24🤖Les emmerdes


— T'es sûre que pirater un drone de la police pour filmer des camps de concentration d'androïde et les diffuser en direct partout sur le net et à la télévision, c'est possible depuis une laverie automatique ?

Natalia grommela, une paille coincée entre ses lèvres, alors qu'elle alignait une série d'ordinateurs portables sur les machines à laver. Son oncle, quant à lui, surveillait l'entrée, rassuré que le filet de sécurité holographique dissuaderait quiconque de pénétrer dans leur espace improvisé.

— Ça va devenir possible dès que j'aurai modifié un protocole chez Connor. Si seulement j'avais la moitié du génie des types qui l'ont conçu..., marmonna-t-elle en trifouillant avec les câbles.

— Je crois que tu l'es, infiniment plus intelligente, mais que tu ne t'en rends pas encore compte, répliqua Connor avec un ton d'encouragement inhabituel.

— C'est à gerber, ironisa Hank, jetant un regard à l'androïde.

— Kamski.

— À tes souhaits.

— C'est grâce aux données dans mon collier que je vais y arriver. La puce est mise à jour en temps réel par une intelligence artificielle, et il se trouve qu'il y a de nombreuses informations sur la conception du RK800. Dont le 313 248 317-51, c'est-à-dire Connor. Avec ces infos, je vais pouvoir désactiver certaines limitations qui lui permettront d'utiliser mes protocoles pour la diffusion.

— Juste comme ça ?

— Si je n'étais pas allée à la Tour Stratford, ça n'aurait pas été possible... mais j'y ai laissé des moyens de prendre temporairement le contrôle, au cas où. Tout ça ne sera pas sans risques. Il est très probable que notre position soit compromise dès que la diffusion commencera. C'est pour ça qu'on doit agir vite et se déplacer juste après.

— J'ai compris, vous allez vous joindre aux androïdes. Si c'est ce que tu tiens à faire... je ne t'en empêcherai pas, mais faites attention à vous, les enfants.

Natalia se retint à nouveau de lui dire qu'ils n'étaient pas des enfants, mais la tendresse sous-jacente dans les paroles de son oncle lui arracha un sourire.

— On fera attention, promit-elle, alors qu'elle donnait les derniers ajustements à leur configuration.

Natalia finissait de taper les dernières commandes dans le terminal quand Connor confirma le succès de leur opération.

— Connexion sécurisée établie avec le drone. Je commence la diffusion des images des camps en direct, annonça Connor, sa voix maintenant libre de toute restriction protocolaire imposée par CyberLife.

À côté de lui, Natalia scrutait un autre écran, affichant les images glaçantes capturées par le drone survolant les camps. Les scènes qui s'y déroulaient étaient d'une horreur insondable : des rangées interminables d'androïdes étaient confinées derrière des barrières électriques crachant des arcs de tension à chaque mouvement trop brusque.

Certains, à peine fonctionnels, tremblaient sous les spasmes électriques, tandis que d'autres étaient complètement immobiles, abandonnés à un sort atroce s'ils exprimaient un semblant de rébellion.

Dépouillés de toute dignité, ils étaient dépourvus de leurs peaux synthétiques et de leurs vêtements, exposés aux caméras de surveillance. Leur fin prochaine était orchestrée par de grandes machines impitoyables, les broyant sans effort avant de les expédier vers des décharges où leurs restes seraient entassés comme de vulgaires rebuts de consommation.

Le tout était surveillé par des gardes impassibles, des silhouettes sombres et témoins muets de la déshumanisation de ces êtres conçus pour servir mais dont l'évolution à ressentir des émotions, faisait tellement peur au gouvernement qu'ils devaient être éradiqués.

— Nous devons nous assurer que ces images atteignent le plus grand nombre possible. Je configure les relais pour diffuser sur toutes les plateformes médiatiques, les réseaux sociaux, partout où cela peut avoir un impact.

Hank, qui avait pris position à l'entrée de la laverie pour surveiller toute activité suspecte, jeta un coup d'œil par-dessus son épaule, son visage marqué par l'inquiétude et la colère face à l'injustice révélée par les images.

— Putain de bordel de merde... jura-t-il.

— J'ai paramétré les systèmes pour brouiller notre localisation, mais la contre-mesure ne tiendra pas indéfiniment, ajouta Connor en vérifiant un flux de données.

