̶   Maman, ça va... répéta Tom. Je suis dans le bus. J'arrive dans dix minutes.

̶   D'accord, soupira sa mère à l'autre bout du fil. Mais la prochaine fois, demandes à Delmes de te ramener.

̶   Il était en train de partir, lui expliqua Tom. Il m'est rentré dedans à la sortie du lycée, pour te dire à quel point il était pressé : il est parti avec tout un groupe de flic, alors je n'ai pas osé déranger les autres.

̶   Je vois... Fais bien attention, mon cœur. Appelle-moi dès que tu es rentré.

̶   Dès que j'ai verrouillé la porte d'entrée derrière moi. Promis, maman. Au fait : c'est toi qui as rangé les clefs du coffre à fusil?

̶   ... Oui...? Oh ! Je vois... comprit sa mère. Je vais les changer de place pour qu'on y ait accès tous les deux. Je m'en occupe dès ce soir.

̶   Merci, maman.

̶   Ne me remercie pas. J'aimerais tant pouvoir te protéger moi-même de tout ce qui se passe en ce moment, tu sais...

Le téléphone de Tom vibra. Un sms. Il décolla son oreille de l'appareil pour regarder qui en était l'auteur. Le numéro crypté. « J'ai à te parler, Tom. Raccroche. ».

̶   Maman...? Il... Il faut que je te laisse, abrégea-t-il. Je te rappelle plus tard.

Il raccrocha. Comment...comment ce fou furieux savait ce qu'il était en train de faire ?! Tom se redressa discrètement et observa les autres passagers du bus : tout au fond, un groupe de racailles ratées écoutaient du rap en riant bêtement ; juste derrière le jeune homme, une fille écoutait de la musique en regardant défiler pensivement l'horizon ; à sa gauche, un type qu'il croisait de temps à autre au lycée fixait le paquet de biscuit qui dépassait de son sac avec insistance. Et c'était sans compter sur les quelques lycéens silencieux éparpillés dans le bus et le duo de vieilles dames qui comméraient à l'avant. Le MJ était-il parmi eux ? Tom avait du mal à y croire. Sûrement ce grand malade avait-il trouvé un autre moyen de le fliquer.

« Tom ? », s'impatienta-t-il.

̶   Qu'est-ce que vous voulez ?

̶   Du calme, Tom ! Je ne vais pas te manger ! Pas pour l'instant !

̶   Alors que voulez-vous me dire ?

̶   Je t'ai beaucoup observé ces derniers jours, Tom, et je me devais de te dire que tes actions m'ont beaucoup, beaucoup plu. Déjà, pour le sweat... Je te dis bravo. C'était un joli coup. Et quant à ton alliance avec Algorn, je suis heureux de voir que tu te prends au jeu. Bravo !

̶   Et alors ? Ce n'est pas ce que vous attendez de tous les joueurs ?

̶   Si, bien sûr... Mais les autres ne sont pas aussi courageux. Ils m'ennuient. Mais toi, en revanche... Tu es plus intéressant. Et c'est pour cela que j'aimerais te faire un cadeau. Enfin, deux, pour être plus précis.

Le petit téléphone d'urgence de Tom sonna. Un nouveau sms de celui qui l'avait harcelé la nuit dernière venait d'apparaître.

« N'acceptes pas son offre ».

Il l'ignora, exactement comme il l'avait fait la veille. Rien ne lui disait qu'il pouvait lui faire confiance. Il n'avait de toute façon pas le temps de s'occuper de ce nouvel inconnu au numéro masqué.

̶   Quels cadeaux ? demanda Tom au MJ.

̶   Premièrement, regarde dans la poche de ta veste.

Tom s'exécuta. Il n'y rangeait rien d'habitude, trop tête en l'air pour penser à récupérer ce qu'il pouvait y mettre mais, contre toute attente, un objet rencontra ses doigts. Il le tira hors de sa poche et le fit tourner dans sa paume : c'était un espèce de pendentif circulaire en métal, gravé de belles arabesques à moitié effacées par le temps, rattaché au bout d'une seule et unique chaîne argentée. En apercevant le petit mécanisme qui permettait d'ouvrir l'objet, Tom comprit qu'il s'agissait d'une vieille montre à gousset ; cependant, il fut incapable de l'ouvrir.

̶   Qu'est-ce que c'est ?

̶   Une chance de te défendre.

̶   Comment ça ? Face à quoi ? À qui ?

̶   Tu le sauras quand tu y seras.

Tom aurait pu se demander comment le MJ s'y était prit pour lui donner cet objet mais pour l'instant, en décrypter l'utilité lui paraissait plus urgent. Malheureusement, ce malade n'avait pas l'air de vouloir l'éclairer. Le joueur espérait juste qu'il ne s'agissait pas d'un cadeau empoisonné.

̶   Et le deuxième cadeau ? continua-t-il.

̶   Tu le verras en ouvrant le site du jeu.

̶   Comment ça ?

Pas de réponse. Tom savait très bien qu'il n'en aurait pas avant de vérifier par lui même.

Le trajet fut long. Une fois sortit du bus, il courut de son arrêt jusqu'à chez lui. Il ne prit même pas le temps de verrouiller la porte derrière lui, ni d'appeler sa mère pour la rassurer : il se précipita juste devant son ordinateur et se connecta à NewThiercelieux.fr. Le MJ avait parfaitement su piquer sa curiosité.

Les votes pour le lynchage avaient pris fin et le nom du lynché avait été dévoilé. Tom était un peu en retard, alors le résultat s'afficha immédiatement sur son écran.

Algorn. Villageois.

L'impatience de Tom se mua en tristesse, puis en culpabilité, pour enfin se transformer en un vif sentiment d'injustice. Un cadeau ?! Son seul allié venait de se faire tuer et ce connard de MJ appelait ça un cadeau ?! Quel genre de pervers pouvait prétendre une telle chose ? Mais qui était ce putain de dégénéré ?!

Son téléphone de secours vibra. Le fameux numéro masqué lui avait renvoyé un énième message.

« Je t'avais dit de ne pas accepter son offre. »