18🤖Elijah


— Chris était en patrouille hier soir. Il a été attaqué par une bande de déviants... Il a dit qu'il avait été sauvé par un androïde nommé Markus. Le leader de cette révolte.

— Est-ce qu'il va bien ? demanda Natalia, sa voix teintée d'une inquiétude palpable.

— Ouais, il est sous le choc mais... il est vivant... Bon sang.

Perdue dans ses pensées le temps du trajet, Natalia n'arrêtait pas de se demander si les intentions des déviants étaient purement pacifistes ou, si à cause du manque d'action du gouvernement, ils deviendraient plus virulents et déterminés à soutenir leur cause.

— Nat, pourquoi tu t'es maquillée aujourd'hui ? demanda Hank, en jetant un regard curieux vers sa nièce alors qu'ils approchaient de la demeure d'Elijah Kamski.

— Pourquoi pas ? répliqua Natalia, ajustant légèrement son miroir de courtoisie.

— Alors c'est vrai ce que ta mère me disait ? T'avais vraiment un faible pour Kamski quand tu étais au lycée ?

— Il est beau.

— ...Il ne t'a rien fait, hein ?

— T'es dégueulasse. J'avais 16 ans !

— J'en ai vu passer des affaires sordides...

— De toute façon, Elijah Kamski ne s'intéresse qu'à la recherche et aux androïdes, pas aux gamines.

— En parlant d'androïde, regarde le glaçon fait de déni qui nous attend, dit Hank en pointant Connor qui les attendait devant l'entrée.

— C'est impressionnant, tu ne trouves pas ? murmura Natalia, alors qu'ils sortaient de la voiture, contemplant la demeure moderniste d'Elijah Kamski.

La maison, entièrement conçue en angles vifs et surfaces vitrées, semblait un bijou d'architecture niché dans un écrin de neige, son reflet glacé miroitant sur le lac gelé à proximité.

Hank acquiesça, ses yeux parcourant les contours de la structure alors qu'ils avançaient vers l'entrée.

— On dirait un de ces endroits où on ne sait jamais vraiment ce qui se passe à l'intérieur...

Le vent fouettait leurs visages, portant avec lui de petits flocons de neige qui s'accrochaient à leurs vêtements. Natalia remonta le col de son manteau, plus par réflexe que pour se protéger du froid piquant, tandis que Hank vérifiait son arme discrètement sous sa veste.

Connor les attendait devant la porte d'entrée, sa posture rigide et son expression neutre contrastant avec le paysage hivernal sauvage qui les entourait. La scène était d'un calme trompeur, baignée dans la lumière naturelle du jour qui accentuait l'isolement de la demeure.

— Bonjour Lieutenant, Natalia. J'ai un mauvais pressentiment. Nous n'aurions pas dû venir ici.

— Mauvais pressentiment, hein ? Ton programme devrait être vérifié. Peut-être un glitch ?

Natalia esquissa un sourire mais lorsqu'elle voulut échanger un regard avec l'androïde, ce dernier l'évita volontairement.

Alors qu'ils suivaient Hank ouvrant la marche, elle sentait une tension croissante non seulement dans l'air mais aussi en elle, exacerbée par le comportement glacial de Connor.

— Est-ce que tu ressens quelque chose d'anormal ici ? lui chuchota-t-elle notant qu'il gardait une distance inhabituelle entre eux.

Connor, habituellement plus engagé, se contenta de répondre d'un geste de la tête, évitant son regard. Natalia, perturbée par cette distance soudaine, se sentait totalement déconnectée de lui à cet instant.

Elle trouva cela ironique, vu qu'il était une machine.

— Comment avez-vous pu retrouver l'adresse de Kamski ? demanda-t-il.

— T'es pas au courant ? Ma nièce est la « chouchou » du génie de ce siècle !

— Oh la ferme, répliqua Natalia en passant une main dans ses cheveux détachés avant de sonner à la porte.

Cette dernière s'ouvrit sur une androïde RT600, « Chloé », premier modèle d'androïde de CyberLife perfectionné par Elijah Kamski. L'assistante personnelle observa d'un sourire chaleureux le trio et, avant qu'Hank ne puisse se présenter, elle prit les devants :

— Mademoiselle Volkova, Elijah attendait votre visite. Veuillez me suivre, s'il vous plaît.

