* Chapitre 24 *

 Le code était juste là. Il leur suffisait de voler les colliers, trouver la bonne combinaison et s'enfuir. Seulement Tom était le seul à le savoir.

La plaque numérotée qui pendait autour de son cou obnubilait ses pensées. Il savait qu'il avait le pouvoir de les faire sortir, Jade et lui, là, maintenant, tout de suite, mais...cela revenait à se montrer sous son véritable jour. Tom n'était pas sûr que ceci plaise à sa camarade. Il ne voulait pas perdre sa confiance. Il ne voulait pas la perdre à cause de ce foutu hasard qui avait fait de lui un monstre.

C. 5. 2. C'est ce que Jade avait retenu des trois pendentifs trouvés par Loïs. Elle avait ensuite jugé plus sage de retourner au tableau de commande pour prendre le temps d'analyser cette découverte. Tom n'avait rien trouvé à y redire et l'avait simplement suivi jusqu'à la table ronde laissée près du fameux tableau : ils s'étaient assis face à face, en silence, et depuis lors réfléchissaient. Tom observait distraitement sa camarade se débattre avec ce nouveau problème, les yeux creusés par la fatigue :

̶   Il reste un chiffre... marmonnait-t-elle, le front dans les mains. Soit. On pourra toujours y aller à tâtons, là n'est pas le problème. Mais pour l'ordre du code...

Elle croisa ses bras sur la table et y enfouit le visage.

̶   L'ordre d'arrivée. L'ordre correct du code doit correspondre à l'ordre d'arrivée des Loups. Forcément... Un truc comme ça...

Elle continua à maugréer ainsi quelques instants, jusqu'à ce que ses mots deviennent presque inaudibles.

̶   Syrinailla était la première, argua Tom après avoir abandonné sa propre réflexion.

̶   ... Hum.

̶   Ensuite, il y a eut le gars à la peau mate. Je ne connais même pas son pseudo.

Tom laissa flotter un court silence de réflexion.

̶   ... Et puis il y a eut le gars qu'on voulait sauver, conclu-t-il. Je ne me souviens pas beaucoup de lui non plus.

Jade le laissait parler sans rien dire, alors il embraya :

̶   Les autres joueurs doivent forcément savoir quelque chose. Il faudrait les espionner, ou alors les pousser à en parler d'une façon ou d'une autre...

Sa question resta en suspend. Il s'attendait à ce que Jade propose quelque chose ou, tout du moins, lui rétorque que son idée était stupide et dangereuse... Mais elle resta muette.

̶   ... Jade ?

Son camarade se rapprocha d'elle. Sa respiration, lente et régulière, était devenue étrangement profonde. Son visage disparaissait sous ses cheveux mais Tom pouvait voir à travers quelques mèches claires que ses paupières étaient closes. Elle dormait.

Le jeune homme l'admira quelques instants. L'idée d'aller réquisitionner le matelas d'une couchette lui traversa l'esprit, puis il réalisa que ce ne serait franchement pas discret. Le vague souvenir d'avoir entendu Algorn parler d'un dortoir ressurgit : il pouvait au moins lui ramener une couverture. De toute façon, personne ne pouvait entrer sans la carte magnétique de Tom ; Jade serait en sécurité ici, au moins jusqu'à ce qu'il revienne.

Tom quitta silencieusement la salle des commandes et arpenta les couloirs décrépits du bâtiment. Il n'y avait pas l'air d'avoir grand monde. C'était même à croire que le commissariat était complètement désert. Il se demandait bien où étaient passés les autres... Probablement cachés dans un endroit qu'il n'avait pas encore exploré. Le joueur en profita pour se dépêcher. Il n'avait pas forcément envie de tomber sur eux alors qu'il était en train de voler leurs affaires.

Mais Tom préféra marquer un temps d'arrêt devant la salle des cellules. Il jeta un furtif coup d'œil par la vitre qui trouait le haut de la porte : personne. Tom fut soudain envahit d'un sentiment de curiosité. Et Syrinailla ? Comment allait-elle ? Loïs l'avait-il encore violenté ? Ou peut-être avait-il décidé d'enfermer quelqu'un d'autre à ses côtés ? L'adolescent ouvrit la porte sans un bruit et s'avança prudemment, rasant les cellules jusqu'à celle de la dame aux cheveux roses.

Elle était vide. Quelques taches de sangs persistaient sur l'oreiller où avait dormit la jeune femme, seule et unique trace de son passage. L'angoisse gagna rapidement Tom. Il s'avança vers la dernière cellule et tenta d'en apercevoir le fond : rien. Juste une subtile odeur de tabac froid mélangée à celle de la moisissure. Syrinailla avait disparu et Tom craignait de songer à ce qui lui était arrivé.

Il se détourna et bloqua devant la cellule attenante : les trois colliers de Loïs n'avaient pas bougé, toujours accrochés à leur vieux présentoir. Tom serra son propre pendentif à travers son gilet. Il hésita un instant à le laisser avec les autres, ni vu ni connu, en espérant que ceci calme le jeu... Mais Loïs ne serait pas de cet avis. Alors Tom abandonna son idée et se détourna. Il devait avant toute chose réfléchir à ce qu'il allait faire de ce collier. Mais pas maintenant. Il avait plus important à faire.