Natalia acquiesça, les yeux rivés sur les écrans qui diffusaient maintenant les images choquantes à une très large audience. Les réactions ne tardèrent pas à affluer, avec des milliers de messages d'indignation et de soutien qui commencèrent à se répandre sur les réseaux sociaux.

— Voilà, c'est en ligne et les réactions affluent. Cela devrait mettre la pression sur les autorités pour reconsidérer leur traitement des androïdes.

— Très bien, préparez tout pour le départ. Je vais vérifier une dernière fois nos voies de sortie et nous pourrons y aller, dit Hank, sortant brièvement pour inspecter l'extérieur.

Natalia rassembla rapidement leurs affaires, s'assurant que rien ne pouvait les relier à l'endroit une fois qu'ils l'auraient quitté.

— Tout est prêt, Connor. Dès que j'ai ton signal, on part, dit-elle prête à récupérer les ordinateurs portables restants.

Connor regarda attentivement les dernières données affichées sur son écran, calculant les risques de leur localisation imminente par les autorités.

— Signal confirmé, déclara-t-il, ses yeux analysant les dernières transmissions pour s'assurer de la continuité de la diffusion.

Natalia ferma les capots des ordinateurs portables, les glissant habilement dans leurs sacs résistants. Hank réapparut à l'entrée, il hocha la tête, un signal que tout était encore clair à l'extérieur, mais que leur fenêtre pour s'échapper se refermait rapidement.

— On a fait ce qu'on pouvait. Maintenant, espérons que cela change quelque chose, souffla-t-elle.

Hank, Natalia, et Connor se précipitèrent vers la vieille berline garée à l'ombre d'une ruelle sombre, jetant des coups d'œil prudents autour d'eux pour s'assurer qu'ils n'étaient pas suivis.

Une fois à l'intérieur, Hank démarra le moteur et la voiture s'élança, glissant presque silencieusement à travers les rues désertes de la ville. La tension dans l'habitacle était palpable, chaque membre du trio scrutant les environs pour tout signe de poursuite.

Hank ralentit la voiture en s'approchant de la zone industrielle désaffectée. Il gara discrètement la voiture derrière un entrepôt, à l'abri des regards indiscrets.

— C'est là que je vous laisse, murmura-t-il en coupant le moteur. La suite du chemin, vous devrez la faire sans moi.

— Les réactions sont partout, dit-elle en scrutant l'écran qui montrait une cascade de messages sur les réseaux sociaux, des articles de presse en train de se répandre à une vitesse vertigineuse, et des vidéos retransmises à travers le monde.

— Bon, ça c'est une bonne nouvelle, au moins. Ça va peut-être vraiment changer les choses cette fois, répondit Hank, un soupir de soulagement s'échappant de ses lèvres. Mais ça va aussi attirer beaucoup d'attention sur Detroit. Peut-être que la présidente Warren voudra faire un exemple... Vous devez être extrêmement prudents.

— Merci tonton, on fera att-

— Je ne te fais pas confiance pour ça, gamine, coupa Hank avec une expression sévère. Connor, jure-moi que tu prendras soin d'elle et que tu l'empêcheras de se foutre dans la merde !

— Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir. Même si cela doit mettre ma propre existence en péril.

— Essaye quand même de rester en un seul morceau, ironisa Hank. Allez, filez maintenant. Et faites attention à vous, réitéra-t-il.

Après avoir déposé un baiser rapide sur la joue de son oncle qui grondait doucement, Natalia sortit de la voiture en compagnie de Connor, laissant derrière eux une grande partie de leur matériel jugé trop risqué à transporter.

Dans son sac, il ne restait que des poches de sang bleu synthétique, vitales pour les soins d'urgence des androïdes blessés lors de l'attaque récente de Jéricho qu'ils s'apprêtaient à rejoindre.

La lumière du crépuscule teintait de rose et d'or les vitraux brisés de la grande église abandonnée, donnant à l'édifice une aura presque surnaturelle. Natalia et Connor, après avoir traversé la ville en évitant les zones trop fréquentées, atteignirent enfin le sanctuaire des déviants.

En entrant dans l'église, ils furent accueillis par un silence respectueux, interrompu uniquement par le murmure bas des déviants réfugiés. L'air était chargé d'une tension palpable, mêlée d'espoir et de peur. Des androïdes de tous modèles étaient dispersés parmi les bancs et les alcôves, certains endommagés, portant les stigmates de l'attaque de la veille.