Natalia hocha la tête, légèrement prise au dépourvu.

— Euh... d'accord, murmura-t-elle, alors que Hank, à côté d'elle, tentait de masquer son amusement.

— « Chouchou », chuchota-t-il, esquivant agilement le coup de coude que lui asséna Natalia.

— Je vais le prévenir de votre arrivée, ajouta Chloé à Hank et Connor. Vous pouvez patienter ici et prendre vos aises. Mademoiselle Volkova, Elijah souhaite s'entretenir avec vous en tête-à-tête.

Natalia jeta un œil à son oncle qui haussa les épaules, puis à Connor qui demeurait silencieux, ses yeux fixés sur un point devant lui.

Elle leva les yeux au plafond avant de pousser un soupir d'exaspération et de suivre la Chloé un peu plus loin dans la demeure.

— T'as dû faire une belle connerie, Connor, entendit-elle de la part de son oncle avant que la porte ne se referme derrière elle.

Lorsqu'elle entra dans la salle impressionnante qui abritait la piscine intérieure d'Elijah Kamski, Natalia fut accueillie par le spectacle surréaliste de deux androïdes modèle Chloé conversant paisiblement dans l'eau rougeâtre.

La teinte sanglante de l'eau était le résultat du carrelage rouge vif qui tapissait le fond de la piscine, un choix esthétique audacieux et peut-être un peu macabre qui reflétait les goûts excentriques de Kamski.

Les grandes baies vitrées de la pièce offraient une vue imprenable sur le paysage hivernal extérieur. Dehors, le lac gelé scintillait sous un ciel pâle, encadré par la silhouette lointaine mais imposante de la tour de CyberLife qui se découpait contre l'horizon.

— Natalia ! s'exclama Elijah Kamski en émergeant de l'eau, les gouttes scintillant sur sa peau comme des perles. Mets-toi à l'aise.

Peut-être rassurée par la cordialité dans la voix de Kamski, elle s'approcha du bord de la piscine. Elle ôta son manteau avec une aisance prudente et s'assit en tailleur sur le rebord froid.

Elijah Kamski, l'énigmatique fondateur de CyberLife, était un homme à la beauté singulière, avec des traits précisément ciselés. Ses cheveux courts et noirs étaient peignés en arrière, exposant son front et ses yeux d'un bleu intense qui fixaient Natalia avec curiosité.

Si en le rencontrant à 16 ans, elle avait eu un coup de cœur pour lui, au fil de son stage son amourette s'était transformée en admiration puis en relation presque fraternelle.

Elijah lui donnant souvent le sentiment d'être un grand frère avec elle parce qu'il semblait réellement sincère quand il lui parlait, contrairement aux autres qui n'arrivaient pas à lire derrière le sourire énigmatique du génie.

— Je suis heureux de te revoir, Natalia.

— Dix ans depuis mon stage avec vous, monsieur Kamski.

— Tu peux m'appeler Elijah, je te l'ai toujours rappelé. Est-ce que tu as toujours le cadeau que je t'ai offert ?

Natalia glissa sa main sous sa chemise, tirant doucement sur la chaîne d'un collier pour le montrer. Kamski, observant attentivement, marqua une pause dans ses mouvements aquatiques, son regard se fixant sur le pendentif avant de revenir sur son visage.

— Qu'est-ce que tu caches sous ta chemise, Natalia ? Il semble que tu hésites à me montrer quelque chose. Quand tu as commencé ton stage avec moi, nous avions fait la promesse de n'avoir aucun secret l'un envers l'autre, n'est-ce pas ?

Elle sentit un frisson lui parcourir l'échine, tiraillée entre la révélation d'un secret si profond à celui qu'elle avait autrefois tant admiré.

— Parle-moi. Peut-être puis-je t'aider plus que tu ne le penses.

