* Chapitre 25 *


 Jade prit une grosse bouchée de sandwich au jambon et mâcha longuement.

̶   ... Dans le vestiaire ? proposa-t-elle. Peut-être qu'elle a réussi à s'enfuir et s'est cachée là-bas. Du moins, pour un temps...

Tom haussa les épaules.

̶   Je n'y suis pas allé. Je voulais rester discret.

Jade fronça les sourcils. La disparition de Syrinailla ne l'enchantait pas plus que Tom... D'ailleurs, elle y réfléchissait depuis son réveil, soit une heure ou deux après que le jeune homme soit revenu de sa petite escapade ; elle avait à peine ouvert les yeux sur la nourriture qu'il avait ramené qu'elle l'avait pressé de s'expliquer. Ce qu'il avait fait : il lui avait tout raconté en détail, de la disparition du Loup à sa visite du dortoir, en passant par le manque inquiétant d'activité humaine. Le seul épisode qu'il avait délibérément omis était celui du coffre, histoire qu'il préférait clairement garder entre le MJ et lui.

Jade jeta les restes de son sandwich en soupirant. Elle-même ne croyait pas à ses propres hypothèses. Syrinailla était probablement morte à l'heure qu'il était, tuée par Loïs ou emportée par le Meneur. La jeune fille se blottit dans sa couverture. Manger lui avait redonné des couleurs, cependant l'angoisse ternissait toujours son visage.

̶   Et pour le code ? reprit-elle en se tournant vers son compagnon. Du nouveau ?

Il secoua la tête.

̶   Rien.

Elle se mordit la lèvre en balayant les commandes du regard. Ils avaient encore beaucoup à faire avant de pouvoir sortir d'ici, mais elle n'avait pas l'air de vouloir se laisser aller au désespoir. Tom la vit se redresser d'un seul coup et lancer sa couverture à l'autre bout de la pièce : il l'imita dans un mouvement de surprise mais il resta figé lorsqu'elle se dirigea à grands pas vers la porte de sortie.

̶   Tu...tu vas où... ? l'interrogea-t-il.

̶   Chercher ce foutu code.

̶   Sans réfléchir à ce qu'on pourrait faire une fois dehors ? Tu n'as même pas d'arme pour te défendre... Et puis, tu es épuisée !

Jade sourit. Ce n'était qu'un faible retroussement de lèvres, mais ce fut suffisant pour clouer Tom sur place. Il l'observa pencher la tête les bras ballant, hypnotisé, incapable de développer la moindre réplique.

̶   Tu devrais faire gaffe ! s'exclama-t-elle. Je vais vraiment finir par croire que tu t'inquiètes plus pour moi que pour toi...!

Elle fit glisser la carte que son compagnon lui avait confié sur la poignée et déverrouilla la porte. La lumière passa au vert et elle poussa le battant, invitant la garçon à passer devant elle.

Tout était calme : soit le duo était chanceux, soit il se tramait quelque chose entre les autres joueurs. Tom penchait plutôt pour la deuxième option...d'autant plus qu'il n'avait croisé personne depuis la disparition de Syrinailla. Les autres étaient-ils au moins au courant de ça ? Y avaient-ils participé ? Les pensées de Tom se résumaient à un beau fouillis de points d'interrogation qui grossissait au fil de ses découvertes. Si les autres n'étaient pas au courant, que faisaient-ils ? Était-ce à cause de Loïs ? Avait-il passé sa colère sur les autres joueurs ? Peut-être était-il en train de les interroger dans l'espoir de trouver le dernier Loup... Quant à Tom, comment réussirait-il à se débarrasser de son pendentif ? Au final, préférait-il se présenter aux yeux de Jade comme un Loup ou bien comme un menteur ? Cette dernière question le força à stopper sa progression. Il se figea devant le casier qu'il était en train de fouiller et se mura dans une intense réflexion.

Oui, Tom était un Loup, mais il n'en était pas fier. Il n'avait jamais souhaité faire disparaître qui que ce soit et n'avait voté que par nécessité. Il n'était pas mauvais, il était juste l'une des innombrables victimes du Meneur. Mais s'il trouvait le moyen de se débarrasser de son collier et de faire semblant de tomber dessus par un coup d'éclat du destin, sa crédibilité risquait d'en prendre un coup...

̶   Tom... ?

La voix de Jade le tira de sa réflexion. Il avait pris sa décision. Tant pis si sa camarade prenait peur : de toute façon, aucun des choix de Tom ne pouvait mener à une réaction neutre. Elle lui en aurait voulu quoi qu'il fasse. Le joueur soupira. Il sortit le pendentif de son tee-shirt et le serra dans son poing à s'en faire blanchir ses phalanges.

̶   Jade. Je d...

̶   Tom.

Son ton était sévère et teinté d'effroi. Le garçon eut un instant d'hésitation : venait-elle de comprendre ce qu'il allait lui dire ? Peut-être s'attendait-elle à une révélation désagréable... Il déglutit. Il savait que ce qui allait suivre allait lui déplaire. Il savait qu'il allait le regretter.

Il fit volte face, décidé à se livrer quelles que soient les conséquences.

Les remords laissèrent place à l'horreur en une fraction de seconde. Il toisa la joueuse avec stupéfaction et lâcha son pendentif pour lever les mains en signe de paix.

̶   Lâchez cette arme, ordonna-t-il d'une voix tremblante.

Le visage de Syrinailla se fendit d'un curieux sourire.

̶   Hors de question.

Elle faisait tournoyer son pied de chaise un peu trop prêt de la tête de Jade. Cette dernière était clouée sur place, les bras en l'air, le visage entièrement crispé. Le regard qu'elle lançait à Tom le mettait particulièrement mal à l'aise, encore plus que l'expression indescriptible de son agresseure.

̶   Qu'est-ce que vous voulez ? l'interrogea Tom.

Le sourire de la demoiselle disparut brusquement.

̶   Vivre, répondit-elle d'une voix rude.

̶   ... Comment ça ?

̶   La règle est très simple. J'attrape le dernier Loup, je reste en vie.

̶   ... Et ? rétorqua Tom d'une voix tremblante.

La dame aux cheveux roses lorgna son pendentif avec insistance, le regard emplis d'une détermination des plus effrayantes.

̶   Le dernier Loup, c'est toi.

Ce n'était plus la peine de contester, ni de se défendre. Tom baissa le regard pour ne pas croiser celui de Jade. Il avait honte. Il ne se sentait même pas digne d'éviter le coup que le nouveau venu, s'étant discrètement approché de lui par derrière, lui réservait. Il laissa la matraque lui fracasser l'arrière de la tête sans le moindre cri et s'écroula pitoyablement par terre. Puis le bout d'une chaussure lui défonça les côtes, l'envoyant définitivement vers l'inconscience, et la douleur s'évanouit en même temps que la lumière.

Mais les regrets, eux, n'avaient pas fini de le torturer.

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