* Chapitre 20 *
La porte claqua derrière Keyros et Tom. À leur gauche, une ouverture murée condamnait le passage et à droite, un long couloir partait en virage vers une destination inconnue.
̶ Tu sais où nous sommes ? l'interrogea Keyros.
̶ Pas pour l'instant...
La jeune fille soupira en silence et entreprit de suivre le couloir. Elle avait l'air de savoir quoi faire et de s'accrocher à l'objectif qu'elle s'était donné... Mais Tom savait que son idée était vaine. Aller aux archives, oui, mais encore fallait-il que le MJ l'accepte : il avait probablement entendu leur stratégie et s'apprêtait à leur mettre des bâtons dans les roues. Tom n'était pas confiant. Tout était trop calme, trop simple, trop...gentil. Il fallait s'attendre au pire, et même plus encore.
Le couloir n'était, au final, pas si long que ça : il se terminait à quelques pas du virage, pour ne pas dire deux, sur une porte blindée semblable à celles qu'ils venaient de franchir. Elle était estampillée E140 et, contrairement aux autres, ne possédait pas de boîtier pour carte magnétique.
̶ J'ouvre ? demanda le jeune homme.
Keyros lâcha la poignée d'une porte voisine visiblement verrouillée.
̶ J'imagine qu'on a pas d'autre issue...
Une diode verte brillait au dessus du battant, signifiant qu'il était ouvert. Tom le tira avec douceur.
Il fit un bond en arrière, manquant percuter Keyros au passage. Il déglutit. Impossible de traverser la pièce. Le sol était recouvert de pièges. Des pièges à loup.
̶ ... Sans déconner...! souffla sa camarade en faisant les gros yeux. Le MJ perd en originalité et en subtilité, à ce que je vois...
Son ton sarcastique se heurta à l'angoisse de Tom. Keyros avait tors. Le MJ ne s'essoufflait pas : il jouait avec la peur de sa proie. L'adolescent avait parfaitement saisit le message : oses avancer, Tom, lui disait là le MJ, et voyons si tu survivras...
̶ Tom, j'ai trouvé !
La voix enjouée de Keyros le tira de sa réflexion. Elle levait les yeux au dessus de la porte et faisait signe à son camarade d'en faire de même. En effet, sa trouvaille était prometteuse : une bouche d'aération bien large, tout comme dans les films d'action...et les jeux vidéos d'horreur. Une petite voix dans la tête de Tom lui hurlait que ce n'était pas une bonne idée. Ils étaient dans la réalité, pas dans une fiction où le héro fuyait à travers les conduits. Ça ne marchait pas comme ça, ici.
̶ Prends moi sur tes épaules, ordonna Keyros.
̶ Hors de question, s'opposa Tom.
̶ Pourquoi ?
̶ Parce que c'est dangereux, bordel ! Ce bâtiment tombe en ruine, je n'ai pas envie de te laisser ramper dans un conduit qui peut s'écrouler à tout moment au milieux d'une pièce remplie de pièges à loup !
̶ Alors j'imagine que tu as une meilleure idée ?
̶ Il y en a forcément une...
̶ Tom, se répéta Keyros, prends-moi sur tes épaules !
̶ On ne sais même pas où mène ce conduit ! protesta le réfractaire. Et puis, réussiras-tu à y remonter une fois en bas ? Tu seras toute seule, je ne pourrais pas...
̶ Tom...
Il était affreusement inquiet. Il n'avait aucune envie de laisser Keyros emprunter ce conduit et pourtant...en avait-il vraiment le choix ? Il soupira. C'était leur seule chance de trouver une issue. Alors il se baissa et laissa son alliée lui grimper sur les épaules en serrant les dents.
À l'instant où elle disparut dans le conduit, le temps parut s'allonger. Anxieux, Tom contempla l'autre côté de la salle : le mur du fond était percé de nombreuses vitres, ce qui laissait entrevoir la pièce qui se profilait au delà des pièges. Elles était double, à peine plus meublée que celles que Tom et Keyros avaient pu explorer jusque là, séparée en deux par une porte blindée prénommée E138. Elle était déverrouillée, en témoignait la lumière verte qui couronnait le battant. Peut-être était-ce la première des portes qui les guideraient vers la sortie, en fin de compte...
