Quelques heures plus tôt, à la base de Halley

JAY

Nolan n'avait pas d'expression particulière sur le visage, mais ses mains en disaient long, des mains qui n'avaient pas vu autre chose que du travail acharné et des journées de stress sans repos. Jay avait dû remettre son uniforme, c'était temporaire mais pouvait le faire. L'audience avait déjà débuté depuis quelques heures, de quoi installer le matériel de connexion, pour que le jury puisse être transmis en audience visuelle. L'affaire fut aussi rappelé, les faits ramenés sur la table et les discussions qui avaient été faites au pays. Jay ne savait pas vraiment ce que disaient le juge, Pavel et Nolan, les mots étaient trop bruyants, les gestes trop furtifs... Son cerveau ne suivait pas le rythme, tout devenait flou. Il enfouit son visage dans ses mains, ferma pendant un instant les yeux et du bout des doigts s'effleura les cheveux d'un geste furtif avant de se faire rappeler à l'ordre par le juge.

- Capitaine Carter, vous êtes avec nous ?

Jay enleva les mains de son visage et après un raclement de gorge, il affirma.

- Je suis là.

- Bien, pour résumer, nous laissons une dernière chance aux avocats des deux parties d'adresser une ultime plaidoirie au jury. J'appelle à la barre le parti de l'accusateur.

Pavel laissa sa veste sur sa chaise et replia les manches d'une chemise grise morne sur ses coudes. Il s'approcha de l'écran qui diffusait la conférence.

- Messieurs dames du jury... Vous avez entendu, comme moi, les preuves qui accusent le Général Carter de la plus haute des trahisons envers on pays. Vous avez vu les preuves de l'inefficacité de notre gouvernement d'avoir choisi cet homme à la tête de deux grands déploiements et d'avoir provoqué la mort de nombreux hommes... Certes. Mais la seule chose qu'on peut faire, même dans le pire des cas... C'est d'instaurer la justice pour tout le monde, de ne pas faire quelque chose d'impulsif et d'aussi égoïste que de l'exécuter de sang-froid. Il a fait ce qu'il fallait pour prouver qu'il ne valait pas mieux que son père, un meurtrier. Un meurtrier qui a tué son supérieur. Peu importe pour quelles raisons, mais vous voulez vraiment de quelqu'un comme lui pour défendre le Texas ? Lui donner le pouvoir de continuer à donner des ordres ? Quel message ça enverrait aux autres militaires ? Que ce n'est pas grave si vous franchissez les limites du code militaire ?

Il marqua un silence et Jay savait que malgré le fait qu'il aurait aimé arracher son visage de fouineur de sa tête, Pavel avait raison. S'il aurait été maître de la Cour Martiale, il n'aurait pas cherché pour quelle raison l'assassinat avait eu lieu, il devait y avoir une sanction, un minimum pour que l'essentiel ne soit pas oublié.

- Je n'ai rien à ajouter.

Pavel alla s'asseoir et le juge indiqua à Nolan de se lever, mais avant que son avocat ne le fasse, Jay posa une main sur son bras et demanda doucement au juge.

- Est-ce que je pourrai dire quelque chose, monsieur le juge ?

Nolan lui faisait un signe discret pour qu'il se rassit mais le juge lui accorda.

- Allez-y.

Jay se leva et alla se positionner d'une telle façon que tout le monde pouvait le voir.

- Je ne sais pas trop ce qu'il faut que je dise pour que je paraisse pas comme quelqu'un qui a un trou dans le cerveau, là où devrait être mon empathie. Je ne connais pas les manières pour parler qu'on apprend en droit, comment manipuler vos pensées avec des phrases trop longues mais.. Je vais juste vous dire ce qu'il faut que vous sachiez sur moi, avant de pouvoir me juger. Mon père... était la pire personne que j'ai pu rencontrer sur cette terre, et j'ai été torturé par des terroristes. Il a tué ma mère quand j'avais 12 ans, devant mes propres yeux, de sang-froid, maquillé ça dans un petit accident et pourtant il a réussi à s'en sortir... Avec mon frère on est passé de familles d'accueil en famille d'accueil, avant de rejoindre l'armée, mais même là, il a réussi à nous détruire en nous envoyant au Yémen. Toute ma vie, depuis le début, je l'ai vu essayer de me détruire, il est passé par beaucoup trop de voies différentes pour me casser. Je peux vous affirmer qu'il y avait bien un moment que je croyais qu'il avait réussi. Quand je me suis retrouvé dans le désert en face de lui, après qu'il avait avoué pourquoi il avait tué autant de gens... Il ne s'était plus attaqué qu'à moi. Vous voyez, il avait beau me faire tout ça...