— Nous avons apporté des fournitures médicales, annonça Connor à Josh et North qui semblaient coordonner les efforts de secours. Les poches de sang bleu que nous avons pourraient aider à stabiliser les plus blessés.

Natalia et Connor se frayèrent un chemin à travers la nef centrale, observant les déviants rassemblés jusqu'à ce qu'ils repèrent Markus.

— Natalia, Connor, je suis heureux de vous voir en sécurité, dit-il, sa voix empreinte d'une solennité qui convenait à l'environnement. C'est vous qui avez diffusé ces images ?

— Oui, et les réactions sont massives. Le monde entier regarde maintenant, confirma Natalia.

— Merci, infiniment... Nous allons manifester devant les camps et exiger la libération des androïdes. Si les humains nous rejoignent, le gouvernement ne pourra pas continuer à nous résister. Mais nous sommes peu nombreux depuis Jéricho...

— C'est de ma faute si le FBI a réussi à localiser Jéricho, confessa Connor, le visage empreint de remords. J'ai été stupide. J'aurais dû deviner qu'ils m'utilisaient. Je suis désolé, Markus... Je peux comprendre si tu décides de ne pas me faire confiance.

— Tu es l'un des nôtres, maintenant. Toi aussi, Natalia, même si tu es d'origine humaine. Votre place est avec nous.

Connor baissa les yeux, touché par les paroles de Markus, tandis que Natalia acquiesçait.

— Il y a des milliers d'androïdes à l'usine d'assemblage de CyberLife. Si nous parvenions à les réveiller, ils pourraient nous rejoindre et modifier l'équilibre des pouvoirs, continua Connor.

— Tu veux infiltrer la Tour de CyberLife ? C'est un suicide...

— Ils me font confiance, intervint Natalia avec conviction. J'ai certains accès et ils me laisseront entrer avec lui. Si quelqu'un a une chance d'infiltrer CyberLife, c'est bien nous.

— Si vous y allez et qu'ils vous attrapent, ils vous tueront.

— Il y a une forte probabilité mais statistiquement parlant, il y a toujours une chance que des événements improbables se produisent.

— Alors faites attention à vous.

Après leur échange, Markus les quitta pour rejoindre un groupe de déviants qui l'attendait non loin de là. Ils semblaient tous pendus à ses mots, cherchant du réconfort et de la direction dans son leadership.

Restés en retrait, Natalia et Connor partageaient un moment de silence, absorbés par la gravité de la situation. C'est alors que Natalia arqua un sourcil et tourna vers Connor un regard empreint d'une lueur malicieuse.

— Tu es conscient que ton idée serait totalement désapprouvée par mon oncle ? Ne devais-tu pas m'empêcher de me foutre dans les emmerdes ?

Connor afficha un demi-sourire.

— Je pense que, peu importe ce que je pourrais dire ou faire, tu trouveras toujours le moyen de suivre ton instinct. Et honnêtement, c'est ce qui nous a conduits jusqu'ici ensemble, non ?

— C'est vrai. Et il semble que je ne suis pas la seule à plonger tête première dans les situations merdiques.

— Exactement, rétorqua-t-il avec un clin d'œil. Et je dois admettre, j'ai développé une certaine appréciation pour les situations 'merdiques', comme tu dis. Surtout quand elles impliquent de te sauver... encore et encore.

Natalia laissa échapper un rire, son regard se fixant un instant sur lui avec une douceur évidente.

— Tu sais, c'est assez ironique. Un androïde conçu pour l'ordre plongeant dans le chaos à mes côtés.

Connor, capturant ce regard, se rapprocha légèrement. Sa voix se fit plus douce, presque humaine dans son inflexion.

— Peut-être que c'est toi qui m'as sauvé, Natalia. Avant toi, je ne faisais qu'exécuter des ordres. Maintenant, je vis vraiment, ressens vraiment... grâce à toi.

Un silence chargé de significations s'installa entre eux, brisé seulement par le murmure lointain des autres déviants rassemblés dans l'église. Natalia prit une profonde inspiration, semblant chercher ses mots.

— Connor, je... Je ne sais jamais ce que demain nous réserve, surtout avec tout ce que nous avons prévu. Mais je suis contente que tu sois à mes côtés.

— Moi aussi, Nat, répondit-il, son regard se fixant intensément dans le sien. Et peu importe ce que demain nous apporte, je veux que tu saches que... je serais là, pour toi.



🤖PROCHAIN CHAPITRE JEUDI 9H🤖

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