La silhouette de Keyros tomba sur l'un des rares meubles de la pièce de droite. La jeune fille se débarrassa des toiles d'araignées collées à ses cheveux tout en balayant la pièce du regard, visiblement désorientée ; puis ses yeux rencontrèrent ceux de Tom, resté prostré devant la porte de la salle piégée. Elle lui fit un sourire rassurant et commença son inspection : le jeune homme aurait voulu le lui rendre, vraiment, mais l'inquiétude le tétanisait.
Soudain, la porte de la pièce de gauche s'ouvrit en trombe. Une fille aux cheveux roses se précipita à l'intérieur et se jeta contre le battant, un pied de chaise à la main. Elle n'avait pas reprit son souffle que la porte se mit à trembler furieusement, pas loin de céder : aucun doute qu'un assaillant se trouvait de l'autre côté.
Tom aurait pu bondir, se cacher, crier, mais la surprise le clouait sur place. Des gens...?! Keyros et lui n'étaient donc pas seuls ? La force que tentait de contenir la fille fit sauter la poignée de la porte : elle se retrouva propulsée au milieux de la pièce, un nouveau personnage sur les talons. Il avait une matraque de policier et ne semblait pas franchement amical. La fille rampa lentement jusqu'à la porte blindée ; la lumière était toujours verte. Et Keyros, toujours en train de farfouiller, n'avait rien entendu.
Il fallait que Tom réagisse. Allez ! Une idée, même une conne ! N'importe quoi ! Vite, Tom ! Bouges toi le cul ! La fille aux cheveux roses leva les mains en signe de paix et sembla bégayer quelque chose. Après l'avoir écouté en penchant la tête, son agresseur se mit à rire : il leva sa matraque puis continua d'avancer vers la fille et, malheureusement, la porte E138. E138... E138...
Tom détalla dans la direction inverse. Il passa sa carte devant le boîtier en pestant puis traversa la salle vitrée, pour enfin recommencer sur la seconde porte.
̶ Allez, grouilles !!
Il déboula dans la grande salle meublée et se jeta sur le panneau de commande.
̶ E138... E138...
Des dizaines de petits leviers se mélangeaient sous ses yeux. Celui qu'il cherchait devait bien être quelque part ! Ce foutu tableau de commande allait bien leur servir à quelque chose, à la fin ! Là ! Un levier du nom de E. Tom l'abaissa et chercha les suivants. Levier 1, puis 3, et enfin 8... La lettre et les chiffres désignés apparaissaient un à un sur l'écran d'ordinateur le plus proche : une fois complet, le code E138 clignota en vert et tous les leviers se redressèrent en même temps. Est-ce que c'était suffisant ? Pas le temps de se poser la question. Tom cavala à travers les portes blindées en jurant, priant pour que Keyros soit saine et sauve.
̶ Putain, Tom, mais où t'étais passé ?! l'accueillit-t-elle à l'entrée de la salle piégée. Ça va pas de te casser comme ça ? Tu m'as fait flipper !
Elle avait trouvé un chemin jusqu'à la porte voisine et l'avait déverrouillée. Elle attendait Tom les bras croisés, l'air sévère et particulièrement inquiète. Aucun doute qu'elle l'aurait giflé si elle ne tremblait pas d'angoisse : il ne l'avait jamais vu dans un tel état d'affolement, ni de colère...
Tom eut alors la furieuse envie de la serrer dans ses bras, mais il se défila au dernier moment et se contenta de la prendre par les épaules. Il pouvait enfin respirer. Elle allait bien.
̶ ... Euh... Est-ce que ça va ? s'inquiéta un peu plus Keyros. On dirait que tu vas faire un malaise... Tu devrais t'asseoir...
̶ Non, non, moi ça va... Et toi ?
̶ Oh, ça irait beaucoup mieux si tu ne m'avais pas laissé en plan ! Mais qu'est-ce qui t'a pris, nom de Dieu ?
̶ Et bien... Je...
Il tourna la tête en direction de la porte E138 : sa lumière avait tourné au rouge. Quand aux deux étrangers, ils avaient disparu.
̶ Keyros. On n'est pas seuls.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top