— Est-ce que je pourrais parler au Lieutenant Anderson ? S'il vous plait ?

Assise dans la salle d'interrogatoire, Natalia sentait le poids de l'attente peser sur ses épaules. La pièce était austère, éclairée par une lumière blafarde qui semblait amplifier l'atmosphère oppressante qui y régnait.

À peine arrivée au poste de police, elle avait cherché son oncle du regard et tenté d'expliquer à l'inspecteur Reed qu'il pouvait confirmer son innocence, en vain. Elle avait un instant pensé que Gavin pourrait physiquement lui plaire, jusqu'à ce qu'il la traite sans respect comme si sa culpabilité était déjà prouvée.

« Quel beau con » pensa-t-elle en agitant ses doigts sur la table.

Elle se demandait ce qui se passait à l'extérieur de la salle, si les policiers étaient en train de rassembler des preuves contre elle, si quelqu'un croyait en son innocence.

Soudain, le bruit sourd d'une porte qui s'ouvre la fit sursauter, rompant le silence oppressant qui régnait dans la pièce. Gavin Reed entra, son regard toujours aussi dur et insondable, et s'installa en face d'elle, de l'autre côté de la table.

Natalia leva la tête vers lui mais ses yeux restaient froids, impénétrables, et elle détourna le regard, se sentant plus seule que jamais.

— Natalia Volkova, eh ben, t'es pleine de surprise ! dit-il enfin d'un ton désagréable. Fille de Mikhael Volkova mais surtout fille d'Helena Anderson, la sœur de notre cher lieutenant alcoolique !

— Laissez-moi parler à mon oncle et-

— Ce n'est pas parce qu'il est flic que tu vas t'en sortir, l'interrompit-il. Tes identifiants ont été utilisés pour accéder au système de la boutique d'électronique et voler des données bancaires. Les traces numériques nous mènent directement à toi. En quelques minutes à peine, tu as dérobé plusieurs milliers de dollars.

— Je vous jure que ce n'est pas moi.

— Experte en cybersécurité diplômée de Caltech, la vache ! Et qui d'autre est-ce que ça pourrait être, hein ? Il n'y a que toi qui peux avoir accès à tes identifiants. Aucun autre humain ne le pourrait.

Natalia hésita à accuser l'androïde du magasin sans preuve et se contenta de s'enfoncer dans sa chaise inconfortable.

— Tu n'as aucun logement ici, pas de travail et certainement un compte en banque qui me donnerait presque envie de te jeter quelques billets. Tu avais toutes les raisons de voler ses informations.

— Mais justement, si mon compte est vide, alors où serait tout cet argent volé ?

— C'est pour ça que t'es là. À toi de nous le dire.

— Je n'ai rien à cacher, répliqua-t-elle d'une voix ferme, essayant de garder son calme malgré le frisson de dégoût qui lui parcourait l'échine.

Gavin ricana et se pencha légèrement en avant, son regard fixé sur elle avec une lueur d'intérêt mal placée.

— Tu sais, tu es plutôt mignonne quand tu es en colère, murmura-t-il, un sourire carnassier étirant ses lèvres.

Natalia sentit la nausée lui monter à la gorge alors qu'elle reculait instinctivement, cherchant à s'éloigner de cet homme détestable.

— Écoutez, je ne suis pas ici pour jouer à vos petits jeux, cracha-t-elle, son ton empreint de mépris. Je suis innocente, et je ne vais pas vous laisser me traiter comme une vulgaire pièce de viande.

Gavin laissa échapper un rire désagréable et alors que la tension montait dans la salle d'interrogatoire, la porte s'ouvrit brusquement sur Hank Anderson.

— Qu'est-ce que tu fous ?! gronda-t-il d'une voix chargée de colère à son collègue.

Gavin se raidit, surpris par l'irruption soudaine de Hank, mais il ne recula pas pour autant, répondant d'un ton cinglant :

— Je suis en plein interrogatoire, Anderson. Tu ne vois pas que je suis occupé ?

— Tu parles à ma nièce, Gavin, cracha-t-il, son ton empreint d'une autorité indéniable. Laisse-la partir.

— Elle est coupable et on ne laisse partir d'ici personne sans aveux.

Hank fixa Gavin d'un regard glacial, ses poings serrés à ses côtés alors qu'il retenait avec peine sa colère croissante.

— Tu as des preuves ? demanda-t-il d'une voix tendue.

Gavin acquiesça et fit glisser le dossier sur la table devant Hank. Il s'ouvrit pour révéler une série de documents, des captures d'écran et des enregistrements d'activité qui semblaient incriminer Natalia.