Fit Jay en indiquant toutes les petites marques sur son visage, ainsi que la plus grande qui traversait sa nouvelle clavicule après avoir légèrement dégagé son col.

- Et j'aurai pu laisser couler, mais il n'avait pas eu le droit de continuer à s'en prendre à mon pays. J'ai fait ce que j'avais cru bon pour la seule chose qui était encore importante à mes yeux... Si je revivais ce moment et que le choix se reposait devant moi... Je le referai. Ce n'était pas personnel et ça ne le sera jamais, peu importe ce que vous pourrez croire. Tout ce que je vous demande... C'est que vous preniez la meilleure décision pour ce pays, quitte à ce que ça veut dire que je retourne en prison.

Jay regarda le juge pour lui dire qu'il avait finit et revint s'asseoir sur sa chaise, à côté de Nolan qui regarda désespérément le sang qui coulait de son doigt qu'il venait nerveusement de mordre. Le juge soupira et frappa la table avec son marteau.

- Je laisse 2 heures au Jury de venir à bout d'une décision. L'audience est levée.

La vidéo conférence s'éteint et Nolan se tourna vers Jay qui regardait le sol d'un œil vide.

- Jay, avant que les choses viennent à leur terme, je voulais te dire que dans n'importe quel cas, je serai toujours là pour venir en aide, du mieux que je peux.

- Je sais, Nolan, je sais.

Les deux heures passèrent d'une lenteur extrême mais, ils passèrent. Jay avait les poignets posées sur la table et regarda ses cicatrices commençaient à gonfler, sous la pression artérielle, étant donné qu'elles étaient trop proches de ses veines et artères. Il se souvint de chaque chose que Nate lui avait fait subir, de chaque coup qu'il s'était pris, de chaque agression verbale qu'il avait du entendre à chaque fois qu'ils eurent une confrontation. Mais il se souvint aussi de la douceur de sa mère, des fois où ils se promenaient tout les trois dans les campagnes qui avoisinaient Amarillo avec Shayne et de toutes les bonnes choses qu'elle lui avait apprise. Elle lui avait appris à aimer, elle lui avait appris à cerner le bon chez les gens, la chose qui l'avait tué c'était de croire que tout le monde avait du bon en soi et qu'ils méritaient une seconde chance, elle aurait du partir bien avant la vingtième chance qu'elle avait accordé à Nate. L'audience reprit et l'écran fut rappelé, Nolan posa une main sur l'épaule de Jay et lui murmura tandis que le premier juré s'avança devant tout le monde avec la feuille du verdict entre les mains.

- Dans n'importe quel cas, tout va bien se passer.

- Je sais.

Jay vit l'homme commencer à parler et son cœur s'arrêta sous l'effet de la pression.

- Dans l'affaire qui incrimine le Capitaine Jimson Hope Carter dans le meurtre du Général Natenael Harisson Carter par ceci la trahison à notre pays, le Texas, je déclare au nom de tout les autres jurés l'accusé... Non coupable.

Le jeune homme respira à nouveau, les yeux écarquillés par le choc et vit un Marshall se rapprocher de lui avec ses barres argentées du capitanat.

- Capitaine, vous pouvez remettre vos enseignes.

Nolan frappa dans ses mains avec un immense sourire sur ses lèvres et le juge frappa à nouveau sur la table.

- Je déclare cette affaire classée... Qu'on puisse plus jamais en entendre parler à nouveau.

Pavel se rapprocha avec véhémence de Jay, l'indiquant d'un doigt menaçant.

- Fais attention, Jay... Tu ne vas pas pouvoir fuir de la justice éternellement, tu ne me trompes pas avec tes histoires de protection pour ton pays...

Sur ce il s'en alla et Nolan frappa dans le dos du jeune officier qui venait de se faire innocenter.

- Ne l'écoute pas et remets moi ça, tu peux être fier de toi, Jay.

Il baissa les yeux vers ses plaques argentées pendant que toute la pièce était en train de s'évacuer et le remercia en lui serrant la main.