* Chapitre 4 *
La police était de partout. Devant les maisons. Dans la rue. Dans le bus. Au lycée. Surtout au lycée. Il y avait presque plus de défenseurs de l'ordre qu'il y avait d'élèves. Tom était allé en cours pour voir ses amis et penser à autre chose qu'aux drames du week-end...mais ils le poursuivaient sans relâche. Partout où il posait le regard, le visage des disparus lui revenaient en mémoire. Les flics. Les journalistes. La cellule psychologique. Tout lui rappelait qu'un psychopathe avait choisit leur commune comme terrain de jeu. C'en était trop.
̶ C'est toi le fameux Tom ? lui avait demandé le policier qui avait vérifié son carnet de correspondance à la sortie du lycée.
̶ Oui, avait simplement répondu le jeune homme.
̶ Tu as encore cours jusqu'à midi.
̶ Je me sens pas bien. J'ai besoin de rentrer chez moi.
Le policier s'adoucit et prit un air concilient.
̶ Je comprends. Attends un instant.
L'homme se retourna et fit un signe à l'un de ses collègues. Ce dernier parut reconnaître le visage de Tom et disparu à l'intérieur du lycée ; il revint quelques minutes plus tard, un homme au brassard fluorescent sur les talons.
̶ Bonjour, je suis l'Inspecteur Delmes, se présenta-t-il à Tom. Tu veux rentrer chez toi, c'est bien ça ?
̶ Oui.
̶ Je vais te raccompagner.
Il fit sortir Tom du lycée et le guida vers sa voiture, garée un peu plus loin sur le parking de la salle des fêtes. Il était silencieux, mais pas spécialement gêné : le silence de ceux qui ont l'habitude de gérer les gens angoissés. Il ouvrit la portière côté passager sans un mot et laissa Tom s'installer, puis alla prendre place au volant. Enfin il ouvrit la bouche et cette fois-ci, il avait bien l'air désolé :
̶ Tu as quitté les cours tôt. J'imagine que tu n'as pas bénéficié de la cellule psychologique ?
̶ À peine.
̶ Et tu n'as donc pas été averti ?
̶ De quoi ?
̶ Hum...
Delmes enclencha le contact et s'extirpa de sa place de parking avec adresse. La salle des fête avait disparu du rétroviseur lorsqu'il se décida enfin à répondre :
̶ Un élève de ton lycée est porté disparu.
Le cœur de Tom manqua un battement.
̶ Qui ça ? Demanda-t-il sur un ton qui se voulait neutre.
̶ Gaël. Gaël Tobin. Son nom te dit quelque chose ?
Tom se souvint d'un garçon pas plus grand que lui, ni plus épais, aux cheveux noirs et à la mauvaise habitude de rejeter, critiquer et rabaisser tout ce qui lui déplaisait. Ils ne se connaissaient pas beaucoup, pas plus que deux élèves qui se croisent à l'occasion dans la file de la cantine, mais Tom l'avait toujours imaginé comme un chic type. Un peu con et borné, certes, mais plutôt gentil.
̶ Oui. Je vois qui c'est.
̶ Tu le connaissais ?
̶ Pas vraiment.
̶ D'accord...
Le feu passa au rouge. Delmes freina brusquement, trahissant l'anxiété qu'il refusait de laisser transparaître sur son visage.
̶ Et... Quand a-t-il disparu ? l'interrogea Tom.
̶ Hier midi, rétorqua l'inspecteur. Sa mère l'a appelé pour le déjeuner mais il n'est jamais venu.
̶ Et sa famille ? s'étonna le jeune homme. Personne n'a rien vu ?
̶ Non.
Ce manque cruel de témoin avait l'air d'agacer Delmes. Le feu passa au vert et la voiture repartit en flèche, roulant à toute vitesse en direction de la forêt clairsemée qui longeait la ville. L'inspecteur resta muet pendant tout le reste du trajet et Tom, en mal de question, ne le relança pas. Ils arrivèrent devant le portail du jeune homme dans un dérapage nerveux avant que l'inspecteur s'adresse finalement à Tom d'un ton grave :
̶ Ces disparitions sont l'œuvre d'une seule personne, Tom. Fais très attention à ce que tu dis, fais ou entends, et surtout avec qui tu communiques. Il peut être n'importe où, même devant chez toi, alors fais bien attention.