— Voici les traces numériques de l'accès au système de la boutique, ainsi que les transactions financières suspectes, expliqua Gavin d'un ton triomphant. Tout pointe vers elle, Hank. Tu ne peux pas simplement ignorer les faits.

Hank feuilleta rapidement le dossier, son expression devenant de plus en plus sombre à mesure qu'il examinait les preuves présentées. Il savait que les apparences étaient accablantes, mais il refusait de croire que sa nièce était capable d'un tel acte.

— Je vais m'en charger, déclara-t-il finalement, sa voix riche de détermination. Je vais interroger Natalia moi-même.

Gavin leva un sourcil, un sourire arrogant étirant ses lèvres alors qu'il se levait de sa chaise.

— Je ne peux pas te laisser faire ça. Il y a un conflit d'intérêts évident, étant donné ta relation avec la suspecte.

Hank serra les dents, sentant la frustration monter en lui alors qu'il réalisait que Gavin ne lui laisserait pas avoir accès à Natalia aussi facilement.

C'est alors qu'une voix derrière le miroir teinté se fit entendre, brisant le silence pesant de la pièce.

— Je peux faire l'interrogatoire à votre place.

— Putain Anderson, s'exclama Gavin, t'a ramené ta boite de conserve ?!

— C'est mon partenaire... ordre de Fowler.

— On ne va pas laisser cet androïde l'interroger.

— Ça ne coûte rien d'essayer... Allez Connor, magne ton cul métallique !

Natalia poussa un soupir de soulagement alors qu'elle voyait Gavin quitter la pièce, apparemment contrarié par la tournure des événements. Elle échangea un regard avec son oncle avant qu'il ne sorte également pour laisser sa place au fameux androïde.

Il avança avec assurance vers la table où Natalia était assise, ses pas silencieux et mesurés dans la pièce. Il était élégant, semblant être dans la fin de la vingtaine ou le milieu de la trentaine, ses cheveux brun foncé bien coiffés encadrant un visage aux traits anguleux. Ses yeux marron étaient perçants, et une petite lumière LED brillait discrètement sur sa tempe droite, changeant subtilement de couleur pour refléter son état mental.

— Bonjour, je m'appelle Connor. Je suis l'androïde envoyé par Cyberlife.

Vêtu d'un uniforme impeccable, Connor portait une veste grise semi-formelle sur une chemise blanche, complétée par une cravate sombre qu'il rajusta machinalement. Les marques distinctives des androïdes étaient visibles sur sa tenue : un brassard bleu sur son bras droit, un triangle bleu sur sa poitrine gauche et ses numéros de modèle et de série affichés sur sa poitrine droite.

Sur le dos de sa veste figuraient les mots "ANDROID" en lettres capitales, un triangle bleu plus grand et son numéro de modèle, RK800.

En l'observant consulter son dossier, Natalia essaya de se souvenir de la fonction d'un tel androïde, lorsqu'elle se remémora l'article qu'elle avait lu dans l'avion avant son arrivée à Detroit : c'était un modèle unique, très avancé et conçu pour aider la police à résoudre des enquêtes.

Elle esquissa un sourire en imaginant son oncle, ayant une aversion similaire à la sienne pour ces androïdes, travailler avec l'un d'eux.

Connor s'installa en face d'elle, son regard perçant la scrutant avec une intensité presque déconcertante. Son expression restait neutre, mais Natalia pouvait sentir qu'il y avait quelque chose de plus, une curiosité dissimulée derrière ses yeux marron.

Ils restèrent là, se regardant silencieusement, comme s'ils échangeaient des informations sans dire un mot. Natalia pouvait presque sentir l'électricité dans l'air, une tension palpable alors qu'ils se mesuraient l'un l'autre.

Soudain, un léger froncement de sourcils traversa le visage de Connor, un signe subtil de surprise qui ne dura qu'une fraction de seconde.

Après un moment, il rompit le silence avec une question en apparence anodine, mais chargée de sous-entendus :

— Le lieutenant est-il au courant ?

Natalia sentit un frisson étrange lui parcourir l'échine.

Elle comprit immédiatement ce que Connor voulait dire.

Il avait remarqué quelque chose d'inhabituel, quelque chose que les autres androïdes n'avaient pas vu chez elle et qu'une simple analyse avec son système performant avant trouvé : la pompe à thirium lui servant de cœur.

🤖PROCHAIN CHAPITRE MARDI 9H🤖

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