L'appel de Laïthan suscita le réveil de tous ses hommes, une sorte de haine commune s'était emparé d'eux, ce n'était plus qu'une question de mines, c'était aussi personnel, une vieille rancœur qui se devait d'être réglé sur un champ de bataille. Parmi les débris, Nala put enfin trouver son fusil de précision, le chargea et commença à tirer. La pluie était torrentielle, elle envahit bientôt les tranchées ce qui rendit le travail des militaires de son camp bien plus complexe. Nala sortit de sa tranchée et se dirigea en zigzaguant à travers les impacts pour atteindre le monticule. Jay y était occupé à tirer à la mitraillette en insultant les Américains avec le bon vieux jargon Texan, Jordan pour le suppléer. Il jeta la cartouche vide qu'il tenait en bouche et continua à tirer plus à l'ouest, vers un groupe d'américains qui se dirigeaient dangereusement vers les tranchées. Soudain, Jay se leva brusquement lorsqu'il aperçut la lance-capsule au loin, parmi les différents blindés, cette odeur de chair brûlée recommença à se faire sentir et cela ne voulait dire qu'une seule chose.

- Napalm ! Repli ! Repli !!!

Nala n'eut même pas le temps de réagir que Jay l'attrapa par la ceinture et la traina avec violence vers le cratère de sang où elle avait atterri plus tôt et au moment où elle baissait la tête vers la terre souillée, un nuage orangée et hurlant voleta au-dessus d'elle, accompagné des cris de ses compatriotes, restés dans les tranchées, ceux qui avaient été trop lents pour s'enfuir.... Rastinski... Rastinski ! Il était dans les tranchées ! Nala tenta de relever la tête pour hurler ou partir l'aider mais Jay la força à rester dans le cratère qui devenait de plus en plus profond avec le sang et l'eau de l'orage. Son cœur se brisa, en mille morceaux quand elle aperçut qu'en fait autour d'elle n'était plus que ravage, il n'y avait plus que l'horreur, la souffrance... Est ce que ces dimanants allaient encore prendre autant de vies ? Jay avait la tête couverte de cendres, de sang et de suie, la seule chose qui se démarquait c'était l'impuissance dans ses yeux verts. Elle se colla à lui le temps que le nuage de Napalm ai arrêté de hurler autour d'elle et se serait tellement contre lui qu'elle pouvait entendre le son de son cœur battre comme un tambourin dans sa gorge. Ses mains tentaient de caresser ses cheveux mais il tremblait tellement qu'il s'y résigna très vite. Nala ferma les yeux et une larme coula sur sa joue, essuyant le sang de ses amis et ses hormones asséchés. Elle était horrifiée de dire qu'elle avait soif alors que la moitié de son corps se baignait dans une Plaie d'Égypte.

Le nuage cessa, les cris aussi et sur la lande régnait un silence de mort, Nala releva la tête et remonta sur la benne mais ce qu'elle vit la horrifia tellement qu'elle vomit sur le côté le peu qu'elle avait mangé dans la journée. Le champ était brûlé, des personnes calcinés, la peau fondu sur leurs os... La jeune sergente s'écroula sur ses genoux et un son très étrange sortit de sa bouche déformé par la douleur, comme une lionne qui venait de perdre son enfant, un cri appelant au désespoir. La pleine lune tentait de luire à travers les nuages en colère, et les rayons rouges de l'astre nocturne luirent sur l'horreur, comme pour le souligner, comme si Dieu lui-même était en train de montrer la scène et lui disait "voilà ce que vous avez fait". En ce jour, le Texas avait déjà perdu de nombreux hommes, de nombreux vaillants combattants qui venaient de se faire brûler vivants. C'était très facile de venir avec une bombe interdite par les Conventions de Genève et de tuer tout le monde avec ça, après tout ne l'avaient-ils pas fait contre le Vietnam ? L'Irak ? Jay finit par se rapprocher de Nala et enleva son casque couvert de cendres et de suie pour l'aider doucement à se relever.

- tu n'es pas blessée ?

- et évidemment, ce connard de Nickson n'est pas en vue, on aurait dû s'en douter qu'il allait rester au chaud à Niamey...

Gronda Shayne tout d'un coup derrière eux. Ses cheveux sous son casque étaient torchés de terre et ses yeux étaient si emplis de colère qu'on aurait dit qu'ils étaient de petites lampes qui les illuminaient dans cette nuit noire. Jay demanda en cherchant les alentours du regard

- où est Laïthan ?

- là-bas, avec les médecins entrain de sauver un max de gens pas cramés par cette merde.... Bordel c'est vraiment des fils de pute de première... Je vais tous les faire bouffer leur merde et...

Pendant que Shayne énumérait ce qu'il allait faire à l'ennemi, Nala s'avança sur quelques pas à travers les flammes non éteintes par le déluge en pinçant les yeux.

- ils ont détruit la moitié de nos munitions, et aussi la moitié de nos troupes, il faut reculer, positionner nos lignées vers l'Abandon.

Fit Jordan en rejoignant la troupe, essayant d'éviter les trous dans le sol. Pendant que les officiers présents débattaient la proposition, Nala s'avança encore un peu et comprit enfin avec horreur ce qui se passait. L'ennemi allait répliquer et plus tôt que ce qu'ils avaient envisagés. Sa peur se réfugia dans le plus profond de ses entrailles mais elle parvint tout de même à hurler.

- repli ! Repli !!

- quoi encore ?

Demanda Shayne, incrédule, en décroissant les bras. Nala courra aussi vite qu'elle pût et hurla en même temps.

- ils arrivent ! Ils arrivent !! Les rockets ! Vite ! Courrez !