Avec précaution, elle déboutonna sa chemise, laissant apparaître un débardeur simple. Sous le tissu, sa cicatrice et la LED incrustée à sa peau étaient désormais visibles. Kamski, toujours dans l'eau, fixa ces marques avec une intensité accrue avant de nager silencieusement vers le bord de la piscine.

— Pourquoi n'es-tu pas venu me voir après ton accident ?

— Vous étiez au courant ?

— Je t'ai dit que j'avais des attentes envers toi. Je n'ai pas cessé de suivre ton évolution, même après ton accident. On dirait que ton père a voulu reprendre le contrôle sur toi à ce moment-là.

— Mon père ne-

— Tous les deux, l'interrompit Kamski d'un ton ferme, nous sommes bien plus intelligents que ça. Ne nous voilons pas la face et soyons sincères, comme au bon vieux temps. Au fond de toi, tu as dû ressentir les changements, n'est-ce pas ?

— Si je suis ici, ce n'est pas pour parler de moi mais des déviants, essaya-t-elle de rediriger la conversation, espérant éviter de plonger plus profondément dans ses propres tourments.

— Nous aborderons ce sujet en temps voulu, quand ton oncle et le RK800 seront présents. Pour l'instant, laisse-moi me baigner dans la nostalgie de nos conversations de l'époque, dit-il, esquissant un sourire tandis qu'il se laissait flotter sur le dos, les yeux fixés sur le plafond miroitant au-dessus de lui. De quoi as-tu peur ? Pourquoi fuis-tu ?

Elle prit une profonde inspiration avant de parler, sa voix tremblante trahissant son appréhension.

— Je crains de perdre mon humanité, Elijah. Avec l'accident... Je ne sais plus qui je suis censée être. J'ai tant perdu en une année et, depuis mon retour à Detroit, je ne ressens plus les choses de la même façon qu'avant. Je crains que le thirium en moi soit en train de me transformer définitivement.

Kamski nagea doucement vers le bord de la piscine, écoutant attentivement.

— Et puis... il y a Connor. Le RK800, précisa-t-elle. Il incarne quelque chose que je n'ai jamais vu auparavant chez un androïde. Ça me pousse à questionner les fondements mêmes de ce que nous considérons comme l'humanité. Et je me retrouve au milieu, pas tout à fait l'une, ni tout à fait l'autre.

— Tu as peur de ce que l'avenir pourrait te réserver avec de telles incertitudes ?

— Terriblement. Et mes sentiments compliquent tout. Il y a dix ans, vous m'aviez posé cette question : « est-ce que les androïdes peuvent ressentir de l'amour envers les humains ? ». L'existence des déviants remet tout en cause. Des déviants s'aiment entre eux et, s'ils sont capables de ressentir de l'amour, alors ils peuvent aimer des humains en toute logique. Est-ce que leurs sentiments sont réels ?

— Et toi, Natalia, tes sentiments... sont-ils réels ? Que ressens-tu pour cet androïde ? demanda Kamski, son regard perçant cherchant à sonder les profondeurs de son âme.

Natalia se trouva prise au dépourvu, une vague d'émotions conflictuelles se reflétant dans ses yeux. Elle regarda une des Chloé qui se tenait à l'écart, lui offrant un sourire chaleureux et encourageant.

— J'ai du mal à comprendre moi-même, avoua-t-elle enfin. Ça ne fait que quelques jours que je l'ai rencontré mais Connor... il représente déjà beaucoup pour moi. Plus que je n'aurais jamais cru possible avec un androïde. Mais je me demande si c'est la connexion réelle que je ressens, ou si c'est juste une fascination pour ce qu'il représente, pour ce qu'il pourrait être.

— Tu es confrontée à un dilemme que beaucoup devront affronter à l'avenir. L'évolution des androïdes et leur intégration dans notre société posent des questions fondamentales sur la nature de l'amour, de la conscience et de l'identité. Ce n'est pas seulement une question de technologie, mais de philosophie et d'émotion.

— Alors que fait-on ? Est-ce que l'on doit laisser les androïdes devenir « déviants » et faire leur révolte ? Doit-on avoir peur d'eux ?

— Je pense avoir un moyen de t'aider dans tes réflexions.



🤖PROCHAIN CHAPITRE JEUDI 9H🤖

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