Algorn n'avait pas mentit : non loin de là, une petite porte s'ouvrait sur une salle entièrement réaménagée en dortoir. Il devait y avoir quatre lits en hauteur, soit huit couchettes, entre lesquels traînaient divers affaires que Tom enjamba soigneusement. Il attrapa une couverture abandonnée sur un lit en hauteur et se dépêcha de repartir, sauf que son pied attrapa malencontreusement la hanse d'un sac : une barre chocolatée s'en échappa, suivie d'un demi sandwich délaissé au fond de son emballage. De la nourriture ! Maintenant qu'il y pensait, le jeune homme n'avait plus rien avalé depuis longtemps. Ce devait aussi être le cas de Jade... Alors il s'octroya quelques minutes de plus pour fouiller les sacs, à la recherche de quelque chose à grignoter.

À quatre pattes sur le sol, Tom inspectait chaque recoin de la pièce. Il avait déjà rassemblé deux sandwichs et une petite pizza ronde, mais il aurait bien voulu trouver un peu de sucre... Il passait la main sous les lits en espérant y trouver des affaires cachées, un peu comme la sac où il venait de débusquer une grande bouteille d'eau plate.

Sa main se heurta à un objet métallique. Tom pesta, d'abord de douleur mais ensuite de surprise en entendant le bruit qu'il venait de produire : l'écho du choc perdura de longues secondes dans le tas de ferraille, plutôt important à en croire le son qu'il renvoya. Le joueur inspecta le dessous du lit à tâtons puis, après avoir appréhendé les formes de l'objet, le tira vers lui.

C'était un gros coffre en métal qui lui rappelait celui où étaient rangés les fusils de son grand père. Mais contrairement à ce dernier, le coffre que Tom venait de débusquer était neuf... Enfin, il suffisait juste d'oublier les grosses bosses et impacts dont il était recouvert. On avait apparemment tenté de l'ouvrir de force. L'adolescent se pencha pour inspecter la serrure : bien que déformée, elle ressemblait beaucoup à celle qui refermait son coffre familial. Un peu comme s'il s'agissait d'une reproduction.... Une reproduction à l'intention d'une personne très précise dont le nom était inscrit en grosses lettres sur le devant de la boîte.

TOM.

Il resta prostré devant le coffre un long moment. Il pouvait presque sentir le regard lourd du MJ toiser sa silhouette sur ses écrans de surveillance. Il le harcelait. Encore. Et il ne s'arrêterait pas. Alors Tom joua. Il s'empara de sa clef et ouvrit le coffre. L'objet qui s'y trouvait était plus que prévisible : le Loup s'en empara et le glissa dans la poche de son jean avant de refermer le coffre. Il se releva et tourna vers les caméras de surveillance un regard totalement neutre, puis il se détourna et quitta la pièce.

Tom fit le chemin du retours sans croiser personne. Tant mieux. Il sentait une espèce de fureur s'emparer lentement de lui, mêlée à un calme froid qui l'effrayait lui-même. Il commençait à perdre patiente. À devenir fou. Il était épuisé. Il n'était pas sûr de supporter encore très longtemps ce putain de jeu. Il fallait trouver un moyen de se barrer d'ici en vitesse, avant qu'il ne pète définitivement les plombs et devienne incontrôlable.

Il fit glisser la carte magnétique d'un geste automatique. Bip. La dernière porte s'ouvrit enfin sur la salle de contrôle. Il la laissa se refermer en douceur pendant qu'il s'approchait de Jade : elle n'avait pas bougé d'un pouce, profondément assoupie.

Le calme de son sommeil apaisa petite à petit l'angoisse de son camarade. Il posa délicatement la couverture qu'il venait de récupérer sur ses épaules : elle bougea légèrement la tête et murmura quelque chose avant de se rendormir, disparaissant dans sa nouvelle couverture. Tom sourit. La noirceur qui avait commencé à l'envahir s'évanouit aussitôt. Il se risqua à écarter une mèche du visage de Jade pour admirer ses paupières closes et ses traits détendus. Oui, Tom voulait partir d'ici le plus vite possible. Non pas pour lui, mais pour elle.

De l'autre côté de la serrure électronique, dans la double pièce vitrée, une porte claqua. Syrinailla ne voyait devant elle qu'un piètre miroir mais elle savait ce qui se trouvait de l'autre côté. Loïs avait été clair : si elle trouvait le dernier Loup, elle aurait peut-être une chance de s'en sortir vivante. Or, elle venait de voir ce type traîner dans les cellules et lorgner les pendentifs des Loups. D'où sortait-il ? Pas la moindre idée. C'était sans aucun doute une ruse du MJ pour rendre le jeu plus complexe. Mais Syrinailla connaissait son rôle. Elle savait qu'il avait le même pendentif qu'elle. C'était certain. C'était même obligé.

La jeune femme laissa échapper un sourire. La chasse pouvait commencer.

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