Prologue
- Bonsoir. Je suis votre narrateur, et c'est donc à moi qu'incombe la tâche pénible et douloureuse de vous conter la tragique histoire des orphelins Baudel...
- Tais-toi, Lemony ! On le connaît, ton incipit.
- Anton, les gens doivent savoir !
- Qui, Lemony, qui doit savoir ? On est à un dîner de famille, les Baudelaire ont cuisiné le repas, ils sont vivants, Lemony. Regarde-les. On connaît leur histoire.
- Bon, bon, grommela l'auteur. Dans ce cas... bonsoir. Je suis votre narrateur, et c'est de ce fait à ma personne que revient le dur, long et difficile labeur de vous raconter l'horrible parcours des trois orphelins Beauxdr...
- Tu ! Mais enfin ! Les Beauxdraps sont littéralement dans la pièce ! Écoute, Lemony... je suis ton beau-frère et il est de mon devoir de t'avertir que ces histoires commencent à te monter au cerveau. Monter au cerveau signifie...
- Je sais ce que "monter au cerveau" signifie !
- Tu ne peux pas raconter une histoire joyeuse, pour une fois ?
- J'ai vécu trop de choses pour me permettre de raconter quelque chose de "joyeux".
- Eh bien dans ce cas...
- Quoi, qu'est-ce que tu vas faire ?
- Je disais : dans ce cas, je vais le faire.
- Hahaha ! Mais je t'en prie. Qu'est-ce que tu vas raconter ? Le moment où toi, Jacquelyn et Oliver ont été recrutés à Prufrock après que vos parents soient morts ? Le moment où tu a fait une chute de six étages et que tu as séjourné dans un hôpital où chaque médecin essayait de te tuer ? Chacune des fois ou chacun d'entre-nous avons échoué à trouver le sucrier ? Le soir à l'opéra ?
- Non ! Non... je vais raconter une histoire de Noël, une... une histoire d'amour ! Voilà !
- Haha bien sûr, une histoire d'amour ! Et puis quoi encore, des licornes, des petites fleurs et un "mariage en rose" ? Ridicule.
- Lemony, toute ta saga est une histoire d'amour.
- C'est plus une histoire de mort qu'une histoire d'amour.
- Béatrice par-ci, Béatrice par-là...
- On m'appelle ? demanda Béatrice.
- Pas toi !
- Rhah, c'est jamais moi, répondit Béatrice avec un air malicieux d'enfant complice (d'une organisation mondiale chargée d'anéantir le mal). Vous parliez d'une histoire d'amour ?
- Non !
- Oui ! Lemony voulait encore raconter une histoire triste alors je me suis dit que j'allais prendre le rôle du narrateur, pour une fois.
- C'est une bonne idée. Et quelle histoire veux-tu raconter, oncle Anton ?
- Je cherche encore...
- Ma saga n'est pas une histoire d'amour, la fin est triste.
- Enfin, si on peut parler d'une fin. Bref, nous disions...
- À table ! s'exclama Prunille Baudelaire. Je voudrais porter un toast.
- Allez, viens, Lemony. On va manger. Entre orphelins heureux et vivants.
- Très bien, très bien, murmura son beau-frère exaspéré.
- Prunille, nous t'écoutons !
- Merci. Aujourd'hui, nous fêtons non seulement le réveillon de Noël, mais aussi l'anniversaire de la merveilleuse Kit Snicket. Alors, tous ensemble : joyeux anniversaire, Kit !
- Joyeux anniversaire Kit ! s'exclamèrent les convives, à l'unisson.
Kit Snicket baissa les yeux et sourit. Ce n'était pas la première fois qu'elle fêtait son anniversaire ces dernières années, mais depuis qu'elle était saine et sauve (dans le sens où elle n'était pas enceinte, en plein milieu d'un feu lors d'une guerre entre les deux côtés du schisme avec le sucrier d'Esmé Gigi Geniveve d'Eschemizerre Squalor) elle appréciait chaque moment où elle n'était pas en train de risquer de mourir dans la seconde.
- Bon anniversaire, chère sœur.
Elle serra son frère dans ses bras. Ils ne pouvaient pas s'empêcher de penser à Jack, leur frère, et à leurs parents : Bertrand et Carolyn Snicket. Lemony se dégagea de son étreinte pour retourner s'asseoir.
- Joyeux anniversaire, ma chérie, murmura Jacquelyn Scieszka à son oreille.
Au contact de sa compagne, Kit Snicket se détendit et sentit soudain un immense sommeil s'abattre sur elle. Elle se laissa glisser doucement contre l'ancienne secrétaire de M.Poe.
- Je t'aime.
À l'autre bout de la table, Anton, parfaitement réveillé, sourit.
- J'ai trouvé mon histoire, se réjouit-il auprès de Lemony.
- Quoi, celle de ma sœur ?
- Hum, celle de nos sœurs.
- J'ai déjà écrit sur Kit.
- Oui, mais que les passages tristes. Je veux raconter ça, je veux raconter Noël et le cinéma, Béatrice et les retrouvailles entre les Baudelaire et les Beauxdrap, je veux raconter ma sœur en Rosa Luxembourg et la tienne en Virginia Woolf...
- Rosa Luxembourg et Virginia Woolf ne se sont jamais rencontrées.
- Ma sœur en Lucie Delarue-Mardrus et la tienne en Renée Vivien ?
- Moui, la comparaison ne se tient pas, mais au moins elle est historiquement vérifiée.
- Bref, en amantes héroïnes, en autrices, en inventeuses, en espionnes, en sacrifices, en beauté, en génie, en intelligence, en amoureuses. En ce qu'elles sont. Et ce sera une histoire de Noël.
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Bonjour, cher·e lecteur·ice ! Je suis Anton Scieszka, et j'ai l'immense plaisir d'être votre narrateur et d'avoir ainsi le privilège de vous raconter une belle, une charmante histoire d'amour. Si vous cherchez une fiction douce avec une fin heureuse pour Noël alors je suis joie de vous dire que vous êtes exactement au bon endroit ! Surtout, que vous soyez d'excellente ou de mauvaise humeur, ne reposez pas ce livre sur l'étagère de votre bibliothèque (ou de votre librairie auquel cas vous devriez faire attention : les libraires n'apprécient pas toujours qu'on lise les livres en rayon sans les acheter), je vous fait la promesse que malgré quelques tristes péripéties, les gentils personnages survivent et que chaque mauvais moment aboutit en fin de compte à un nouvel épisode charmant.
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