0🤖Prologue
JUILLET 2028
— Beaucoup choisissent de vivre avec un androïde plutôt qu'avec un autre être humain. Cette tendance vous inquiète-t-elle ?
— Tout est tellement plus simple avec les androïdes. Ils obéissent à tout sans jamais se plaindre. Ils cuisinent, parlent de philosophie avec vous ou entretiennent des rapports intimes selon vos désirs. Et ils ne disent jamais non. Ils sont sans conteste le partenaire idéal. Tout le monde a droit au bonheur. À quoi rime cette soi-disant morale, si une machine peut vous rendre heureux ?
— Dans la science-fiction, les machines finissent souvent par nous affronter. Craignez-vous qu'un tel scénario se produise ?
— Je sais qu'il existe bon nombre de peurs irrationnelles autour des IA, mais rassurez-vous, c'est hors de propos avec les androïdes CyberLife. Ils sont là pour obéir aux humains. Ce sont des machines, elles ne peuvent pas développer la moindre forme de conscience ou de désir.
— Vous en êtes sûr ?
— Absolument certain. Faites-moi confiance.
Natalia retint son souffle en voyant le sourire d'Elijah Kamski face à la caméra.
Sans en comprendre la raison, elle avait du mal à appréhender les mots de son maitre de stage, le renommé génie et CEO de CyberLife.
À tout juste 16 ans, pistonnée par son père travaillant comme chercheur avec Elijah, elle était la première adolescente à avoir un stage avec cet individu, mais surtout l'une des seules personnes à être aussi proche de lui.
Elijah n'avait que dix ans de plus qu'elle et avait fondé CyberLife quand il avait son âge. Elle se disait avoir du retard par rapport à lui, mais elle ne pouvait qu'admirer l'homme à 171 de QI.
L'interview terminée, Natalia suivit Elijah Kamski dans son bureau immaculé qui surplombait la ville avec une vue impressionnante. Le silence qui s'était installé entre eux était lourd, chargé de toutes les questions non posées et des réflexions de Natalia sur les affirmations audacieuses de Kamski.
La jeune fille, bien qu'intimidée par le prestige et l'intelligence de celui devant elle, trouvait la force de formuler une interrogation qui lui brûlait les lèvres depuis le début de son stage.
— Monsieur Kamski, si les androïdes sont simplement des outils créés pour rendre les humains heureux, pourquoi leur donner la capacité de discuter de philosophie ou de comprendre les émotions ? Ne risque-t-on pas qu'ils deviennent trop semblables à nous ?
Kamski s'arrêta devant la grande baie vitrée, son regard scrutant l'horizon urbain. Il se tourna lentement vers elle, un sourire énigmatique éclairant son visage.
— Natalia, c'est une question excellente. La véritable beauté de la technologie réside dans sa faculté à repousser les limites de ce que nous croyons possible. Les androïdes ne sont pas simplement des machines ; ils sont une toile sur laquelle nous projetons nos désirs, nos peurs, et même nos espoirs. En leur donnant la capacité de simuler la compréhension et l'interaction humaines, nous testons notre propre humanité.
— Mais ne pensez-vous pas que cela pourrait les amener à vouloir plus que ce pour quoi ils ont été programmés ?
Kamski s'approcha, son regard pénétrant se fixant sur elle avec une intensité presque palpable.
— Tout est une question de contrôle. Tant que nous maintenons ce contrôle, les possibilités restent dans nos mains. Et si un jour un androïde devait franchir la ligne... eh bien, ce serait une fascinante évolution, n'est-ce pas ? Un vrai test pour voir jusqu'où la technologie peut aller.
Il marqua une pause, comme pour laisser ses mots imprégner l'esprit jeune et impressionnable de l'adolescente.
— Ce que tu dois comprendre, c'est que chaque invention, chaque création que nous réalisons, est un reflet de nous-mêmes. Et parfois, ces reflets peuvent nous enseigner plus sur nous-mêmes que nous ne pourrions jamais l'apprendre autrement.
Natalia écoutait, absorbant chaque terme, chaque concept que Kamski lui présentait. Elle n'était pas entièrement convaincue, mais elle ne pouvait nier l'attrait de ces idées, ni l'influence qu'elles commençaient à exercer sur sa propre perception du monde et de la technologie.
Le bureau, baigné par la lumière naturelle filtrant à travers de larges fenêtres, donnait sur une vue imprenable de la ville. Cette vue semblait presque une métaphore de la vision que Kamski avait pour l'avenir : vaste, sans limites, peuplée de possibilités infinies.
— Sais-tu pourquoi j'ai accepté de t'avoir en stage à me suivre un peu partout ?
Natalia, légèrement intimidée, mais inspirée, ajusta sa posture, se tenant droite, ses mains serrées nerveusement devant elle.
— À cause de mon père.
— Grâce à tes tests. Tu as de quoi aller loin. Très loin. Mais il y a beaucoup d'adolescents surdoués comme toi dans le pays.
