Judy d'une voix mal assurée, j'avais abandonné l'idée... Et puis j'ai croisé par hasard Peter et Ivanna il y a à peine une heure, et je me suis précipitée pour tout expliquer à Ivanna. Elle a faillit m'étrangler, se sent-elle obligée de préciser, me tuer sur place... Mais finalement elle m'a donné cette adresse et je me suis retrouvée ici.

Je serre les dents.
Alors voilà pourquoi elle a remué ciel et terre pour me dire la vérité ? Pour alléger sa conscience ? Finalement, je n'aurais pas du la remonter dans mon estime pour avoir eu le courage de tout m'avouer. Tout ça parce que j'ai cru à un instant qu'elle avait fait ça par pur gentillesse, parce qu'elle n'arrivait pas à vivre en sachant qu'elle avait détruit la vie de deux personnes.

-Tout ça pour apaiser ta culpabilité, je crache en lui jetant un regard dédaigneux.

-C'est elle qui m'a menée ici, avoue-t-elle d'un air penaud, c'est vrai. Mais tout ce que je t'ai dit est véridique, et je regrette vraiment.

Judy pousse un long soupir et se met à secouer la tête. Les larmes affluent en masse aux coins de ses yeux, et je ne peux m'empêcher d'éprouver un pincement au cœur. Je sais que je n'aurais pas dû la juger si sévèrement. Même si ce qu'elle a fait est mal, elle a voulu se rattraper. Elle a voulu arranger les choses.

Elle se relève d'un bond en remettant son sac sur son épaule, et me lance un regard peiné.

-J'espère que tu arriveras à me pardonner, dit-elle d'un ton voilé.

Elle fait demi-tour et ouvre la porte de mon bureau pour sortir.

-Judy ! je m'exclame en me relevant.

Elle se stoppe dans son mouvement, et se retourne vers moi, l'air triste.
Son maquillage se met à couler et si j'avais été son amie, je lui aurais fait la remarque. Peut-être qu'un jour, ce sera le cas.

Peut-être qu'un jour je remarquerais que Judy Manson est une femme qui sait reconnaître ses torts comme elle l'a fait aujourd'hui. 
Pour l'instant, je sais qu'on a encore du travail à faire. Mais je lui dis ce qu'il y a de plus juste pour elle :

-Je te pardonne. »



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JUDY MANSON.
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31/12/2018

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