Tom acquiesça et descendit de la voiture qui repartit aussi vite qu'elle était arrivée. Il la regarda s'éloigner en grinçant des dents, cherchant au fond de son sac la clef du portillon : ce court moment avec l'inspecteur ne l'avait franchement pas aidé à calmer ses peurs. Bien au contraire, les réactions de Delmes l'avaient inquiété. La police avait l'air perdue et ce taré de kidnappeur imprenable. Il n'y avait ni témoin, ni trace. De quoi rendre fou n'importe quel inspecteur et terroriser Tom encore un peu plus.
Même le grincement familier du portillon le faisait frémir. Sa propre maison le terrifiait. Il avait peur de se faire happer par un buisson à tout instant, enlever par un inconnu, ou bien égorger entre deux parterres de fleurs. D'ailleurs, Tom n'avait pas le souvenir que sa mère ait planté la moindre plante, encore moins les fleurs blanches et rouges clairsemées au milieu du jardin.
Il retira ses lunettes de repos et fixa le parterre. Non, ce n'étaient pas des fleurs : on aurait plutôt dit un morceau de tissu, probablement un vêtement arraché à une corde à linge voisine par le vent puis échoué ici. Tom s'en rapprocha.
Oui, il s'agissait bien d'un vêtement, un sweatshirt blanc et rouge. Non. Un sweatshirt blanc froissé, sale, lacéré, criblé de taches rouges, avec une inscription carmin sur le devant : lâche.
Tom fit un pas précipité en arrière. Son smartphone choisit cet instant pour vibrer au fond de sa poche : un numéro crypté venait de lui envoyer un message.
" Attention, Tom. Les tricheurs ont le même destin que les lâches... "
Tom courut dans sa chambre pour enfiler de vieux habits et prendre un briquet. Il trouva un râteau et un sécateur dans le garage puis alla chercher le gel allume feu qui traînait quelque part avec les produits ménagers de sa mère. Il ratissa les feuilles mortes, coupa les branches jaunies et nettoya tout le jardin pour rassembler les déchets autour du sweat ensanglanté. Puis il imbiba le tas d'alcool et le fit brûler. Les flammes du brasier se reflétaient dans les sillons humides qui traversaient les joues de Tom, sillons qu'il ne savait creusé par la sueur où les larmes de la culpabilité d'avoir détruit la preuve d'une affaire de meurtre. Seulement Tom n'avait pas le choix. Si la police trouvait ce sweat, on le soupçonnerait d'avoir agressé Gaël ; mais s'il disait tout ce qu'il savait à Delmes, il n'y survivrait pas.
Tout choix qu'il pouvait faire allait rattraper Tom. Tout choix qu'il aurait pu faire l'aurait détruit d'une façon ou d'une autre. Et ce choix là, il le sentait, n'était que le premier du jeu.
Son téléphone de secours se mit à sonner. Il se précipita dans sa maison et décrocha le petit téléphone portable de l'an - 500 que sa mère lui avait acheté au cas où il perdrait l'autre : Tom n'avait pas eu le temps de répondre au premier alors sa mère, inquiète, l'avait contacté sur celui-ci.
̶ Tom, j'ai... J'ai une mauvaise nouvelle... lui annonça-t-elle tristement.
̶ Je t'écoute.
̶ Je ne sais pas si Delmes t'a déjà appelé, mais... Ils ont retrouvé Gaël.
̶ Quoi ?! Où ça ? Quand ? Comment va-t-il ?
̶ Il est mort, mon cœur. Il a été assassiné.
Tom ne dit rien. Le monde tournait autour de lui. Peut-être était-ce la fumée qui lui montait à la tête. Le brusque effort qu'il avait déployé pour détruire le sweat. Le stress de la situation. Ou bien le choc de voir tous ses espoirs brisés en un seul coup de fil. Bien sûr que Gaël était mort, Tom aurait du s'y résoudre en voyant l'état du sweat. Ceux qui s'étaient faits enlevés n'avaient aucune chance. Une mort dans le jeu engendrait une disparition dans la vie réelle. Le MJ avait été clair.
̶ Mon cœur ?! s'affola sa mère. Tom ! Tu es là ?
̶ Oui, oui maman... Oui... Je...je suis là... Je... Désolé. J'ai...du mal.
̶ Je sais, mon ange. Je vais essayer de rentrer du travail plus tôt ce soir. D'accord ?
̶ D'accord. À ce soir.
Il raccrocha. Il resta saisit un moment, debout au milieu de sa cuisine, lorsque le clignotement de son smartphone attira son attention. Il avait reçu un nouveau message :
« Bien rattrapé, Tom. Rendez-vous ce soir pour la prochaine Nuit de jeu.»
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