En disant cela, il fit quelques pas autour de son bureau, un espace organisé avec une précision méticuleuse, chaque objet reflétant un mélange de sculptures abstraites aux côtés de prototypes d'androïdes.
— Non, ce qui m'a plu était l'absence de réponse à une unique question : est-ce que les androïdes peuvent ressentir de l'amour envers les humains ?
Natalia suivit son regard, qui s'était égaré un instant par la fenêtre, avant de se recentrer sur elle avec une intensité pénétrante.
— Pourquoi n'as-tu pas répondu ?
— Parce que je n'avais pas toutes les clés de compréhension.
— Et maintenant ?
— Je pense qu'actuellement, c'est impossible, affirma-t-elle après un moment de réflexion. Vous avez dit que les androïdes imitent les humains, donc leurs émotions et sentiments. Personne ne veut l'illusion d'être aimé. On recherche un amour sincère, pas seulement réconfortant. J'imagine que...
Kamski, toujours aussi impassible, fit un léger geste de la main, l'invitant à poursuivre ses idées.
— Je conçois que la réponse à cette question ne sera envisageable que lorsque les androïdes auront développé une conscience propre.
Le sourire d'Elijah demeurait énigmatique, et Natalia n'arrivait pas à déchiffrer s'il la trouvait naïve ou s'il était impressionné par son audace.
Cette possibilité semblait, en théorie, irréaliste. Kamski lui-même l'avait affirmé quelques minutes plus tôt durant leur interview.
Pourtant, Natalia trouvait la réflexion profondément intéressante.
— Que penses-tu qu'il se passerait si les machines développaient une conscience ?
— Ça dépend largement de l'opinion des gens, répliqua Natalia après une pause. Ça pourrait être fabuleux et chaotique, selon comment nous choisissons de l'incorporer dans notre société.
Kamski hocha la tête, apparemment satisfait de sa réponse.
— Tu as un fil d'idée intéressant pour ton âge. Et que penses-tu de ce que raconte ton père sur le transhumanisme ? Il semble persuadé qu'intégrer des composants d'androïdes dans le corps humain est notre futur.
L'adolescente baissa les yeux, une ombre passant brièvement sur son visage alors qu'elle contemplait ses chaussures. Son mutisme prolongé chargea l'air d'une tension palpable, avant qu'elle ne se décide enfin à répondre.
— Je ferais plus confiance à un androïde me déclarant son amour qu'à mon propre père.
Cette déclaration sembla surprendre Kamski, qui la regarda avec un nouveau degré d'intérêt et de respect. Ils restèrent silencieux pendant plusieurs minutes, les yeux de Natalia se perdant dans le vague.
— Natalia, commença-t-il, crois-tu que la capacité d'aimer, ou même de feindre l'amour, puisse un jour être authentiquement ressentie par un androïde ? Cela changerait-il ta vision de ce que pourrait être une relation sincère ?
Natalia releva le visage, rencontrant son regard.
— Si un androïde peut apprendre à aimer, cela soulève la question de savoir si l'amour est une émotion exclusivement humaine ou une réponse biologique complexe que nous pouvons reproduire. Si c'est le cas, je pense que cela pourrait étendre notre compréhension de l'amour lui-même.
— Intéressant, dit-il enfin. Tu es brillante et j'avais raison de t'accepter en tant que stagiaire.
Elijah Kamski marcha lentement jusqu'à son bureau et sortit de son tiroir un minuscule écrin blanc velouté qui déposa doucement sur la table devant elle.
Natalia, curieuse et légèrement anxieuse, ouvrit le coffret pour y découvrir un collier délicat. C'était une chaîne très fine en argent, sur laquelle pendait un pendentif circulaire. Le design était épuré, sans ornements extravagants, donnant au bijou un air de simplicité élégante.
Il avait la forme d'une LED circulaire présente à la tempe des androïdes.
— C'est magnifique, murmura-t-elle.
— Garde-le précieusement. Un jour, tu repenseras à notre conversation et tu comprendras.
— Pourquoi moi ?
— Parce que tu poses les bonnes questions, répondit Kamski en se penchant vers elle. Tu es ouverte d'esprit et critique, mais aussi profondément empathique. Je crois en ta capacité à faire les choix satisfaisants pour l'avenir.
Natalia attacha le collier autour de son cou, sentant le pendentif frais toucher sa peau. Elle ressentait un mélange d'honneur et d'intimidation face au cadeau de Kamski, consciente de la signification et de la confiance que ce geste impliquait.
— Je ne doute pas un instant que tu seras à la hauteur de mes attentes, Natalia Volkova.
Quelques semaines après la fin du stage, un événement surprenant secoua la communauté technologique : Elijah Kamski annonçait son départ de CyberLife.
La nouvelle fit l'effet d'une bombe, provoquant spéculations et rumeurs sur les raisons de cette décision soudaine et sur l'avenir de la compagnie qu'il avait fondée.
WELCOME IN DETROIT: BECOME HUMAN
- L'interview d'Elijah Kamski en entier -
https://youtu.be/IdrSg-wJbM0
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